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Des figures divisibles et immanentes à envisager au lieu de l’Un.

1.2 à la (re)mise en jeu de codes.

2.2. L’exception fondatrice de l’ensemble.

2.2.2. Des figures divisibles et immanentes à envisager au lieu de l’Un.

Penser la figure de « Père » comme une fonction qui se rejoue dans l’inconscient pour tout sujet, à l’image de ce que présente P.L. Assoun, nous autorise à en envisager les différentes formes qu’elle peut prendre. Dans un de ses articles, il présente le « père symbolique comme porte- Loi »1, nous permettant d’envisager une distinction entre le référentiel et ce qui lui fait support.

Aussi, nous sommes autorisés à penser autre part la localisation de ce référentiel.L’auteur quali- fie d’ailleurs cette fonction de « multiforme » et d’ « infinitiforme »2. C’est alors que l’on peut

concevoir des figures qui vont s’y substituer à mesure d’une trajectoire existentielle et subjec- tive, prise notamment dans la relation à l’autres.Des figures, pouvons-nous le supposer, varia- bles, se succédant mais venant à un moment donné, prendre toute leur importance au détriment de celle en place jusqu’alors. Des figures habitant des espaces d’autorité qui ne relèveraient plus nécessairement de lieux communs au sein du social et qui occuperaient tour à tour une fonction sociogénétique, que ce soit par rapport à des considérations généalogiques ou générationnelles.

Rappelons-le, il n’est pas question pour nous ici de remplacer un paradigme par un autre, mais bien de proposer dans un contexte particulier, d’autres tenants possible du lien social. Il n’est pas non plus question de remettre en cause l’idée de genèse, mais davantage, de considérer la pluralité des lieux que nous pourrions lui assimiler. Autrement dit, non pas rejeter l’idée d’un Père en soi, mais la forme Un-ique, transcendantale, qui lui est attribuée, comme si elle consti- tuait la seule condition de la formation et de maintien d’un ensemble.Se défaire d’une vérité unique qui consisterait, à l’image du monothéisme, à ne considérer qu’Un mythe originaire, fon- dateur, dont certains pourraient se plaire à le penser mort et enterré.

Traitant justement de cette question relativement au passage adolescent, J.J. Rassial se montre clair. Il écrit

« L’adolescent (…) est celui qui doit apprendre à se passer du père pour pouvoir se servir des noms-du-père qui, pour lui, vont devoir désormais se penser au pluriel de ses choix de vie »3.

C’est là le retour d’une multiplicité que nous convoquions plus haut et qui se trouve transposée à la situation de ce sujet de l’entre-deux. Ce que soulignait déjà J. Lacan au début des années 1960,

1 Assoun, P.L., (2006), L’Un inconscient, Monothéisme et psychanalyse, in Cliniques Méditerranéennes, 73, pp.25-37. 2 Assoun, P.L., (1997), Psychanalyse, Paris, PUF, p.228.

en intitulant ainsi l’un de ses séminaires, inachevé1. Ce n’était dès lors plus un signifiant qu’il

fallait considérer, mais une chaîne de signifiants qui ne relèverait plus ni d’un particulier, ni d’un universel.

En interrogeant la pluralisation du Nom-du-Père, c’est l’absence de Nom propre que nous donne à voir J. Lacan ; le primat d’une fonction – paternelle ici – sur une figure, voire, l’indifférenciation d’une certaine empreinte. Ce qui de fait est en mesure de faire lien peut s’incarner diversement, différemment, sur une surface que le sujet va investir et à laquelle il va s’identifier ; une surface qui, au demeurant, comme l’écrit A. Zenoni, reste un semblant à remplir, et donne finalement à la « fondation » son caractère contingent. En effet, pour cet auteur, il s’agit « d’une « fondation » pour ainsi dire sans fondement », et d’ajouter, une « structure de l’Autre où l’Autre manque de l’Autre » 2.

