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C HAPITRE I P RIS ENTRE MINORITE ET SUBJECTIVITE ADOLESCENTE

3.3. La saisine opportune d’un sujet.

Qu’en est-il alors du groupe ? Est-ce seulement le lieu d’une influence subie ou d’une contagion réciproque ? Le lieu d’une facilité ? Le lieu d’une orientation non désirée à un moment donné ? Finalement, le lieu d’une absence ou d’une perte du sujet ? Ce sont là quelques-unes des ques- tions que nous conduit à poser l’idée même d’opportunité en matière délinquantielle, comme aménagement subjectif d’une position sociale et sociétale.

Dans une approche criminologique, les manifestations symptomatiques de la souffrance psychi- que telles que peut les représenter la délinquance, sont différentes. La délinquance n’existe que socialement – se traduisant différemment au plan de la psyché – en cela, elle est à décrire socio- logiquement, au moins dans un premier temps.Ce sont ces manifestations sociales qui lui don- nent sa visibilité. En outre, les constats et observations que nous sommes amenés à réaliser au quotidien, à travers la pratique, ou même, à travers les observations médiatiques, ne peuvent qu’illustrer le fait que certains agirs soient plus jouables dans une position psychique que dans une autre. Autre qui, si nous pouvons nous le permettre, manquerait en cet espace à y « gagner ». Dit autrement, il ne serait plus uniquement question de causalité groupale ou d’effet de rôle mais d’une subjectivité qui prend forme dans le « jouable » socialement. Le groupe, plus précisément l’ensemble groupal, serait un lieu d’expression possible pour le sujet par la position qu’il y oc- cupe.

C’est en cela que nous nous proposons, sous couvert d’une clinique, de problématiser différem- ment cette question des opportunités, au côtés de l’approche plus psychologisante, développée par M. Cusson via une théorie rationnelle de la délinquance initiée au début de années 1980 et toujours d’actualité théorique. Pour l’auteur, les opportunités naissent « quand un acteur peut, grâce à ses ressources, profiter des circonstances pour réaliser ses fins » 1.Nous retrouvons ici

d’une certaine manière l’idée d’opportunité comme support d’étayage se prêtant circonstanciel- lement à la réalisation d’un objectif. Aussi, le groupe de pairs ouvrirait les portes de l’illégalisme2.

1 Cusson, M., (1981), Délinquants, pourquoi ?, Paris, Colin, p.168. 2 Ibid., p.213.

Pour nous dégager d’une vision causaliste et utilitaire des pairs, certes source d’apprentissage, d’encouragements, opérateurs de renforcements prestigieux notamment, ou encore, facteurs de maximisation des gains, il nous semble pertinent de pouvoir mettre l’accent sur les situations en tant qu’elles vont créer un lieu d’accès spatial, social ou subjectif, pour le sujet. Un espace dont il sera lui-même en mesure de recourir non plus seulement de manière utilitaire – impliquant es- sentiellement l’usage – mais de manière instrumentale – impliquant davantage l’arrangement, voire, l’agencement – pour s’y exprimer. Au-delà donc d’un facteur facilitateur qui s’apparenterait à l’aisance, il serait davantage question d’opportunité en terme de moyen, ne dédouanant pas le sujet de son acte, puisque au demeurant acteur et auteur de celui-ci, mais le rendant possible par le contexte situationnel créé.Au même titre que certaines situations, cer- taines positions sociales et sociétales qui viennent actualiser et en quelque sorte formater les dynamiques psychiques, produisent des opportunités au sens étymologique du terme1, permet-

tant la mise en acte.

En ces conditions, la position intervient-elle comme une aide, un soutien ? Doit-on privilégier la question de l’ivresse désinhibitrice, puis légitimatrice de l’acte délictueux, s’apparentant à un défoulement pulsionnel brut ou envisager au contraire celle de l’inhibition d’inhibitions ? C’est là nous semble-t-il tout le passage du champ de la facilité, sous prétexte d’une consommation de toxique, à celui de la possibilité, en appréhendant le positionnement d’un sujet.Positionnement qui, par ailleurs, pourra ne plus être une condition indispensable par la suite.

