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Chapitre 1 : De la théorie des dispositifs gestion des risques en montagne :

1) Dispositif de planification de la prévention : le PPR

a) Etapes et nœuds

Le Plan de Prévention des Risques naturels prévisibles312 (PPR), sous maîtrise

d’ouvrage étatique, est prescrit à la commune par arrêté préfectoral de prescription313.

En termes d’élaboration, débute alors une phase d’expertise dont le premier temps est

caractérisé par la réalisation de la carte d’aléas (localisation et caractérisation de l’aléa : intensité et fréquence d’occurrence). Cette carte, présentée aux élus de la commune, est considérée comme non négociable. Il s’agit ensuite dans un second temps de réaliser une seconde carte, la carte des enjeux ou de vulnérabilité. En étroite collaboration avec les élus, le but de cette étape d’expertise est d’identifier les enjeux existants et futurs. La troisième et dernière carte est celle relative au zonage de risque. Elle est obtenue par

croisement de la carte des aléas avec la carte des enjeux314.

La carte de risque présentant le zonage (zones blanches, rouges et bleues) est

accompagné du règlement (préconisations urbanistiques, architecturales et

d’aménagement par zones). Nous sommes encore au stade d’un projet de PPR sur lequel les élus locaux sont consultés et où sont recueillis leurs avis. Le cas échéant, ces avis peuvent faire l’objet de modification sur ce qui n’est encore qu’un projet de PPR. Les discussions peuvent par exemple porter sur les mesures à prendre (études complémentaires, ouvrage de protection) pour sécuriser certaines zones qui en l’état présentent une exposition importante aux aléas.

Le projet de PPR est ensuite alors soumis à l’enquête publique qui permet aux

administrés de la commune de prendre connaissance du document et émettre à leur tour des remarques. Cette phase est dirigée par un commissaire enquêteur nommé par le Tribunal Administratif. C’est le commissaire qui jugera de donner suite aux requêtes et le cas échéant demandera que certaines dispositions, après vérification, fassent l’objet de rectifications et modifications.

Le projet de PPR est ensuite approuvé par le préfet qui par cet acte remplit la mission

de l’Etat, chargé d’« afficher le risque »315. La commune doit ensuite annexer le PPR à

ces documents d’urbanisme (POS ou PLU), dans la mesure où le PPR est une servitude d’utilité publique. C’est-à-dire que ces prescriptions et règles s’imposent aux projets d’aménagements de la commune. Le maire, représentant de la commune, remplit ainsi à

son tour son rôle de « prendre en compte le risque » (Ibid.), en appliquant le PPR aux

autorisations de droit du sol qu’il est amené par la suite à donner.

312 Issu de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement modifie la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987. Pour une analyse réglementaire détaillée du PPR se reporter aux pages 7à 19 de la référence suivante : Boudières V, Gourbinot O. 2006b. Cadre réglementaire des dispositifs de

gestion des risques, dans les territoires touristiques de montagne. Grenoble: Cemagref/ Fondation MAIF. 67 pp.

313 Cet arrêté spécifie le périmètre d’étude, l’identification du service instructeur en charge de la réalisation du PPR et depuis 2004, les modalités de concertation qui seront mises en place avec la commune concernée.

314 Cf. : Partie II, section 1, Chap 1: Les "risques collectifs", l’imbrication des univers techniques politiques et culturels.

b) Acteurs et rôles

Comme nous l’avons vu trois grands types d’acteurs sont concernés dans l’élaboration, puis la mise en œuvre du PPR : l’Etat, la commune, les citoyens. Néanmoins et pour ce qui concerne les communes de montagne, le paysage organisationnel semble plus complexe.

L’Etat est représenté par le préfet pour ce qui relève de la décision administrative

(arrêtés de prescription et d’approbation) et par ses services techniques instructeurs pendant la phase d’élaboration.

Selon les deux circulaires de 2005 et 2006316, le service de l'Etat qui assure les missions

de service public concourant à la prévention des risques au niveau départemental est la

Direction Départementale de l’Equipement (DDE)317. Ce service est selon les textes, le

service en charge du pilotage global de la politique de prévention des risques, assurant ainsi la cohérence de la prévention avec l’urbanisme et l’application du droit des sols.

En montagne, c’est le service de Restauration des Terrains en Montagne (RTM), sous

tutelle de l’Office National des Forêts (ONF) qui officie historiquement au nom de l’Etat en montagne. C’est donc ce service qui a débuté l’élaboration des premiers PPR dans les communes de montagne, en tant que spécialiste sur la question des risques gravitaires. Ce service a pour rôle principal d'assurer la sécurité des personnes et des biens et de régulariser le régime des eaux, grâce à l'implantation de peuplements forestiers sur des terrains acquis par l'Etat (380 000 ha dont 230 000 ha boisés) et des travaux de génie civil (environ 100 000 ouvrages). Cette mission RTM s'exerce conformément aux dispositions du code forestier et se trouve régie par une convention entre l'ONF et le Ministère de l'agriculture et de la pêche, l'Etat étant responsable des travaux RTM,

déclarés d'utilité publique318. D'autres ministères ont été amenés progressivement à

solliciter l'appui des services RTM dans le cadre de missions techniques susceptibles d'engager la responsabilité administrative ou pénale de ses agents : participation à l'élaboration des plans de prévention des risques (Ministère de l’écologie et du développement durable MEDD, récemment rebaptisé Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement Durable et de l'Aménagement du Territoire MEEDDAT), expertise en matière d'urbanisme et de droit des sols (ministère de l’équipement et des transports), diffusion de l'information sur les risques naturels et participation aux procédures

« catastrophes naturelles » diligentées par le ministère de l'intérieur.