La pluralité – d’exceptions – que nous envisagions serait la suivante : des Noms-du-père pour des lois qui agiraient non plus suivant une filiation descendante, mais au gré des alliances, avec l’émergence de nouvelles versions du pères – si tant est que nous nous permettions également ce jeu de mots. C’est alors toute la question de l’identification qu’il nous faut poser, notamment celle du Moi idéal et de l’Idéal du moi, en tant que ces instances qui exercent sur le sujet une cer- taine autonomie, et dont les auteurs se saisissent pour aborder le père. Laquelle de ces forma- tions vient faire référence pour le moi ? Sachant que les évolutions sociales ont pu remettre en cause, comme le précise F. Noudelmann, les modes d’identification à un ordre, un Dieu, une li- gnée, un territoire3, et pouvons-nous l’ajouter, remettre en cause l’identification en tant que fon-

cièrement verticale et instauratrice d’un rapport d’identicité parfaite entre les sujets.Le modèle ne se dédouble pas à l’identique, il se reproduit tout en étant fonction de la logique subjective qui se l’approprie, différenciée ; fonction des imprégnations non plus linéaires mais circonstan- cielles, et des points de références, collatéraux, non nécessairement hiérarchisés, qui peuvent venir alimenter le parcours du sujet.

Doit-on alors convoquer le symbolique ou l’Imaginaire fondateur pour penser l’affiliation ? La réponse de F. Noudelmann semble claire4 mais c’est à la lecture de G. Le Gaufey que nous en de-

1 Lacan, J., (1963), Des noms du père, Paris, Seuil, 2005.

2 Zenoni, A., (2006), D’un père à l’autre, in Quarto, Le secret des noms-du-père, n°87, Paris, Ecole de la cause Freu-

dienne. Document téléchargeable en ligne sur http://www.causefreudienne.net/publications/quarto/le-secret-des- noms-du-pere/d-un-pere -a-lautre/

3 F. Noudelmann, Pour en finir avec la généalogie, op.cit., p.26.

4 Ibid., pp.138-139. L’auteur écrit, « un procès d’affiliation peut conduire à dévoiler l’imaginaire fondateur de toute

vons la déconstruction : toute proportion gardée, si tant est qu’il y en ait au moins un, il pourrait y en avoir plusieurs et s’il n’y a pas d’exception, alors les plusieurs présents ne sauraient former un tout !1

A la suite des travaux de J. Lacan, la question de l’Un telle que l’avait inaugurée Freud s’est posée différemment. De l’un, comme donnée unique en soi, ont émergé des déclinaisons à mêmes de relativiser la pensée d’une origine fondatrice. Ces déclinaisons : l’unien et l’unaire, conceptuali- sées dès 1960 par J. Lacan et reprises par G. Le Gaufey dans le cadre des réflexions épistémolo- giques qu’il a conduites autour de l’identification. Pour la richesse de la dialectique ainsi établie, il nous faut y revenir.

C’est en posant la question « qu’est-ce que « ressembler » ? »2 que l’auteur en vient à traiter le

rapport de l’unien et l’unaire. Pour ce faire, il inaugure son propos avec la notion de « portrait », celui qui cherche à reproduire l’image de l’original en en soulignant la singularité. Du latin pro- trahere, l’étymologie du terme vient mettre en avant le fait d’ « extraire ce qui rassemble », ce qui n’est pas sans lui permettre d’ajouter que « se faire tirer le portrait est un pléonasme »3. C’est

alors tout l’écart qui se creuse entre l’image et ce dont elle est l’image, mais aussi tout le lien qui permet, ou plutôt induit, tantôt la distance, tantôt la proximité, sans nuire à la différence.

Se donnent ainsi à voir, comme le démontre l’auteur, deux types d’unités, celle qui englobe et celle qui distingue, celle qui relève d’un espace, qui est divisible, et celle, non spatiale et indivisi- ble… l’unien du miroir, et l’unaire du portrait.L’unien est ce Un qui englobe (1=1=1…), qui déli- mite, qui marque la frontière de l’ensemble entre dehors et dedans, que nous évoquions au dé- but de ce sous-chapitre.En cela, pour G. Le Gaufey, il est par essence « indéfiniment divisible »4.

L’unaire en revanche relève du trait (1+1+1…). Dans son séminaire sur l’identification, J. Lacan le présentait comme étant « tout autre chose que le cercle qui rassemble »5, un

« 1 (…) insituable (…) d’autant plus épuré, simplifié, réduit à n’importe quoi avec suffi- samment d’abattement de ses appendices, peut finir par se réduire à ça : un 1 ; ce qu’il y a

en tout cas ces diverses situations est que l’univers mondialisé des rencontres n’efface pas les lieux ni les différences, mais qu’il introduit du jeu et de l’imaginaire dans les affiliations ».

