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Le dispositif des évaluations préalables pourrait être systématisé

et à la temporalité des questions économiques

3.2.1. Mieux expertiser les décisions économiques 1. La décision économique reste insuffisamment instruite

3.2.1.2. Le dispositif des évaluations préalables pourrait être systématisé

„ Améliorer le dispositif issu de la révision de 2008 pour les mesures législatives La France, comme d’autres pays européens au même moment592, s’est dotée d’une procédure d’évaluation préalable à l’issue de la révision constitutionnelle de 2008593. Cette procédure s’impose à la plupart des projets de loi que le Gouvernement soumet au Parlement. Elle oblige le Gouvernement à exposer les motifs de la réforme et ses principales conséquences prévisibles.

Cette procédure s’avère décevante. Notamment destinées à éclairer ex ante les choix proposés par le projet de loi, les études sont trop souvent élaborées une fois la décision prise et s’emploient à justifier a posteriori de son bien-fondé.

Les données qui y figurent sont souvent peu utiles et difficilement vérifiables ; elles ne permettent pas réellement de mesurer la pertinence des options 592. En Espagne, une évaluation préalable systématique a été instituée par décret-loi en 2009 et un guide aidant à son élaboration a été publié. Comme en France, elle est soumise au Conseil d’État, qui rend un avis public sur son contenu. En Italie, la loi du 28 novembre 2005 prévoit une évaluation avant l’examen des textes en conseil des ministres puis par le comité de législation ; la loi du 11 novembre 2011 renforce l’évaluation préalable des textes ayant un impact sur les entreprises. Le champ des évaluations préalables est variable dans les autres pays. Aux États-Unis, les projets de loi sont évalués par le Congressional Budget Office et le Joint Committee on Taxation, selon plusieurs modèles économiques. L’évaluation n’est pas systématique mais, de fait, tous les grands projets en font l’objet. Depuis 2011, la présidence rend obligatoire l’évaluation de l’impact économique de la réglementation des agences et départements fédéraux et des lignes directrices ont été publiées à cet effet (quantification et monétisation des coûts et bénéfices non quantifiables, identification des incertitudes). L’Afrique du sud a mis en place une évaluation préalable (regulatory impact assessment) depuis 2007 pour la législation (lois, ordonnances, décrets) ou les quasi-régu-lations (guides et codes de bonne pratique) mais très peu d’études sont rendues publiques.

Au Canada, seule l’évaluation des impacts environnementaux est obligatoire mais, dans les faits, une évaluation importante de tous les aspects du projet est réalisée.

593. Articles 8 à 12 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009, pris pour l’application du troisième alinéa de l’article 39 de la Constitution, introduit par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008.

retenues (notamment à la lumière des alternatives possibles) ni d’en évaluer les effets. Surtout, le champ de ces études est très parcellaire. Ces défauts sont particulièrement sensibles en ce qui concerne l’impact économique des projets.

Le champ de l’évaluation préalable gagnerait à être étendu aux propositions de loi qui représentent une part de plus en plus importante des textes adoptés594, sous réserve toutefois de ne s’appliquer qu’aux propositions effectivement inscrites à l’ordre du jour des assemblées, qui sont peu nombreuses. Une solution alternative, moins lourde, consisterait à instituer une faculté d’examen, à la manière de ce qui existe pour les demandes d’avis au Conseil d’État595. Les assemblées pourraient ainsi s’engager à procéder à des évaluations préalables pour les dispositions significatives, notamment économiques596. La question des moyens matériels et humains nécessaires à la réalisation de telles évaluations reste délicate, les assemblées ne disposant pas de toutes les informations nécessaires. Il faudrait envisager un concours, en tant que de besoin, des administrations compétentes selon des modalités à définir conjointement par le Gouvernement et le Parlement.

L’évaluation préalable des amendements n’a pas non plus été instituée, alors que certains d’entre eux peuvent modifier profondément le texte initial et rendre largement caducs les éléments d’analyse figurant dans l’évaluation préalable. Une obligation d’évaluation préalable allégée pourrait être utilement prévue pour les amendements d’origine gouvernementale qui modifient sensiblement l’impact économique d’un projet de loi. Si l’évaluation préalable des amendements d’origine parlementaire pourrait quant à elle constituer un frein au droit d’amendement, rien n’interdit en revanche au Gouvernement de procéder à une telle évaluation pour éclairer la position qu’il adoptera en séance à l’endroit desdits amendements597. Un réexamen du contenu même des évaluations, en les concentrant sur les aspects essentiels s’impose par ailleurs. Dans son état actuel, la loi organique du 15 avril 2009 prévoit que ces études exposent de manière précise notamment

« l’évaluation des conséquences économiques et financières ». Le guide de légistique prescrit d’analyser les impacts notamment macroéconomiques ainsi que les impacts catégoriels par secteurs ou types d’entreprises les plus concernés.

