• Aucun résultat trouvé

Le morcellement des questions économiques dans l’administration centrale

Quelles conditions de l’efficacité de l’action économique ?

3.1. L’action doit être conduite par un nombre limité d’acteurs étroitement coordonnés

3.1.1. Un mouvement centrifuge affectant les autorités nationales dont il faut contenir l’ampleur et les effets

3.1.1.1. Le morcellement des questions économiques dans l’administration centrale

„ Le rattachement de certaines compétences économiques au Premier ministre L’importance des lois de finances pour la conduite de l’action gouvernementale et la transversalité des questions économiques ont parfois justifié le cumul du portefeuille de l’économie avec celui de chef du Gouvernement, y compris sous la Ve République486.

Si ce cumul apparaît aujourd’hui daté, il n’est pas rare que soient rattachés au Premier ministre certains membres du Gouvernement compétents en matière 479. V. en particulier le pouvoir de contrôle dont il dispose avec l’appui de la Cour des comptes, notamment sur les lois de règlement (article 47-2 de la Constitution).

480. L’impact est direct lorsque l’action mobilise une recette ou une dépense. Il est aussi indirect par l’effet de l’action économique sur le niveau d’activité et donc les recettes fiscales qui en résultent.

481. En particulier l’instauration de la session unique de neuf mois. S’y ajoutent le renforce-ment du rôle des commissions parlerenforce-mentaires et des offices d’évaluation, ainsi que l’intro-duction de la LOLF en 2001 (ou l’institution des lois de financement de la sécurité sociale en 2005, qui comportent le plus souvent un important volet économique, par exemple sur le prix ou la fiscalité du médicament).

482. Comme la discussion en séance publique du texte voté par la commission, les études d’impact accompagnant les projets de loi, l’obligation de ratification explicite des ordon-nances... D’autres droits reconnus au Parlement ont également partiellement dessaisi l’exé-cutif de ses prérogatives traditionnelles, comme la procédure mise en place en matière de nomination des principaux dirigeants d’entreprises publiques (art. 13 al. 5).

483. Le volume des amendements soulève d’ailleurs des difficultés particulières (v. infra 3.2.)

484. V. par ex. le recours à l’article 49-3 de la Constitution pour l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, adopté en lecture défini-tive à l’Assemblée nationale le 9 juillet 2015.

485. Outre la maîtrise que le Gouvernement conserve sur la procédure législative, l’action économique nationale est largement le fait d’actes, réglementaires et individuels, des auto-rités administratives.

486. V. not. pendant le Gouvernement de R. Barre entre 1976 et 1978.

économique (secrétaire d’État chargé de l’économie numérique487, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance488) et, plus fréquemment, certains services économiques (Commissaire général aux investissements489).

Ce type d’organisation, souvent motivé par la transversalité des compétences ou par leur lien avec la prospective, comporte l’inconvénient d’alourdir la charge administrative des services du Premier ministre aux dépens de leurs missions de coordination. Par ailleurs elle n’apporte pas toujours les avantages espérés en termes de visibilité, d’autorité ou de capacité d’arbitrage. Dès lors qu’ils sont de véritables acteurs490 et que leur compétence principale est économique, le regroupement de ces services et ministres sous la responsabilité du ministre chargé de l’économie paraît préférable.

„ Les hésitations sur la répartition des compétences économiques entre ministères

La diffusion de l’action économique dans les différentes politiques publiques conduit nécessairement, en France comme dans la plupart des autres pays491, à ce qu’elle soit prise en charge par d’autres ministères que celui ou ceux dont c’est la mission principale. Des domaines tels que les transports ou l’agriculture relèvent ainsi depuis toujours de ministères particuliers dits « sectoriels ». Cet éclatement est aujourd’hui assumé et même valorisé, la dimension économique de ces ministères étant mise en exergue dans leurs intitulés (accent mis sur l’agroalimentaire au ministère de l’agriculture, sur le développement durable au ministère de l’écologie...) et leur organisation elle-même évolue dans cette logique492.