1 Le Gaufey, G. (2004), Séminaire intitulé « Du non rapport, études sur l’état d’exception », p.30. Document téléchar-

geable en ligne sur http://homepage.mac.com/WebObjects/FileSharing.woa/5/wo/drZyPvBnXbrIf6Ri.1/0.2.1.2.26 .31.97.4.35.0.1.1.1?user=legaufey&fpath=Seminaires&templatefn=FileSharing5.html

2 Le Gaufey, G. (1997), Le lasso spéculaire, Une étude traversière de l’unité imaginaire, Paris, EPEL, p.106. 3 Ibid., p.108.

4 Ibid., p.109.

5 Lacan, J., Séminaire sur l’identification, 1961-1962, séance du 21 février 1962. Document téléchargeable en ligne sur

d’essentiel, ce qui fait l’originalité de ceci »1.

Ce qui distingue le sujet de l’autre ?

Quoiqu’il en soit, l’Un apparaît désormais pris dans les deux registres que sont l’imaginaire et le symbolique, le premier se soutenant du second ; condition de la dialectique. L’unien devient l’unité imaginaire, « celle qui résulte de l’identification à l’image spéculaire » et l’unaire, l’unité symbolique « résultant de l’identification au trait élémentaire, discret et non fractionnable »2.Et

c’est bien cette irréductibilité qui devra retenir notre attention dans la suite de nos développe- ments, ce un dans son rapport à l’autre, que G. Le Gaufey assimile à l’Idéal du moi, tel que présen- té par J. Lacan (« I »), et que nous pourrions pour notre part rapprocher du « 1 pour chacun » de la réciprocité.Cette unité qui se distingue d’un imaginaire de la totalité, assimilable au Moi idéal, où ceux qui la composent ne font qu’Un, éléments interchangeables de la horde, et que nous rap- procherions davantage de la mutualité.Se pose alors pour nous la question de savoir ce qui peut faire tenir ce « grouillement »3 pour délimiter cette fois-ci un espace nouveau, aux contours

flous, fuyants.Jusque là, la théorie des ensembles attribuait à l’exception le rôle de consistance du groupe puisque circonscrivant son enveloppe. Or, la lecture que propose G. Le Gaufey n’est pas sans nous amener à étayer notre thèse.

En quoi l’unité devrait-elle se soutenir d’un point transcendant ? Considérer l’unaire nous per- met de mettre en perspective le glissement possible vers une immanence. En effet, ce qui, dans le schéma de l’unien, faisait point de référence externe pour clore l’ensemble, pourrait être ce trait de l’unité, témoin d’une singularité, dans le schéma de l’unaire, celui-là même responsable d’un point de référence dès lors interne. Et les formules de la sexuation proposées par J. Lacan, d’en souligner l’analogie4. Comme le présente G. Le Gaufey, il s’agit du trait essentiel, au premier sens

1Idem.

2 G. Le Gaufey, Le lasso spéculaire. Une étude traversière de l’unité imaginaire, op.cit., p110. 3 Ibid., p.113.

4L’analogie a pu être faite et à ce titre, elle est illustrative. Reprenant la distinction soulignée par Freud dans Psycho-

