• Aucun résultat trouvé

Partie I... De l’exogène à l’endogène, quel regard sur le risque et sa prise

Chapitre 1 Les risques en montagne, l’imbrication des univers techniques,

2) Evolution des pratiques, nouvelle vulnérabilité et mutation du risque :

risque : l’exemple des activités hors pistes.

La thématique de la gestion des risques dans les domaines skiables, ou plus exactement, la thématique de gestion de la sécurité a déjà fait l’objet de certains travaux de recherche. B. Soulé a par exemple utilisé des modèles issus de la cyndinique pour étudier la gestion de la sécurité dans les stations. Il a adapté le modèle MADS (Méthodologie d’Analyse des Dysfonctionnements des Systèmes) de P. Périlhon et al.

(1993)220, pour caractériser les « processus de danger sur les domaines skiables »

(Soulé, 2002, p. 3)221. Néanmoins cette analyse s’intéresse essentiellement à la gestion

de la sécurité dans les espaces aménagés et sécurisés (pistes balisées) et considère

notamment l’avalanche comme « événement rare ou hypothétique ». Pour notre part,

nous nous intéressons davantage et au contraire aux espaces qui sont limitrophes à ces espaces standardisés et aménagés. Des espaces hors des pistes, mais qui restent bel et bien accessibles par gravité des remontées mécaniques. A ce titre, ils font pleinement partie de l’enveloppe spatiale du domaine skiable. Même si nos objets diffèrent, notons que B. Soulé conclut en matière de gestion de la sécurité sur les pistes, qu’elle

« gagnerait en efficacité à impliquer les clients. L’information produite conjointement par des experts et des profanes permet de mêler des faits et savoirs hétérogènes et complémentaires » (2002, p. 14). Cette conclusion rejoint l’idée d’un système de prise en

charge externalisant le pratiquant.

D. Poizat, dans le domaine de la communication, fait état quant à lui d’un «contexte

informationnel global conflictuel» (2001)222. Ce contexte apparait préjudiciable à l’action préventive, dans la mesure où celle-ci se heurte à un ensemble de logiques contradictoires génératrices de dysfonctionnements. Au centre des dysfonctionnements,

l’auteur pointe les « processus d'objectivation des risques » (Ibid.) qui constituent pour

lui les orientations majeures de ces dernières années et ont inévitablement des effets sur la gestion des risques. Nous soulevons pour notre part, cette problématique en évoquant la question de la (re)formulation locale du problème "risque".

Par rapport à ces auteurs qui ont abordé la question de la sécurité en station, il s’agit de positionner principalement notre approche en privilégiant la question de la prise en compte des risques dans les espaces hors pistes. Ainsi, l’enjeu n’est pas de comprendre comment se présente l’offre de sécurité pour la majorité des usagers sur les pistes, mais davantage de comprendre comment se caractérise la prise en compte des risques inhérents aux activités hors pistes. Il s’agit donc de se questionner sur des procédures

220 Périlhon P, Penalva J, Coudouneau L, Dos Santos J, Lesbats M, Dutuit Y. 1993. Développement d’un Modèle

de référence en Sciences du Danger. 1er Colloque International des Cindyniques. Cannes.

221 Soulé B. 2002. Analyse socio-technique des risques en station de sports d’hiver. Annales des Ponts et

Chaussées 104:65-74.

222

Poizat D. 2001. Communication préventive et objectivation du risque : le cas des sports d’hiver. Revue

visant à apporter une réponse à un problème qui évolue, en particulier celui relatif aux avalanches. Par cet objet, nous portons l’attention sur un risque qui évolue nous le verrons par le versant de sa vulnérabilité et interroge sur un plan géographique et réglementaire le statut et la définition de ces espaces de pratique.

La qualification des espaces de pratiques devient essentielle pour comprendre la manière dont les pratiques évoluent et surtout la manière dont le risque est pris en charge. Or, d’un point de vue juridique, les définitions afférentes au domaine skiable sont plus ou moins claires. Le flou quant aux définitions des espaces, notamment dans le cadre d’une évolution des pratiques sportives hivernales, pose un certain nombre de problèmes en matière de responsabilité. Evoquons dans ce sens, l’allocution du préfet de Savoie les 20

et 21 Avril 1978, au colloque « sécurité des stations de sports d’hiver et des skieurs » à

Tignes. Face à l’évolution des pratiques hors pistes et au développement du ski de

randonnée, le préfet évoque l’opportunité d’adapter « une réglementation particulière à

ces nouvelles catégories ».

Ainsi, deux circulaires, dont l’une date de l’année 1978223, précisent réglementairement la

définition du domaine skiable. Le « domaine skiable de la station224» se situe « en deçà

de ses remontées mécaniques, c’est-à-dire dans la partie où les skieurs redescendent à ski au point de départ ». Ce domaine est composé par deux types d’espaces : le

« domaine des pistes balisées » et le « domaine hors piste ». Le domaine des pistes balisées doit être défini par arrêté municipal du maire selon le modèle fourni par la

circulaire de 1987. Celui-ci prévoit qu’« est considéré comme piste de ski alpin, tout

parcours de neige balisé… » et protégé (art.5). Quant au domaine « hors piste », il

renvoie selon la circulaire de 1978, « à la partie non balisée située entre les pistes ou en

bordure de celles-ci [et] il peut englober certains itinéraires et comporter des panneaux directionnels».225 Cette tentative de définition permet de préciser les mesures qui vont permettre la sécurisation des usagers.