Privilégier l’aspect facilitateur de la circonstance ou l’empêchement qu’elle peut susciter, revien- drait à négliger la dynamique conflictuelle de l’Agir, celle qui nous permet d’envisager l’acte comme l’aménagement d’une offre, comme ce qui vient signifier une résistance (à l’impasse) et non plus nécessairement un défaut d’élaboration. L’acte s’inscrit dans une économie subjective, dans une trajectoire existentielle et témoigne de la saisine. Et la positionoccupée, de constituer l’autre d’une rencontre avec une situation que le sujet peut exploiter, lui accordant une marge de manœuvre, un espace de jeu. Par ailleurs, si l’opportunité peut constituer cette situation favora- ble à la mise en acte infractionnelle, elle n’en rend pas nécessairement la réalisation plus aisée ; une nuance primordiale pour justifier le choix que nous faisons ici dans l’appréhension de cet objet.

Selon M. Cusson, les opportunités criminelles ont essentiellement une origine sociale. Or, en pensant les positions sociales et sociétales comme venant répondre à quelque chose du posi-

1Du latin opportunitas, l’opportunité signifie en premier lieu la chance de faire quelque chose, la condition ou la situa-

tion favorable, dit autrement, témoigne de l’avantage d’une position. L’idée de perte et profit n’y sera adjointe qu’au 15ème siècle.

tionnement subjectif, l’on vient souligner la situation dite délinquantielle, en l’occurrence grou- pale, ou plus précisément altéritaire, comme espace de possibilités sans en faire la cause en soi de l’agir. L’acte serait le produit d’une situation opportune donc, où se trouve le sujet et dont il choisit de se saisir pour éprouver et aménager ses résistances. Nous retrouvons là toute la ques- tion du choix du symptôme évoquée plus haut. Il s’agit en quelque sorte d’une option que prend le sujet dans la contestation de la position qu’il se voit attribuée par la société et que sa configu- ration psychique fait apparaître. Le choix du symptôme et ce qu’il implique en termes de travail psychique, de conflictualités, nous amène ainsi à poser le problème d’une nouvelle manière, ins- pirée par ce que nous pourrions qualifier d’anthropologie clinique.

C’est toute l’importance nous semble-t-il, de ne plus considérer distinctement une délinquance de structure qui reposerait sur du processus psychique et une délinquance de groupe – versus d’individu – qui reposerait sur de l’opportunité pure. Mais aussi, de s’interroger sur le comment au-delà du pourquoi : comment l’acte a-t-il pu s’inscrire dans cette offre, dans ce « contexte com- plaisant », tel que conceptualisé par R. Gori1. Des rapprochements sont à effectuer entre les diffé-

rentes dimensions qui viennent contextualiser et situer la mise en acte, notamment dans un sou- ci de prévention et d’accompagnement. Souci qui risque de nous échapper si nous nous concen- trons, sociologiquement, sur l’unique phénoménalité, et cliniquement, sur l’unique subjectivité.

4.P

ARENTHESE SYNTHETIQUE D

UN SUJET ENTRE DEUX LOIS

Si la spécificité légale tend à s’établir par le biais de lois particulières en matière de délinquance, il n’en demeure pas moins que le raisonnement législatif en lui-même se situe dans une dialecti- que relativement tranchée, une dialectique quasi-binaire. Nous l’avons vu, il a fallu attendre la fin du 19ème siècle pour voir considérée la minorité au sein des textes législatifs en vigueur, et la

convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant du 2 novembre 1989 pour voir le droit des mineurs gagner en consistance et asseoir sa spécificité. Pourtant, si la situation a changé depuis deux décennies, les délits dits « statutaires », se référant à l’âge de l’individu concerné, ne font toujours pas l’objet de textes similaires à ceux de la législation classique – à destination d’une population majeure au demeurant référentielle. Tout au plus, sont-ils l’objet de règlemen- tations ou de circonstances.

C’est toute l’ambiguïté qui anime les débats autour de l’adolescence lorsqu’elle est confrontée à la justice, plus précisément à la loi juridique, et qui amèneJ.-J. Rassial à penser la situation de

l’adolescent, mineur délinquant, dans un entre-deux des lois. En effet, si le droit actuel distingue différentes tranches d’âges relatives à la minorité1, et fonction du développement de la capacité

de discernement, nous sommes forcés de constater qu’il y est principalement question, au-delà de ces précisions, de mineurs et de majeurs confondus par rapport à l’âge de 18 ans.

