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Partie I... De l’exogène à l’endogène, quel regard sur le risque et sa prise

Chapitre 1 L’action publique et le territoire, approches et perspectives d’analyse

Avec ce chapitre, il s’agit de présenter brièvement certaines perspectives d’analyse consacrées à l’action publique et au territoire. Des approches qui évoluent avec ces deux objets de recherche centraux de la géographie et de la science politique. L’action publique marquée par une forte mutation demande à ce que les prismes et focales d’observation soient eux aussi renouvelés, pour permettre d’alimenter la compréhension des nouveaux processus. Le territoire quant à lui endosse, en

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Thoenig J, Duran P. 1996. L’État et la gestion publique territoriale. Revue française de science politique, 46:580-623.

géographie, le double statut de finalité et de modalité d’analyse. Ainsi dans cette recherche, le territoire est considéré comme une entité incontournable de la régulation relative aux risques en montagne. Il apparait aussi et par conséquent comme un angle privilégié de lecture des dynamiques complexes et diversifiées de l’action publique relative aux risques.

I De nouvelles approches pour déconstruire l’action publique

La recherche et les analyses en matière de politiques publiques se sont largement penchées sur la problématique du rôle et de l’action de l’Etat confrontés aux contraintes locales de mises en œuvre. Ainsi afin de mieux saisir certains phénomènes d’adaptation des politiques publiques et notamment de territorialisation de l’action publique, se sont développées des perspectives d’analyses et des approches conceptuelles spécifiques. Issue en science politique, d’une tradition de recherche relative à l’analyse des politiques

publiques, dans laquelle se développent ou s’affrontent différents courants124, l’analyse

de l’action publique a pour objet comme son nom l’indique : l’action, comprise comme ensemble de pratiques de mise en œuvre des politiques publiques. En effet, plus que la genèse et les conditions qui ont conduit à la formulation d’une politique publique, la focale est ici placée au niveau des conditions de mise en œuvre à l’épreuve des contextes sectoriels ou territoriaux. Retenons ainsi la définition relativement large d’Y. Meny et J.C.

Thoenig pour qui une politique publique se présente sous la forme « d’un programme

d’action gouvernementale dans un secteur de la société ou un espace géographique »

(1989)125. Une définition qui bien que s’inscrivant dans une lecture de type "top-down",

où l’Etat est seul émetteur de politiques, insiste néanmoins sur le périmètre, le domaine, l’échelle de déploiement de la dite action.

Il faut voir, dans ce glissement de questionnement et d’objet d’analyse, une mutation dans la manière d’aborder les politiques publiques. Au départ, il s’agit d’un tournant épistémologique, entre des approches traditionnelles positivistes du droit public, et des approches sociologiques systémiques et interactionnistes des politiques publiques contemporaines de la fin des années 70. Les questions relatives à l’Etat (fondement et intervention) ont ainsi laissé le champ à des approches critiques (issues notamment de la sociologie des organisations), soulignant le caractère "faussement centralisé" de l’Etat. Ces dernières ont ensuite, à leur tour, fait l’objet de critiques pour leur analyse

insuffisamment politique et exclusivement synchronique126. Par ailleurs, sur un plan

méthodologique, mais aussi théorique, comme le souligne A. Faure, J. P. Leresche, P.

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Pour plus de détails sur ces affrontements de nature épistémologique en matière d’analyse des politiques publiques se reporter à l’article de P. Hasseteufel et A. Smith : 2002. Essoufflement ou second souffle ? L’analyse des politiques publiques "à la Française". Revue française de science politique 52:53-73.

125 Thoenig J, Meny Y. 1989. Politiques publiques. Paris: PUF. 129 pp.

126 Pour plus de précision sur ces critiques se reporter à : Lecas J., Jobert B. 1980, le dépérissement de l’Etat, à propos de l’acteur et le système de Michel Crozier et Ehrard Friedberg. Revue française de science politique, 30 : 1125-1171.