Cette sollicitation importante, relative à des missions de service public, dans le champ régalien de l’Etat ne manque pas de poser question dans la mesure où le service RTM n’est pas un service d’Etat, au sens strict du terme. En effet, depuis 1980, ce service est rattaché à l’ONF dont le statut est celui d’Etablissement Public à caractère Industriel et

Commercial (EPIC). Ce montage administratif « un peu complexe permet ainsi de

conserver la restauration des terrains de montagne, jugée mission de service public, au

316Cf. : circulaire interministérielle du 27 juillet 2005 qui fixe le rôle des services de l'équipement dans le domaine de la prévention des risques technologiques et naturels et circulaire du Premier ministre du 2 janvier 2006 relative à la mise en œuvre des propositions de réforme de l'administration départementale de l'État.

317

La Direction Départementale de l’Agriculture et de la Forêt (DDAF) est aussi reconnue comme service instructeur, mais son intervention est davantage ciblée sur les communes rurales soumises au risque d’inondation.

sein d'un Office National des Forêts doté d'un statut d'entreprise publique. » (Brugnot et

Cassayre, 2002, p 5)319.

Or, dans le cadre de la mise en œuvre des PPR, ce montage présente quelques limites administratives et juridiques. Les services RTM ne peuvent pas en théorie instruire les PPR, au nom de l’Etat, n’étant pas statutairement reconnus comme service d’Etat. Néanmoins, ce service, de par sa connaissance et son antériorité sur la question des risques naturels en montagne, reste incontournable dans l’élaboration des PPR. Il endosse ainsi d’un département à l’autre, ou même d’un PPR à l’autre, différents statuts : "pilote de PPR", "bureau d’étude" et dans certains cas, "service instructeur" sur des PPR, en cours de finalisation.

La notion de pilote de PPR induit le fait que le RTM gère les appels d’offre et le suivi des études confiées à des bureaux d’étude privés, pour le compte de la DDE, La notion de bureau d’étude implique que le RTM peut le cas échéant répondre à des appels d’offre pour la réalisation d’études PPR, en tant que prestataire et donc au même titre qu’un bureau d’étude privé. Enfin dans certains cas (Savoie) le service RTM joue encore le rôle de service instructeur sur des PPR de communes de montagne, intensifiant néanmoins le transfert d’activité à la DDE (en matière d’expertise et d’instruction des PPR).

Comme le note L. Besson, « le PPR doit être établi à partir d’une vision globale et

partagée de la prévention, affaire commune où chacun a un rôle à jouer » (Besson,

2005, p 466)320. En théorie « l’Etat doit engager une démarche de concertation en

instaurant une situation d’écoute […] pour ouvrir le dialogue sur des bases saines et objectives, se rapprocher et aboutir, si possible, à une vision commune ». L’élaboration des PPR s’inscrit donc, dans une démarche pragmatique qui sous entend la concertation. Cette concertation est affirmée juridiquement avec le Décret n°2005-3 du 3 janvier 2005,

qui stipule que l’arrêté de prescription doit préciser « les modalités de concertation ».

Au-delà des textes, les guides méthodologiques encouragent déjà, à plus de concertation

dans la procédure. C’est notamment le cas avec le guide de la concertation PPR : « Le

PPR est réalisé en étroite collaboration avec les communes concernées, et ce dès le début

de son élaboration... ». Ce même guide préconise « environ trois réunions de

concertation service de l’Etat-collectivité pour présenter un PPR dans les cas simples, mais près d’une dizaine en cas de situation difficile » (p. 40)321. La commune est donc impliquée dans la démarche notamment lors de l’identification des enjeux et lors de la

présentation finale du zonage de risque. La société civile est aussi invitée à prendre

connaissance de la procédure et à rendre des avis sur le projet de PPR. S’il existe une phase de concertation importante lors de l’établissement du zonage, la décision reste étatique et la recherche d’implication des communes a pour but de désamorcer les conflits. Des conflits voient en effet parfois le jour en fin de procédure. L’enjeu consiste donc à inciter les élus locaux à s’approprier la démarche et le document.

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Brugnot G, Cassayre Y. 2002. De la politique française de restauration des terrains en montagne à la prévention des risques naturels In Les pouvoirs publics face aux risques naturels dans l’histoire, ed. R Favier, pp. 261-72. Grenoble : CNRS-MSH-Alpes.

320 Besson L. 2005. Les risques naturels. De la connaissance pratique à la gestion administrative. Voiron: Editions Techni-cités. 592 pp.

L’enjeu est de taille car une fois approuvé, le PPR va conditionner et encadrer l’aménagement urbanistique, un domaine de préoccupation qui incombe quant à lui aux locaux (l’urbanisme est une compétence décentralisée au niveau des communes). Ainsi, si l’Etat et les communes ont des rôles et des responsabilités différents, leurs «responsabilités spécifiques s’inscrivent dans une problématique commune qui est la prise en compte et la gestion des risques dans l’aménagement. » (Ibid. p. 57).

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