logie des foules et analyse du moi, entre foule sans meneur et foule avec meneur, J.P. Lebrun vient mettre en perspec- tive les formules de la sexuation élaborées par J. Lacan pour procéder à la réduction du mythe Oedipien (Un monde sans limites, essai pour un clinique psychanalytique du social, (1997), Ramonville Saint Agne, Eres, p.92-s.) et au-delà, penser la différence des sexes en tant qu’ils relèvent de l’inconscient, du désir ; en tant qu’ils s’inscrivent dans la fonc- tion phallique de manière spécifique, sans présupposer d’une détermination biologique. Dit autrement, ces formules ne font pas se correspondre de manière exacte les côtés gauche aux hommes et droit aux femmes, mais donnent plutôt l’écriture d’un tout phallique et d’un « pas tout » phallique, respectivement à gauche et à droite. A charge pour chaque sujet de s’inscrire dans l’un ou l’autre des côtés (Sur cette question, le travail de thèse réalisé par C. Le Bodic, Deux paradigmes pour une rencontre manquée. Approches de la différences des sexes et leur mise en examen exploratoire en criminologie, soutenu à l’Université Rennes II Haute-Bretagne, novembre 2006.). Cela exclut donc toute idée de com- plémentarité entre les sexes – il n’y a pas de rapport sexuel – mais nous permet d’envisager deux modalités distinctes du groupe, deux formations d’ensemble relatives à la logique ainsi dégagée de la castration. Le côté gauche représente alors le groupe tenant de l’exception, l’imaginaire d’une totalité qui permet à G. Le Gaufey de développer l’unien, et le

du terme, qui donne sa consistance à cette forme d’unité.

« Théologiquement cette tâche ne pouvait revenir qu’au Père invisible et indivisible. On ne s’étonnera pas trop que chez Lacan, elle revienne d’abord à quelque chose comme l’einziger zug freudien, dont la traduction ultérieure de « trait unaire » ne fait que renfor- cer l’impossibilité d’en penser le moindre fractionnement, la moindre partition. Un il est, un il reste, ce que la lettre « I » souligne à sa façon »1.

Dit autrement, par le trait unaire, l’unité tient en elle-même sa consistance et son inscription. Un retournement qui n’est d’ailleurs pas sans l’amener à se demander : pourquoi aller chercher au dehors ce qui peut se trouver au-dedans ?Il n’est dès lors plus question seulement d’être recon- nu, mais aussi, de se reconnaître, l’autre du miroir n’étant « que » témoin2. Et il ajoute « le point

de regard qui se donnait auparavant dans l’au-delà monothéiste se tient à ses côtés »3.

Ce serait donc en pensant l’unaire que nous pourrions envisager une addition d’individus, de sujets uniques, participant tous avec leurs différences d’une même appartenance, trouvant leur lasso dans le territoire qu’ils occupent à un moment donné4. Voilà là un garde-fou contre la fu-

sion qui fait qu’« il n’y a pas d’espèce des singularités »5. L’existence de la subjectivité est ce qui

garantit la clinique quand bien même l’observateur aurait cette tendance « enfantine »6 à consti-

tuer des classes.

Pensant plus haut dans notre réflexion, l’autres au pluriel, pourquoi ne pas envisager l’uns ? Poursuivant notre lecture de l’auteur, l’idée prend forme : un Uns, seule condition pour cerner a minima l’ensemble tout en respectant la singularité de ses membres, pour introduire de la diffé- rence là où il y avait uniformité.Il ne serait plus nécessaire de penser le fondement dans un ex- térieur qui dépasse, mais dans la relation à l’autre de l’échange, alter ego, celui là même qui at- teste de cette singularité7.

côté droit, le groupe où il n’y en a pas un qui fasse exception, le un qui se répète dans la différence de celui auquel il s’additionne, l’unaire. D’un côté donc, la foule avec leader, de l’autre, la foule sans leader.

1 G. Le Gaufey, Le lasso spéculaire. Une étude traversière de l’unité imaginaire, op.cit., p.239. 2 Ibid., p.240.

3 Idem.

4En effet, comme le présente G. Le Gaufey, l’unaire est ce qui ne dure pas, tenu par un lien, un lasso circonstanciel qui

va rassembler les éléments, ou plutôt, les agréger. Et de préciser qu’à partir de 1972, J. Lacan va avancer qu’il n’est pas de figure sans porte, sans fuite, sans trou qui laisse échapper (ou entrer)… l’autre un, l’unaire. Et c’est toute la dimen- sion temporelle dont se saisit l’auteur pour asseoir l’unaire dans sa dimension furtive, il écrit d’ailleurs « l’un furtif », ne possédant aucune figure avant que de s’en voir attribuer une et étant dès lors transformé, incarné autrement (Ibid., p.259).

5 Ibid., p.246. 6 Ibid., p.242.

7Il en va de même pour l’exception, par la faille qu’elle représente au regard du tous. Pour G. Le Gaufey, si l’on a pour

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