Muller et S. Nahrat (2007)127, c’est la question des échelles de l’action et de la nouvelle focale du politique qui se place dorénavant au cœur des débats scientifiques, avec notamment le passage d’une dialectique verticale à une dialectique de type horizontal. L’évolution ne concerne plus alors seulement les objets de recherche, mais bien la manière de les appréhender. Ainsi, si les années 70-80 marquent une période d’analyses scientifiques à la recherche de points d’équilibre ou de tensions entre centre et périphérie, une seconde période depuis les années 90, déplace plus fondamentalement le curseur sur la mise en œuvre concrète et située des politiques publiques. L’échelle de l’action se localise alors et la territorialité des enjeux politiques et sociaux devient question centrale. Enrichie par des travaux qui dépassent la science politique, notamment en géographie et en sociologie, des recherches sur la régulation locale renouvellent et enrichissent l’analyse des politiques publiques. Celles-ci sont des objets désormais compris non plus seulement comme des processus verticaux du haut vers le bas, mais aussi comme résultant de phénomènes de structuration plus complexes prenant source à l’échelle de l’action. On envisage cette fois d’étudier cette structuration, en termes d’action publique, dans une logique horizontale, où l’Etat devient un acteur parmi d’autres acteurs de nature diverse : publique, mais aussi privée. Cette deuxième période marque un temps de conceptualisation fort, avec l’émergence de notions

multiples telles que « gouvernement urbain » (Borraz, 1998, Jouve et Lefèvre 1999),

« gouvernance urbaine » (La Galès 1995), mais aussi « subsidiarité » (Faure 1998),

« politiques constitutives » (Duran et Thoenig, 1996), ou bien encore « territorialisation de l’action publique » (Muller, 1992). Ces notions s’inscrivent toutes dans une approche érigeant la régulation locale comme objet d’enjeux et de lecture des politiques publiques. Néanmoins, l’échelle locale de mise en œuvre, voire de construction de l’action publique n’est pas exclusive, elle constitue une échelle de synthèse, de concrétisation de l’action. En cela, certaines de ces recherches de cette seconde période font l’objet de critiques lorsqu’elles se réduisent à un "localisme analytique". Pour la plupart, elles évitent néanmoins ce biais, en intégrant des dimensions verticales ou inter-locales, en révélant l’émergence de politiques locales et en questionnant la cohérence d’intervention entre les différents niveaux d’intervention.

Aujourd’hui, semble émerger une troisième période d’analyse sur l’action publique. De nouveaux chantiers de recherche qui s’inscrivent dans la lignée de la seconde période, mais qui se présentent comme une conciliation, peut-être encore incertaine, entre horizontalité et verticalité des modes d’analyse. Cette troisième période pourrait, en matière d’analyse de l’action publique, pour partie et pour ce qui nous importe, se

résumer ainsi : « penser la contingence territoriale » (Négrier, 2007, p. 13).

On postule ici, la croissance de l’interdépendance entre niveaux et logiques d’acteurs. Penser cette contingence territoriale revient donc, sur un plan épistémologique, à reconnaître que la spécificité du territoire comme objet de recherche devient de moins en moins évidente. Dans le même temps, le territoire semble pour autant de plus en plus

127 Faure A, Leresche J, Muller P, Nahrat S. 2007. Action publique et changements d’échelles : les nouvelles

focales du politique. Paris: L'Harmattan. 380 pp.

Négrier E. 2007. Penser la contingence territoriale. In Les politiques publiques à l'épreuve de l'action locale,

incontournable et indispensable pour analyser la mise en œuvre de certaines politiques publiques. Cet antagonisme à première vue, n’en est peut-être pas un si, et seulement si, on conçoit ces nouvelles analyses au sein de démarches empiriques importantes et si l’on renouvelle les prismes d’analyse. Ce qui caractérise notamment la troisième génération de travaux est un retour à des schémas explicatifs précédés de solides assises empiriques et comparatives. Ces travaux sont aussi imprégnés d’une forte interdisciplinarité permettant le renouvellement des prismes d’analyse. Citons ainsi

l’analyse des politiques publiques par l’approche des « IAP (Instruments d’Action

Publique) » (Lascoumes et Le Galès, 2004), inspirée de la sociologie des sciences. Ou

bien encore, l’approche par les « dynamiques intermédiaires » de l’action publique

(Filatre, de Terssac, 2005), regroupant divers travaux relevant de disciplines différentes telles que la sociologie du travail, la science politique, mais aussi la géographie, l’aménagement ou bien encore les sciences de gestion. La liste de ces approches et enjeux de recherche est loin d’être exhaustive mais illustrent un dynamisme intellectuel certain sur la question de l’action publique aux prises avec la réalité complexe de sa mise en œuvre au niveau du territoire.

