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Chapitre 1 : De la théorie des dispositifs gestion des risques en montagne :

2) Dispositif d’information préventive : Le DDRM et le DICRIM

Même si le Document Départemental sur les Risques Majeurs (DDRM) d’une part,

et le Document d’Information Communal sur les Risques Majeurs (DICRIM)322 d’autre

part, n’ont pas fait l’objet d’analyses de terrain, il nous a semblé pour autant intéressant

d’en présenter les enjeux et la portée réglementaire et théorique323. En tant que supports

centraux de l’information préventive le DICRIM et le DDRM ne pouvaient être supprimés de l’analyse théorique. De plus impliquant différents échelons d’intervention publique, il nous semble intéressant de constater leur imbrication.

Les analyses relatives à l’application (Godfrin V. 2004) montrent que ces documents restent du point de vue de leur effectivité limités par le fait qu’ils sont considérés comme des fins en soi par les autorités. Ils avaient été conçus davantage comme des éléments de diffusion de l’information dans une chaîne allant des autorités, aux citoyens. Soulignons néanmoins, l’effort d’information préventive revitalisé ces dernières années dans les derniers textes législatifs.

L’information préventive est consacrée par l’article 21 de la loi n°87-565 du 22 juillet 1987 relative à l’organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre

l’incendie et à la prévention des risques majeurs, qui prévoit que : « Les citoyens ont un

droit à l’information sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis dans certaines zones du territoire et sur les mesures de sauvegarde qui les concernent. Ce droit s’applique aux risques technologiques et aux risques naturels prévisibles». La question de l’information sur le risque a été récemment reposée avec l’article 77 de la loi n°

2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à

la réparation des dommages. Cette loi ajoute un article (L. 125.5) au code de l’environnement et prévoit que les acquéreurs ou locataires de biens immobiliers situés dans les zones couvertes par un plan de prévention des risques naturels, prescrit ou approuvé, doivent être informés par le vendeur ou le bailleur de l’existence des risques visés par le plan. Il est prévu qu’un état des risques naturels et technologiques établi à partir des informations mises à disposition par le préfet doit être produit en cas de mise en vente ou en location d’un immeuble.

a) Etapes et nœuds

L’information préventive consiste à fournir aux citoyens une information la plus complète possible sur les risques qu’ils encourent sur le territoire de leur commune. Sont concernées toutes les communes dotées d’un PPR, d’un PPI (Plan Particulier d’Intervention), d’un plan de prévention des risques miniers, désignées par arrêté préfectoral, ainsi que celles répertoriées du fait de leur exposition aux risques sur une

liste nationale ou départementale324. L’objectif est de favoriser l’apparition d’une « culture

du risque » à l’échelle territoriale en précisant « l’énumération et la description des risques majeurs sur le territoire de la commune, l’énoncé de leurs conséquences

322 Pour une analyse réglementaire détaillée du DDRM et du DICRIM se reporter aux pages 20 à 26 de la référence op.cit. ( Boudières et Gourbinot, 2006b).

323 Pour une analyse de l’efficacité ou l’effectivité de l’information préventive se reporter à : Godfrin V. 2004. Impact de l’information préventive sur l’évolution de la responsabilité dans le cadre des risques naturels majeurs, Le cas des Alpes-Maritimes. Rapport programme EPR, Ministère de l’Environnement.

324

Article 2 du décret n° 90-918 du 11 octobre 1990 relatif à l’exercice du droit à l’information sur les risques majeurs pris en application de l’article 21 de la loi de 1987.

prévisibles, pour les personnes, les biens et l’environnement, la chronologie des évènements et accidents connus et significatifs de l’existence de ces risques, l’exposé des mesures générales de prévention, de protection et de sauvegarde prévues par les autorités publiques dans le département pour en limiter les effets. »

