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Partie I... De l’exogène à l’endogène, quel regard sur le risque et sa prise

Chapitre 1 Les risques en montagne, l’imbrication des univers techniques,

3) Risque d’avalanches et outils réglementaires

La complexité du cadre réglementaire relatif aux dispositifs de gestion est notamment due à cette pluralité spatiale présente à l’échelle du territoire communal. En effet, dans le cas des communes touristiques, les activités et les espaces se concentrent et s’accumulent. Le détour par la réglementation est donc crucial pour préciser les contours théoriques et la portée juridique des dispositifs de gestion étudiés. Précisons que nous avons souhaité aborder le cadre réglementaire de manière problématisée, afin d’être cohérent avec l’approche et les questionnements de cette recherche. Cette analyse juridique a donc été structurée en respectant la double entrée de cette recherche : territoriale et instrumentale.

L’entrée territoriale permet tout d’abord, d’un point de vue spatial, d’aborder le traitement de différentes formes de vulnérabilités rencontrées dans les territoires

montagnards (cf. ci- dessous, figure 7 : Les territoires touristiques de montagne et le

risque d’avalanches : un aléa, pour des vulnérabilités)262. Ensuite cette lecture, en termes d’imbrication et de synthèse d’échelles d’intervention, permet par la confrontation de décloisonner différents champs de l’action publique. Elle permet de faire état à l’échelle communale, des formes de vulnérabilité contrastées, entendues comme éléments vulnérables (biens et personnes) et situés dans différents espaces de vulnérabilité (espaces urbanisés, espaces de pratiques sportives, réseau de communication...). L’analyse réglementaire avec cette entrée territoriale doit permettre d’opérer un

260Cf. figure 7 : Les territoires touristiques de montagne et le risque d’avalanches : un aléa, pour des vulnérabilités.

261Cf. figure 8 : Espaces de vulnérabilité et dispositifs de gestion.

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Concernant la justification relative à la mobilisation de tels outils graphiques, se reporter aux aspects méthodologiques en partie II, section 1.

décloisonnement des enjeux, en considérant la coexistence territoriale des pratiques et par conséquent la diversité d’exposition spatiale aux risques. Sont ainsi agrégés deux champs d’intervention publique majeurs : celui relatif à la prévention des risques naturels et celui relatif à la sécurité publique.

L’entrée par les instruments de gestion permet quant à elle de pénétrer au cœur du cadre juridique relatif à l’action de gestion. La délimitation des espaces de vulnérabilité est dépendante du recensement des instruments qui leur sont propres (cf. ci-dessous,

figure 8 : Espaces de vulnérabilité et dispositifs de gestion). Ces instruments ou

dispositifs relevant tant du domaine technique, que politique, encadrent l’action et conditionnent les relations entre acteurs impliqués dans le domaine de la prévention/planification, de l’information et de la préparation à la crise. L’analyse du cadre réglementaire par cette entrée nous permettra donc de cerner sur un plan théorique les compétences et les obligations qui incombent à ces différents acteurs.

Notre analyse réglementaire se structure en deux parties263 :

La première partie consacrée à la gestion des risques dans les espaces urbanisés, présente les dispositifs suivants :

-Planification de la prévention : le PPR (Plan de Prévention des Risques naturels prévisibles)

-Information préventive : le DDRM (Dossier Départemental des Risques Majeurs) et le DICRIM (Document d’Information Communal sur les Risques Majeurs)

-Planification de la gestion de crise : le PCS (Plan Communal de Sauvegarde)

La seconde partie consacrée à la gestion des risques dans les espaces de pratiques sportives (domaines skiables et haute montagne) et sur les accès, fait quant à elle état des dispositifs suivants :

-Planification de la prévention : le PIDA (Plan d’Intervention et de Déclenchement des Avalanches) relatif aux domaines skiables, mais également aux routes et la commission de sécurité

-Information préventive : l’information, la signalisation, le balisage -Préparation à la crise : l’organisation des secours

Le cadre réglementaire des dispositifs de gestion inhérents à chaque espace de vulnérabilités constitue donc un point de départ incontournable dans l’analyse globale de l’action publique par les instruments. Les premiers éléments qui en ressortent sont capitaux pour cerner et délimiter juridiquement les pratiques, les rôles et les obligations de chaque acteur. Cette première connaissance, relative à la portée juridique des instruments de gestion constitue une base pour les observations et les analyses qui vont suivre sur les pratiques effectives de gestion.

Au regard de ce premier état des lieux réglementaire (qui sera développé dans la seconde partie), il s’avère que pour le seul territoire communal, le seul risque

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Ce cadre réglementaire fait l’objet d’un rapport de 68 pages annexé à ce document et intitulé : Le cadre réglementaire des dispositifs de gestion des risques dans les territoires touristiques montagnards. Ce rapport a été co-rédigé avec O. Gourbinot, juriste et étudiant au master du CDTM, au cours d’un stage au Cemagref encadré par V. Boudières. Les éléments juridiques et réglementaires qui appuient et alimentent certaines analyses en partie II sont issus et tirés de ce rapport.

d’avalanches présente une multitude d’enchâssements d’actions et de responsabilités entre protagonistes. Si en matière d’espace urbanisé, l’Etat est maître d’ouvrage en matière de PPR, la commune est en revanche maître d’ouvrage pour ce qui relève de la gestion des risques sur les domaines skiables. Cette gestion nous l’avons vu, peut-être déléguée techniquement à l’opérateur de remontées mécaniques. Ainsi selon l’espace considéré, la commune ne joue pas le même rôle. Nous le verrons, la situation se complique pour ce qui concerne la gestion du risque d’avalanches sur les accès routiers, avec l’implication d’un troisième acteur public : le département

