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Renforcer l’attractivité et la compétitivité par une approche équilibrée

économique nationale

1.2. L’action économique des personnes publiques, pour conserver sa portée, doit tenir compte des

1.2.3. Développer les politiques d’attractivité et de compétitivité 1. Une concurrence exacerbée entre les systèmes étatiques

1.2.3.2. Renforcer l’attractivité et la compétitivité par une approche équilibrée

„ Systématiser les politiques d’attractivité et de compétitivité

Préoccupation ancienne161, le thème de la compétitivité et de l’attractivité de l’économie française a pris ces dernières années une importance particulière dans le discours politique et dans la terminologie utilisée pour l’action publique162. S’y rattachent les dispositifs parmi les plus emblématiques de l’action économique des Gouvernements successifs : « pôles de compétitivité », « pacte de compétitivité »,

« crédit-impôt-compétitivité ». Le Parlement lui-même s’est saisi de certains aspects de cette question163.

Les politiques d’attractivité et de compétitivité sont désormais confiées à des structures spécialement créées ou remodelées à cet effet164, comme la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS, devenue DGE), la délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, la délégation interministérielle à l’intelligence économique ou encore Business France165, et en dernier lieu la création le 17 février 2014, auprès du Président de la République, d’un « Conseil stratégique de l’attractivité » réunissant les dirigeants de 30 entreprises internationales. Aujourd’hui bien ancrées dans les missions des personnes publiques, l’attractivité et la compétitivité s’incarnent dans un certain nombre de mesures concrètes.

Inspirées par les réflexions sur « l’impact économique du droit » (« Law and economics »)166 et les demandes des entreprises, de nombreuses mesures de simplification ont été préconisées par le conseil de la simplification créé en janvier 2014167. Une première série de dispositions ont été adoptées dans la loi de simplification de la vie des entreprises à la fin de cette même année168.

161. V. sur l’origine de ce mouvement, B. du Marais, « Attractivité économique du droit : le droit français peut-il survivre dans la compétition internationale ? », Droit et patrimoine, n° 170, mai 2008.

162. 829 occurrences dans les textes en vigueur pour « compétitivité » ; 230 occurrences pour « attractivité ».

163. Rapport du 8 octobre 2014 précité sur l’exil des forces vives.

164. Un certain nombre de pays se sont également dotés de structures pérennes spécia-lement dédiées à la coordination des efforts en matière de compétitivité et d’attractivité, comme par exemple les États-Unis (Export promotion cabinet), la Suisse (Switzerland global enterprise), la Russie (Russia invest) ou l’Inde (Make in India ; Invest in India). La Chine se démarque assez nettement de ce mouvement en ce qui concerne l’attractivité. La taille de son marché intérieur est telle qu’elle ressent peu le besoin d’en faire la promotion vis-à-vis des entreprises étrangères.

165. Ce mouvement se constate également au niveau de l’Union européenne avec la nomi-nation d’un vice-président de la Commission chargé de ces questions, la création début 2015 d’une nouvelle direction générale de la Commission « Grow » et, pour ce qui concerne le Conseil européen, la création d’un conseil « compétitivité » appelé à se réunir au moins quatre fois par an.

166. V. B. Coeuré, « Systèmes juridiques et performance économique : droit efficace ou droit compétitif ? », Le Cercle des économistes, 18 juin 2007.

167. Décret n° 2014-11 du 8 janvier 2014 instituant le conseil de la simplification pour les entreprises.

168. Loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des

entre-Pour répondre au souci exprimé par les entreprises sur l’instabilité de la norme fiscale et sociale, et alors que plusieurs travaux importants avaient été conduits sur ce sujet169, le Gouvernement a annoncé le 20 décembre 2014 une Charte sur la nouvelle gouvernance fiscale, dans laquelle il s’engage notamment à limiter la rétroactivité fiscale170.