La procédure de mise en œuvre de l’information préventive est définie par le décret du 17 juin 2004 qui modifie le décret du 11 octobre 1990 pris en application de l’article 21 de la loi de 1987. Il fait appel à de nombreux acteurs et prévoit deux niveaux de compétences complémentaires. Le premier, qui consiste à déterminer les différents types de risques, est assuré par les services déconcentrés de l’Etat. Le deuxième, consistant en la diffusion de l’information préventive, est laissé à la compétence des autorités municipales. Ces deux niveaux se matérialisent d’une part,dans l’élaboration du DDRM et d’autre part, dans l’élaboration du DICRIM à l’échelle communale.

l’affichage du risque par le DDRM. Ce document est à la charge de l’Etat et ses autorités déconcentrées. Leur rôle est d’amorcer l’affichage du risque en dépassant les

réticences locales à le faire. Pour son élaboration, le préfet a donc pour obligation de

déterminer le contenu de l’information préventive par le biais de la création d’une CARIP (Cellule d’Analyse des Risques et de l’Information Préventive) qui réunit tous les partenaires qui sont intéressés par les risques sur le département. Celle-ci collecte les données, établit des listes de communes à risques, ainsi qu’une carte d’aléas et d’enjeux. Enfin elle est chargée d’élaborer un document clef, le DDRM qui recense les risques majeurs présents sur toutes les communes du département et qui se trouve être à la destination des acteurs publics. Le décret de 1990 et la circulaire de 1994 prévoyaient que la CARIP devait, en plus du DDRM, élaborer un DCS (Dossier communal synthétique) pour chaque commune. Or, il semble qu’à la lecture du décret de 2004 l’élaboration du DCS ne soit plus obligatoire puisqu’il n’est plus fait mention que du DDRM.

la diffusion locale du risque par le DICRIM. Le DDRM et les documents qui ont servi à son élaboration (cartes, listes des arrêtés portant constatation de l’état de catastrophes

naturelles) sont notifiés par arrêté préfectoral à chacun des maires concernés.

L’autorité communale élabore alors un DICRIM qui « reprend les informations

transmises par le préfet »325 et qu’elle peut compléter par l’indication « des mesures de sauvegarde qu’elle a prises en vertu de ses pouvoirs de police »326. Le maire a alors

l’obligation de faire connaître au public l’existence du DICRIM par le biais d’un avis

affiché à la mairie pendant deux mois au moins. Le DICRIM et le DDRM peuvent alors être consultés sans frais à la mairie par toute personne qui en fait la demande.

Précisons après ce bref rappel des étapes de la procédure destinée à mettre en œuvre l’information préventive qu’aucune sanction spécifique n’est prévue en cas de refus d’un des acteurs sollicités de se conformer à la dite procédure. La seule sanction possible pour non respect de cette procédure est donc une action en responsabilité après la survenance d’une catastrophe.

325

Décret 2004-554 du 9 juin 2004 relatif à la prévention du risque d’effondrement des cavités souterraines et marinières qui modifie le décret de 1990.

326

Circulaire n° 91-43 du 10 mai 1991 relative à l’information préventive sur les risques technologiques et naturels majeurs.

b) Acteurs et rôles

Dans le cadre de la procédure précédemment exposée, la question de la

négociation et de la consultation ne se pose qu’au sein de la CARIP. Celle-ci réunit les

partenaires intéressés par le risque (les services déconcentrés : DIREN, DRIRE, DDE, DDAF, DDASS, les leaders d’opinion, les collectivités locales, les services médicaux

sociaux et les associations protectrices de l’environnement ainsi que les médias327) pour

débattre de l’existence des risques et sur les mesures prises pour en atténuer les effets.

La CARIP est désignée par cette même circulaire comme « l’organe de réflexion

départemental qui vous (le préfet) permettra de mieux réaliser la coordination et l’ensemble de ces actions (élaboration règles d’urbanisme plan d’alerte et de secours…), dont la non-exécution pourrait conduire les victimes de risques majeurs à mettre en cause la responsabilité de l’Etat ou des maires ». La négociation et la consultation dans cette procédure sont alors principalement conduites sous la responsabilité du préfet qui

est en charge de la désignation328 des membres de la CARIP et de l’élaboration du DDRM.

