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Le risque d’inconstitutionnalité des textes économiques doit être mieux pris en compte

mais dont il ne faut pas sous-estimer les exigences pour l’action économique

2.1.2. Un contrôle de constitutionnalité a priori très présent 1. Un contrôle approfondi sur l’action économique des personnes

2.1.2.2. Le risque d’inconstitutionnalité des textes économiques doit être mieux pris en compte

„ La résonance particulière des déclarations d’inconstitutionnalité en matière économique

L’histoire du contrôle de constitutionnalité a été marquée par des déclarations spectaculaires d’inconstitutionnalité portant sur des aspects majeurs de la politique économique du Gouvernement et du Parlement.

Ces déclarations se sont principalement fondées sur l’atteinte au principe d’égalité en matière fiscale et ont porté sur la réduction dégressive de CSG et de CRDS au bénéfice des personnes à faibles revenus272 ; l’extension de la taxe générale sur les activités polluantes à l’énergie fossile et à l’électricité273 ; le crédit d’impôt à raison des intérêts d’emprunts contractés antérieurement à la loi qui l’instituait pour la construction ou l’acquisition de l’habitation principale274 ; la contribution carbone eu égard aux exemptions qu’elle prévoyait275 ; la contribution exceptionnelle de solidarité dite « taxe à 75 % »276 ou encore la réduction dégressive de cotisations salariales de sécurité sociale pour les faibles revenus277.

Plus symboliques encore, car affectant directement la place reconnue à l’action économique des personnes publiques par rapport aux intérêts privés et notamment ceux des entreprises, les annulations fondées sur l’atteinte à la liberté d’entreprendre sont peu nombreuses mais très significatives. C’est ainsi que le Conseil a déclaré contraires à la Constitution la restriction apportée par le législateur aux possibilités de licenciement économique278 et, plus récemment, les dispositions relatives au refus de cession d’un établissement en cas d’offre de reprise ainsi que la pénalité en cas de non-respect de l’obligation de recherche d’un repreneur279.

Ces annulations ont une résonance qui parasite l’analyse de leur portée effective.

Compte tenu de sa temporalité (il est exercé immédiatement après le débat parlementaire) et de son mode de saisine (réservée en droit à des autorités politiques et maîtrisée en fait par l’opposition), le contrôle de constitutionnalité a priori s’inscrit dans un contexte souvent sensible.

Les décisions du Conseil constitutionnel ont ainsi un impact médiatique souvent sans rapport avec les motifs de la décision et soulèvent, notamment en matière économique, des commentaires parfois passionnés sur la légitimité de la décision qui limitent la capacité à comprendre et à analyser précisément les motifs et la portée des déclarations d’inconstitutionnalité280.

272. Décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000.

273. Décision n° 2000-441 DC du 28 décembre 2000.

274. Décision n° 2007-555 DC du 16 août 2007.

275. Décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009.

276. Décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012.

277. Décision n° 2014-698 DC du 6 août 2014.

278. Décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002.

279. Décision n° 2014-692 DC du 27 mars 2014, fondée également sur l’atteinte au droit de propriété.

280. Y compris parfois par la doctrine juridique elle-même, v. not. pour un cas récent

„ Mieux intégrer le risque constitutionnel au processus de décision

Une meilleure prise en compte des exigences constitutionnelles dans la conduite de l’action économique s’impose.

Au titre des mesures préventives, il importe d’abord de consacrer le temps nécessaire à l’examen des questions de constitutionnalité en amont de l’adoption définitive des textes par le Parlement. Cet examen est organisé pour les projets de loi, même s’il ne permet pas d’éviter toute déclaration d’inconstitutionnalité. Mais il ne l’est pas pour les amendements auxquels le Gouvernement recourt de manière croissante, directement ou par l’intermédiaire de parlementaires, pour compléter son projet initial par des dispositions qui lui tiennent à cœur mais dont il n’a pas toujours suffisamment expertisé la conformité à la Constitution. Outre les réserves qu’elle inspire quant à l’esprit de l’article 39 de la Constitution, cette pratique accroît le risque constitutionnel, surtout lorsqu’il s’agit de dispositions de portée économique.

Lorsqu’un dispositif proposé au Parlement ne figure pas dans un projet de loi, il est toujours possible de le soumettre pour avis au Conseil d’État soit dans le cadre de la procédure du 5e alinéa de l’article 39 de la Constitution (propositions de loi) soit en application de l’article L. 112-2 du code de justice administrative (amendements).

