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Des outils par nature évolutifs et qui doivent le rester

et à la temporalité des questions économiques

3.3. Choisir l’outil le mieux adapté à l’objectif poursuivi

3.3.2. Des outils par nature évolutifs et qui doivent le rester

La liste des outils et leur régime évoluent en permanence à l’initiative de l’État, principal concepteur d’outils, mais aussi des collectivités territoriales, qui cherchent à adapter leurs moyens au contexte économique et aux contraintes juridiques.

3.3.2.1. Une palette d’outils qui doit évoluer avec les besoins

„ Des mutations sur le long terme

Les outils d’action économique des personnes publiques ont considérablement évolué depuis trente ans avec l’essor de la régulation.

Cette notion renvoie tout à la fois à une organisation spécifique, pour garantir l’indépendance du régulateur à l’égard du pouvoir politique, et à des modes d’action différents de l’action économique traditionnelle. Sous l’influence du droit européen, des contraintes budgétaires et des pratiques anglo-saxonnes, les personnes publiques agissent moins directement comme opérateur économique.

Le nombre des entreprises publiques diminue et dans celles qui subsistent, le poids des acteurs publics tend à se réduire. Les personnes publiques ouvrent progressivement les marchés à la concurrence et s’interdisent d’aider les opérateurs historiques, sauf lorsque cela leur est nécessaire pour assurer des missions particulières. Dans le même temps, elles évitent de contraindre les entreprises privées, sauf motifs impérieux d’intérêt général.

Ces mutations ont eu un effet direct sur les outils employés, comme l’illustre le relatif déclin de l’EPIC par rapport à la société anonyme qui permet plus facilement un retrait progressif de l’actionnaire public ; ou encore le recours au droit souple, de préférence à la « police économique », pour agir sur les comportements collectifs.

Plus récemment, la crise financière et celle des dettes souveraines depuis 2008 ont conduit à la résurgence d’outils anciens (comme l’idée de nationaliser certains actifs) mais aussi au développement d’outils innovants pour faire face à des risques nouveaux.

Ce mouvement touche la réglementation économique, comme l’a montré par exemple le recours à des dispositifs de « quotas » (du type quotas d’émission de gaz à effet de serre). Il concerne aussi les contrats publics, de plus en plus diversifiés

dans les textes et utilisés de manière plus fine par les acteurs, qui cherchent à promouvoir des catégories d’entreprises dont l’utilité économique et sociale est jugée plus élevée (PME, entreprises innovantes ou socialement responsables).

Les outils financiers restent très dynamiques, notamment la fiscalité compte tenu de l’absence de coût facial et de la plus grande latitude qu’elle offre au regard du droit européen. La subvention reste un outil privilégié d’intervention sur les projets ou alors prend la forme d’un cofinancement avec des fonds privés en recherchant des effets de levier (évolution du « financing » au « funding »). Le développement des fonds souverains et des fonds de pension mérite également d’être évoqué.

L’ingénierie financière est toujours plus sophistiquée, notamment à l’initiative de l’Union européenne (utilisation des fonds structurels notamment).

Des outils administratifs classiques sont par ailleurs revisités à des fins économiques. L’approche par les « sols » se développe, notamment l’utilisation de plus en plus fine du droit de l’urbanisme (notamment à Paris et Lyon). Les personnes publiques ont compris l’importance de la communication et de l’image dans l’action économique et ont, dans ce domaine, une approche de plus en plus professionnalisée (« French Tech »). Le recours aux marques publiques se fait aussi plus stratégique. Les fonctions de médiation et d’accompagnement plutôt économes des deniers publics progressent (pour l’export mais aussi l’implantation des entreprises ou la structuration de « grappes » ou de « filières »), les personnes publiques jouant ainsi un rôle de facilitateur pour les entreprises, qu’elles soient en difficulté ou en quête de développement.

„ La palette d’outils doit rester évolutive

Les mutations des outils doivent être connues pour pouvoir anticiper les évolutions futures. Ainsi, le délaissement d’un outil peut conduire à le faire évoluer, voire à créer un outil nouveau ayant vocation à le remplacer.

L’institution, en partenariat avec France Stratégie, d’une fonction de veille et de prospective en matière d’outils d’action économique des personnes publiques pourrait permettre d’anticiper les évolutions à l’œuvre. Il s’agirait d’observer les innovations locales, en liaison avec les régions et associations d’élus, (v. supra 3.2.3) et d’identifier grâce au réseau diplomatique les évolutions pertinentes dans les différents pays de développement économique comparable au nôtre.