Finalement, peu de place est laissée à cet espace de transition, intermédiaire, que désigne le pro- cessus adolescent, ne permettant pas réellement de reconnaître le statut singulier qui lui revient. Dès la fin des années 1980 J. Selosse2 dénonce l’exclusion des délinquants mineurs de leur ado-

lescence au sein même des mesures prises par la Protection Judiciaire de la Jeunesse, allant à l’encontre d’une nécessaire considération du mouvement de continuité, de passage et de sépara- tion-individuation qui caractérisent cette période. Et J.-J. Rassial, d’inaugurer plus durement encore cette position quelques 10 ans plus tôt en écrivant que « En Droit, l’adolescent ne compte pas »3. Ce raisonnement en terme d’avoir ou de n’avoir pas atteint la majorité, fait écho à une

législation du « oui ou non » que ce dernier met en avant et oppose à une position adolescente du « pas tout à fait ».

Nous sommes en droit de nous interroger sur la pertinence d’une jurisprudence qui pose des exceptions à répétition, comme pour réaménager les textes, réajuster les lois, sans jamais « po- ser acte », sans repenser plus formellement les écrits, sans finalement jamais reconnaître que quelque chose peut se jouer ailleurs.Sila procédure pénale est riche de telles exceptions et de telles précautions, permettant de ne pas fixer ou figer les choses et de laisser une marge de manœuvre en situation concrète, le projet de ce qui permettait jusqu’à l’heure actuelle de relati- viser en quelque sorte la « fatalité » de cette majorité, n’en demeure pas moins assombri à me- sure des réformes politiques.

1 Nous pourrons préciser à titre indicatif les âges suivants : 10 ans (âge du discernement), 10-13 ans (sanctions éduca-

tives) ; 13-16 ans (sanctions pénales, emprisonnement, tribunal pour enfants) ; 16-18 ans (régime des majeurs, déten- tion provisoire, assises pour mineurs) ; 15 ans (majorité sexuelle) ; 16 ans (majorité pénale ; majorité civile anticipée). A noter également les articles suivants quant au statut du mineur : 371, 375, 389, 903, 935, 993, 1030, 1095, 1124, 1304, 1384, 1990, 2121, 2143, 2252, 2278 du Code Civil ; 122 du Code Pénal ; L 1111-4 du Code de Santé Publique ; L 121-2, 511-5 du Code du commerce ; L’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante ; l’Ordonnance du 23 décembre 1958 relative à la protection de l’enfance et de l’adolescence en danger ; le Décret n°65-961 du 5 novembre 1965 relatif à la gestion du patrimoine ; la Loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de pro- grammation pour la justice ; la Loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance ; la Loi n°2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance ; la Loi n°2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs ; les Principes fondamentaux reconnus par les lois de la Républi- que (P.F.R.L.R.) actés par la décision n°2002-461 DC du 29 août 2002 sur la "loi d'orientation et de programmation de la justice".

2 Selosse, J., (1988), L’évolution des marginalités et des déviances des adolescents dans l’articulation du psychisme et

du social in J. Pain, L.-M. Villerbu, Adolescence, violence et déviances (1952-1995), op.cit., pp.217-227.

3 Rassial, J.-J., (1978), Hypothèses sur l’adolescence, programme 1978, in Rassial, J.-J., (1996), Le passage adolescent.

Les droits et devoirs ne cessent d’évoluer de 13 à 18 ans, et n’ont pas fini de connaître certaines évolutions, entre âge de discernement, d’éducabilité, responsabilité pénale, « majorité sexuelle », droit de vote, ou autre émancipation précoce. Des flottements, proches de ce que F. Dubet nom- mait « la galère » pour qualifier la situation adolescente1 ; et pour les accompagner, une sorte de

« hors statut », de « no man’s land », rappelant le « hors lien »2. C’est là toute l’ambiguïté d’un

état adolescent, flou, qui se confronte à un cadre juridique rigide, lequel trouve son fondement dans l’existence de limites strictes.Mais est-ce structurant pour l’adolescent que de se situer en permanence à la limite, dans le rapport à la loi qui ne va pas de soi, en particulier chez les dits « délinquants » ? Passer entre les mailles du filet pour une date de naissance, être incarcéré avec des majeurs pour un délais de jugement trop long, se voir convoqué par la jurisprudence… voilà autant de décalages qui ne favorisent pas un vécu critique. Le temps psychique n’est pas le temps juridique, et a fortiori, il en va de même pour la dimension de l’espace investi.