487. E. Besson, du 18 mars 2008 au 15 janvier 2009, puis N. Kosciusko-Morizet, du 15 janvier 2009 au 13 novembre 2010.

488. P. Devedjian, de décembre 2008 à novembre 2010.

489. Au Premier ministre, puis au ministre du redressement productif (décret n° 2014-404 du 16 mai 2014 relatif aux attributions de ce ministre, dont la publication a conduit A. Juppé et M. Rocard à renoncer à leur co-présidence du conseil de surveillance du programme d’investissements d’avenir), puis à nouveau au Premier ministre, pour des motifs d’ailleurs légitimes tenant au caractère stratégique de cette mission à l’ampleur des ressources mobi-lisées et aux engagements de très long terme qu’ils représentent.

490. Conformément à la définition qui en a été donnée ci-dessus, les organismes consulta-tifs ne sont pas des acteurs au sens des présents développements.

491. Cet éclatement de la compétence économique entre différents ministères n’est en effet pas propre à la France. Plusieurs pays ont d’ailleurs éprouvé le besoin de mettre en place des structures de coordination collégiales des questions économiques comme le secrétariat de liaison de la politique macroéconomique au Canada, le conseil de cabinet en Italie, le National economic council en Israël ou le Conseil de coordination économique en Turquie.

Cette coordination des questions économiques au sein du Gouvernement est parfois assu-rée par des ministères particuliers, comme le « ministère de la revitalisation économique » au Japon, en sus de l’action propre du Premier ministre.

492. Les ministères chargés de ces secteurs ont d’ailleurs pris conscience de l’importance économique de leur activité, en constituant des services dédiés à ces questions. Par ex., le

« service de l’économie, de l’évaluation et de l’intégration du développement durable » du commissariat général au développement durable du ministère de l’écologie, du développe-ment durable et de l’énergie.

La répartition des rôles entre ministères économiques et financiers et ministères sectoriels est une question d’opportunité dans un contexte économique donné. Le constituant lui-même a refusé en 2008 d’imposer une organisation gouvernementale particulière493.

Il importe néanmoins, dans le domaine économique plus qu’ailleurs, d’assurer une certaine stabilité dans la définition des périmètres des différents ministères afin d’assurer la continuité et la cohérence de l’action dans le temps et de ne pas en oublier les enseignements.

À cet égard, les allers-retours opérés entre le ministère de l’économie et celui du travail en matière d’emploi494 ou avec celui du développement durable en matière d’énergie495 ont pu être dommageables pour la conduite de l’action économique.

L’expérimentation de regroupements innovants au service d’objectifs prioritaires de politique économique peut avoir un sens, à condition toutefois de ne pas entraîner une instabilité permanente de l’organisation gouvernementale. Il faut privilégier la définition de périmètres homogènes pour les différents ministères afin qu’ils aient la responsabilité de l’ensemble d’un domaine donné, le Premier ministre conservant bien entendu son pouvoir d’arbitrage pour éviter les chevauchements de compétences.

Proposition n° 32 : Clarifier l’organisation gouvernementale en matière économique

1) préférer le rattachement des administrations concourant directement à l’action économique au ministre chargé de l’économie plutôt qu’aux services du Premier ministre ;

Vecteur : textes d’organisation des services du Premier ministre et des services du ministre chargé de l’économie 2) favoriser la stabilité de l’organisation gouvernementale en matière économique en constituant, pour le ministère de l’économie et les ministères sectoriels, des blocs de compétence homogènes.

Vecteur : décret de composition du Gouvernement ; décrets d’attributions.

(SGG, ministère de l’économie et ministères sectoriels) Certaines compétences déterminantes pour l’action économique échappent au ministre chargé de l’économie alors même qu’elles ont un caractère transversal.

493. Il avait été notamment envisagé de fixer un nombre maximum de départements minis-tériels qui se serait imposé au Président de la République et au Premier ministre lors de la formation du Gouvernement.

494. Entre mai 2007 et novembre 2010.

495. Traditionnellement rattachée au ministère de l’industrie, lui-même regroupé avec celui chargé de l’économie, l’énergie a ensuite été rattachée au ministère du développement du-rable (2007-2010) puis au ministère chargé de l’économie (2010-2012), avant de revenir au ministère chargé du développement durable (depuis 2012).

