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recherche nécessite quelques discriminations et une sorte de participation personnelle è la vie

d’un pays démocratique. J’ai bien peur, quand certains juges auront ou n’auront pas la majorité sur cette question de savoir en quoi consiste la morale, la sécurité et l’ordre dans une société démocratique, que les justiciables, à travers l’Europe, ne se demandent si les juges étaient totalement compétents. […] Juger de l’ordre démocratique, de la morale démocratique et de la sécurité publique au sein de pays comme le nôtre, cela suppose des juges qui « soient de la maison » et du dedans de cette société, quelles que soient l’impartialité et l’intégrité des autres.

En tout cas, il est incontestable que, pour l’opinion, ceci apparaîtra comme une exigence élémentaire. Voyez-vous, parce que nous voulons donner à la victime le droit de saisir le mécanisme de garantie, parce que la Cour Internationale de Justice ne peut pas connaître d’un recours émanant d’un particulier, parce qu’elle ne peut être saisie que par un Etat, il faut, de toute nécessité, la Cour européenne139. (Nous soulignons.)

En 1950, la poursuite de la rédaction de la convention a été confiée au Comité d’experts gouvernementaux. Dans son rapport présenté au Comité des ministres du 16 mars 1950, une clause générale figurait toujours à l’article 6 du projet de la variante A/A2 :

Dans l’exercice de ses droits et dans la jouissance des libertés sauvegardées par la Convention, chacun ne peut être soumis qu’aux limitations établies par la loi exclusivement en vue d’assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d’autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l’ordre public, de la sécurité nationale et de l’intégrité territoriale, ainsi que du bon fonctionnement de l’administration de la justice dans une société démocratique140. (Nous soulignons.)

La variante B/B2 proposait également une formulation qui incluait des limites précisément à l’exercice de certains droits et libertés :

Article 7 I) Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial […] Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience pourra être interdit à la presse ou au public pendant la totalité ou une partie du procès, dans la stricte mesure où le tribunal l’estime nécessaire à l’intérêt des bonnes mœurs, de la sécurité nationale et de l’ordre public141. Article 9(2) La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi qui constituent des mesures nécessaires à la sécurité

139 Conseil de l’Europe, Recueil des travaux préparatoires : Assemblée consultative, Deuxième session du

Comité des ministres, Commission permanente de l’Assemblée, 10 août – 18 novembre 1949, vol 2, La Haye,

Martinus Nijhoff, 1975 à la p 177. Teitgen 18e séance du 8 septembre 1949.

140 Conseil de l’Europe, Recueil des travaux préparatoires : Comité d’experts – Comité des ministres,

Conférence de Hauts fonctionnaires, 30 mars – 17 juin 1950, vol. 4, La Haye, Martinus Nijhoff, 1977 à la p 55.

141 Conseil de l’Europe, Recueil des travaux préparatoires : Comité d’experts – Comité des ministres,

publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publics, ou à la protection des droits et libertés d’autrui142.

Article 10(2) L’exercice de ces libertés [d’expression, d’opinion, d’information] comportant des devoirs et des responsabilités, peut être soumis à certaines sanctions, conditions ou restrictions prévues par la loi qui constituent des mesures nécessaires à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sécurité publique, à la lutte contre le désordre ou le crime, à la protection de la santé ou de la morale143.

Article 11(1) L’exercice de ces droits [liberté de réunion et d’association] ne peut faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi qui constituent des mesures nécessaires à la sécurité nationale ou à la sûreté publique, à la lutte contre le désordre ou le crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui144.

(Nous soulignons.)

La même année, ces variantes ont été soumises à la Conférence des hauts fonctionnaires. Après de longues discussions entre les représentants nationaux, il a été convenu de fusionner ces deux textes. Ce faisant, il a été proposé d’améliorer la variante B sur la base du contenu de la variante A145 ; c’est ainsi que la clause générale de limitation des droits et libertés a été

abandonnée au profit de clauses précises à chaque droit pour lequel on souhaitait permettre des limitations. En somme, en fusionnant deux textes qui recevaient tous deux des appuis par la moitié des délégués, ces derniers n’ont pas discuté du contenu des limites imposées à certains droits, à l’exception d’un principe. Dans son rapport final, la Conférence des hauts fonctionnaires précise qu’il a été introduit au projet le principe général de la « société démocratique » pour déterminer les termes « sécurité nationale », « ordre, santé et morale publics » et « sûreté publique » qui figurent aux articles 8, 9, 10 et 11146, sans plus de précision.