Les services en relation avec les entreprises ont été incités à adapter leur mode de fonctionnement en mettant l’accent sur le conseil et l’assistance et non plus seulement sur la relation d’autorité. Des pôles dédiés aux grandes entreprises ou aux sociétés internationales ont par ailleurs été constitués pour répondre à leurs besoins spécifiques (interlocuteurs et guichets uniques, comme « le point d’entrée unique » créé auprès du directeur général des finances publiques afin d’accueillir et d’orienter les investisseurs étrangers sur la fiscalité qui les concerne171). Les indicateurs de satisfaction des usagers se développent pour encourager un nouvel état d’esprit172. D’actives politiques de communication incitent à la création et au développement des entreprises ainsi qu’à l’investissement, les pouvoirs publics prenant la mesure du déficit d’image de la France en ce domaine173. Parallèlement, des dispositifs sont mis en place pour attirer sur notre territoire des étrangers disposant de talents dans les domaines économiques stratégiques (par exemple, des étudiants en troisième cycle) ou favoriser le retour des expatriés.

Essentiel pour affronter la compétition internationale, ce mouvement de modernisation pourrait être conduit de manière beaucoup plus ample et plus systématique, notamment dans le cadre de la stratégie de modernisation de l’action publique (MAP), afin de réexaminer l’ensemble des politiques publiques à son aune.

Compte tenu de leur objet même, il est indispensable que ces politiques reposent sur des comparaisons internationales préalables, s’inspirent des bonnes pratiques étrangères et visent à anticiper les évolutions pertinentes afin que l’économie française puisse mieux affronter la compétition internationale à l’avenir. Ces démarches gagneraient également à tenir compte du « ressenti » des entreprises et du monde des affaires sur certaines législations et réglementations, afin de contribuer à développer un climat propice à l’initiative économique.

prises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives.

169. V. not. le rapport de O. Fouquet, Améliorer la sécurité juridique des relations entre l’administration fiscale et les contribuables : une nouvelle approche, juin 2008.

170. Note du ministre des finances et des comptes publics sur la nouvelle gouvernance fiscale (décembre 2014).

171. Communiqué de presse du ministère de l’économie n° 1116 du 27 févr. 2014.

172. V. par ex., les enquêtes de satisfaction lancées par la DGDDI auprès des entreprises et dont elle rend compte notamment dans ses rapports annuels.

173. V. les travaux de la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale préc. sur l’exil des forces vives de France, rapport n° 2250 du 8 octobre 2014. V. aussi le Livre blanc de l’attrac-tivité de la France, publié par Ubifrance et l’Agence française pour les investissements inter-nationaux (AFII) en 2014. V. également la déclaration du Premier ministre, le 6 octobre 2014 lors d’un discours prononcé à la City de Londres : « My government is pro-business ».

Proposition n° 10 : Renforcer les objectifs de compétitivité et d’attractivité dans la définition de la stratégie de modernisation de l’action publique (MAP) En faire des axes spécifiques de la stratégie de la MAP et s’appuyer sur les comparaisons internationales ainsi que sur le « ressenti » des entreprises pour définir le contenu de ces axes de modernisation publique.

Vecteur : action du Gouvernement (SGMAP, France Stratégie)

„ Prévenir les pratiques de « dumping »

Aussi nécessaires qu’elles soient, les politiques d’attractivité et de compétitivité ne doivent pas conduire à un affaiblissement général des règles applicables aux entreprises dans une course au moins disant (« race to the bottom »).

D’une part, l’efficacité de ces politiques n’est pas sans limite. La France ne peut être compétitive dans tous les domaines ni attirer les entreprises étrangères dans tous les secteurs174. En outre, il ne faut pas sous-estimer l’attachement des entreprises, même celles qui ont quitté le territoire français, à leur environnement national.

En matière de contrats internationaux par exemple, il est constant que les parties, qui ont pourtant le choix de la loi applicable, préfèrent souvent non pas le système de droit ou de juridiction le plus efficace ou le plus performant, mais celui qu’elles connaissent et qui leur inspire un sentiment de sécurité175.