C’est donc dans la veine de cette troisième génération de travaux que nous souhaitons positionner notre analyse de l’action publique en matière de gestion des risques dans les territoires touristiques de montagne. Ces approches critiques pointent la face cachée de l’action publique et posent plus directement la question de sa conduite. Ces approches enfin ne prennent pas pour argent comptant le discours dominant sur la désectorisation, la démocratisation, la participation au sein des procédures d’action publique, et sur lequel on conclut peut-être trop hâtivement. Au contraire, tout en proposant de nouveaux angles d’attaques, ces approches proposent des interrogations sur la perte de repère, de pilotage, de sens dans l’action publique et les cadres dans lesquels elle s’inscrit

nécessairement. Il s’agit ainsi de rendre compte de la multiplication des « tournois

d’action publique » (Lascoumes, Le Bourhis, 1998)128, en proposant une réflexivité sur les moyens, les outils de l’action publique et leurs effets indirectes, trop souvent indiscutés

(Lorrain, 2004)129. Ceci constitue de nouvelles démarches pragmatiques et critiques

d’analyse soudées à la réalité des contextes d’action.

II Une action publique territoriale en mutation

En matière de mutation de l’action publique, certains travaux relèvent le fait que

l’on soit « passé historiquement d’une logique de production d’action publique, fondée

sur la fourniture de services, à une logique de construction d’action publique, définie par la mise en cohérence des interventions publiques, que les relations entre acteurs se sont

considérablement modifiées. » (Thoenig et Duran, 1996, p. 583). Cette évolution ancrée

128 Lascoumes P, Le Bourhis J. 1998. Le bien commun comme construit territorial. Identités d'action et procédures. Politix 11:37-66.

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Lorrain D. 2004. Les pilotes invisibles de l’action publique, le désarroi du politique ? In Gouverner par les

dans le processus de décentralisation, entamé dans les années 80, a entraîné une multiplication des espaces de décision, d’intervention, mais aussi d’élaboration de sens

dans les politiques publiques. Le titre de l’article de JC. Thoenig et P. Duran130 est de ce

point de vue explicite, pointant la mutation du rôle de l’Etat confrontée à la difficulté croissante de la gestion publique territoriale. Si les auteurs s’inscrivent dans la tradition d’analyse relative au rôle et à la place de l’Etat, leur questionnement porte sur l’ajustement, l’adaptation de l’Etat dans des contextes territoriaux changeants. Les auteurs identifient ainsi les enjeux relatifs à ce type de gestion et l’évolution qui les accompagne. Ainsi, le dispositif institutionnel français de gestion du territoire visait avant la décentralisation à gérer le problème de l’intégration politique du territoire. Cet enjeu

suppose que « les règlements s’imposent de manière uniforme et continue sur l’ensemble

d’un territoire géographique défini. » (1996, p. 620). Néanmoins, cet enjeu d’intégration politique du territoire par le haut s’est trouvé confronté, en termes de mise en œuvre des politiques publiques, aux particularismes locaux. Pour contrer cette difficulté, à l’exigence

d’"intégration" a été ajoutée pour condition la "différenciation", c'est-à-dire « la prise en

compte des scènes locales fortement différenciées d’un point de vue contextuel sans briser une intégration politique construite avec difficulté » (p. 621)131.

Or, la décentralisation depuis les années 80 a transformé le problème de l’intégration

politique du territoire en problème « d’intégration de l’action publique sur le territoire »

(Ibid.). Compris au départ comme un problème gestionnaire, la modification du paysage institutionnel l’a rendu politique. La montée en puissance des collectivités locales et la multiplication des lieux de décision et d’autonomie politique ont grandement modifié la donne. La question n’est plus celle de l’intégration politique du territoire par l’Etat, mais celle de l’intégration des scènes locales, des enjeux, des problèmes et même des acteurs. Ces analyses semblent être aujourd’hui encore confirmées et alimentées avec de

nouveaux apports conceptuels tels que « la démocratie différentielle » (Faure, 2007)132.

