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Moralité publique : pour une interprétation renouvelée de l'exception commerciale à l'Organisation mondiale du commerce par la jurisprudence des droits de la personne

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(1)

Moralité publique: pour une interprétation renouvelée de

l'exception commerciale à l'Organisation mondiale du

commerce par la jurisprudence des droits de la

personne

Thèse

Kristine Plouffe-Malette

Doctorat en droit de l’Université Laval

offert en extension à l’Université de Sherbrooke

Docteure en droit (LL. D.)

Université de Sherbrooke

Sherbrooke, Canada

Droit

Université Laval

Québec, Canada

(2)

Moralité publique : pour une interprétation renouvelée

de l’exception commerciale à l’Organisation mondiale

du commerce par la jurisprudence des droits de la

personne

Thèse

Kristine Plouffe-Malette

Sous la direction de :

Geneviève Dufour, directrice de recherche

(3)

R

ÉSUMÉ

Publications obscènes ou blasphématoires, relations et mariages homosexuels, communication sur l’avortement, lancer de nains, conversion sexuelle, inceste, don d’embryon ou de gamète, pornographie, chasse aux gros mammifères, interdiction de manifestation pour la fierté gaie, jeux en ligne, publications et produits audiovisuels, chasse aux phoques, lutte au blanchiment d’argent, qualification halal de produits horticoles : tous ces thèmes ont en commun d’avoir fait l’objet d’une mesure nationale dite de moralité publique, contestée auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, du Comité des droits de l’homme ou de l’Organe de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Contrevenant aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés

fondamentales, du Protocole international relatif aux droits civils et politiques, de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) ou de l’Accord général sur le commerce des services

(AGCS), ces mesures ont été défendues par l’invocation de la nécessité de protéger la moralité publique. Fortes de plusieurs décennies d’expériences, les instances de droit international des droits de la personne ont développé une méthode d’analyse des ingérences de moralité publique qui tend à respecter la nature et la portée de la norme morale défendue par l’État. Inversement, les organes quasi juridictionnels de l’OMC sont nouvellement confrontés à cette exception, de plus en plus soulevée pour justifier une entrave au commerce international. Leurs interprétations évoluent, mais plusieurs lacunes persistent.

Pour aborder cette problématique, la thèse se présente sous trois parties. La première partie est consacrée à l’expérience du système international de promotion et de protection des droits de la personne dans le traitement d’une ingérence de moralité publique. Cette analyse permet d’abord de statuer sur la nature régalienne, sociale et évolutive de la norme morale. Elle fait ensuite ressortir le mode opératoire de la Cour européenne et du Comité des droits de l’homme lorsqu’ils tentent de concilier la protection des droits et libertés et les exigences morales d’une société. Ainsi, comme toute ingérence, elle doit être prévue par la loi, s’inscrire dans un but de protection de moralité publique et être nécessaire. Plus précisément, si les juges internationaux ont fait preuve d’une grande retenue le moment venu d’étudier la norme morale, adoptant ici une approche unilatérale de la moralité publique, ceux-ci contrôle l’ingérence quant à sa qualité

(4)

sociale, sa cohérence interne, aux principes de l’universalité des droits de la personne et la non-discrimination, et quant à sa nécessité, traduite par la recherche d’un besoin social impérieux ou une nécessité sociale proportionnelle. Finalement, la marge de manœuvre des États est modulée en fonction de la détermination d’un consensus. En définitive, à travers cette analyse, il se dessine une méthode d’analyse des ingérences de moralité publique.

La seconde partie permet d’examiner l’interaction entre le droit de l’OMC et les mesures contestées de moralité publique. Si, conformément aux dispositions du GATT et de l’AGCS, il est possible de faire valoir une mesure de moralité publique, laquelle est de même nature que l’ingérence en matière de droit de la personne, il est démontré que la validité d’une telle mesure peut rencontrer d’importantes difficultés. Si toutes les mesures contestées ont été reconnues de l’ordre de la morale par les organes quasi juridictionnels de l’OMC, aucune n’a totalement été justifiée. Ainsi, à la suite de l’étude des rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel, des lacunes ont été soulevées notamment quant à l’identification des préoccupations qui émanent de la société du Membre qui défend sa morale, à la possibilité d’adopter des préoccupations contradictoires ou des exceptions aux objectifs divergents, aux moyens de preuve pertinents, au lien qui s’opère entre les préoccupations citoyennes et la norme morale, au rôle de l’opinion publique, à la place qu’occupe l’argument du consensus, à l’analyse de la nécessité et à l’application d’une mesure de moralité publique.

À la troisième partie, il est suggéré de prendre en compte les enseignements, et non les conclusions, de la jurisprudence des droits de la personne pour tenter de résoudre certaines lacunes identifiées dans la mise en œuvre du droit de l’OMC, dans le respect du mandat de l’organisation, du mode de fonctionnement du processus de règlement des différends ainsi que du mécanisme de l’exception commerciale. Des propositions concrètes sont formulées. L’adoption d’une approche unilatérale de la préoccupation sociale, de la norme morale et du choix du moyen pour parvenir à la protection souhaitée, ainsi qu’une approche consensuelle et un retour à l’examen de la bonne foi des Membres, sont principalement suggérées le moment venu d’étudier une mesure commerciale de moralité publique. En définitive, la conciliation des règles commerciales et des demandes formulées par les citoyens, véhiculées par les normes morales, pourrait être satisfaite à l’aide du mécanisme de l’exception commerciale de moralité publique.