Le DICRIM élaboré par la commune bénéficie de financements complémentaires de la

part des Conseils Généraux (Isère et Hautes-Alpes) et des Conseils Régionaux (PACA

et Rhône-Alpes), dans le cadre de leurs actions de soutien aux communes et actions préventives en matière de gestion des risques. Dans les petites communes, les DICRIM

sont techniquement élaborés par des prestataires privés, en collaboration avec les

services communaux, sur la base des informations contenues dans le PPR et dans le DDRM.

La mise en place de l’information préventive pose néanmoins la question de la

coopération entre autorités déconcentrées et décentralisées. Cette coopération

paraît primordiale pour que chacune des autorités exerce son rôle de façon cohérente329

et en conformité avec les objectifs de l’information préventive. Les deux niveaux de

compétence de cette procédure sont justifiés par le fait que le préfet qui a une position

extra-communale par rapport au territoire et au développement de la commune, est le

mieux placé pour afficher le risque330. Elle repose aussi sur l’idée que le maire, proche

des citoyens est le mieux placé pour diffuser l’information. Or, certains observateurs relèvent des dysfonctionnements majeurs dans la mise en œuvre de l’information

préventive : « l’obligation d’information des populations n’est pas du tout connue par

l’autorité locale » 331, et il faut être conscient du fait « que l’on peut douter de l’efficacité

327 La circulaire de 1991 précise qu’il revient à l’Etat par le biais du préfet « de veiller à ce que toutes les parties concernées soit associées aux actions d’information préventive, notamment les élus locaux, les industriels, les responsables des services publics, les organisations syndicales de salariés et les associations, les

médecins, les sapeurs-pompiers, les enseignants, les journalistes, etc ».

328 L’article 2.2 de la circulaire de 1994 précise que le préfet doit désigner un comité de pilotage au sein de la CARIP composé au minimum des services déconcentrés de l’Etat SIDPC, DDE, pompiers, DDSIS, DRIRE. Il doit aussi désigner un coordinateur, membre de la préfecture qui sert d’interface avec le préfet, de porte parole de la CARIP et de coordinateur des actions de la cellule et du comité.

329

La circulaire n° 91-43 du 10 mai 1991 relative à l’information préventive sur les risques technologiques et naturels majeurs et au décret n° 90-918 du 11 octobre 1990 relatif à l’exercice du droit à l’information sur les risques majeurs précise le fait que les préfets et les maires doivent élaborer les DDRM et DICRIM « conjointement et en cohérence ».

330

La circulaire du 10 mai 1991 précise que « L’Etat a des responsabilités et un rôle déterminant à jouer », qu’il doit être « capable de lever toutes les réticences à une plus grande transparence de l’information sur les

risques majeurs ».

331

de la diffusion préventive lorsque les communes ne maîtrisent pas elles-mêmes l’information qu’elles vont diffuser ». Il semble donc que la forme de la procédure prévue en 1990 qui implique l’intervention de deux niveaux de compétence, ait pour effet un manque d’implication des maires. Ces derniers semblent se conformer aux directives de la CARIP et au bureau d’étude qui va rédiger le document, sans engager de véritable réflexion sur le sens et la finalité du rôle que leur a assigné le pouvoir réglementaire (notamment l’adaptation des informations aux réalités du terrain et surtout la mise en œuvre d’une diffusion effective de l’information). Ici nous touchons au problème de la réappropriation par les élus locaux, de l’information sur les risques donnée par l’Etat. Cette procédure relative à l’information préventive semble révélatrice de la difficulté que

rencontrent les communes pour exploiter (voir accepter) les informations venues des

autorités déconcentrées et du fait que celles-ci sont plus vécues comme des contraintes que comme des aides à la gestion des risques.

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