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Une politique monétaire qui laisse d’importantes marges de manœuvre à la politique économique nationale

économique nationale

1.1.1.2. Une politique monétaire qui laisse d’importantes marges de manœuvre à la politique économique nationale

„ La France n’a plus la maîtrise de sa politique monétaire et de change

Au-delà de sa dimension symbolique, la réalisation de l’union monétaire a constitué une réelle perte de souveraineté justifiant une révision de la Constitution préalablement à la ratification du Traité de Maastricht. Le Conseil constitutionnel a 13. CJUE (Gde ch.), 16 juin 2015, Gauweiler c. Deutscher Bundestag, aff. C- 62/14.

14. Pour tenir compte du risque de déflation, l’objectif de stabilité des prix formulé par le conseil des gouverneurs de la BCE en 1998 (cf. supra) a été précisé en 2003 pour prévoir que l’indice était « inférieur, mais proche de 2 % ».

15. En 2010, la BCE avait acheté de la dette grecque et irlandaise sur le marché secondaire dans le cadre du « securities markets programme » (SMP). En août 2011, de pareils achats avaient été effectués sur des titres de dette italienne et espagnole.

en effet jugé que ce traité prévoyait « la mise en œuvre d’une politique monétaire et d’une politique de change uniques suivant des modalités telles qu’un État membre se trouvera privé de compétences propres dans un domaine où sont en cause les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale »16.

Les vives réactions qui ont pu s’exprimer en France à l’encontre du transfert de la politique monétaire à la BCE tiennent pour partie à l’histoire de la Banque de France, durablement marquée par l’esprit de la loi du 22 avril 1806 qui devait en faire une institution qui « soit assez dans la main du gouvernement, mais qu’elle n’y soit pas trop »17. L’autonomie de la Banque de France vis-à-vis du gouvernement est longtemps restée cantonnée à la conduite opérationnelle de la politique monétaire sans s’étendre à la définition même de cette politique. La loi du 4 août 1993 prise en prévision du Traité de Maastricht a donc constitué une véritable « rupture » avec la conception française de la politique monétaire18, dont le Conseil constitutionnel a d’ailleurs censuré la première version au motif que l’indépendance qu’elle conférait à la Banque de France méconnaissait la compétence générale que le Premier ministre tenait de l’article 20 de la Constitution pour déterminer et conduire la politique de la Nation19. Ce n’est qu’une fois le Traité de Maastricht entré en vigueur que cette indépendance a pu être pleinement affirmée en droit interne20.

„ Des conséquences limitées pour la conduite de la politique économique nationale

L’indépendance du banquier central associée à un mandat structuré autour de l’objectif de stabilité des prix et à l’interdiction d’assurer un financement monétaire est devenue un standard international dans les années 9021, avant même le Traité de Maastricht. Elle s’est alors imposée comme un élément de crédibilité de la politique monétaire, même dans un cadre purement national, de sorte qu’il est probable que la Banque de France aurait obtenu son indépendance même sans la création de l’euro et de la banque centrale européenne, comme cela a par exemple été le cas à partir de 1997, de la Banque d’Angleterre22.

16. Décision n° 92-308 DC du 9 avril 1992, Traité sur l’Union européenne, cons. 43.

17. Sur cette histoire et cette phrase prêtée à Napoléon, v. A. Plessis, Histoires de la Banque de France, Mission historique de la Banque de France, Bibl. Albin Michel, Histoire, 1998.

18. B. Blancheton, « L’autonomie de la Banque de France de la grande guerre à la loi du 4 août 1993 », Revue d’économie financière n° 2014/1, pp. 157-178.

19. Décision n° 93-324 DC du 3 août 1993.

20. Les dispositions pertinentes figurent aujourd’hui à l’article L. 141-1 du code monétaire et financier. Sa rédaction reste assez nuancée. Entre un rappel de l’appartenance de la Banque de France au SEBC (1er alinéa) et de ce que, dans l’exercice des missions qui s’y rattachent, elle ne peut ni solliciter ni accepter d’instructions du Gouvernement ou de toute personne (3e alinéa), l’article dispose que « Dans ce cadre, et sans préjudice de l’objectif principal de stabilité des prix, la Banque de France apporte son soutien à la politique économique géné-rale du Gouvernement ».

21. Ce standard, sous forme de triptyque, repose sur le constat empirique que l’indépen-dance est une garantie non seulement de l’objectif de stabilité des prix mais aussi de l’inter-diction du financement monétaire des États.

22. Indépendance annoncée par le Gouvernement britannique le 6 mai 1997 et traduite dans le Bank of England act du 23 avril 1998.

De même et près de 20 ans avant la création de l’euro, la France avait fait le choix d’assurer une parité stable de sa monnaie avec le Deutsche Mark dans le cadre des systèmes monétaires européens institués en 197223 et 197924. Ce choix contraignait de fait l’exercice de la compétence monétaire de la Banque de France avant même son transfert au système européen de banques centrales. Celui-ci apporte à l’économie française un élément de sécurité essentiel en la prémunissant mieux que les anciens dispositifs contre le risque de change vis-à-vis de ses principaux partenaires commerciaux et contre l’instabilité de sa monnaie sur les marchés.

