• Aucun résultat trouvé

Un mouvement centripète dans la répartition des compétences économiques entre collectivités

Quelles conditions de l’efficacité de l’action économique ?

3.1. L’action doit être conduite par un nombre limité d’acteurs étroitement coordonnés

3.1.3. Un mouvement centripète dans la répartition des compétences économiques entre collectivités

qui ne réglera pas toutes les questions.

3.1.3.1. Réussir la polarisation de l’action autour du binôme région/

métropole

„ L’affirmation progressive des régions face aux autres collectivités

Depuis leur création, les régions exercent des compétences particulières en matière économique. Ces prérogatives se sont renforcées jusqu’à faire de la région le « chef de file » des collectivités territoriales en matière de développement économique562, rôle consacré à l’article L.1511-1 du code général des collectivités territoriales : « La région coordonne sur son territoire les actions de développement économique des 562. La loi du 5 juillet 1972 qui les institue sous forme d’établissements publics mentionne explicitement leur rôle en matière économique (art. 4 de la loi n° 72-619 du 5 juillet 1972), qui demeure après leur transformation en collectivités territoriales par la loi du 2 mars 1982 (art. 59 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982), laquelle leur confère des compétences particu-lières notamment en matière d’aides aux entreprises, tandis qu’elles se voient dotées d’un rôle central en matière de planification par la loi du 29 juillet 1982 (loi n° 82-653 du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification). Le plan de la région est prévu par la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 (v. art. L. 4251-1 du CGCT ; art. 103 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 ; art. 1er de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales).

collectivités territoriales et de leurs groupements ». La région joue par ailleurs un rôle premier dans la distribution des aides directes aux entreprises, mais cette primauté restait jusqu’ici relative, chaque collectivité pouvant user de sa clause générale de compétence pour favoriser le développement économique563.

Le rôle économique des régions est sensiblement renforcé par deux réformes territoriales récentes. D’une part, leur efficience économique est accrue par la révision de la carte des régions issue de la loi du 16 janvier 2015 qui, en réduisant leur nombre de 22 à 13 a conduit à une augmentation de leur taille564.

D’autre part, la loi NOTRe réaffirme leur primauté en matière de compétence économique dans les territoires, tout en privant de support juridique celle du département, par la suppression concomitante de sa clause générale de compétence565. La plupart des aides économiques seront désormais attribuées par la région. Par ailleurs, prolongeant un dispositif expérimental mis en place par la loi de 2004566, la loi institue un schéma régional de développement économique d’innovation et d’internationalisation avec lequel les actions des autres personnes publiques devront être compatibles et qui devrait constituer l’outil principal de la région en matière d’action économique567.

„ L’émergence des métropoles et la recherche de nouveaux équilibres

Ce mouvement en faveur des régions s’est accompagné d’une prise de conscience de l’importance stratégique des grands centres urbains en matière de développement économique avec le phénomène de « métropolisation de la croissance »568. Afin de favoriser un effet d’entraînement et d’éviter que ces centres urbains deviennent des isolats d’activité ou absorbent l’essentiel des richesses au détriment des territoires alentours, une meilleure articulation a été recherchée avec les régions.

Le volet économique de la réforme territoriale met en œuvre ces principes. Le législateur a ainsi institué un cadre adapté à l’émergence des métropoles en les dotant d’un statut spécifique et en leur confiant des compétences importantes en matière de développement économique569. La réforme de la carte régionale s’est employée à 563. L’ensemble des collectivités territoriales ainsi que leurs groupements sont fondés à intervenir en matière de développement économique, y compris en accordant des aides aux entreprises sous certaines conditions. Comme l’indique la Cour des comptes dans son rapport sur Les aides des collectivités territoriales au développement économique de 2007, l’aide au développement économique a été « considérée [par le législateur de 1982] plus que toute autre, comme une compétence inhérente à la légitimité de chaque collectivité de maîtriser le développement de son territoire ».

564. Loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Sur la dimension écono-mique de ce redécoupage, v. not. les déclarations de B. Cazeneuve, ministre de l’intérieur, en lecture définitive, 8 décembre 2014.

565. Ce qui devrait avoir pour conséquence la disparition de la plupart des agences de déve-loppement économique constituées par ces derniers.

566. Prévu pour une durée de 5 ans par la loi du 13 août 2004 (art. 1er préc.).

567. Art. L.4251-16 du CGCT créé par la loi NOTRe.

568. B. Lajudie, Réforme régionale : un enjeu pour la croissance ?, France Stratégie, juillet 2014.

569. V. la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales et de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 dite « MAPTAM ».

associer chaque nouvelle région à de grandes métropoles, afin de favoriser les effets d’entraînement. Mais la dernière étape de la réforme, qui porte sur la répartition des compétences entre la région et la métropole, est aussi la plus délicate.

Les débats sur le projet de loi NOTRe ont en particulier porté sur les prérogatives reconnues aux métropoles dans l’élaboration570 et surtout la mise en œuvre du schéma économique régional en cas de désaccord entre la métropole et la région571. La solution consistant à permettre à la métropole d’élaborer dans ce cas un document d’orientations stratégiques qui prend en compte le schéma régional sans être nécessairement compatible avec lui, semble acquise572.

3.1.3.2. Contenir les risques d’une dispersion de l’action des collectivités

„ L’action économique locale restera nécessairement dispersée

En matière de développement économique, la concentration du pouvoir entre les mains de la région restera partielle, même après la loi NOTRe. Pour la plupart des aides aux entreprises, les communes, les EPCI et les métropoles pourront toujours intervenir en complément de la région, sous réserve de son accord573. Les métropoles sont, en même temps que la région, compétentes pour soutenir et participer aux pôles de compétitivité574, pour les organismes œuvrant en faveur de la création d’entreprises575 ou le versement d’aides pouvant contribuer au maintien de l’activité576. Les communes, les EPCI et la métropole de Lyon devraient rester compétents pour les aides à l’immobilier d’entreprise577.

Le schéma de développement économique n’assure la cohérence de cet ensemble que pour l’octroi des aides aux entreprises578.

Au-delà, l’action économique au sens large reste disséminée dans l’ensemble des politiques locales. Il en va notamment ainsi des investissements publics, des services publics industriels et commerciaux, de l’urbanisme, de la construction des routes ou du tourisme579. Il en résulte qu’un certain nombre de compétences propres des communes, EPCI, métropoles mais aussi des départements eux-mêmes ont une dimension économique que le schéma ne peut prendre en 570. La métropole est déjà associée de plein droit à l’élaboration des schémas et documents de planification en matière économique (VI de l’article L. 5217-2 du CGCT). Mais ce méca-nisme pourrait être adapté par la loi NOTRe qui instituerait une procédure spécifique en ce domaine.

571. Les collaborations ou transferts volontaires ne soulèvent pas de difficultés: la loi prévoit la possibilité pour la région de déléguer à la métropole des compétences en matière de développement économique (art. L. 4221-1-1 du CGCT).

572. Le Sénat s’est rallié sur ce point à la position de l’Assemblée nationale le 28 mai 2015 : v. art. L.4251-14.

573. Art. L. 1511-2 du CGCT.

574. Art. L. 3641-1 et L. 5217-2 du CGCT.

575. Art. L. 1511-7 du CGCT.

576. Les collectivités et leurs groupements peuvent notamment verser des aides à l’installa-tion ou au maintien de professionnels de santé L. 1511-8 du CGCT.

577. Art. L. 1511-3 du CGCT.

578. Art. L. 4251-16 du CGCT créé par la loi NOTRe.

579. V. sur ce point le rapport de la Cour des comptes de 2007 précité.

compte. Si certains de ces aspects peuvent relever d’autres schémas (comme les schémas d’aménagement), ceux-ci n’ont pas un objet proprement économique et ne pourront assurer la cohérence d’ensemble de cette action.