3.3.2.2. Des évolutions qui s’imposent aussi au régime des différents outils

„ Les réformes déjà réalisées ou engagées

L’évolutivité du régime juridique des outils a été illustrée par trois modifications législatives récentes et de portée significative : l’urbanisme économique a été modifié par la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises ; les subventions ont été encadrées par la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire ; le droit des sociétés et participations publiques a été refondu par l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014.

D’autres réformes en cours ou annoncées portent sur les outils des collectivités locales avec la loi NOTRe, sur les contrats de la commande publique662 et sur le pouvoir de sanction des autorités de régulation, qui devrait être adaptée dans les prochains mois pour tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars dernier (non bis in idem)663.

„ Les autres évolutions à envisager prioritairement

Pour aller plus loin dans l’adaptation des outils aux besoins, plusieurs évolutions doivent être préconisées en priorité.

Les premières pourraient porter sur le domaine des personnes publiques, question qui n’a pas été épuisée par l’adoption du code général de la propriété des personnes publiques et par la jurisprudence rendue sur celui-ci.

Des évolutions sont souhaitables en ce qui concerne les conditions dans lesquelles les autorisations d’occupation privative du domaine public doivent être délivrées.

Dans le cas où ces autorisations s’insèrent dans des conventions ayant un objet plus large (par exemple délégation de service public) et pour lesquelles une procédure de publicité et de mise en concurrence s’impose, cette procédure s’applique aussi à ces autorisations. Pour les autorisations et les contrats ayant pour seul objet l’occupation privative d’une dépendance du domaine public, la jurisprudence s’est fondée sur l’absence de disposition législative ou réglementaire ou de principe imposant à une personne publique d’organiser une procédure de publicité préalable, même si l’occupant a la qualité d’opérateur sur un marché concurrentiel664. Naturellement, il n’est pas interdit à l’autorité gestionnaire du domaine de prévoir la mise en œuvre d’une procédure de publicité ainsi que, le cas échéant, de mise en concurrence, afin de susciter des offres concurrentes. Elle doit alors naturellement la respecter.

Mais il est nécessaire d’aller au-delà afin de favoriser une meilleure valorisation du domaine ainsi qu’une compétition plus profitable entre les acteurs et, en conséquence, de consacrer dans le droit positif une solution rendant obligatoire une telle procédure de publicité ainsi que, le cas échéant, de mise en concurrence.

Par ailleurs, un bilan devrait être dressé afin d’apprécier la nécessité de maintenir, pour le régime des autorisations d’occupation temporaire du domaine public (AOT), les différences existantes selon qu’elles portent sur le domaine public de l’État ou celui des collectivités territoriales. La simplification du droit pourrait justifier une uniformisation des règles applicables. Il en va de même des différences dans les conditions de cession notamment en matière de déclassement préalable du domaine public.

662. Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 qui entrera en vigueur au plus tard le 1er avril 2016.

663. V. sur cette décision, supra 2.2.3.1 et 2.3.3.2.

664. CE, Sect., 3 décembre 2010, Ville de Paris, n° 338272 (affaire du Stade Jean Bouin) ; CE, 8 juin 2011, Port autonome de Marseille, n° 318010 ; v. C. Vautrot-Schwartz, « L’avenir de la publicité et de la mise en concurrence dans la délivrance des titres d’occupation doma-niale », Contrats et marchés publics, n° 12, décembre 2012.

Il s’agirait en outre d’aborder la définition et le régime du domaine immatériel, qui n’ont pas été précisés par le code général de la propriété des personnes publiques665. La question de l’appartenance des marques publiques au domaine public ou au domaine privé des personnes publiques mériterait aussi d’être clarifiée. Le régime des marques publiques pourrait, au besoin, déroger au droit commun. Par ailleurs, la question du droit d’utilisation par des tiers de l’image des biens publics et de la valorisation de cette image par la personne publique devrait être examinée afin de définir le régime juridique qui lui sera applicable.

Proposition n° 48 : Actualiser le droit de la propriété des personnes publiques en :

1) introduisant des règles de transparence des procédures d’octroi d’autorisations d’occupation privative du domaine public ;

2) uniformisant les règles applicables au domaine de l’État et à celui des collectivités territoriales ;

3) clarifiant le régime juridique du domaine immatériel des personnes publiques, notamment pour les marques publiques et définissant le régime juridique de l’image des biens publics.

