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L’État doit encourager et accompagner l’action économique locale

Quelles conditions de l’efficacité de l’action économique ?

3.1. L’action doit être conduite par un nombre limité d’acteurs étroitement coordonnés

3.1.2. Pour une meilleure articulation entre l’action nationale et l’action locale

3.1.2.1. L’État doit encourager et accompagner l’action économique locale

„ Éviter d’entraver l’action locale par la définition d’un cadre général trop strict L’État et les collectivités territoriales ne sont pas placés sur un pied d’égalité. Certes, la République est « décentralisée » depuis la révision constitutionnelle de 2003 et le principe de « libre administration des collectivités territoriales » consacré dès 1979 par le Conseil constitutionnel527 protège leur liberté d’action, notamment en matière économique. Mais à la différence de ce qui s’applique dans les États fédéraux ou même régionalisés528, la politique économique reste de la compétence du Gouvernement en vertu de l’article 20 de la Constitution et la loi elle-même rappelle depuis 1982 que « l’État a la responsabilité de la politique économique et sociale »529. Pour l’essentiel, les collectivités territoriales mettent en œuvre des dispositifs conçus par l’État530. Surtout, les choix de l’État peuvent réduire fortement leur marge de manœuvre en affectant leur équilibre financier531, en modifiant leurs ressources propres, en augmentant leurs dépenses obligatoires ou en réduisant leurs dotations532. Les organismes représentant les collectivités territoriales 527. Aux termes du 2° alinéa de l’article 72 de la Constitution dans la rédaction retenue dès 1958, les collectivités territoriales « s’administrent librement par des conseils élus et dans les conditions fixées par la loi ». La valeur constitutionnelle du principe de libre administration des collectivités locales a été reconnue par le Conseil constitutionnel dès la décision n° 79-104 DC du 23 mai 1979.

528. Les collectivités territoriales ne disposent pas de prérogatives comparables à celles d’États fédérés comme aux États-Unis, au Canada, ou en Allemagne, ni même de pouvoirs aussi étendus que leurs homologues des pays régionalisés comme l’Espagne (art. 148 à 150 de la Constitution), l’Italie (art. 117 de la Constitution), mais aussi dans une certaine mesure, le Royaume-Uni (tendance encore renforcée depuis l’adoption du Localism act de 2011). Ces différents systèmes présentent leurs spécificités propres mais ont pour point commun de définir les compétences économiques comme des matières généralement partagées entre l’État et les structures locales (États ou régions).

529. Art. 5 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, repris notamment aux articles L. 2251-1 et L. 3231-1 du CGCT.

530. Les règles en cause leur laissent néanmoins des marges plus ou moins importantes.

Les collectivités territoriales ne peuvent définir les conditions dans lesquelles elles passent un marché public, mais les choix qu’elles font dans l’application du cadre général ont un impact décisif. De même, elles ne peuvent créer un nouvel impôt, mais peuvent en moduler certains éléments.

531. L’examen des expériences étrangères confirme que la question des ressources des col-lectivités est l’élément déterminant de leur capacité à conduire une véritable action écono-mique. Si le Canada est l’une des fédérations qui fait le plus de place aux initiatives locales, c’est aussi parce que les provinces perçoivent 50 % des revenus fiscaux du pays. Il en va de même dans les pays émergents. L’Indonésie, qui s’est engagée dans un ambitieux mouve-ment de décentralisation, a alloué 30 % des recettes aux budgets des autorités locales. À l’inverse, l’absence de ressources locales significative est le signe des États les plus centra-lisés, comme c’est le cas au Chili où les 345 municipalités ne disposent pas des ressources nécessaires pour exercer réellement l’ensemble des compétences qui leur sont dévolues.

532. L’équilibre financer des collectivités territoriales est lui-même assez largement défini par les lois de finances préparées par les services de l’État (direction du budget et DGCL en

(comité national d’évaluation des normes, comité des finances locales), dont la saisine préalable à l’adoption de toute norme ou contrainte financière ayant une incidence sur ces collectivités est obligatoire, n’ont qu’un rôle consultatif. Et le juge constitutionnel, s’il vérifie que le législateur ne prive pas de toute autonomie les collectivités territoriales, laisse une grande marge d’appréciation à l’État dans la gestion des finances publiques533.

Conscient du risque de priver les collectivités territoriales de toute capacité d’initiative économique, le Gouvernement a, dans la période récente, pris plusieurs engagements en ce domaine534. Il faut souhaiter qu’ils soient durablement respectés.

„ Appliquer le principe de subsidiarité dans l’action économique territoriale L’État ne se borne pas à définir un cadre général d’action pour les collectivités territoriales, il a également une action économique propre dans les territoires, qui doit être mieux articulée avec celle de ces collectivités. « L’État territorial » doit en effet éviter de concurrencer l’action économique locale. La Constitution elle-même prévoit que la répartition des rôles doit être conçue dans une logique de subsidiarité535.

