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L’essor d’autres normes internationales intéressant l’action économique

et dont il est possible de mieux tirer parti

2.2.2. Un droit dans l’élaboration duquel il est utile de s’investir et qui doit être mieux pris en compte dans la conduite de l’action

2.2.3.2. L’essor d’autres normes internationales intéressant l’action économique

„ Des normes hétérogènes par leur forme et leur force contraignante

L’emprise grandissante du droit international économique sur l’action économique des personnes publiques s’exerce par des instruments de plus en plus diversifiés.

369. V. not. CE, Ass., 3 décembre 1999, Didier, GAJA, Dalloz, 19e éd., 2013, n° 106.

370. V. not. sur ce mouvement : F. Brunet, « De la procédure au procès : le pouvoir de sanc-tion des autorités administratives indépendantes », RFDA, 2013, n° 113.

371. CEDH, 4 mars 2014 Grandestevens, n° 18640/10 ; v. not. sur cet arrêt H. Matsoupoulo,

« Le cumul de poursuites et de sanctions administratives et pénales, pour les mêmes faits, n’est pas conforme à la règle ne bis in idem », Revue des sociétés, 2014, p. 675.

372. La Chambre criminelle de la cour de cassation avait écarté la même contestation sur le fondement de la charte des droits fondamentaux (Cass. crim., 22 janvier 2014, n° 12-83.579).

373. Décision n° 2014-453/454 QPC du 18 mars 2015 ; v. not. O. Décima, Le fantôme de ne bis in idem, D. 2015 p. 874. V. L. Ayrault, « Non bis in idem, les enjeux en matière fiscale », AJ Pénal, 2015, p. 185. Cette décision va conduire à réexaminer les pouvoirs de sanction de plusieurs régulateurs économiques au regard des sanctions pénales existantes. Un projet de loi, actuellement en préparation, devrait être soumis au Parlement pour une entrée en vigueur en 2016.

374. CEDH, 21 février 2008, Ravon et autre c. France, n° 18497/03.

Les sources traditionnelles du droit international économique lient les États et régissent plus ou moins directement leur action sur l’économie.

La coutume ou les principes généraux du droit international n’occupent qu’une place résiduelle en matière économique, sauf en matière de nationalisation des biens et entreprises de ressortissants étrangers375. La plupart des normes contraignantes résultent des traités, conventions ou accords, c’est-à-dire d’engagements bilatéraux ou multilatéraux signés, ratifiés et régulièrement publiés qui ont une autorité supérieure aux lois en vertu de l’article 55 de la Constitution.

Les exigences qui en résultent pour l’action économique des personnes publiques diffèrent selon que ces normes sont ou non revêtues de « l’effet direct »376 permettant aux requérants de les invoquer devant le juge national377.

De nombreuses conventions bilatérales sont revêtues d’un tel effet378, notamment en matière fiscale, mais comme elles ne sont le plus souvent applicables qu’en présence d’un élément d’extranéité (impositions par deux États notamment), elles ne s’imposent pas d’une manière générale à l’action des personnes publiques.

En matière de commerce international, domaine dans lequel l’Union dispose d’une compétence propre, les conventions multilatérales sont rarement revêtues d’effet direct tant dans l’ordre interne qu’en droit européen. La jurisprudence de la Cour de justice, plutôt restrictive sur cet effet direct, a ainsi limité l’invocabilité des règles du GATT/OMC aux seuls cas où les textes européens y renvoient expressément379 ou lorsqu’un acte de droit dérivé a entendu mettre en œuvre une obligation particulière issue du droit du commerce international380.

Un effet direct a en revanche été reconnu à plusieurs conventions multilatérales n’ayant pas un objet principalement économique mais susceptibles de s’imposer à l’action économique des personnes publiques. C’est le cas en matière de protection de l’environnement pour certaines stipulations de la convention d’Aarhus du

375. La Cour EDH s’en fait l’écho sur le droit de propriété, comme y invite la lettre de l’ar-ticle 1er du Premier protocole : CEDH, 8 juillet 1986, Lithgrow et autres c. Royaume-Uni, n° 9006/80.

376. CE, Ass., 11 avril 2012, Groupe d’information et de soutien des immigrés et Fédération des associations pour la promotion et l’insertion par le logement, n° 322326.