D’autre part, les règles juridiques, fiscales et administratives ne sont pas conçues dans le seul but de promouvoir l’activité économique. Elles visent un équilibre, propre à chaque société en fonction de sa culture et de ses traditions, entre différents intérêts, publics et privés (entrepreneurs, consommateurs, salariés). Il faut éviter à cet égard de verser dans un « droit de l’attractivité » qui ne serait qu’une forme dénaturée de l’ordre juridique de l’État concerné, ayant renoncé à ses exigences propres et à ses spécificités176.

Par ailleurs, la conduite agressive de ce type de politique peut rapidement amener à des formes plus ou moins marquées de « dumping », potentiellement très dommageables pour les parties prenantes comme le montre l’actualité fiscale récente.

174. Par ailleurs, la lutte contre le « dumping » passe aussi par une action tendant à har-moniser vers le haut des standards sociaux et environnementaux, afin que la compétition économique soit plus loyale.

175. L. Usunier, Concurrence normative en Europe et stratégies juridiques en droit interna-tional privé, Op.cit.

176. M. Snoussi « Les stratégies juridiques des sociétés transationales : l’exemple des prix de transfert », RIDE, 2003, p. 445, citant Ch.-A. Michalet, La séduction des nations ou comment attirer les investissements, Economica, 1999.

L’abus des « tax rulings »177 et l’érosion de l’assiette des taxes sur les sociétés178 au sein de l’Union européenne témoignent de ce que ce risque doit être pris au sérieux. La conjonction d’un espace économique intégré et de l’absence presque totale d’harmonisation de la fiscalité directe crée les conditions d’une concurrence fiscale dommageable entre États membres179. La France elle-même n’est pas à l’abri de ce type de tentation, même si elle y cède de manière plus circonscrite180. La Commission européenne a proposé le 18 mars 2015 un paquet de mesures pour améliorer la transparence et lutter contre l’évasion fiscale, comprenant notamment un système d’échange d’informations entre États membres sur les rescrits fiscaux.

Elle a présenté le 17 juin 2015 un plan d’action sur la fiscalité des sociétés dont l’un des éléments essentiels est la relance du projet d’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) présenté en 2011 et qui n’avait pu jusqu’ici aboutir. Ces initiatives vont dans le sens des positions françaises et la France devrait donc contribuer activement à leur mise en œuvre.

Proposition n° 11 : Prévenir les pratiques de dumping

1) vérifier systématiquement que les mesures prises au titre de l’amélioration de la compétitivité et de l’attractivité, respectent les autres intérêts en présence (sociaux, environnementaux…) et prévenir le risque qu’elles soient regardées comme une pratique déloyale au sein de l’Union en prenant au besoin l’attache de la Commission européenne (voir proposition n° 19) ;

Vecteur : action du Gouvernement 2) lutter contre la concurrence fiscale entre États membres de l’UE en appuyant les initiatives de la Commission européenne en matière de transparence fiscale et d’harmonisation des bases d’imposition des sociétés.

Vecteur : action du Gouvernement (SGG, SGAE, France Stratégie, ministre des affaires étrangères)

177. La Commission a ouvert plusieurs enquêtes approfondies sur le fondement de l’article 107 §1 sur les « tax rulings » (v. communiqué du 11 juin 2014). Par la suite, la Commission a ouvert une enquête approfondie sur le système relatif aux « bénéfices excédentaires » en Belgique (le 3 février 2015).

178. V. les travaux de l’OCDE sur la lutte contre l’érosion de l’assiette fiscale, particulière-ment en matière d’impôt sur les sociétés (rapport de l’OCDE, Lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, 2013).

179. V. sur ces questions, rapport n° 56 du CAE rédigé par J. Le Cacheux et Ch. Saint-Étienne,

« Croissance équitable et concurrence fiscale » (2005). B. Delaunay, « Droit de l’Union euro-péenne et politique fiscale », RFFP, 1er mai 2014, p. 126. A. Benassy-Quéré, Renforcer l’har-monisation fiscale en Europe, note du CAE n° 2014/4.

180. Par ex., les régimes fiscaux favorables mis en place pour accueillir des grandes compé-titions sportives, notamment dans le cadre de l’article 51 de la loi n° 2014-1655 du 29 dé-cembre 2014 de finances rectificative pour 2014.

1.3. La dispersion de l’action économique

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