Cette circonstance s’explique parfois par le niveau auquel ces compétences sont exercées : ainsi l’action économique locale relève du ministre de l’intérieur, chargé des collectivités territoriales496. Il en va de même de l’organisation retenue depuis 2014 pour l’action économique internationale, désormais rattachée au ministre des affaires étrangères afin d’en renforcer les synergies avec l’action diplomatique générale.

La compétence du ministre de la justice en matière de droit des affaires, exercée notamment par la sous-direction du droit économique à la direction des affaires civiles et du sceau, se justifie par les responsabilités anciennes de la Chancellerie à l’égard de certaines professions réglementées et l’appui qu’elle peut apporter aux autres ministères en matière de droit économique. On peut toutefois s’interroger sur l’étendue de ses compétences propres pour élaborer « les textes législatifs et réglementaires relatifs au droit commercial et à celui des sociétés et groupements économiques de droit privé »497. Autant il est naturel que le droit pénal des affaires reste, compte tenu de la spécificité même de la matière pénale, une compétence de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) et, par suite, du ministre de la justice, autant il serait opportun de formaliser, en matière de droit commercial et notamment de droit des sociétés commerciales, la coordination des travaux de ses services avec ceux du ministre chargé de l’économie.

Proposition n° 33 : Mieux articuler les compétences des administrations centrales en droit des entreprises en formalisant les conditions d’une coordination plus étroite entre le ministre de la justice et le ministre de l’économie dans la préparation des projets de texte en matière de droit commercial et de droit des sociétés commerciales.

Vecteur : décret d’attribution du ministre de l’économie

„ La recherche d’une configuration optimale des ministères économiques et financiers

La définition des attributions du ou des ministres de l’économie et des finances fluctue selon les gouvernements et pose la question récurrente de l’unification ou de la dissociation des sphères « économie » et « finances »498. Après l’essai de configurations diverses499 le schéma actuel, jusque-là inédit en France mais inspiré 496. Compétent à la fois sur l’organisation des services déconcentrés de l’État et les rela-tions avec les collectivités territoriales, par l’intermédiaire du secrétariat général (DMAT) et de la direction générale des collectivités locales (DGCL) ; cette dernière est aujourd’hui placée sous l’autorité conjointe du ministre chargé de la décentralisation, de la réforme de l’État et de la fonction publique, au titre de ses compétences en matière de décentralisation.

497. Art. 3 de l’arrêté du 1er décembre 2014 fixant l’organisation en sous-directions de la direction des affaires civiles et du sceau.

498. La signification actuelle de la compétence ministérielle désignée par le mot « finances » est d’ailleurs à la fois indéterminée et ambiguë et renvoie selon le cas aux finances publiques ou aux missions historiques de la direction générale du Trésor.

499. Soit en faisant du ministre du budget un ministre délégué, soit en fusionnant l’en-semble de ces fonctions dans un grand ministère, soit en faisant du ministre du budget, chargé aussi des comptes publics, un ministre plein, de même rang que celui de l’économie.

Plus récemment, la sphère « Bercy » a été morcelée entre quatre ministres de plein exercice.

des pratiques allemandes, distingue d’une part, les finances publiques et la sphère financière privée (marchés, banques et assurances) et, d’autre part, les autres questions économiques.

L’organisation interne du ministère a par ailleurs beaucoup évolué ces dernières années, avec notamment la création en 2006 d’une nouvelle direction générale, rebaptisée depuis « direction générale des entreprises » (DGE)500. Si cette restructuration a eu le mérite de renforcer la visibilité de ces services, ceux-ci restent assez hétérogènes et largement tournés vers certains secteurs d’activités ou types d’entreprises (PME, entreprises artisanales...)501. La compétence « entreprises » reste divisée entre la DGE et la direction générale du Trésor (sous-direction du financement des entreprises et des marchés financiers), qui traitent l’une et l’autre de questions relatives à l’environnement et à la gouvernance des entreprises502 ainsi que de restructurations industrielles503.

Bien que la DGE soit déjà d’une taille significative504, il pourrait être utile de la renforcer sur les questions transversales intéressant les entreprises pour que celles-ci disposent, au sein des ministères économiques et financelles-ciers, d’un interlocuteur référent sur l’ensemble de leurs problématiques.

3.1.1.2. La montée en puissance des organismes indépendants

Outline

Documents relatifs