Une lecture des travaux préparatoires de ces articles permet de constater que les délégués, peu importe le moment de leurs interventions, n’ont pas discuté des objectifs légitimes justifiant

142 Conseil de l’Europe, Recueil des travaux préparatoires : Comité d’experts – Comité des ministres,

Conférence de Hauts fonctionnaires, 30 mars – 17 juin 1950, vol 4, La Haye, Martinus Nijhoff, 1977 à la p 63.

143 Conseil de l’Europe, Recueil des travaux préparatoires : Comité d’experts – Comité des ministres,

Conférence de Hauts fonctionnaires, 30 mars – 17 juin 1950, vol 4, La Haye, Martinus Nijhoff, 1977 aux

pp 63, 65.

144 Conseil de l’Europe, Recueil des travaux préparatoires : Comité d’experts – Comité des ministres,

Conférence de Hauts fonctionnaires, 30 mars – 17 juin 1950, vol 4, La Haye, Martinus Nijhoff, 1977 à la p 65.

145 Conseil de l’Europe, Recueil des travaux préparatoires : Comité d’experts – Comité des ministres,

Conférence de Hauts fonctionnaires, 30 mars – 17 juin 1950, vol 4, La Haye, Martinus Nijhoff, 1977 à la

p 177.

146 Conseil de l’Europe, Recueil des travaux préparatoires : Comité d’experts – Comité des ministres,

Conférence de Hauts fonctionnaires, 30 mars – 17 juin 1950, vol 4, La Haye, Martinus Nijhoff, 1977 à la

l’adoption d’une loi nécessaire à la protection de la moralité publique ni d’aucun autre motif147. À

titre d’exemple, l’inclusion du second paragraphe de l’article 8 protégeant le droit au respect de la vie privée et familiale a été réalisée sur proposition britannique, dans le cadre de la fusion des deux variantes, lors de la Conférence des hauts fonctionnaires, sans qu’il n’y ait plus de discussions148. Les débats autour de l’article 11 ont été similaires ; sur proposition britannique, le

second paragraphe a été ajouté. Certaines discussions ont eu lieu quant à l’ajout ou au retrait de certains objectifs, dont l’ordre public et l’hygiène, mais finalement un compromis fut rapidement trouvé sans plus de débats149.

La Convention européenne a finalement été adoptée par le Conseil des ministres avec les clauses limitatives qu’on lui connaît et ouverte à la signature lors de sa 6e session tenue à Rome en

novembre 1950.

***

Ainsi, non seulement la morale a-t-elle toujours été incluse dans les différents projets et les diverses variantes, mais, selon les maintes répétitions présentes dans les travaux préparatoires, ces projets et leurs différentes versions s’appuyaient largement sur les travaux de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, tout particulièrement sur ceux qui concernaient l’élaboration de la DUDH, du PIDESC et du PIDCP150. En ce sens, des débats ont été rappelés à la

mémoire des délégués européens, et des documents comparatifs151 ont été produits afin de

permettre à ces derniers de progresser plus rapidement dans le cadre des négociations. En définitive, le caractère régalien des clauses de limitation de l’exercice des droits et libertés,

147 Voir en ligne les documents préparés par le Conseil de l’Europe

<http://www.echr.coe.int/Documents/Bibliotheque_TravPrepTable_FRA.pdf>.

148 Conseil de l’Europe, Travaux préparatoire de l’article 8 de la Convention européenne des droits de

l’homme, DH (56) 12, 9 août 1956.

149 Conseil de l’Europe, Travaux préparatoire de l’article 11 de la Convention européenne des droits de

l’homme, DH (56) 16, 16 août 1956. 150 Conseil de l’Europe, Recueil des travaux préparatoires : Commission préparatoire du Conseil de l’Europe, Comité des Ministres, Assemblée consultative, 11 mai – 8 septembre 1949, vol 1, La Haye, Martinus Nijhoff, 1975 aux pp 39 et s. 151 Conseil de l’Europe, Recueil des travaux préparatoires : Comité d’experts, 2 février – 10 mars 1950, vol 3, La Haye, Martinus Nijhoff, 1976 à la p 257. Le Comité d’experts renvoie à la liste des exceptions à la liberté d’expression dressée par la Commission des droits de l’homme lors de la rédaction de la DUDH et du Pacte. Le Comité d’experts analyse donc une clause générale. Dans l’avant-projet de rapport du Comité d’expert de la première réunion tenue du 2 au 8 février 1950.

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