377. En l’absence d’un tel effet, la méconnaissance par les personnes publiques de ces textes ne peut donner lieu à un débat contentieux devant le juge interne ; le contentieux est alors purement international et ne pourra se résoudre que par la voie de l’engagement de la responsabilité internationale de l’État.

378. Ce n’est pas vrai pour toutes les conventions bilatérales, v. par ex., s’agissant des « em-prunts russes », l’absence d’effet direct des articles III et V de l’accord du 27 mai 1997 entre la République française et la fédération de Russie (CE, 21 février 2003, Uran, n° 226489).

379. CJCE, 22 juin 1989, Fédération de l’industrie de l’huilerie de la CEE (FEDIOL) c. Commis-sion, C-70/87.

380. CJCE, 7 mai 1991, Nakajima c. Conseil, C-69/89.

25 juin 1998381, ou en matière sociale382 pour des stipulations des conventions de l’organisation internationale du Travail (OIT) invoquées par exemple dans le contentieux des actes organisant l’ouverture de certains commerces le dimanche383. Les nouvelles sources du droit international économique, issues en particulier des enceintes de concertation (v. supra 1.2.2.2) ne s’imposent que très indirectement aux personnes publiques agissant dans l’ordre interne. L’importance économique des positions qui y sont adoptées contraste en effet avec leur absence d’effet juridique en droit interne. Il en va notamment ainsi des décisions prises par des organismes à caractère politique ou de grands sommets internationaux réguliers tels que le « G20 » et des positions prises par des organismes techniques, comme par exemple les recommandations du groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI) organisme de coordination intergouvernementale, dont les actes n’ont pas le caractère de convention internationale384. Une méconnaissance de ces règles affecte la parole et la crédibilité de l’action de l’État, mais elle n’a pas de portée juridique.

Il en va toutefois différemment lorsque ces décisions ou recommandations sont

« incorporées » dans des instruments formels multilatéraux (comme les conventions inspirées par les positions de l’OCDE) ou bilatéraux385. Cette incorporation intervient aussi fréquemment par le biais du droit dérivé de l’Union européenne qui décline des standards internationaux pour l’ensemble des États membres comme il a été fait récemment pour les normes IFRS386 ou la régulation bancaire (Bâle III)387. 381. L’effet direct de cette convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement faite à Aarhus le 25 juin 1998 a été reconnu s’agissant du § 9 de l’article 6 (CE, Ass., 12 avril 2013, Association coordination interrégionale stop THT et autres, n° 342409), ainsi que de ses § 2, 3 et 7 (CE, 6 juin 2007, Commune de Groslay et autres, n° 292942).

382. V. également en matière sociale, certains droits du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966, ont été reconnus comme d’effet direct par la Cour de cassation (v. pour l’art. 6-1 : Cass. soc, 16 décembre 2008, 05-40.876 ; 14 avril 2010, 08-45.247). Le Conseil d’État n’a pas retenu pour sa part d’effet direct aux ar-ticles 2, 9 et 10 (CE, Ass. 5 mars 1999, Rouquette et autres, n° 194658; 196116) ni à l’article 12 (CE, 26 sept. 2005, Association «Collectif contre l’handiphobie », n° 248357)

383. V. sur ce point, l’invocation des articles 6 et 7 de la convention n° 106 de l’OIT (CE, 2 dé-cembre 2011, CFTC et autres, n° 333472 ; CE, 13 février 2013, Féd. des employés et cadres de la CGT FO et autres, n° 335640 ; Ord. 10 avril 2014, Féd CGT des personnels du commerce, de la distribution, des services et autres, n° 376266, 376412.

384. CE, 23 juillet 2010, M. Patrick A., n° 309993.

385. Comme l’acte multilatéral pris à l’initiative de l’OCDE sur l’échange automatique des données bancaires en cours de ratification par la France, ou celui en cours de négociation relatif à l’imposition des sociétés multinationales. Ces standards peuvent aussi être décli-nés directement en droit interne sans truchement d’un acte international. Les États souhai-tant mettre leurs entreprises en mesure de rivaliser avec les opérateurs internationaux sur d’autres marchés (et leur éviter le maniement de plusieurs standards à la fois) sont amenés à s’approprier ces standards en les déclinant dans un cadre strictement national.