L’entre-deux transitoire qui caractérise l’adolescent est en quelque sorte déplacé, écarté, voire, évité ; en tous les cas, il est peu considéré, comme si « de rien n’était »...Mais le sujet ne se ré- sume pas à l’individu en tant qu’il est déterminé socio-juridiquement, encore moins le sujet ado- lescent, bien en peine de trouver un statut légalement reconnu entre « mineur » et « majeur ». Qu’advient-il donc du rapport que l’adolescent, délinquant, entretient à la loi ?

S’intéressant aux réponses apportées par la littérature, l’on remarque que la majorité des au- teurs se sont essentiellement enquis à la suite de S. Freud, du champ de la loi symbolique pour plus tard envisager celui de loi positive. Par loi symbolique, l’on entend celle qui, universelle, émane de la mort du père, génératrice de culpabilité et d’interdits fondamentaux, et dont le principe se perpétue de générations en générations. Une loi qui n’est pas écrite mais qui co- existe aux textes régissant le vivre-ensemble.

Double dimension de la loi qui laisse apparaître chez nombre d’auteurs, une double difficulté dans le rapport de l’adolescent à celle-ci. D’une part, celle du flou d’une position statutaire que nous venons d’évoquer et qui pourtant, appelle certaines obligations au nom de sa contribution à l’échange et au lien social, à la continuation de la société et de l’ordre social. D’autre part, celle liée à la reviviscence d’une problématique Oedipienne infantile dont l’adolescent doit éprouver sa propre construction, au prix parfois de la transgression de la loi positive.

1 Dubet, F., (1987), La galère : jeunes en survie, Paris, Fayard, 1995.

2 Selosse, J., (1994), La réparation dans le champ éducatif, in J. Pain, L.-M. Villerbu, Adolescence, violence et déviances

Pour P.G. Coslin, en effet,

« De telles conduites prennent une place significative dans les expérimentations multi- ples, à la fois émotionnelles, affectives et corporelles, mais aussi, sociales, qui participent à leur quête d’identité et de limites »,

Et plus loin, d’ajouter que

« Toute société pose des normes, les transmet et entend qu’elles soient respectées. (…) contraignantes (…), chacun joue plus ou moins avec elles (…), établit seul ou en groupe des compromis » 1.

Un constat à mettre en lien, nous semble-t-il, avec l’élaboration de normes propres, renvoyant à des valeurs particulières, dans certains sous-groupes d’adolescents plus ou moins marginaux, contestant la société telle qu’elle est réguléeet visant ainsi, selon nombre d’auteurs nous le ver- rons, à palier au manque de repères qui caractérise leur statut d’entre-deux.

L’on pourra lire régulièrement qu’à l’adolescence, les changements tant physiques que psychi- ques vont faire cheminer le sujet vers l’acquisition d’un statut mais aussi, d’une autonomie, qui vont l’amener à réviser ses positions d’enfant, à les réactualiser.Le processus de socialisation se montre plus actif, la distanciation nécessaire d’avec les figures familiales suscite chez lui la re- cherche à l’extérieur de réponses à ses besoins d’affirmation. Pour J. Selosse, c’est là toute l’importancedes transgressions, ou plus généralement, des conduites de prospection des règles, et des valeurs qui les sous-tendent, dans le système social. A l’adolescence, nous enseigne-t-il, les normes qui définissent les rapports sociaux doivent faire l’objet d’un décryptage et d’une négociation du fait des changements vécus, souvent avec souffrances et angoisse2. Remettant en

question tout ce qui peut réguler leur environnement, ils expérimentent les codifications, les limites posées, autrement dit, ce qui fait figure de contenant et de contenu dans le lien social, de manière à pouvoir s’y accommoder et les intérioriser. Dans la même mouvance, et à la même époque, F. Dubet3 aborde la transgression juvénile comme une expérience fondamentale de re-

connaissance de la loi, au moment où l’adolescent est confronté à une perte d’étayage.