Vecteur : loi (ministre des finances et des comptes publics ; ministre de l’intérieur)

D’autres évolutions concernent les entreprises publiques. Si le régime vient d’être refondu en ce qui concerne les sociétés et participations de l’État et si le projet de loi pour la croissance et l’activité comporte des dispositions complétant ces règles en ce qui concerne les opérations sur le capital des sociétés et les participations locales, d’autres évolutions sont souhaitables.

Le principal champ à explorer dans le cadre d’une nouvelle réforme éventuelle est celui des EPIC qui connaissent des mutations profondes dont il faut sans doute tirer les conséquences.

Après l’intervention de l’ordonnance 2014-948 du 20 août 2014, ils sont désormais les seuls dont la gouvernance reste régie par la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983, dont la complexité et la lourdeur sont connues ; les différences de régime avec le droit des sociétés anonymes publiques ne s’imposent plus et devraient être réexaminées. Le schéma très original retenu pour le groupe public SNCF qui

« filialise » un établissement public et permet donc de placer un EPIC à l’intérieur d’un groupe et non plus seulement à sa tête ouvre des perspectives nouvelles, dont il faudra faire le bilan avant d’envisager de le décliner pour d’autres entreprises publiques666.

665. V. sur ce point, not. Ph. Terneyre, « Les actifs immatériels des personnes publiques », RJEP, n° 714, décembre 2013, étude 16.

666. Deuxième alinéa de l’art. L. 2102-4 du code des transports, introduit par l’article 1er de la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire.

La jurisprudence de la CJUE amène par ailleurs à poser la question de la garantie

« implicite » dont disposeraient les EPIC667. Afin de se prémunir contre toute difficulté, il conviendrait soit de rapprocher par les textes les conditions de liquidation de l’établissement public de celles des entreprises de droit commun, en faisant ressortir qu’il n’y a pas de reprise systématique des engagements, soit de prévoir une rémunération de cette garantie668.

Les règles transversales de fonctionnement des entreprises publiques devraient également être réexaminées.

Les organes délibérants des entreprises publiques continuent de faire coexister un certain nombre d’agents des personnes publiques exerçant des fonctions diverses (représentants des personnes publiques actionnaires, commissaires du Gouvernement, représentant de l’État désigné dans le cadre de l’action spécifique ; contrôle général économique et financier669). Si chaque représentation a sa logique propre, il conviendrait de clarifier les relations entre elles et de s’interroger sur le bien-fondé de leur cumul éventuel.

La réflexion devrait également porter sur les mouvements de personnels entre les entreprises publiques et les « holdings » publics. S’il est habituel, dans le secteur privé, que des collaborateurs de la structure mère puissent ensuite travailler au sein des autres sociétés du groupe, de tels mouvements sont susceptibles de méconnaître les règles de déontologie voire de relever de la prise illégale d’intérêts670 lorsque la structure mère est une administration publique comme c’est le cas pour les participations de l’État.

Proposition n° 49 : Adapter le régime des entreprises et prises de participations publiques sur les points suivants :

1) rénover le statut des EPIC en ce qui concerne la garantie dont ils sont réputés bénéficier et adapter leur gouvernance ;

2) clarifier les rôles des différents agents représentant l’État qui siègent dans les conseils ou y assistent ;

3) étudier les conditions juridiques dans lesquelles les agents chargés des participations de l’État peuvent travailler ensuite au sein des sociétés de ce périmètre.

Vecteur : loi (ministre de l’économie, ministre de l’intérieur, ministre de la justice)

667. Même si elle n’a pas eu à se prononcer sur les appréciations opérées par le tribunal à la suite de la Commission européenne, le fait que la Cour de Justice ait refusé de censurer son arrêt accrédite l’idée qu’elle soutient la thèse de la garantie implicite des EPIC développée par la Commission européenne.

668. V. sur ce point, l’analyse développée dans l’étude du Conseil d’État sur Les établisse-ments publics, La documentation Française, 2009, p. 25.

669. V. sur ce point l’étude du Conseil d’État sur Les commissaires du Gouvernement dans les entreprises, La documentation Française, 2015.

670. Art. 432-13 du code pénal.

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