La multiplication même des structures et des organismes de l’État ou dont il assure plus ou moins directement le pilotage est source d’une excessive complexité.

Le regroupement des services déconcentrés dans le cadre de la réforme de l’administration territoriale de l’État (REATE) n’épuise pas la réflexion536. L’État est en effet également présent via les chambres consulaires, en particulier les chambres de commerce et de l’industrie537, et par l’intermédiaire des agences qui ont eu tendance ces dernières années à développer un réseau local important dans le domaine économique538. L’action territoriale de l’État coexiste enfin avec les très actifs réseaux locaux de la Banque de France et de la Caisse des dépôts et consignations.

particulier). La définition des dépenses obligatoires ainsi que des transferts (intégralement compensés mais seulement à la date du transfert) ou créations de charges (non spéciale-ment compensées) sont égalespéciale-ment des facteurs décisifs.

533. À noter toutefois la vigilance du Sénat sur les législations qui peuvent emporter des contraintes pour les collectivités territoriales.

534. V. not. la circulaire du 9 octobre 2014 sur l’allègement des contraintes normatives ap-plicables aux collectivités territoriales.

535. Aux termes du 2e alinéa de l’article 72 de la Constitution : « Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ».

536. Au niveau régional, on dénombre plusieurs directions importantes en matière écono-mique, à commencer par les DIRECCTE, ayant vocation à jouer le rôle de guichet unique des entreprises pour l’État en région, sous réserve des compétences spécifiques de la DRFiP.

D’autres directions sectorielles jouent également un rôle comme les DRAAF en matière d’agroalimentaire et les DREAL en matière notamment industrielle.

537. Bien qu’administrées par des chefs d’entreprises, les CCI sont des établissements publics de l’État placés sous la tutelle du ministre de l’économie (DGE) et qui ont, outre quelques fonctions de gestion spécifiques de certaines écoles et infrastructures économiques, des activités de service public importantes en matière d’accompagnement des entreprises (V.

art. L. 710-1 du code de commerce).

538. Not. en matière de financement, d’innovation ou d’accompagnement à l’international.

Cet éparpillement complique la tâche des préfets, qui sont chargés de coordonner les efforts de ces différentes instances notamment pour les entreprises en difficulté539. Leur mission devrait être facilitée par le décret du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration, qui leur donne une autorité renforcée sur le réseau territorial des agences540.

Au-delà, les contraintes budgétaires et surtout la nécessité d’éviter les recoupements des tâches conduisent à envisager de nouvelles mutualisations. L’illisibilité de l’édifice et la dilution des responsabilités incitent à éviter les situations où le même type d’activités est assuré par les services de l’État, les CCI, les institutions spéciales (Banque de France, Caisse des dépôts et consignations), et parfois les collectivités territoriales elles-mêmes.

Il n’est pas souhaitable pour autant de réduire drastiquement la présence territoriale de l’État541, indispensable pour assurer le contact avec les entreprises et relayer sur le terrain les orientations nationales. Il pourrait cependant être envisagé d’organiser des délégations de gestion ou des dédoublements fonctionnels permettant de faire assurer par les collectivités territoriales des missions pour le compte de l’État ou de confier aux CCI des tâches de gestion pour le compte de ces collectivités ou pour celui des services déconcentrés de l’État.

La simplification passe aussi par une répartition plus claire des compétences dans le domaine de l’action économique pour déterminer qui doit agir, à la manière de ce qui est entrepris sur la loi NOTRe entre niveaux de collectivités territoriales (v. infra 3.1.3).

De nombreuses actions se superposent à l’heure actuelle, par exemple en matière de commerce de proximité542, d’entreprises en difficulté543, d’accompagnement international544, ou de pôles de compétitivité545. La plupart de ces actions, peu ou pas articulées entre elles, deviennent dès lors largement concurrentes. Il n’existe pas de critère clair et uniforme permettant de distinguer ce qui doit relever de l’État ou des collectivités territoriales546.

539. Dans le cadre de différents comités, tels que le Comité départemental des aides aux entreprises en difficulté (CODEFI), Comité régional de restructuration industrielle...

540. Décret n° 2015-510 du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration.

541. Allant plus loin encore, le rapport du 13 avril 2015 de France stratégie, Quelle action publique pour demain ? 5 objectifs, 5 leviers, évoque l’hypothèse, discutée dans ses ateliers, d’une disparition à l’horizon 2025 des services déconcentrés non régaliens, p.51.

542. Le Gouvernement veille au développement équilibré des différentes formes de com-merce en contribuant à la dynamisation du comcom-merce de proximité en vertu de l’article L. 750-1-1 du code de commerce relatif au FISAC, mais sans préjudice de l’action des collec-tivités locales et notamment des communes dans le même domaine.

