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LES PRATIQUES D’ENSEIGNEMENT

I- 4- L’effet-maître

Les travaux portant sur l’effet-maître se sont appuyés sur le paradigme « processus-produits » (Cf. Paragraphe II-1). Mingat (1996, p. 81) avance que peuvent être expliqués, à partir d’études longitudinales, « entre 50% et 70% de la variance dans le temps » relative aux progrès des élèves. Ainsi sur 70% de la variance expliquée, 50% dépendent des « capacités propres de l’élève » dont 5% seulement « de ses caractéristiques sociales ». Sur les 20%

restant, 15% résultent de l’effet-maître et 5% de la logistique de classe. Il estime donc que l’on « peut œuvrer sur les 20% qui relèvent de l’école ». En outre, « l’existence d’une compétence pédagogique générale des maîtres » est indépendante des domaines d’acquisition (lecture, mathématiques) soutient Mingat (1984, p. 59). Ainsi, l’auteur (1984, p. 60) montre que l’efficacité pédagogique d’un maître peut avoir un effet positif sur les acquisitions des élèves mais également sur « la réduction des inégalités à l’école » puisque « la variabilité dans l’efficacité pédagogique des maîtres […] concerne principalement les élèves les plus faibles, les élèves initialement plus forts étant moins sensibles aux caractéristiques du maître ».

Selon Bressoux (1994, pp. 96-105), les « facteurs explicatifs de l’efficacité » sont les suivants :

Les chances d’apprendre : l’enseignant est capable de couvrir l’ensemble du programme tout en respectant un temps d’apprentissage suffisant. Il y a donc corrélation entre les contenus enseignés et les évaluations. Si l’élève a « les chances d’apprendre », il augmente ses « chances de réussir aux épreuves ».

Un facteur fondamental : le temps : plus on accorde de temps à l’apprentissage d’une discipline, plus les élèves ont de chances de progresser dans cette discipline. Existe néanmoins « un point au delà duquel davantage de temps ne produit plus davantage d’apprentissages ». De plus, le temps d’engagement dans la tâche explique une bonne part de la variance des acquisitions en lecture et en mathématiques, les élèves faibles restant en moyenne deux fois moins de temps engagés dans la tâche que les élèves forts. Ce serait la variable la plus significative quant à la prédiction des acquis des élèves.

Le taux de réponses exactes aux questions posées par le maître : ce taux est particulièrement discriminant pour les élèves jeunes et les élèves faibles.

Les attentes des enseignants : les élèves dont on attend beaucoup progressent plus que ceux dont on attend peu (effet Pygmalion). De plus, les maîtres ont tendance à surévaluer les performances des élèves de milieu social favorisé et à sous-estimer celles des autres. Nous développerons plus longuement les effets d’attente dans le chapitre portant sur les représentations des enseignants (Cf. Chapitre VIII, paragraphe II-4-2).

Le feedback : son utilisation montre un enseignement qui s’apparente non pas à une transmission mais à une communication.

- Les louanges et les critiques : les louanges sont porteuses d’efficacité mais dépendent de trois facteurs, à savoir, leur occurrence, leur fréquence et leur qualité. Elles n’ont d’effets, que si elles sont réellement méritées et « distribuées à bon escient », si elles ne sont pas trop fréquentes, si l’enseignant reconnaît les compétences mais aussi les efforts fournis par l’élève. Les enfants en difficulté ont besoin de plus de louanges et d’encouragements. Les critiques, si elles sont sévères et ont la forme de

« réprimandes, brimades, vexations », ont un effet négatif.

- Les corrections apportées aux erreurs : les erreurs sont sources de progrès si l’enseignant les corrige et le bénéfice est d’autant plus grand lorsque l’occasion de les corriger est donnée aux élèves.

Des activités structurées : elles consistent à donner un nombre limité d’informations nouvelles pour ne pas encombrer la mémoire de travail de l’élève ; favoriser le passage de la mémoire de travail à la mémoire à long terme (revoir les nouvelles notions) ; s’assurer de la bonne maîtrise des pré-requis avant d’aborder une nouvelle notion.

- Un enseignement dirigé : l’enseignant rappelle ce qui a été vu précédemment et annonce clairement l’objectif de la séance. Il enseigne « par petites étapes », à un rythme soutenu et insiste sur les informations essentielles. Une manipulation assez longue par les élèves renforce la compréhension. L’enseignant, une fois qu’il a vérifié la compréhension des élèves, peut donner des exercices individuels. Pour maintenir alors l’enfant engagé dans la tâche à accomplir, il s’assure qu’il en a une « maîtrise préalable suffisante » et circule dans la classe. Un court résumé à la fin de la leçon et un rappel régulier des notions abordées sont efficaces.

- La clarté de l’exposé : utiliser des termes vagues, imprécis, ponctuer son exposé d’hésitations, de bafouillages sont inefficaces.

- Questionner : les maîtres les plus efficaces sont ceux qui posent beaucoup de questions à leurs élèves avec une pause entre la fin de la question et la demande de réponse. Les élèves peuvent alors réfléchir et répondre de façon appropriée.

- Les réponses des élèves : donner la possibilité à tous les élèves de s’exprimer au sein d’un petit groupe favorise les acquisitions des élèves.

Enseignement frontal, de groupes ou individualisé ? : aucune de ces organisations pédagogiques ne serait singulièrement efficace. En revanche, l’enseignement via des groupes de niveaux introduit « des effets indésirables d’étiquetage » (Bressoux, 1994, pp. 105-106).

Pour Bressoux (1994, p. 106), tous les facteurs existent dans toutes les classes mais il demeure une grande variabilité dans la mise en place de ces facteurs « la combinaison des facteurs est plus importante que chacun d’eux pris isolément ».

Parmi les facteurs explicatifs de l’effet-maître, deux dimensions relatives à l’efficacité que nous avons choisi d’analyser dans le cadre de notre recherche, ont une place prédominante.

Ainsi, nous retrouvons la gestion du temps à travers le critère temps mais également au sein du premier critère (les chances d’apprendre). Il serait sans doute plus opportun de parler de gestion des temps : temps d’enseignement, temps pour apprendre, temps de travail et temps d’engagement. Quant aux interactions maître-élèves, elles apparaissent au sein de différents

critères : le taux de réponses exactes aux questions posées par le maître, le feedback (les louanges et les critiques) et des activités structurées (« la clarté de l’exposé », « questionner » et « les réponses des élèves »). Aussi, nous focaliserons-nous sur ces différents éléments lors de nos observations de classe.