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L’emploi de la diplomatie économique

économique nationale

1.2. L’action économique des personnes publiques, pour conserver sa portée, doit tenir compte des

1.2.2. L’emploi de la diplomatie économique

1.2.2.1. La France a pris toute la mesure de l’importance d’une diplomatie économique

„ Une conversion progressive à la diplomatie économique

La diplomatie économique se définit « non par ses instruments, mais par les problèmes économiques qui lui donnent son contenu »128. Puissance diplomatique, la France s’est progressivement convaincue d’utiliser son réseau à des fins

128. N. Bayne et S. Woolcock, « The new economic diplomacy, decision making and nego-ciation in the international economic relations, Aderchit, Ashgate », 2003, p. 7-8, cité par L. Badel, « Pour une histoire de la diplomatie économique de la France », Vingtième siècle, revue d’histoire, 2006/2 », p. 169-185.

économiques129, la puissance économique étant devenue un élément de la puissance tout court130.

La crise financière a par ailleurs démontré le rôle de dernier recours des États en cas de risque systémique auquel les entreprises sont incapables de faire face131 et en l’absence de régulation internationale efficace132.

L’État doit donc jouer tout son rôle dans la compétition économique entre les nations133, y compris au plus haut niveau. Le Président de la République lui-même promeut le commerce extérieur et encourage les investissements étrangers, comme en témoigne l’expression – initialement controversée mais désormais entrée dans les mœurs – de « Président VRP ». Il participe en outre de plus en plus souvent, comme les autres chefs d’État, aux grands sommets définissant le cadre de la compétition mondiale en matière économique.

„ Des tensions persistantes entre les dimensions politique et économique de la diplomatie

À l’expérience, il apparaît que dans une économie largement ouverte, les États n’ont que peu d’influence sur l’attitude des agents économiques résidents vis-à-vis des pays tiers. Les tensions politiques entre pays ont ainsi des effets assez limités sur le niveau des échanges, y compris en cas d’appel explicite au boycott. Sauf pendant les périodes d’affrontements majeurs et durables, les échanges commerciaux se révèlent généralement peu élastiques. Seuls les secteurs dans lesquels la décision appartient aux personnes publiques elles-mêmes, comme les marchés publics ou les contrats de défense, sont sensibles à la dégradation des relations entre États134. La question récurrente des sanctions économiques illustre le lien entre économie et politique. Il est significatif aussi que les sanctions soient surtout infligées dans le domaine économique. Cela ne va d’ailleurs pas sans contradictions lorsque des sanctions ou même seulement des tensions apparaissent au moment d’honorer des engagements antérieurs135. La diplomatie économique peut ainsi être l’otage ou le bras armé de la diplomatie politique.

129. C’est au tournant de la première guerre mondiale que cette action prend corps, sous l’impulsion d’Étienne Clémentel. La diplomatie est alors essentiellement tournée vers le commerce extérieur. Les ambassades accueillent un conseiller commercial, originalité fran-çaise. C’est à cette époque que naît le débat sur le rôle du commerce extérieur, composante de la diplomatie ou prolongement du commerce. V. L. Badel, ibid.

130. J.-L. Carrière, « La diplomatie économique, ‘nouvelle frontière’ de la politique fran-çaise », Géoéconomie, 2014/3, p. 9-22.

131. J. Eatwell, « Une nouvelle architecture financière internationale », L’Économie poli-tique, 2009/2, n° 42, pp. 16-21.

132. T. Padoa-Schioppa, Per Jacobsson Lecture 2010, cité par A. Cartapanis, « La crise fi-nancière et les politiques macroprudentielles, inflexions réglementaires ou nouveaux para-digmes ? », Revue économique, 2011/3 vol. 62, p. 349-382.

133. E. Denécé, « Diplomatie économique et compétition des États », Géoéconomie, 2011/1 n° 56, p. 71-78.

134. S. Meunier, « Quel est l’impact économique des tensions transatlantiques ? », Politique étrangère, 2009/1, p. 87-101.

135. Comme l’illustre l’affaire des « Mistral », porte-hélicoptères dont le contrat de vente a été conclu avec la Fédération de Russie en juillet 2011 et dont la livraison a été suspendue par dé-cision du Président de la République en novembre 2014 dans le contexte du conflit ukrainien.

Plus globalement, la question de l’articulation entre la diplomatie économique, qui pour être efficace doit éviter toute ingérence, et les « valeurs » portées par la diplomatie dite politique, est un débat récurrent136.

1.2.2.2. Les atouts de la France

„ Les atouts de la France dans une diplomatie multilatérale toujours plus éclatée La France a la chance d’être un membre influent de toutes les grandes organisations multilatérales, qu’il s’agisse du Conseil de sécurité des Nations Unies (qui peut être amené à décider des sanctions économiques), du FMI, de l’OMC ou de l’OCDE.