L’expérience montre toutefois que les développements qui y sont consacrés sont trop succincts et n’analysent pas assez les effets économiques, l’accent étant 594. 23,5 % des textes adoptés par l’Assemblée nationale sous la XIVe législature (v. rapport d’information du 9 octobre 2014 de L. La Raudière et R. Juanico, sur la simplification légis-lative n° 2268).

595. Aux termes du dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution : « Dans les conditions prévues par la loi, le président d’une assemblée peut soumettre pour avis au Conseil d’État, avant son examen en commission, une proposition de loi déposée par l’un des membres de cette assemblée, sauf si ce dernier s’y oppose ».

596. Une proposition de résolution, déposée par B. Accoyer (n°739 du 21 févier 2013) et tendant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale afin de joindre une étude d’im-pact aux propositions de lois discutées en séance publique, n’a pas été examinée.

597. Les assemblées peuvent en tout état de cause décider de faire procéder elles-mêmes à une évaluation préalable de certains amendements dans les conditions prévues par leur règlement (article 15 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution).

plutôt mis sur les conséquences budgétaires des mesures598. Ces insuffisances justifieraient l’introduction de prescriptions plus fermes dans le guide de légistique et leur réitération dans les indications méthodologiques adressées aux services instructeurs par le secrétariat général du Gouvernement.

L’évaluation préalable, qui constitue un élément faisant corps avec le processus d’élaboration des projets, doit demeurer du ressort des services qui portent ce projet. Un contrôle externe de sa qualité permettrait néanmoins d’en renforcer la crédibilité. La contre-expertise des mesures du projet de loi ayant un impact économique significatif pour la croissance et l’activité demandée par le Gouvernement à France Stratégie confirme la pertinence d’une telle démarche.

Sans aller jusqu’à la création d’un nouvel organisme indépendant du Gouvernement à la manière de ce qui existe dans plusieurs États voisins599, il pourrait être confié à un organisme extérieur à l’administration qui a proposé la mesure, un contrôle de pertinence et de qualité sur les études d’impact des projets de loi ayant une portée économique significative600. Son résultat devrait être rendu public.

„ Étendre la démarche, de manière adaptée, à certaines décisions administratives

Les règlements et décisions administratifs ne font pas tous aujourd’hui l’objet d’une véritable évaluation préalable de portée générale, même lorsqu’ils ont un impact économique important601. Une circulaire du Premier ministre en date du 17 février 2011 prescrit pour tout projet de texte comprenant des mesures concernant les entreprises, une analyse d’impact circonstanciée. Utile lorsqu’elle a été décidée, cette prescription n’est plus suffisante aujourd’hui eu égard à l’importance prise par les textes non législatifs dans la vie économique602.

Il en va d’abord ainsi des ordonnances, qui constituent des actes réglementaires au stade de leur adoption, bien qu’elles interviennent dans le domaine de la loi.

Or, un nombre croissant de réformes économiques interviennent par ordonnances 598. Les instruments à la disposition des administrations pour évaluer la charge administra-tive sur les entreprises, notamment l’outil Oscar, et la mission d’expertise « Simplification et évaluation » du CGEFI restent par ailleurs sous-utilisés.

599. Il s’agit en particulier du Regulatory policy Committee (RPC) britannique, institué en 2009 et du Normenkontrollrat (NKR) allemand, institué en 2006. V. pour une étude appro-fondie de ces deux modèles, le rapport d’information de l’Assemblée nationale sur la simpli-fication législative du 9 octobre 2014 précité.

600. La contrexpertise pourrait être totale ou se limiter à une vérification de la méthodolo-gie et du sérieux et de ce que les administrations ressources, surtout lorsqu’elles ont un rôle transversal, ont bien été associées et consultées.

601. V. not. pour des obligations d’évaluation préalable particulières : le cas des déclarations d’utilité publique (art. R. 122-2 et s. du code de l’environnement) ; le recours aux partena-riats public-privé (ord. n° 2004-559 du 17 juin 2004), la création des commissions à carac-tère consultatif (décret n° 2006-762 du 8 juin 2006) ; les normes concernant les collectivités locales (circulaire du 7 juillet 2011) ; les créations d’agence (circulaire du 9 avril 2013)...

602. La création annoncée par le Gouvernement le 3 décembre 2014 d’un « Comité impact entreprise » constitué de chefs d’entreprises et appelé à travailler avec France stratégie, dont les fonctions et l’organisation précises ne sont pas encore connues, ne pallie pas les insuffisances actuelles du dispositif d’évaluation préalable des textes réglementaires ayant un impact sur les entreprises.

dans un souci de rapidité603. Les obligations qui encadrent le texte d’habilitation sont minimales et le texte de ratification est en principe dispensé d’évaluation préalable. Le guide de légistique invite déjà à procéder à une évaluation préalable aussi complète que celle qui aurait été exigée pour un projet de loi.