On entend ainsi mettre en exergue le fait que les échelons "infra" deviennent de véritables lieux de légitimation du politique et au-delà, de définition de nouveaux « repères territoriaux de citoyenneté » (Faure et Douillet, 2005)133. S’il est alors possible de trouver au cas par cas des formes d’intégrations partielles suffisantes pour permettre l’action, dans l’ensemble, la cohérence est-elle encore garantie par l’Etat ? En effet, dans une telle situation de faible guidage central, l’Etat ne semble pas pouvoir faire autre

chose que de laisser « jouer la base afin que les solutions apparaissent d’elles-mêmes

tout en se gardant, d’une part, la solution de l’arbitrage, il lui faut éviter de trop s’impliquer dans la gestion localisée des problèmes et, d’autre part, la fixation des règles du jeu. » (Thoenig et Duran, 1996, p. 621). La décentralisation a ainsi considérablement durci les problèmes d’intégration, en "officialisant" la différenciation, plongeant de ce fait l’Etat dans un modèle d’intervention qui en matière de gestion publique territoriale l’oblige à partir de la différenciation pour aller vers le problème de l’intégration. Cette

130

Op. cit.

131 Nous évoquerons par la suite une déclinaison sectorielle de ce principe de différenciation, pour le tourisme et l’approche de l’action publique « équitable » selon V. Vlès (2001).

132 Faure A. 2007. Politiques publiques et gouvernements urbains : le temps venu de la démocratie différentielle ? Teléscope:11-9.

mutation, cette adaptation, ces ajustements sont porteurs de problèmes d’ordre

méthodologique. J.C. Thoenig et P. Duran précisent ainsi que l’« action publique en

matière de gestion territoriale est confrontée : A l’existence de problèmes dont la solution dépasse le cadre d’une seule organisation ;Aux limites des méthodes traditionnelles de débat pour la résolution des conflits liés aux orientations contradictoires apparaissant dans la gestion des problèmes publics ;A la turbulence croissante de l’environnement au sens où des organisations concurrentes, agissant séparément dans diverses directions, créent des conséquences inattendues et dissonantes pour les autres comme pour elles-mêmes. » (Ibid.).

Comme l’expliquent les auteurs, faire référence à la territorialisation de l’action ne relève pas d’une simple concession au concret. Elle est synonyme d’interrogation sur la configuration et les propriétés du pouvoir politique dans les sociétés avancées. Le territoire semble alors à la fois un élément constitutif de sens, mais aussi une simple

« catégorie a priori de l’action » (Offner, 2006, p. 5)134. Dans les deux cas, le territoire apparaît comme un lieu de synthèse où l’action publique est par conséquent observable,

évaluable. « Pourquoi dit-on aujourd’hui qu’il faut partir du territoire, sinon parce que ce

dernier est bien le lieu d’inscription des conséquences de toute action ». (Duran, 1999, p

50)135 Le territoire se définit alors comme le lieu de concrétisation des pratiques,

c'est-à-dire des conséquences d’une politique.

Ces travaux et analyses, bien qu’explicitement centrés sur l’évolution du rôle de l’Etat en matière de gestion publique territoriale, nous semblent intéressants dans la mesure où indirectement, ils nous renseignent sur certaines caractéristiques des échelons d’action et de régulation locaux. Rétrospectivement, nous pouvons dire que ces analyses concilient déjà la double lecture verticale et horizontale, en reconnaissant la spécificité des contextes qui mettent à l’épreuve et conditionnent les cadres d’action descendants. Cette préoccupation d’analyse rejoint donc la notre consacrée à la gestion des risques dans les territoires de montagne. Un domaine où l’action de l’Etat est confrontée à la réalité des territoires du risque et aux effets des réformes successives telles que la décentralisation, pour ne citer qu’elle. Plus que l’adaptation de l’action de l’Etat au niveau local, il s’agit de reconnaître et décrypter l’autonomie et la montée en puissance d’une action dont la source politique est territoriale.

III Le territoire, enjeu d’action et d’analyse

Le géographe C. Pierret, dans son article la géographie et la politique136 expliquait

que « la géographie peut nous permettre de prendre en compte à travers le territoire, les problèmes globaux qui s’y présentent… et elle nous propose une approche qui peut nous aider à prendre à bras le corps certains problèmes difficiles de notre société » (1999, p. 143). En cela, la spécificité territoriale n’est pas donnée comme évidence, mais

134

Offner J. 2006. Les territoires de l’action publique locale. Fausses pertinences et jeux d’écarts Revue

française de science politique 56:27-47.