La diplomatie multilatérale a connu des mutations profondes ces dernières années, particulièrement dans le domaine économique, avec la montée en puissance d’organes multilatéraux informels mais influents. Le principal d’entre eux est le G20 à l’essor duquel la France a largement contribué137. À côté de cette enceinte politique, des organes spécialisés à vocation technique jouent un rôle central dans la préparation des futurs « standards » internationaux. Ceux-ci sont des instruments de droit souple qui, quoique dépourvus d’effets obligatoires, constituent de très puissantes références pour l’élaboration du droit des affaires (Conseil de stabilité financière138, « Comité de Bâle »139 dans le domaine spécifiquement bancaire,

« organisation IFRS » en matière comptable, ou ISO en matière de normalisation140).

La France doit renforcer sa présence dans ces organismes spécialisés pour y exercer une influence technique, notamment sur l’élaboration des futures règles du jeu international.

Un autre aspect essentiel du multilatéralisme économique est le rôle croissant qu’y jouent des rencontres d’ordre scientifique (colloques, conférences) souvent organisées par des « think tanks » où des représentants des États, des organisations internationales, des entreprises et des universitaires peuvent échanger et où se construisent des analyses partagées de l’état de l’économie mondiale et des mesures qu’il appelle. Il est donc essentiel que les thèses françaises et européennes y soient exprimées et que nos administrations, universités et entreprises puissent y faire valoir leur point de vue.

136. L. Fabius, « La France dans la bataille de la diplomatie économique », entretiens avec P. Lorot, Géoéconomie, 2013/2.

137. Ce cercle, créé en 1999 au niveau des ministres des finances pour favoriser la stabilité financière internationale, a pris une importance nouvelle en 2008, à l’initiative de la France, en réunissant les chefs d’État et de gouvernement : v. D. d’Amarzit, « Les priorités de la di-plomatie économique française et la présidence du G20 », Géoéconomie, 2011 n° 56, p.19-27 ; v. aussi, « Après le G20 : esquisse de régulation économique et nouvelle géopolitique des puissances », 2009/5, Editorial, Revue Esprit p. 4-5 ; Kermal Dervi, « La crise économique mondiale : enjeux et réformes », Politique étrangère, 2009/1, p. 11-22 ; F. Danglin « Du concert des nations à la cacophonie des organisations : le nouveau visage du multilatéra-lisme », Géoéconomie, 2011 n° 56, p.45-57 .

138. J. Eatwell, « Une nouvelle architecture financière internationale », op. cit.

139. Ibid.

140. D. Danet, « Entre droit spontané et droit légiféré : la production du droit par la norma-lisation », Économie publique, Étude et recherches, n° 7, 2001/1, pp. 83-101.

Paris est une des villes qui accueillent le plus de réunions publiques internationales dans le monde141. C’est un élément majeur de notre rayonnement diplomatique et de notre attractivité dans le domaine économique. Il est souhaitable de conforter cette position en s’appuyant davantage sur la présence à Paris de plusieurs organisations internationales (Chambre de commerce internationale, Agence internationale de l’énergie, Agence spatiale européenne…), et tout particulièrement de l’OCDE qui joue un rôle crucial dans l’élaboration des normes accompagnant la globalisation.

„ Le poids de la France au sein de l’Union européenne, géant économique, est un atout déterminant

La compétence pour négocier les traités en matière commerciale appartient en propre aux institutions de l’Union européenne en vertu de l’article 207 du TFUE.

Plusieurs accords ont été récemment adoptés (Accord économique et commercial global ou AECG conclu le 18 octobre 2013 avec le Canada) ou sont encore en cours de négociation (TTIP, avec les États-Unis). L’Union européenne peut également prendre des mesures antidumping vis-à-vis des pays tiers, comme l’a rappelé l’actualité récente (taxation d’importations d’acier en provenance de Chine en mars 2015). Cette politique est néanmoins conduite dans le cadre d’un mandat du conseil, statuant selon la matière à la majorité qualifiée ou à l’unanimité, où la France pèse d’un poids souvent décisif, ce qui lui a permis par exemple de réussir jusqu’à maintenant à préserver l’exception culturelle et l’exception agricole.

La France sait jouer ainsi d’un triple registre pour défendre ses positions dans le monde. C’est tout particulièrement vrai dans le cadre des enceintes multilatérales, comme l’illustre la préparation de la conférence climat ou la présentation dans le cadre de l’OCDE de l’acte multilatéral pour harmoniser l’imposition sur les bénéfices des entreprises multinationales142. La diplomatie bilatérale peut en effet être mobilisée pour préparer les futures grandes négociations internationales, les prolonger ou les compléter en cas de succès ou s’y substituer en cas d’échec.

