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Partie I... De l’exogène à l’endogène, quel regard sur le risque et sa prise

Chapitre 1 Les risques en montagne, l’imbrication des univers techniques,

1) La sécurité des usagers, du pouvoir de police non transférable…

Effectivement parallèlement à l’impératif du développement économique qui dicte pour beaucoup les choix relatifs au management touristique, s’ajoute l’obligation de sécurité. Ce type d’obligation est directement aux pouvoirs de polices administratives des maires de ces communes. L’élu de commune touristique de montagne est, en tant que

maire, responsable de la sécurité sur son territoire243 conformément à cette source de

pouvoir, « fondement de l’édifice du droit public » (Servoin, 1993, p. 256). Si, comme

nous l’avons vu, certaines missions relatives à la sécurité font l’objet d’avenants à certaines DSP (modèle de la délégation totale) ; les pouvoirs auxquels ces missions sont directement rattachées ne peuvent faire l’objet de transferts. Sur un plan juridique, les contrats de concession ne constituent donc pas une possibilité de délégation de cette responsabilité du maire en matière de sécurité sur les domaines skiables.

Dans ce domaine, le maire demeure donc l’acteur central et ce quel que soit le modèle d’exploitation de la station. Néanmoins, ce point fondamental de la réglementation ne s’illustre pas toujours en pratique, où si juridiquement la responsabilité demeure effective, le pouvoir, compris sous l’angle de l’exercice et du contrôle de cet exercice est largement dilué, pour ne pas dire transféré. Il s’opère alors un décalage entre responsabilité et exercice des responsabilités qui dans le domaine des risques n’est pas sans conséquence en matière de pilotage politique de ce domaine de gestion (Boudières,

2008)244.

2) ….à la mission technique déléguée

Ce décalage a notamment fait l’objet en 2006, d’un avis de la Commission de la

Sécurité des Consommateurs245 : « la CSC constate l’absence d’indépendance, dans la

243

Article L. 2212-1 et 2 du C.G.C.T. : « La police municipale est instituée dans la commune afin d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle est placée sous l'autorité du maire qui exerce sa compétence en propre, au nom de la commune et pour laquelle le conseil municipal est incompétent. Le maire est donc le responsable, entre autres, de la sécurité des biens et des personnes sur le territoire de sa commune. Le pouvoir de police municipale est non négociable, ni transférable, sur une autre autorité ou une autre personne juridique. L'abstention du maire ou l'insuffisance des mesures adoptées constitue une carence et engendre la responsabilité de la commune. »

244 Op.cit.

245 La C.S.C. est une Autorité Administrative Indépendante créée par la Loi du 21 juillet 1983 relative à la sécurité des consommateurs. Elle est composée de magistrats des hautes juridictions, de représentants des collèges professionnels et consommateurs, de personnalités qualifiées. Sa mission consiste à émettre des avis,

plupart des stations, des responsables de la sécurité des pistes par rapport aux sociétés d’exploitation des remontées mécaniques. Dans ces conditions, leurs décisions d’ouverture ou de fermeture des pistes peuvent être soumises à des impératifs autres que de sécurité. La Commission souhaite donc que leur indépendance soit renforcée pour ne plus relever que de la seule autorité du maire. » (Extrait de l’avis relatif à la sécurité sur les pistes de ski, 2006).

Cet avis a été relayé au parlement par certains députés à qui le ministre de l’Intérieur et

de l’Aménagement du territoire de l’époque a répondu : « S'agissant de la mise en

sécurité des pistes, elle dépend, aux termes du code général des collectivités territoriales, du pouvoir de police générale du maire. Il appartient donc au maire, de définir aussi bien les conditions de circulation sur les pistes de ski que l'organisation des secours elle-même. De même, sur les domaines skiables de ski alpin ou de ski de fond, il est du ressort du maire de confier la mission à un service des pistes, qui est soit exclusivement communal, soit délégué dans le cadre d'un contrat de prestation. Il est exclusivement formé de pisteurs-secouristes, tous titulaires d'un brevet d'État. Le service des pistes a pour mission d'assurer la sécurité et les secours sur tout le domaine skiable : assistance et secours dans toutes les situations et réponse à toute détresse, recherche de personnes égarées, recherche de personnes ensevelies sous avalanche, transport de personnes blessées, surveillance constante et aptitude à intervenir sur l'ensemble du domaine skiable. S'il choisit de déléguer cette mission, il est de la libre compétence des collectivités locales de désigner la société la plus à même de remplir ces fonctions et de mettre en place un dispositif de contrôle de la sécurité des pistes. Il n'est pas envisagé de réglementer le cahier des charges type de concession. Conscient des risques

qu'engendrent certaines pratiques » (Réponse publiée au JO le 17/04/2007, page 3829).