„ Une dispersion dont il faut maîtriser les effets

La dissémination de la compétence économique entre collectivités territoriales présente les inconvénients d’une action conduite par une pluralité d’acteurs580. En outre, certaines collectivités n’ont pas la capacité de mener seules une action économique ni d’en assumer les risques, notamment lorsque leur territoire est d’une taille insuffisante pour une action économique pertinente.

Cette dissémination n’est toutefois pas sans avantage, notamment en termes de maillage territorial. Les interventions multiples, malgré leurs défauts, limitent le risque « d’angle mort » de l’action économique des personnes publiques, en augmentant les chances que des questions qui le méritent soient prises en charge par au moins une collectivité. En outre, la dissémination de l’action économique entre de très nombreuses collectivités permet de multiplier les expériences et contribue ainsi à un effet de « laboratoire d’idées »581.

Ces avantages pourraient être renforcés par le développement des mutualisations582 entre collectivités regroupées pour porter un projet d’intérêt commun ou pour

« jumeler » des projets présentant de fortes similitudes et qu’elles peuvent instruire et financer ensemble583. Une autre piste consiste à promouvoir les expérimentations réussies en créant par exemple des banques d’informations pour permettre des échanges et encourager les bonnes pratiques.

Pour faciliter le partage de projets ou d’expériences, il est possible de s’appuyer sur différents acteurs dont ce n’est pas la mission première mais dont ces mutualisations pourraient constituer le prolongement naturel, comme les associations d’élus (AMF, ADCF, ARF)584. Il serait aussi envisageable de mettre à contribution les régions elles-mêmes qui pourraient, sur leur territoire, promouvoir les dispositifs innovants des collectivités qui s’y trouvent. Les agences de développement régional pourraient aussi reprendre ce rôle que les agences de développement départementales avaient peu à peu développé. Certains organismes spécialisés (comme la CDC, la BPI ou l’Agence France Locale) pourraient aussi être mobilisés à cet effet, notamment sur les aspects financiers.

580. Déperdition d’énergie et de ressources, illisibilité pour les destinataires de l’action, no-tamment les entreprises,, ou au contraire attitudes de « chasseur de primes », dilution des responsabilités et problèmes d’évaluation des résultats...

581. Les collectivités confrontées à des difficultés au plan local sont en effet amenées à créer des dispositifs variés et ingénieux qui n’auraient sans doute pas été développés si l’action avait été prise en charge par une structure unique. C’est une manifestation très atténuée, dans l’État unitaire qu’est la France, de la théorie du « laboratoire de la démocratie » propre aux États fédéraux identifié aux États-Unis depuis le début du XXe siècle, v. infra 3.2.3.1.

582. V. sur la question des mutualisations, mais davantage dans une logique de gestion : rap-port IGA-IGF, issu du raprap-port Les mutualisations au sein du bloc communal, décembre 2014.

583. Comme les « project bonds » promus par la Caisse des dépôts et consignations.

584. Ces pratiques existent déjà de manière embryonnaire à l’ARF ; l’ADCF délivre également des conseils et diffuse les bonnes pratiques par une revue et un observatoire.

Proposition n° 37 : Assurer la cohérence de l’action économique des différentes collectivités et favoriser leurs collaborations

1) rechercher le bon degré de précision de la stratégie régionale de développement économique, d’innovation et d’internationalisation pour assurer la cohérence de l’action économique locale sans restreindre excessivement les initiatives locales ;

Vecteur : schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation

(régions, préfet de région) 2) développer les mutualisations de projets en matière économique en sollicitant à cet effet des organismes tels que la CDC, BPI, « Agence France locale » pour lesquels cette activité constituerait un prolongement naturel de leurs missions.

Vecteur : textes d’organisation des organismes concernés, conventions passées avec ces organismes (organismes de financement, associations d’élus)

3.2. Des décisions mieux préparées et expertisées

Outline

Documents relatifs