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b Le principe de non-discrimination

C. La nécessité comme mécanisme de contrôle d’une ingérence de moralité publique

La mesure de moralité publique, comme toute ingérence, et peu importe le but légitime défendu, doit être nécessaire. La Cour européenne a indiqué et confirmé à maintes reprises que l’expression de la nécessité « n’est pas synonyme d’“indispensable” » mais « n’a pas non plus la souplesse de termes tels qu’“admissible”, “normal”, “utile”, “raisonnable” ou “opportun” et implique l’existence d’un “besoin social impérieux” ». Ce faisant, la Cour doit déterminer si « l’“ingérence” incriminée [correspond] à un “besoin social impérieux”, si elle [est] “proportionnée au but légitime poursuivi”, si les motifs fournis par les autorités nationales pour la justifier sont “pertinents et suffisants […]”386 ».

Conformément aux Principes de Syracuse, l’expression de la « nécessité » inscrite aux clauses limitatives du PIDCP signifie que la restriction doit être fondée sur l’un des motifs énoncés, par exemple la moralité publique, qu’elle doit répondre « à une nécessité pressante d’ordre public ou social », qu’elle « poursuit un but légitime » et qu’elle « est proportionnée à ce but387 ».

En somme, les « tests de nécessité » en matière de droit européen ou de droit international des droits de la personne sont presque identiques. Tous deux commandent l’identification d’un besoin social impérieux, ou d’une nécessité sociale, fondé sur un but légitime et la proportionnalité de la mesure. De nombreux écrits ont été réalisés sur la notion de nécessité en

386 Handyside c Royaume-Uni (1976), 24 CEDH (Sér A) 1, 1 EHRR 737 aux para 48-50, notamment rappelé

dans Sunday Times c Royaume-Uni (n°1) (1979), 30 CEDH (Sér A) 1 aux para 59, 62 et dans Dudgeon c

Royaume-Uni (1981), 45 CEDH (Sér A) 2 aux para 51, 53.

387 Principes de Syracuse à la p 4. Voir également Observation générale no 29, Doc off CDH NU, 2001, Doc NU CCPR/C/21/Rev.1/Add.11 au para 4.

cas de limitation aux droits de la personne, que ce soit en droit européen ou international388. De ce

fait, il ne s’agit pas ici de reprendre ces enseignements, mais plutôt de tirer, à partir de l’analyse de la jurisprudence, des leçons propres à la moralité publique. À ce titre, il importe de préciser que la quasi-totalité des dispositions prévoit la possibilité d’adopter une restriction en raison de la nécessité démocratique de protéger la moralité publique. Bien qu’il s’agisse d’une notion éminemment floue, cette nécessité démocratique a été balisée tant par la Cour européenne que par le Comité, mais n’a pas donné lieu à des développements précisément en matière de moralié publique389.

388 Voir notamment Alex Conte et Richard Burchill, Defining Civil and Political Rights : The Jurisprudence of

the United Nations Human Rights Committee, 2e éd, Londres, Routlegde, 2009 aux pp 40 et s ; Ludovic

Hennebel, La jurisprudence du Comité des droits de l’homme des Nations Unies : Le Pacte international

relatif aux droits civils et politiques et son mécanisme de protection individuelle, Bruxelles, Bruylant,

Némésis, 2007 ; Lawrence Hill-Cawthorne, « The Role of Necessity in International Humanitarian and Human Rights Law » (2014) 47:2 Isr LR 225; Sarah Joseph, Jenny Schultz et Melissa Castan, dir, The International

Covenant on Civil and Political Rights: Cases, Materials, and Commentary, 2e éd, Oxford, Oxford University Press, 2005; Manfred Nowak, U.N. Covenant on Civil and Political Rights: CCPR Commentary, Kehl, Engel, 2005 ; Jean-François Renucci, Traité de droit européen des droits de l’homme, Paris, LGDJ, 2007 aux pp 764- 765 ; Frédéric Sudre, Droit européen et international des droits de l’homme, 11e éd, Paris, Presses universitaires de France, 2012.

389 Dans l’affaire Handyside, la Cour européenne a affirmé qu’une société démocratique répond des

caractéristiques que sont le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture. Elle a par ailleurs précisé dans l’arrêt Young, James et Webster c Royaume-Uni que « la démocratie ne se ramène pas à la suprématie constante de l’opinion d’une majorité ; elle commande un équilibre qui assure aux minorités un juste traitement et qui évite tout abus d’une position dominante ». (Handyside c Royaume-Uni (1976), 24 CEDH (Sér A) 1, 1 EHRR 737 au para 50. Voir précédemment l’arrêt Lawless c Irlande (1961), 3 CEDH (Sér A) 1 ;

Young, James et Webster c Royaume-Uni (1981), 44 CEDH (Sér A) 1.) La jurisprudence de la Cour européenne

repose de ce fait sur « les principes propres à une société démocratique » (Handyside au para 72). Nombreuses sont les décisions qui ont rappelé le principe démocratique et ont lié ce dernier à l’un ou l’autre des droits et libertés protégés. Voir par exemple McCann et autres c Royaume-Uni (1995), 324 CEDH (Sér A) 1 (droit à la vie) ; Soering c Royaume-Uni (1989), 161 CEDH (Sér A) 1 (interdiction de la torture) ; ou Siliadin c France, n° 73316/01, [2005] VII CEDH 289 (interdiction de l’esclavage et du travail forcé). De plus, les droits qui peuvent être limités en raison de la nécessité de protéger la moralité publique sont dits pluralistes – les libertés d’expression, de pensée, de conscience, de religion et d’association – et ont été reconnus comme fondateurs d’une société démocratique. En somme, la démocratie est un « élément fondamental de l’ordre juridique » et consiste en l’« unique modèle politique envisagé par la Convention et compatible avec elle ». (Kokkinakis c Grèce (1993), 260A CEDH (Sér A) 1 ; et Parti communiste unifié de Turquie c Turquie, n° 19392/92, [1998] I CEDH 1, sur la liberté d’association des partis politiques.) Selon les Principes de Syracuse, l’expression nécessaire « dans une société démocratique » inscrite au PIDCP s’interprète comme une condition supplémentaire, et en ce sens il incombe aux États parties qui souhaitent imposer des restrictions de démontrer que ces dernières « ne portent pas atteinte au fonctionnement démocratique de la société ». Il est également précisé que s’il n’existe « pas un modèle unique de société démocratique », une telle « société reconnaît, respecte et protège les droits de l’homme énoncés dans la Charte des Nations Unies et dans la Déclaration universelle des droits de l’homme ». Dans une affaire de liberté d’association, le Comité des droits de l’homme a interprété la référence à la « société démocratique » comme incluant « l’existence et le fonctionnement d’associations, y compris d’associations qui défendent pacifiquement des idées qui ne

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