386. Règlement (CE) no 1126/2008 de la Commission du 3 novembre 2008 portant adoption de certaines normes comptables internationales conformément au règlement (CE) no 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil.

387. Le paquet législatif dit « CRD IV » entré en vigueur le 1er janvier 2014 comprend un règlement (CRR) et une directive (CRD IV) qui remplacent les précédentes directives « fonds propres » (2006/48 et 2006/49).

L’obligation de fait de se conformer à ces standards tend ainsi à se muer en nécessité juridique.

„ Des normes qu’il est essentiel de recenser et de concilier

La multiplication des actes, accords ou traités confronte les personnes publiques à une multitude de textes d’origine très diverses, d’application souvent très large et transversale, qui peuvent avoir un impact sur leur action économique.

Or si le ministère des affaires étrangères met à la disposition du public une base de données très utile388, il n’existe pas de recensement fiable et exhaustif des stipulations regardées comme revêtues d’effet direct, qui soit accessible aux différentes administrations.

Cette multiplication des sources accroît aussi le risque de conflit de normes internationales en rendant difficile leur nécessaire conciliation.

Tant qu’une conciliation est possible entre deux conventions d’effet direct389, une application concurrente de ces textes s’impose. Mais en présence de situations d’incompatibilité nette qui supposent un choix de l’acteur public, ce choix peut être contesté devant le juge depuis la décision rendue en 2011 par le Conseil d’État dans l’affaire Kandyrine de Brito Paiva, qui fixe en la matière un cadre général pour tous les conflits de normes ne se rattachant pas au droit de l’Union européenne390. Lorsqu’il n’apparaît possible ni d’assurer la conciliation des stipulations entre elles, ni de déterminer lesquelles doivent être écartées dans le cas d’espèce, le juge administratif fait application de la norme internationale dans le champ de laquelle la décision administrative contestée a entendu se placer et pour l’application de laquelle cette décision a été prise et écarte, en conséquence, le moyen tiré de son incompatibilité avec l’autre norme internationale invoquée391.

Cette solution laisse une assez grande liberté aux personnes publiques mais les conduit à faire preuve d’une attention particulière dans la formalisation de leurs décisions, pour en assurer la cohérence interne. Lorsqu’une décision est susceptible de relever de différentes règles internationales incompatibles entre elles, la personne publique doit veiller à la présenter comme mettant en œuvre la norme qu’elle entend faire prévaloir.

La décision Kandyrine de Brito Paiva juge cependant que le choix ainsi fait par la personne publique est de nature à engager sa responsabilité internationale à raison de la méconnaissance de la convention qu’elle aura décidé de ne pas appliquer.

388. Base « PACTE » : http://basedoc.diplomatie.gouv.fr.

389. Pour les autres, la question ne peut être que diplomatique, elle relève alors des choix non détachables de la conduite des relations diplomatiques.

390. CE, Ass., 23 décembre 2011, n° 303678.

391. Ces règles ne sont toutefois applicables que lorsque les deux conventions invoquées par le requérant lui sont effectivement applicables (CE, 11 avril 2014, M. G., n° 362237).

Proposition n° 27 : Sécuriser l’action économique des personnes publiques en prenant mieux en compte les traités internationaux

1) en constituant sous l’égide du ministère des affaires étrangères, à destination des personnes publiques, une base de données recensant les stipulations de traités et accords internationaux regardées par la jurisprudence comme ayant un effet direct et en mettant l’accent sur celles qui présentent un intérêt dans le champ économique ;

Vecteur : action du Gouvernement (ministre des affaires étrangères) 2) en rappelant aux administrations, en cas de pluralité de traités applicables sur une même question, qu’elles doivent veiller à se placer clairement dans le champ du traité qu’elles entendent mettre en œuvre, afin de sécuriser leurs décisions et en invitant les autres personnes publiques (AAI, collectivités territoriales…) à faire de même.

Vecteur : action des personnes publiques concernées (SGG , ministres et autres autorités concernés)

2.3. Un bloc de légalité favorable à une action

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