Quelle que soit l’enceinte où s’exerce la diplomatie économique, l’association des entreprises à la définition des positions françaises peut contribuer à sa réussite143. Le ministre des affaires étrangères invite désormais les entreprises à lui faire part de leurs propositions en préparation des discussions internationales. Ce type de démarche gagnerait à être élargi à l’ensemble des questions qui les concernent144.

141. V. sur ce sujet l’étude du Conseil d’État, L’implantation des organisations internatio-nales sur le territoire français, La documentation Française, 2010.

142. Le couple franco-allemand, avec l’appui des États-Unis, avait déjà joué un rôle moteur dans le choix par le G20 de faire de la lutte contre les paradis fiscaux une priorité, ce qui a conduit à l’adoption dans le cadre de l’OCDE de l’acte multilatéral sur l’échange automatique des données bancaires.

143. V. C. Revel, « Diplomatie économique multilatérale et influence », Géoéconomie, Hiver 2010-2011, p. 59-67; F. Pitti, « La diplomatie économique des entreprises », Géoéconomie, 2011/1, n° 56, p. 105-118.

144. Plan d’action du ministère des affaires étrangères et européennes et du développe-ment international (site du MAEDI).

Proposition n° 7 : Renforcer l’efficacité de notre diplomatie économique 1) renforcer la présence de la France dans les instances d’élaboration des normes techniques internationales ;

Vecteur : action du Gouvernement 2) valoriser davantage le rôle de Paris comme l’une des grandes capitales de la diplomatie économique, qui accueille notamment le siège de l’OCDE ; participer plus activement aux travaux de cette dernière organisation ;

Vecteur : action du Gouvernement 3) associer plus étroitement les entreprises à la définition de la position de la France dans les négociations internationales qui les concernent ;

Vecteur : action du Gouvernement 4) renforcer la présence de représentants des administrations, des universités et des entreprises françaises dans les colloques et rencontres internationales sur les questions économiques et plus particulièrement sur le rôle de l’action économique des personnes publiques.

Vecteur : action du Gouvernement (ministre des affaires étrangères, ministre de l’économie, autres ministres)

„ L’importance des liens juridiques et linguistiques

La diplomatie économique doit aussi tirer partie de l’atout majeur que constitue le rayonnement de notre langue et de notre droit.

Les liens économiques au sein de la communauté francophone doivent être davantage exploités145. La « francophonie économique » a d’ailleurs fait l’objet d’un rapport en août 2014 à la demande du président de la République146 et l’organisation internationale de la Francophonie a arrêté en novembre 2014 une

« stratégie économique »147.

La promotion de notre vision du droit aux côtés des nations qui la partagent est également cruciale à l’heure de la mondialisation juridique. La France, qui a inspiré les systèmes de droit civil, noue des partenariats avec des pays qui partagent la même tradition juridique (comme par exemple dans le cadre de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, OHADA). Un comité de pilotage sur la stratégie d’influence par le droit a été constitué en décembre 2014, sous la

145. Notamment l’Afrique. V. H. Védrine, Un partenariat pour l’avenir : 15 propositions pour une nouvelle dynamique économique entre l’Afrique et la France, Rapport au ministre de l’économie et des finances, décembre 2013.

146. Rapport remis par J. Attali, La francophonie et la francophilie, moteurs de croissance durable, août 2014.

147. Document adopté lors de la 15e conférence des chefs d’État et de gouvernement des pays ayant le français en partage, Dakar, les 29 et 30 novembre 2014.

co-présidence de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats et de la délégation interministérielle à l’intelligence économique, dans le prolongement d’un avis du CESE sur ce point148.

La promotion du droit continental devient un objectif important de la diplomatie économique, notamment pour combattre le préjugé favorable des acteurs économiques à l’égard de la common law. Cet objectif est aussi celui de la fondation pour le droit continental, instituée en 2007 à l’initiative des ministres de la justice et de l’économie dans le but de contribuer « au rayonnement et à l’influence internationale de la tradition juridique et judiciaire continentale et du droit français, plus particulièrement dans le domaine du droit économique et du droit des affaires »149 et qui conduit depuis sa création des travaux d’une importance significative150. Les moyens qui lui sont alloués ne sont toutefois pas à la hauteur des ambitions qui ont présidé à sa création, et ils pourraient être utilement complétés par des dispositifs non budgétaires de la nature de ceux trouvés pour soutenir l’action d’autres fondations d’initiative publique151.

Proposition n° 8 : Promouvoir les liens linguistiques et juridiques

1) promouvoir les liens économiques au sein de la communauté francophone ; Vecteur : action du Gouvernement (ministre des affaires étrangères et Business France).

2) renforcer les moyens de la fondation pour le droit continental par des dispositifs innovants, sur le modèle de ceux bénéficiant à d’autres fondations d’initiative publique.

Vecteur : loi (ministre des affaires étrangères, ministre de la justice et ministre des finances

et des comptes publics, en liaison avec la Fondation)

1.2.3. Développer les politiques d’attractivité et de compétitivité

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