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Des marges d’interprétation qui dépendent surtout de la manière d’appliquer les traités

et dont il est possible de mieux tirer parti

2.2.1. Bien qu’imprégné par l’idée de marché, le droit de l’Union admet la légitimité d’une action économique des personnes

2.2.1.2. Des marges d’interprétation qui dépendent surtout de la manière d’appliquer les traités

„ Une interprétation des traités qui varie selon les thèmes et les époques

La doctrine de la Commission européenne et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, étroitement liées, peuvent modifier sensiblement la lecture des traités.

C’est notamment le cas des dispositions en matière de droits exclusifs, qu’elles ont interprétées de manière très restrictive à compter des années 90323, admettant toutefois des justifications tenant à l’existence de SIEG, à d’autres règles des traités ou à des motifs impérieux d’intérêt général324.

Également décisive en ce qui concerne les SIEG, la jurisprudence européenne a été pour l’essentiel codifiée par l’article 14 du TFUE et le protocole n° 26. La commission en a tenu compte dans l’application des règles qui lui incombent,

323. V. not. CJCE, 19 mars 1991, France c. Commission, C-202/88.

324. La remise en cause de ces droits exclusifs dans le cadre de la libéralisation des sec-teurs sous monopole n’a pas été une conséquence directe de cette jurisprudence mais de politiques d’ouverture des marchés dans le droit dérivé. V. M. Voisset, « Les entreprises publiques en Europe », colloque Quel avenir pour les entreprises publiques ? ASMP, 2000.

notamment en matière d’aides d’État (v. infra) et pour faire en sorte que ces services puissent être mis en œuvre dans des conditions financières acceptables pour les États membres325.

Le rôle du droit de l’Union dans l’action économique est enfin fonction de l’existence d’un droit dérivé. Cette harmonisation est encore faible dans certaines matières, par exemple, en droit commercial (statut de commerçant et des actes de commerce ; procédures collectives et même le droit des contrats). Le choix de l’Union européenne de légiférer ou non a dès lors un fort impact sur les marges de manœuvre des États, comme en témoigne le débat actuel sur les bases communes d’imposition des entreprises.

Le contenu même du droit dérivé est toutefois susceptible d’inflexions, comme récemment en matière de marchés publics. Le TFUE ne comporte pas de disposition générale sur la commande publique326. Si les règles en la matière ont longtemps été dominées par l’idée de concurrence entre opérateurs et de meilleur usage des deniers publics, sont désormais prises en compte des préoccupations de développement durable, d’innovation, d’accès facilité des PME à la commande publique et de responsabilité sociale et environnementale.

„ Le cas particulier des aides d’État

La législation sur les aides d’État est structurante pour l’action économique des personnes publiques, car elle régit les flux financiers venant des collectivités publiques et toute autre forme d’aide publique (mise à disposition de biens ou de droits particuliers327). Elle a contribué à la remise en cause de monopoles nationaux ou même d’entreprises nationales, en rendant impossible le maintien du soutien de l’État, et soumis l’État actionnaire à l’obligation de se comporter en actionnaire avisé. Elle concourt ainsi à la « banalisation » des opérateurs publics par rapport aux opérateurs privés.

Le droit des aides d’État est toutefois moins affaire d’interprétation des traités que d’appréciation portée par la Commission sur les différentes aides, dont le contrôle et la réglementation lui sont confiés par l’article 108 du Traité. Elle dispose d’une marge d’appréciation très importante pour définir une véritable « politique des aides d’État »328, dont elle use largement.

325. Cette approche a également permis de façonner un droit dérivé tenant compte des SIEG, en reconnaissant des missions d’intérêt général ou des services universels en secteurs régulés (postes, communications électroniques...).

326. Seules les dispositions sur la recherche y font référence. Les marchés publics sont régis par les quatre libertés et surtout par les textes d’harmonisation pris sur le fondement des renvois généraux en matière de libre prestation de service et de liberté d’établissement ainsi que de l’article 95 du TFUE sur le rapprochement des législations des États membres ayant une incidence sur le marché intérieur.

327. V. par ex, sur l’autorisation donnée aux taxis londoniens de circuler sur les couloirs de bus alors que cela est interdit aux voitures de tourisme avec chauffeur, qui n’a finalement pas été regardée comme impliquant une aide d’État : CJUE, 14 janvier 2015, Eventech Ltd/

Parking Adjudicator, n° C 518/13.

328. J-L. Clergerie, A. Gruber, P. Rambaud, op. cit.

Elle a ainsi opté depuis vingt ans pour un resserrement notable de cette politique, sans évolution en ce sens des dispositions des traités. Cette tendance s’est récemment infléchie vers un recentrage des contrôles sur les aides les plus significatives.

Les obligations de notification des aides à la Commission ont été assouplies, sans modification du seuil de 200 000 euros mais grâce à une refonte et une simplification du régime des exemptions de minimis329. Le règlement d’exemption par catégories révisé en 2014 dans le prolongement de la communication de la Commission sur la modernisation de la politique en matière d’aides d’État330 accroît très sensiblement le volume des aides exemptées, qui représentent désormais les trois quarts des mesures et les deux tiers de leur montant total331. Ne restent donc soumises au contrôle de conformité aux lignes directrices et au cadre existant qu’un quart des aides représentant un tiers du montant total octroyé.

En vertu de la jurisprudence de la Cour de justice, les sommes versées par les États membres aux entreprises soumises à des obligations de service public en compensation de ces obligations ne constituent pas, sous réserve d’un certain nombre de conditions, des aides d’État332. Des règles favorables ont été définies en ce qui concerne ces compensations, par le paquet de trois textes dit « Almunia » (encadrement, décision, communication), auxquels s’ajoute un règlement de minimis spécifique aux SIEG du 25 avril 2012333.

Enfin, un projet de communication de la Commission européenne de janvier 2014 se propose d’objectiver son contrôle en rendant publique sa doctrine sur les aides d’État, et notamment les éléments constitutifs d’une aide en ce qui concerne l’existence d’une activité économique (notion d’« entreprise »), l’imputabilité de la mesure à l’État, le financement au moyen de ressources d’État, l’existence d’un avantage économique pour le bénéficiaire, la sélectivité et l’effet sur les échanges et la concurrence334.

329. Règlement n° 1407/2013 du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 TFUE aux aides de minimis.

330. Règlement n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégo-ries d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 TFUE.

331. Le règlement de 2008 exemptait environ 60 % des mesures d’aide et un peu plus de 30 % du montant total des aides octroyées.

332. CJCE, 24 juillet 2003, Altmark trans., aff. C-280/00

333. V. les communications 2012/C8/02 du 20 décembre 2011 ; 2012/C 8/03 du 20 dé-cembre 2011 ainsi que la décision 2012/21/UE du 20 dé20 dé-cembre 2011 de la Commission européenne. et le règlement (UE) n° 360/2012 « de minimis – SIEG » de la Commission euro-péenne du 25 avril 2012 relatif à l’application des articles 107 et 108 du TFUE aux aides de minimis accordées à des entreprises fournissant des services d’intérêt économique général.

Le paquet « Almunia » a succédé au paquet « Monti-Kroes ».

334. Ce document a été soumis à la concertation en janvier 2014. Les autorités françaises ont fait part de leurs observations : note SGAE du 31 mars 2014.

2.2.2. Un droit dans l’élaboration duquel il est utile de s’investir

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