Cette réponse réaffirmant donc la réalité des pouvoirs et obligations du maire, entérine la pratique contractuelle selon laquelle on peut déléguer les missions de sécurité à de tiers opérateurs. Néanmoins depuis 1998, la responsabilité pénale de l’exploitant peut-être également retenue en cas de carence ou de manquement aux missions de sécurité sur le

domaine skiable. Ainsi, relevons cette décision en cassation de 1999246 : « la

responsabilité pénale de la société d'exploitation est confirmée. Il est relevé que le pouvoir de police du maire en matière de prévention des avalanches prévu au L 2212-2-5 du code général des collectivités territoriales n'exclut pas la responsabilité de la société concessionnaire de l'exploitation du domaine skiable, tenue notamment, à l'égard des usagers, à une obligation contractuelle relevant du droit privé. La cour d'appel reconnaît au maire le pouvoir de police municipal, mais dans la limite de l'exercice administratif du pouvoir, c'est-à-dire par l'édiction des arrêtés municipaux fixant les règles de sécurité sur le domaine skiable. L'exercice pratique de la sécurité sur le domaine skiable, via le

destinés aux pouvoirs publics, aux professionnels et aux consommateurs, sur tous types de produits et de services présentant des risques informer le public par des communiqués de presse, des campagnes de sensibilisation, des fiches de prévention, une lettre périodique, un rapport annuel et un site internet recenser les accidents et les risques de la vie courante.

246 Arrêt de la Cour de cassation 9/11/99 SATA-Reverbel-Roderon (Cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 25 février 1998 Avalanche à l'Alpe d'Huez du 1er janvier 1996.

contrat de concession, est le fait quant à lui de la société d'exploitation et relève dès lors du droit privé. » Ainsi, entre responsabilités croisées et mode de management délégué, la question du pilotage politique apparaît d’autant plus d’actualité. Une préoccupation semblable à celle de l’Etat et des communes en matière de gestion des risques naturels dans les espaces urbanisés.

Conformément à la circulaire de 1988 247: « si l’Etat doit afficher les risques en

déterminant leurs localisations et leurs caractéristiques, les communes ont le devoir de prendre en considération l’existence des risques naturels sur leur territoire, notamment lors de l’élaboration de documents d’urbanisme et de l’examen des demandes d’autorisation d’occupation des sols. » A l’Etat revient la responsabilité et le devoir de "dire le risque", et au maire de "prévenir le risque", une fois celui-ci identifié par les

services d’Etat248..

Concernant spécifiquement les risques naturels en montagne, F. Servoin précise que

«paradoxalement, alors que se développait la décentralisation, l’Etat a entendu faire du champ des risques naturels sa compétence, non soumis aux enjeux locaux» (Servoin, 1993, p. 41). Ce positionnement étatique correspondait à l’époque à une attente des élus

locaux de se « dessaisir au maximum de ce qu’ils considéraient comme une dangereuse

source de responsabilité » (Ibid.). Or, comme l’explique l’auteur en 1993, on observe dans les faits un système en perpétuelle évolution. Un système où coexistent d’une part, un ensemble de règles qui font de l’organisation de l’espace (en vue de sa sécurisation), une compétence exclusive de l’Etat, et d’autre part, un système de responsabilité (largement inspiré des principes de la police municipale) où du point de vue pénal, l’élu communal est particulièrement concerné et exposé.

Au regard du contexte juridique et réglementaire, en montagne, le caractère local de la régulation semble particulièrement prégnant. Par rapport à nos préoccupations, la coexistence juridique de la loi Montagne dans le champ touristique et des obligations en matière de sécurité locale renforce l’idée selon laquelle la commune touristique apparaît comme une échelle d’analyse intéressante. L’échelon communal constitue en effet, un espace de confrontation et d’imbrication d’enjeux multiples et parfois antagonistes. Des enjeux territoriaux, par définition fortement imbriqués, qu’il s’agit de prendre en compte dans leur totalité, plutôt que de chercher à les séparer, pour ne privilégier que l’un ou l’autre.

III La gestion du risque d’avalanches dans les territoires touristiques : un aléa pour des vulnérabilités

« L'être humain, c'est-à-dire celui qui déclenche la plupart du temps les avalanches et peut en général exercer son libre arbitre, constitue à lui seul la moitié du problème. Le déclenchement d'une plaque de neige a lieu à l'intersection du système complexe "manteau neigeux" et de cet autre système complexe qu’est l’être humain […]

247Circulaire du 20/06/88 « Equipement et risques majeurs » sur les risques naturels.

248 Pour les territoires de montagne, ce sont principalement les services RTM (Restauration des Terrains en Montagne) qui sont chargés de réaliser les cartographies des risques pour les communes et de réaliser en concertation avec les communes les PPR (Plan de Prévention des Risques).

Conscience du risque plutôt que pensée sécuritaire, gestion du risque plutôt que garantie de sécurité. Les accidents sont souvent provoqués par des gens qui pensent maîtriser la situation. » (Munter, 2003)249

Nous clôturons ce chapitre relatif à la spécificité de nos territoires d’étude, en présentant la spécificité relative au risque d’avalanches qui est au cœur de nos analyses empiriques. Compte tenu de notre approche et perspective de recherche, qui n’est pas celle de l’aléa, nous n’avons pas débuté notre cadre théorique par la description du phénomène avalanche. La raison tient au fait que ce n’est pas le phénomène physique qui nous préoccupe, mais bien davantage le risque d’avalanches, dont le phénomène n’est qu’une composante parmi d’autres. Par ailleurs, si le phénomène sur un plan scientifique possède une définition relativement stabilisée, le risque quant à lui semble plus ténu à identifier, à cerner et par conséquent à comprendre. Un risque qui si on l’interroge sur le versant de la vulnérabilité se découvre sous un jour diffèrent et sous une forme en perpétuelle mutation. Nous souhaitons ici achever notre cadre d’analyse en proposant un autre regard sur ce risque, qui parce qu’il évolue, échappe parfois aux modalités de réponses qui ne le conçoivent que sous une forme stabilisée trompeuse.

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