135

Duran P. 1999. Penser l’action publique. Paris: LGDJ. 212 pp.

l’approche territoriale, en revanche, apparaît de fait appropriée à l’analyse de l’action publique.

En géographie, la notion de "territoire" se substitue à celle d’"espace" parce qu’elle ajoute à la dimension matérielle, une dimension idéelle. La genèse du territoire comme

concept a son histoire137. Il faut brièvement préciser que son utilisation fut dans un

premier temps, au 19e siècle, exclusivement associée à une conception politique et

juridique de la maîtrise de l’espace terrestre. Nous pouvons ainsi évoquer les travaux du géographe germanique F. Ratzel, dont les thèses furent en partie mobilisées et instrumentalisées par le régime Nazi. En France, le territoire fut davantage un moyen d’analyser les relations hommes-milieux. Le terme d’espace dans les années 70 fut une notion fertile aux Etats-Unis, pour développer l’analyse spatiale, s’inscrivant dans une approche paradigmatique calquée sur les sciences "exactes" ou "dures", telles que les mathématiques et la physique. Il faut attendre les années 80 pour qu’une géographie critique vis-à-vis des apports des approches spatiales questionne et redéfinisse le terme

de territoire.

Néanmoins, l’utilisation qui est faite du terme se détache des acceptions seulement politiques, juridiques, ou éthologiques antérieures. Le terme de territoire devient le

concept central de la géographie dite sociale, « attentive aux phénomènes de

différenciation, de domination et d’appropriation sociale et soucieuse de prendre en compte des dimensions matérielles et idéelles de ces appropriations » (Debarbieux, 2003, p. 38). Ainsi, la géographie francophone redécouvre le terme de territoire et développe une acception plus riche, mais aussi plus complexe et plus délicate à

mobiliser. Cette géographie sociale mobilise le territoire comme un outil d’analyse, « un

cadre méthodologique permettant d’évaluer la nature des rapports sociaux dans leur contexte de spatialisation » (Di Meo et Buléon, 2005, p. 78)138. L’analyse des faits sociaux et politiques jusqu’alors mise de côté dans les approches géographiques classiques est alors possible et va permettre de mettre véritablement l’accent sur le rôle des collectivités, des acteurs, des institutions présentes à l’échelle des territoires. Le

terme de territoire apparait ainsi pour H. Gumuchian comme « beaucoup plus pertinent

(que le terme d’espace) en géographie dans la mesure où il prend en compte d’autres

dimensions que la simple étendue ; notamment les dimensions sociales, politiques et subjectives. […] la géographie devient alors la science du territoire et se trouve ainsi légitimée dans sa prétention, parmi d’autres sciences, à poser un regard sur l’espace et, éventuellement à formuler des propositions d’aménagement » (1992, p. 20)139. L’usage du concept de territoire, notamment sous l’impulsion des géographes grenoblois va permettre de développer une géographie de nature constructiviste, avant même que cette voie épistémologique ne soit courante dans les sciences sociales francophones. JP. Guerin, géographe et spécialiste des politiques d’aménagement touristique montagnard,

parle des Alpes comme d’« un produit culturel qui se renouvelle en permanence : elles

n’existent qu’à travers leur signification » (1989, p. 277)140. Le territoire apparaît comme

137 Se reporter notamment à l’article : Debarbieux B. 2003. Le territoire en géographie et en géographie grenobloise In Le territoire en science sociale, ed. M Bernardy, B Debarbieux, pp. 35-54. Grenoble: MSH Alpes.

138 Di Meo G, Buléon P. 2005. L’espace social, lecture géographique des sociétés. Paris. 303 pp.

139

Gumuchian H. 1991. Représentations et aménagement du territoire. Paris: Anthropos-Economica. 144 pp.

« une scène où se jouent des représentations en (plusieurs) actes, l’acteur y est donc omniprésent. » (Gumuchian et al, 2003, p. 1) 141. La géographie apparaît comme la science pour étudier l’organisation et le fonctionnement de l’espace. A ce titre, elle ne peut faire l’impasse sur l’analyse des acteurs qui génèrent l’action à partir de leurs intentions, leurs pratiques, leurs représentations, leurs stratégies, leur interactions. P.

Claval, à propos des enjeux scientifiques de la géographie exprimait le fait que : « la

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