L’exemple du risque d’avalanches dans les communes supports de station, nous donne à considérer une évolution particulière en matière de gestion. Une évolution où les dualités se multiplient tant du point de vue des acteurs (déconcentrés/décentralisés, publics/privés), que du point de vue des préoccupations qui les impliquent (prévention/tourisme, sectoriel/territorial). La complexité, tant organisationnelle que thématique, nous conduit à privilégier une échelle d’analyse micro. Il s’agit de l’échelle des enjeux et des territoires qui permet de saisir la manière dont les problèmes prennent forme et où se formulent certaines réponses d’ajustement. L’interrogation se précise alors et s’oriente logiquement vers les modalités d’implication des acteurs sur le risque dans ces territoires. Ces modalités sont par définition propres à chaque situation territoriale et constituent la manière dont le problème "risque" est (re)posé localement.

IV Questionnements et hypothèses de recherche

Cette première partie consacrée au cadre théorique de cette recherche s’achève. Avant de clore ce développement par la synthèse des questionnements et des hypothèses, il nous faut résumer les grandes perspectives d’analyses qui viennent d’être préalablement détaillées. Notre approche du risque, nous a permis de décrire une trajectoire du pôle exogène au pôle endogène du risque. En cela, nous inscrivons notre recherche sur le risque dans une perspective constructiviste. Le risque est donc une réalité, un problème complexe qui prend une certaine forme selon le processus collectif, scientifique, technique, social et politique de mise en risque dont il fait l’objet. Le risque n’est donc pas un problème donné, mais répond à un processus de "constitution" qui conditionne une certaine réponse de gestion. Or, c’est cette réponse que nous projetons d’analyser en tant que modalité de prise en compte du problème. Dans le cadre des territoires touristiques, chargés d’enjeux et de préoccupations plurielles et parfois contradictoires, le risque cristallise certains débats et fait l’objet de dispositifs de gestion multiples. Ainsi, à l’échelle de la commune support de station de montagne, différents espaces concernés par le risque bénéficient de dispositifs instrumentés visant sa prise en compte. Ces dispositifs porteurs au départ, d’un certain sens de l’action sont, par ailleurs au moment de leur mise en œuvre au local, le siège d’interactions et de modalités d’engagement spécifiques des acteurs protagonistes de l’offre de gestion.

Dans un objectif général d’analyse des modalités de gestion des risques dans ces territoires et d’identification de certains facteurs actifs de vulnérabilité associés, la multiplication des angles de lectures semble nécessaire. C’est ainsi que nous proposerons une analyse croisée de l’offre de gestion en deux temps.

Le premier consacré à une approche classique de type "top-down" proposera une observation des conditions de territorialisation de l’action publique à travers les cadres descendants nationaux. Pour ce faire, nous réaliserons ce premier temps de lecture en développant notre approche relative aux IAP. Après les avoir présentés et détaillés dans leur forme théorique et juridique, nous les appréhenderons dans des contextes territoriaux particuliers de mise en œuvre. Ce temps permettra d’une part de décliner notre analyse relative aux régimes d’engagement des acteurs et aux facteurs de vulnérabilité liés au recours à l’instrumentation.

Le second temps d’analyse sera l’occasion de compléter l’introspection de l’action de gestion qui ne peut être limitée à la seule action relative aux grands cadres descendants nationaux. Pour cela, nous réaliserons une lecture en sens contraire, de type "bottom-up" relative aux actions de gestion qui se développent en marge des premiers dispositifs et qui les complètent, ou s’y opposent.

Ces actions de gestion qui sont de source et d’initiative territoriales sont constitutives d’un processus de (re)formulation locale du problème "risque". Ce processus permet aux acteurs issus de ces niveaux d’intervention de "trouver prise" sur le problème auquel ils sont confrontés.

L’encadré ci-dessous, synthétise les différents questionnements et hypothèses de recherche auxquels nous projetons de répondre dans le cadre de l’analyse qui va suivre.

Questionnement général : Dans des territoires à forts enjeux, comme les territoires touristiques de montagne, comment la gestion des risques prend-t-elle effectivement forme ?

Postulat : La gestion des risques dans ces territoires est une gestion sous tension à la recherche d’ajustements et d’équilibres territoriaux, dans un contexte d’action publique en perpétuelle mutation.

Question 1 : Comment comprendre dans ces territoires la manière dont le risque en tant que problème collectif est pris en compte ?

Question 2 : Les modalités de gestions observées dans ces territoires, sont-elles porteuses de risque ?

Question 3 : Que peut-on conclure en termes de nature d’engagement des acteurs dans l’action de gestion ?

Hypothèse 1 : Le risque qui bénéficie d’une définition au niveau global, ne renvoie pas, à l’échelle de chaque territoire, à un mode unique de prise en compte. Le risque bénéficie donc, d’un territoire à l’autre, d’une (re)formulation locale du problème, que l’on peut comprendre par l’analyse de la réponse territoriale.

Hypothèse 2 : La gestion des risques en montagne, fortement instrumentée, poursuit une logique technique, largement axée sur le traitement de l’aléa, en tant que menace externe et ce quels que soient les éléments vulnérables ou les espaces de vulnérabilité. Cette logique tout en étant incontournable et si elle est unique entretient une vision externalisant le risque, ayant pour effet de désincarner le pilotage de cette instrumentation.

Hypothèse 3 : Chaque tonalité de gestion du risque révèle des régimes d’engagement d’acteurs particuliers. Ces régimes dissociés du statut des acteurs sont déterminants dans la réalisation de l’action.

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