Enfin la conduite de la politique économique nationale n’est pas contrainte par la BCE, qui « n’a ni les moyens d’orienter une politique nationale, ni ceux d’en corriger les effets »25. Par ailleurs, à raison de sa taille, l’économie française a, sauf circonstances exceptionnelles, un cycle économique en phase avec celui de l’ensemble de la zone euro.

La France a ainsi pu depuis 1993 mener une politique économique propre avec sans doute plus de marges de liberté et d’appréciation que sans l’union économique et monétaire.

„ Veiller aux conditions de la transmission de la politique monétaire

Pour tirer tous les bénéfices de la politique monétaire conduite par la BCE, les États de la zone euro doivent, en liaison avec le système européen de banques centrales, veiller à ce que cette politique se « transmette » à leur économie dans de bonnes conditions26. Leurs décisions propres et l’organisation de leur marché domestique affectent en effet la qualité de cette transmission et son impact réel sur la « courbe des taux d’intérêt » effectivement pratiqués sur leur territoire.

Cette transmission a toujours été relativement faible en France, pour de multiples raisons. Les Français sont globalement moins endettés que les autres européens et le sont souvent à taux fixe, ce qui crée des effets de retard lorsque les taux évoluent. Les banques françaises ne répercutent pas toujours les baisses de taux en raison, notamment, de l’environnement réglementaire et en particulier de leur cadre macroprudentiel, c’est-à-dire l’ensemble des mesures destinées à assurer la stabilité du système bancaire (comme les ratios de fonds propres ou de liquidité, les réserves obligatoires, les dépôts de garantie ou les conditions d’apports

23. Résolution du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, du 21 mars 1972, relative à l’application de la résolution du 22 mars 1971 concernant la réali-sation par étapes de l’union économique et monétaire dans la Communauté, Journal officiel n° C 38 du 18 avril 1972, pp. 3-4

24. Résolution du Conseil du 5 décembre 1978 concernant l’instauration du système moné-taire européen (SME) et des questions connexes, Bull des comm. européennes, décembre 1978, n° 12.

25. R. Hertzog « À la recherche d’une théorie du système financier public complexe », Consti-tution et finances publiques, étude en l’honneur de L. Philip, pp. 401-421, Economica, 2005.

26. La politique monétaire « se transmet », c’est-à-dire produit des effets sur l’économie réelle des États membres par différents canaux et, notamment, par celui des taux d’intérêt (niveau des taux) et celui des crédits (capacité à consentir des prêts) pratiqués par les éta-blissements nationaux.

personnels pour les crédits immobiliers)27. Bien que largement harmonisé28, ce cadre macroprudentiel comporte des éléments purement nationaux qui influent sur la transmission de la politique monétaire29.

Entre également en ligne de compte le niveau des taux de l’épargne réglementée, dont l’écart avec les taux directeurs de la BCE, justifié par des motifs d’intérêt général, a pu être considéré comme un obstacle à la baisse des taux d’intérêt en France30. Un facteur plus ponctuel d’altération de la transmission peut être la déconnexion de la politique monétaire dans la zone pacifique, dont le Gouvernement conserve la maîtrise à travers l’Institut d’émission d’outre-mer (IEOM) - l’institut d’émission des départements d’outre-mer (IEDOM) étant au contraire relié à la Banque de France et au système européen de banques centrales.31.

Compte tenu des enjeux essentiels pour l’économie française d’une transmission efficace de la politique monétaire de la zone euro, les interférences susceptibles de résulter des textes de droit interne devraient être recensées et analysées, pour en limiter les effets dans la mesure compatible avec les objectifs d’intérêt général poursuivis par ces textes spécifiques.

Proposition n° 1 : Mesurer les interférences produites par les lois et règlements nationaux dans la transmission en France des effets de la politique monétaire Confier à une mission commune du ministère des finances et des comptes publics et de la Banque de France le soin :

1) de recenser les règles et procédures concernées et d’analyser leurs effets sur la courbe des taux d’intérêt ;

2) de proposer les évolutions permettant de limiter ces interférences sans remettre en cause les buts d’intérêt général poursuivis par ces règles et procédures.

Vecteur : rapport conjoint du ministre des finances et des comptes publics et de la Banque de France (ministre des finances et des comptes publics et Banque de France)

27. A. Kelber, E. Monnet, « Politiques prudentielles et instruments quantitatifs : une pers-pective historique européenne », Revue de stabilité financière, Banque de France, n° 18, avril 2014.

28. V. not. les règlements et directives dits « Bâle III » sur les fonds propres applicables depuis 2014 : directive 2013/36/UE concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’inves-tissement (CRD IV) ; règlement (UE) n° 575/2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement (CRR).

29. Direction de la prévision, Analyses économiques, n° 47, septembre 2004.

30. V. not., l’audition de Ch. Noyer, gouverneur de la Banque de France, à la commission des finances de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale le 17 février 2015 ; compte-rendu n° 65.

31. Aux termes de l’article L. 712-4 du code monétaire et financier, l’IEOM, qui est un établis-sement public : « met en œuvre, en liaison avec la Banque de France, la politique monétaire de l’État en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna » (comp. pour l’IEDOM, art. L.711-2 du même code).

1.1.2. L’exercice du levier budgétaire dans le cadre

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