543. La répartition des rôles n’est pas toujours très claire, l’État et les collectivités intervenant concurremment sur ces questions (CIRI, mais aussi CODEFI). Des redondances existent éga-lement en ce qui concerne les régimes d’aides (v. rapport de l’IGF sur les aides publiques aux entreprises, Pour des aides simples et efficaces au service de la compétitivité, 18 juin 2013).

544. Cf. encadré infra.

545. Entre les pôles nationaux et des pôles à dimension régionales, comme les PRIDES en PACA. V. Les pôles de compétitivité : bilan et perspectives d’une politique industrielle et d’aménagement du territoire, rapport du Sénat n° 40 (2009-2010) du 14 octobre 2009.

546. La taille des entreprises, les logiques de filière et d’aménagement sont des critères ponctuellement utilisés. On peut également privilégier le niveau local pour les actions

mobi-Cette situation favorise la dispersion des efforts, la dilution des responsabilités, parfois même des marchandages (financements croisés) et des problèmes de cohérence (redondances, interférences ou contradictions). Il est donc préférable de limiter l’enchevêtrement des compétences et de constituer des blocs de compétence pour responsabiliser les acteurs, tout en assurant une étroite collaboration entre eux.

Rationaliser l’action d’une pluralité d’acteurs dans un même domaine : l’exemple de l’accompagnement des entreprises à l’international

La fusion progressive des différentes entités intervenant en matière d’internationalisation des entreprises pour le compte de l’État a abouti à la création de « Business France ». Établissement public national à caractère industriel et commercial, placé sous la tutelle des ministères des affaires étrangères et de l’économie, « Business France » est le fruit de la fusion au 1er janvier 2015 d’UBIFRANCE et de l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII).

« Business France » valorise et promeut l’attractivité de l’offre de la France, de ses entreprises et de ses territoires. Dans le domaine de l’exportation, de l’investissement ou des partenariats internationaux, il a pour mission d’accompagner les entreprises françaises et internationales du début jusqu’à l’aboutissement de leurs projets. Les missions de « Business France » portent sur le développement international des PME et ETI et à leurs exportations, la prospection et l’accueil des investisseurs étrangers en France ; la promotion de l’attractivité et de l’image économique de la France, de ses entreprises et de ses territoires ainsi que sur la gestion et le développement du volontariat international en entreprises (VIE).

La coordination de son action avec celles des régions et des CCI est notamment assurée par la représentation de ces dernières à son conseil d’administration.

En outre, un partenariat stratégique a été conclu en mars 2015 entre cette agence et le réseau international des CCI pour mobiliser de manière plus efficiente les moyens de leurs réseaux respectifs en se focalisant sur six grandes filières prioritaires à l’export définies par le ministère des affaires étrangères:

agroalimentaire, ville durable, santé, technologies de l’information et de la communication, culture et création, tourisme.

„ Prolonger le contrôle nécessaire des collectivités territoriales par un appui à leur action

Les contrôles traditionnels sont certes toujours présents. Il s’agit d’abord du contrôle de légalité, qui est mis à rude épreuve en matière économique, compte tenu de la montée en puissance des collectivités territoriales dans ce domaine, de la sophistication croissante des outils employés alors que les préfectures disposent de moyens limités, et de la complexité du droit à appliquer (en matière d’aides d’État notamment).

lisant une certaine inventivité (comme la gestion des réseaux d’énergie).

Dans l’exercice de son contrôle, l’État s’efforce de plus en plus d’être partenaire de la collectivité territoriale. Il s’agit moins de contraindre que d’inciter et d’orienter.

Au-delà du strict respect de la légalité, le contrôle des services déconcentrés se manifeste par la préoccupation de prémunir les collectivités contre la tentation d’une concurrence destructrice, relayant l’action plus générale de l’État en faveur de l’égalité entre territoires (notamment en termes de péréquation entre les ressources des collectivités)547.

En matière économique et financière, les services déconcentrés sont amenés à conseiller les collectivités territoriales en les sensibilisant aux risques qu’elles prennent dans leur action économique, notamment en matière d’investissement public. C’est notamment le rôle du réseau de la DGFiP, en contact permanent avec les collectivités dont il tient les comptes.

Ces fonctions d’appui et de soutien vont par ailleurs au-delà de l’action quotidienne de l’État vis-à-vis des collectivités décentralisées, avec par exemple la création du fonds de soutien aux emprunts à risque548 et de l’agence de financement France locale549 ou encore, dans un domaine différent, de « l’agence de développement économique dans les territoires »550.

3.1.2.2. S’appuyer sur la relation État-région pour assurer la cohérence

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