Cette recommandation est inégalement suivie, faute sans doute d’un véritable engagement du Gouvernement dans sa mise en œuvre. Elle doit être rappelée.

Les décrets et les arrêtés réglementaires pourraient de la même manière faire l’objet d’une évaluation préalable, même si elle pourrait être plus sommaire que les ordonnances. Le dispositif aujourd’hui imposé par la circulaire du Premier ministre de 2011 pour les textes ayant un impact sur les entreprises pourrait être renforcé et systématisé604.

Au-delà, il est légitime de s’interroger sur les décisions réglementaires des autorités administratives indépendantes, des agences, des collectivités territoriales ainsi que des décisions individuelles susceptibles d’avoir un impact économique important, qui mériterait dans certains cas d’être évalué et rendu public605.

La principale difficulté est ici la délimitation du champ de l’obligation d’étude d’impact compte tenu du caractère fondamentalement extensif de la matière et des risques juridiques associés à une définition trop imprécise.

Parmi ces décisions, celles portant sur des investissements coûteux méritent une attention particulière. Les principales décisions d’investissement de l’État doivent désormais faire l’objet d’une évaluation économique depuis 2013606. La disposition sur les investissements des collectivités territoriales soumise au Parlement dans le cadre de la loi NOTRe ne porte pas sur l’évaluation du bien-fondé de la décision d’investissement mais uniquement sur son impact pluriannuel sur les dépenses de fonctionnement607. Il serait souhaitable d’aller plus loin et d’étendre à l’ensemble des personnes publiques, selon des modalités à définir, un cadre inspiré du régime institué pour les investissements de l’État.

603. La loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entre-prises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives était ainsi essentiellement un texte d’habilitation.

604. La publicité prévue par la circulaire du 17 juillet 2013 sur la mise en œuvre du gel de la réglementation pourrait notamment être rendue plus accessible et plus visible.

605. Les dispositions législatives telles que celles prévues .par l’article 42-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 imposant au CSA une évaluation préalable avant de donner son agrément à une modification des modalités de financement lorsqu’elle porte sur le recours ou non à une rémunération de la part des usagers (dites « passage en gratuit ou en payant ») de certaines chaînes de télévision pourraient être étendues à d’autres décisions individuelles ayant un impact économique significatif.

606. V. sur l’évaluation des investissements, le régime, qui ne concerne que l’État et ses éta-blissements publics, de l’article 17 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de program-mation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 précisé par le décret n° 2013-1211 du 23 décembre 2013.

607. Article L. 1611-9 du CGCT : « Pour toute opération exceptionnelle d’investissement dont le montant est supérieur à un seuil fixé par décret en fonction de la catégorie et de la popu-lation de la collectivité ou de l’établissement, l’exécutif d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales présente à son assemblée délibérante une étude relative à l’impact pluriannuel de cette opération sur les dépenses de fonctionnement (…) ».

Proposition n° 39 : Étendre le champ de l’évaluation préalable des textes relevant du domaine de la loi et améliorer sa qualité

1) s’engager à procéder à une évaluation préalable des amendements d’origine gouvernementale qui modifient sensiblement l’impact économique d’un projet ou d’une proposition de loi ;

Vecteur : circulaire du Premier ministre 2) recommander l’évaluation préalable des propositions de loi inscrites à l’ordre du jour des assemblées parlementaires, avec le concours des ministères ;

Vecteur : délibération du bureau du Sénat et de la conférence des présidents de l’Assemblée nationale 3) renforcer l’évaluation préalable des ordonnances ;

Vecteur : circulaire du Premier ministre 4) organiser un contrôle de qualité des évaluations préalables des projets de loi ayant un impact économique significatif, confié à un organisme extérieur à l’administration qui a préparé le projet ; rendre publics ses résultats ;

Vecteur : circulaire du Premier ministre 5) faire respecter l’obligation d’analyser les impacts économiques dans les évaluations préalables, en renforçant les prescriptions pertinentes du guide de légistique et des indications méthodologiques adressées aux services instructeurs des projets de loi.

Vecteur : guide de légistique, autres outils méthodologiques

Proposition n° 40 : Développer les évaluations au-delà du domaine législatif pour les décisions ayant un impact économique significatif

1) mettre en place, pour chaque personne publique, une doctrine en matière d’évaluation préalable de ses décisions susceptibles d’avoir un impact économique important ; rendre publique cette doctrine et préciser notamment les cas dans lesquels les résultats des évaluations seront rendus publics dans le respect des secrets protégés par la loi ;

Vecteur : doctrine publique des personnes publiques concernées 2) étendre le dispositif d’évaluation des investissements prévu pour l’État aux autres personnes publiques, en adaptant le régime à la situation de chacune.

Vecteur : loi (ministre de l’économie ; ministre de l’intérieur)

3.2.2. Associer les entreprises aux décisions pour leur permettre

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