Proposition n° 15 : Mieux prévenir le risque de déclarations d’inconstitutionnalité des textes économiques dans le cadre du contrôle a priori

1) énoncer explicitement, au moins dans les travaux préparatoires de la loi, les objectifs qu’elle entend poursuivre pour chacun de ses éléments significatifs en veillant à leur cohérence avec le dispositif retenu, dans la perspective du contrôle de constitutionnalité dont elle pourra faire l’objet ;

Vecteur : prises de positions du Gouvernement lors de l’examen des projets et des propositions de lois au Parlement

(SGG en liaison avec les ministères concernés) 2) procéder à un examen approfondi de la conformité constitutionnelle des dispositions relatives à l’action économique des personnes publiques figurant dans des propositions de loi ou dans les amendements ; en cas de difficulté particulière, solliciter l’avis du Conseil d’État.

Vecteur : action du Gouvernement ; saisine du Conseil d’État (SGG et les ministres concernés, Conseil d’État) Les principales difficultés surgissent toutefois après la déclaration d’inconstitutionnalité.

Même si ces décisions ne remettent pas en cause l’objectif de la mesure mais seulement les modalités retenues pour l’atteindre, l’élaboration d’un dispositif de remplacement s’avère le plus souvent délicate.

J.-P. Chazal, « Propriété et entreprise : le Conseil constitutionnel, le droit et la démocratie », D. 2014, p.1101 s. et, en réponse, L. Avout, « La liberté d’entreprendre au bûcher ? Retour sur une critique récente de la jurisprudence du Conseil constitutionnel », D. 2014, p. 1287s.

Celui-ci ne peut se borner à reprendre dans un nouveau texte la substance du dispositif jugé inconstitutionnel, en en modifiant certains détails ou la présentation, comme le législateur en a eu quelquefois la tentation. Une telle reprise s’expose alors à une nouvelle décision d’inconstitutionnalité, cette fois pour méconnaissance de l’autorité de la chose jugée281.

Pour concevoir un dispositif exempt des vices ayant motivé la déclaration d’inconstitutionnalité, le législateur dispose en premier lieu de l’analyse de la décision contenue dans son commentaire aux « cahiers du Conseil constitutionnel », qui livre généralement des indications précieuses.

Lorsqu’il résulte de cette analyse que la décision n’appelle que des modifications aisées à intégrer dans la loi examinée et que la promulgation de celle-ci peut être reportée de quelques semaines, il est possible de recourir à une nouvelle délibération dans le cadre du second alinéa de l’article 10 de la Constitution282, laquelle peut porter uniquement sur les dispositions déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel283.

Lorsque la difficulté constitutionnelle affecte la substance même de la mesure ou intervient après plusieurs annulations successives de diverses options, le Premier ministre peut solliciter l’avis du Conseil d’État sur les conséquences à en tirer, soit dans le cadre d’un projet de loi nouveau comportant les dispositions ayant cet objet, soit à l’occasion d’une demande d’avis sur une question de droit (comme il a été fait pour la taxe dite « à 75 % »)284. Pour compléter utilement ce travail d’expertise juridique et rapprocher les points de vue sur le fond de la mesure, les différentes options de remplacement peuvent être soumises à l’avis d’un groupe de travail associant les représentants de l’État et du Parlement aux milieux professionnels intéressés.

Au-delà du dispositif directement mis en cause par l’annulation, il faut enfin analyser dans des délais brefs ses éventuelles conséquences pour les autres mécanismes existants (notamment pour prévenir d’éventuelles QPC, v. infra) ou à l’étude, les raisonnements du juge constitutionnel en matière économique étant souvent transposables d’un dispositif à l’autre.

281. V. not., à propos de l’intégration, dans les revenus pris en compte en matière d’ISF et IR, de certains revenus de bons ou de contrats de capitalisation (Décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013, considérants 10 s.). La répétition de tels procédés a conduit le président du Conseil constitutionnel à les dénoncer publiquement (J.-L. Debré, discours de vœux au Président de la République, 6 janvier 2014).

282. Art. 10 de la Constitution : « Le Président de la République promulgue les lois dans les quinze jours qui suivent la transmission au Gouvernement de la loi définitivement adoptée.

/ Il peut, avant l’expiration de ce délai, demander au Parlement une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles. Cette nouvelle délibération ne peut être refusée ».

283. Décision n° 85-197 DC du 23 août 1985. Cette procédure n’a été mise en œuvre que très rarement (v. pour un exemple, le décret du 4 avril 2003 soumettant l’article 4 de la loi relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu’à l’aide publique aux partis politiques à une nouvelle délibération à la suite de la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-468 DC du 3 avril 2003).

284. Dont le sens a été rendu public par le communiqué de presse des ministres de l’écono-mie et des finances du 22 mars 2013.

Proposition n° 16 : Mieux évaluer les conséquences à tirer des déclarations d’inconstitutionnalité portant sur des textes économiques en procédant à une analyse complète des conséquences de ces décisions sur d’autres dispositifs existants ou à venir et en sollicitant si nécessaire l’avis du Conseil d’État.

Vecteur : action du Gouvernement ; saisine du Conseil d’État (SGG, ministres concernés, Conseil d’État)

2.1.3. Un contrôle rendu plus exigeant par la question prioritaire

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