Pour tant, l’évolution des pratiques, notamment hors des pistes, met à mal ces définitions juridiques, puisque la jurisprudence ne se borne pas aux définitions réglementaires relatives au domaine skiable et s’attache à constater la réalité des pratiques. Ainsi, si le maire est responsable des accidents survenus sur les pistes (définies dans l’arrêté municipal imposé par la circulaire), le juge administratif étend

volontiers la responsabilité du maire aux parcours « habituellement empruntés par les

skieurs »226, mêmes si ceux-ci ne sont ni balisés, ni définis dans l’arrêté municipal. Ces

parcours que l’on dénomme « piste de fait », mais qui aujourd’hui vont au-delà du simple

espace entre deux pistes, sont assimilés à des pistes et requièrent par conséquent aussi une attention de la part des gestionnaires. La jurisprudence fait ainsi évoluer la question

223Source réglementaire : circulaires du 4 janvier 1978, « relatives à la sécurité et aux secours dans les

communes où se pratiquent les sports d’hiver» et du 6 novembre 1987 dite « arrêtés municipaux relatifs à la

sécurité sur les pistes de ski alpin et de ski de fond ».

224

Pour la suite du propos nous utiliserons le terme de domaine skiable pour évoquer celui de la station (et non celui de la commune qui comprenant en plus le domaine de la haute montagne).

225

Se reporter à : Gourbinot O. 2006. La question de la responsabilité sur les pistes de ski, Répartition des

rôles et enjeux. Mémoire de Master II Droit et Développement de la Montagne. CDTM-UFR de Droit. Université

P. Mendes France, Grenoble.

226

CE, 22 décembre 1971, « Commune de Mont-de-Lans », Lebon, p. 789, JCP 1973, II, 17289, note W. Rabinovitch.

des responsabilités et de la définition des espaces au sein du domaine skiable. Une évolution qui se caractérise par une extension spatiale des responsabilités.

Ainsi parallèlement à l’extension spatiale des pratiques, se développe une extension du domaine des responsabilités.

De plus s’ajoute à ce constat celui des limites de certains dispositifs de gestion classique du risque d’avalanche qui ne sont pas véritablement axés sur la composante en mutation

du risque, à savoir la vulnérabilité (Boudières 2007a)227. Ainsi, le déclenchement des

avalanches dans les domaines skiables qui constitue l’une des réponses centrales au "risque d’avalanches" semble ne plus totalement endiguer le problème. En effet, le déclenchement artificiel a pour but de sécuriser des zones qui sont destinées à être ouvertes au public. Compte tenu de l’étendue spatiale des domaines skiables, il paraît encore aujourd’hui sur un plan technique et matériel difficile de prétendre garantir une stabilité de l’ensemble des pentes accessibles par les remontées mécaniques. Ainsi, les déclenchements préventifs se cantonnent davantage à des enjeux précis, préalablement recensés. Dans le cadre des domaines skiables, les enjeux faisant l’objet d’une sécurisation (purge des pentes situées en amont) sont les pistes de ski alpin ou de fond, les remontées mécaniques, certains accès, des chantiers, des événements sportifs exceptionnels. Par voie de conséquence, les espaces ne correspondant pas à ces enjeux et n’étant pas destinés à être ouverts au public ne font pas l’objet d’une sécurisation particulière.

Ainsi et théoriquement les espaces hors des pistes ne sont pas prévus à l’origine pour accueillir du public, et ne font pas l’objet d’une sécurisation spécifique. Si certains, par le fait qu’ils sont de fait en pratique fréquentés, sont sécurisés, tous ne peuvent faire l’objet de tirs préventifs. Ainsi le problème "risque d’avalanches" en station est aujourd’hui reposé sous une nouvelle forme. Or, ce n’est pas tant le phénomène naturel avalanche qui évolue, mais bien davantage la vulnérabilité. Les activités hors pistes mettent ainsi à mal des dispositifs de gestion qui n’ont pas été prévus pour contenir une telle évolution et appellent à ce que soient développées d’autres approches préventives plus adaptées à la manière dont ce risque se présente désormais.

227 Boudières V. 2007a. chap. 10: Risque d’avalanches et activités hors pistes : Entre attractivité touristique et gestion des risques, quelle voie pour la prévention dans les domaines skiables ? In Les sports d’hiver en

Chapitre 2 Tourisme et risque, synthèse ou paradoxe territorial Nous avons vu dans le premier chapitre comment l’imbrication des dimensions relatives aux risques ne favorise pas les entreprises de segmentation systématiques. Nous proposons ici de montrer que cette imbrication complexe s’observe également au niveau du territoire de risque et plus particulièrement au niveau des territoires touristiques de montagne. Il ne s’agit pas de segmenter, mais bien d’accepter la l’intrication des enjeux sur ces territoires et de les mettre en relation, en perspective. Le but est donc de restituer les associations qui peuvent exister entre le territoire de risque et le territoire touristique afin de mieux cerner la problématique de gestion qui anime cette recherche.

I La commune touristique de montagne et l’impératif

touristique "

Dans un premier temps nous évoquerons l’impératif touristique qui anime ces territoires sur un plan économique et politique. Nous évoquerons à ce titre le statut législatif particulier des communes de montagne qui confère à leurs représentants élus des obligations et responsabilités particulières. Un ensemble d’éléments qui ne sont pas sans lien et conséquence sur les risques.

Outline

Documents relatifs