Interpeller la loi, c’est la rendre présente ― tant par l’absence, le manque ou la sur-présence. Elle n’apparaît que lorsqu’on y déroge.Pouvons-nous donc envisager l’agir infractionnel comme un appel à la loi face à un sentiment de vacuité des repères, caractéristique d’une situation de crise,

1 Coslin, P.G., (1999), Les adolescents devant les déviances, Paris, PUF, pp.59-60.

2 Notamment, Selosse, J., (1987), Autonomisez-moi, in J. Pain, L.-M. Villerbu, Adolescence, violence et déviances (1952-

1995), op.cit., pp. 422-428.

3 Dubet, F., (1988), Les transformations de l’identité, in Villerbu, L.-M., (Dir.) (1992), Violence, délinquance, psychopa-

de rupture ? Comme un moyen nécessaire à l’émergence de l’autre ou du lien social pour cer- tains sujets ? La récidive, ensuite, comme celui de rendre permanent, dans le lien social, un autre défaillant sans cela ?Voilà autant de questions posées et qui trouvent diversement des éléments de réponses. Plusieurs travaux ont pu être menés, notamment par J. Piaget ou encore L. Kohl- berg1, sur l’acquisition du jugement moral, du comportement pro-social ou encore, sur

l’internalisation des normes et des lois tout au long du développement de l’enfant, mais c’est essentiellement à D.W. Winnicott et après lui, J. Selosse, que nous devons les premières ré- flexions sur le rôle de la transgression dans le développement psychique et social de l’enfant.

Dès les années 1940, D.W. Winnicott s’intéresse à ce qu’il nomme « le comportement antisocial ». Cette « tendance » qui se donne à voir chez le sujet de la « délinquance juvénile » est à concevoir selon lui, dans sa valeur positive, comme l’expression d’un « espoir »2.La thèse ainsi développée

pose, en cas de déprivation, les actes délinquantiels comme une forme d’appels plutôt compul- sifs, de quête d’un environnement perdu qui n’a pu être intériorisé, avec pour effet de susciter le contrôle par une autorité extérieure. Lorsqu’il n’est pas de situation de déprivation établie, ils permettraient au sujet de trouver appui, soutien et cadre. D’une manière ou d’une autre, il s’agirait là d’un défi lancé à la figure paternelle, voire, à la société, pointant un désir et un besoin d’être dans l’interpellation de ceux qui incarnent une autorité plus ou moins avortée jusque là et en qui il pourrait avoir confiance. C’est en quelque sorte l’attente d’un environnement interne sécure qui se manifeste, menacé par des pulsions agressives et destructrices. Pour l’auteur, l’extérieur étant perçu par le sujet comme à l’origine de la perte connue, c’est vers lui qu’il se dirigerait, attendant de ce dernier qu’il lui offre un « remède ». Les manifestations anti-sociales seraient comme une tentative d’auto-guérison. Est-ce à dire que le groupe de pairs pourrait être ce destinataire ? Il nous faudra y revenir.

Le mode d’appréhension que développe J. Selosse, sur le rapport à la loi chez l’adolescent, et à l’ordre symbolique auquel elle se réfère, n’est pas sans faire écho à ces élaborations anglo- saxonnes. Comme il le fait remarquer3,les règles et les lois relatives à l’autorité qu’impose l’Etat

― Etat qui lui-même, pour E. Fromm4, s’approprie les insignes de la puissance du père primor-

dial, tout-puissant ― ont des fonctions répressives et prescriptives que l’adolescent va contester

1A titre indicatif, nous pourrons citer les références suivantes : Kohlberg, L., (1981), Essays on moral development : the

philosophy of moral development : moral stages and the idea of justice, 1, San Francisco, Harper and Row ; Piaget, J., (1932), Le jugement moral chez l’enfant, Pairs, PUF.

2 Plusieurs de ses textes abordent ainsi la question de la délinquance. Nous pouvons notamment la voir développée à

l’occasion de plusieurs articles réunis dans Winnicott, D.W., (1957), L’enfant et le monde extérieur, le développement des relations, Paris, Payot, 1997 ; Winnicott, D.W., (1984), Déprivation et délinquance, Paris, Payot, 1994.

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