(5)

Mots-clés : moralité publique, préoccupation citoyenne, droit de la personne, droit de

l’Organisation mondiale du commerce, restriction, ingérence, exception commerciale, marge nationale d’appréciation, nécessité, proportionnalité, consensus, discrimination, Déclaration

universelle des droits de l’homme (DUDH), Protocole international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), Comité des droits de l’homme, Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), Cour européenne des droits de l’homme, Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), Accord général sur le commerce des services (AGCS), organe de règlement des différends.

(6)

A

BSTRACT

Obscene or blasphemous publications, gay relations and marriages, abortion communication, dwarf throwing, sexual conversion, incest, embryo or gamete donation, pornography, large mammal hunting, ban on gay pride manifestations, online gambling, publications and audiovisual products, seal hunting, money laundering, halal qualification of horticultural products: all of these themes have in common that they have been the subject of a national public morality measure disputed in front of the European Court of Human Rights, the Human Rights Committee or the World Trade Organization’s (WTO) Dispute Settlement Body. Infringing the European Convention

for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms, the International Covenant on Civil and Political Rights, the General Agreement on Tariffs and Trade (GATT) or the Agreement General on Trade in Services (GATS) provisions, these measures have been defended by the

invocation of the need to protect public morality. With decades of experience, international human rights law institutions have developed a method that aims at analyzing public morality interference that tends to respect the moral standard nature and scope espoused by the State. Conversely, the WTO quasi-judicial bodies are newly confronted with this exception, which is increasingly raised to justify an obstacle to international trade. Their interpretations are changing, but several shortcomings persist.

In order to address this problem, the thesis is presented in three parts. Part 1 is devoted to the international system for the promotion and protection of human rights experience in the treatment of public morals interference. First, this analysis makes it possible to state on the regal, social and evolutionary nature of the moral norm. It then highlights the working methods of the European Court and the Human Rights Committee when trying to reconcile the protection of the rights and freedoms and the society moral requirements. Thus, like any interference, it must be provided for by law, must be adopted for the protection of public morals and be necessary. More precisely, if the international “judges” have exercised great restraint when studying a moral norm, adopting a unilateral approach to public morality, they control the interference with its social quality, its internal coherence, the universality of human rights and non-discrimination principles, and its necessity, translated by the search for a proportionate pressing social need. Finally, the State's margin of appreciation is modulated according to the determination of a consensus. Ultimately, an analysis method of public morality interference is developed.

(7)

Part 2 examines the interaction between WTO law and the contested public morality measures. If, in accordance with the provisions of the GATT and the GATS, it is possible to assert a public morality measure, which is of the same nature as human rights law interference, such a measure may encounter significant difficulties. If all of the impugned measures were recognized by the quasi-judicial organs of the WTO as being of moral order, none of which was fully justified. Thus, as a result of the review of panel and Appellate Body reports, deficiencies have been raised, including the concerns identification raised by the Member’s, the possibility of adopting conflicting concerns or exceptions with divergent objectives, the relevant evidence, the link between concerns and the moral standard, the public opinion role, the consensus argument, and the public morality measure necessity and application.

Part 3 suggests that international human rights law lessons, not the findings, be taken into account in an attempt to resolve certain identified shortcomings within the WTO law implementation, respectfully of the organization mandate, the dispute settlement process modus

operandi, and the trade exception mechanism. Concrete proposals are made. First, the adoption

of a unilateral approach to social concern, to moral standard and to the choice of means to achieve the desired protection should be adopted. Second, a consensus approach and a return to consideration of Members’ good faith are mainly suggested when studying a public morality commercial measure. At the end, the commercial rules and claims formulated by citizens, conveyed by moral standards, reconciliation could be satisfied by the public morality exception.

Key words: public morality, public concerns, human rights law, World Trade Organization law,

limitation, interference, commercial exception, margin of appreciation, necessity, proportionnality, consensus, discrimination, Universal Declaration of Human Rights, International

Covenant on Civil and Political Rights (UDHR), International Covenant on Civil and Political Rights

(ICCPR), Human Rights Committee, Convention for the Protection of Human Rights and

Fundamental Freedoms (CEDH), European Court of Human Rights, General Agreement on Tariffs and Trade (GATT), General Agreement on Trade in Services (GATS), Dispute Settlement Body.

(8)

T

ABLE DES MATIÈRES

Résumé ... iii

Abstract ... vi

Table des matières ... viii

Abréviations ... xiii

Remerciements ... xvi

Introduction ... 1

§ 1. De la morale au droit international ... 8

§ 2. Considérations théoriques et méthodologiques ... 15

§ 3. Plan de la thèse ... 22

Partie 1. La nécessité de protéger la moralité publique en droit international des droits de la personne : l’expression d’un vécu social et évolutif susceptible de contrôle ... 24

Chapitre 1. La moralité publique au titre d’une restriction à l’exercice des droits de la personne : une norme de nature régalienne ... 27

Section 1. L’origine nationale de la clause de moralité publique confirmée par l’étude de l’élaboration des traités de promotion et de protection des droits de la personne ... 28

A.

L’élaboration de la Déclaration universelle des droits de l’homme : l’apparition des clauses limitatives ... 29

1.

Le Comité de rédaction : l’émergence des clauses limitatives par l’étude des constitutions nationales ... 29

2.

La Commission des droits de l’homme : la consécration de la morale comme motif de limitation à l’exercice des droits et libertés ... 35

3.

La Troisième Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies : la morale comme concept éthique ... 39

B.

L’adoption des clauses limitatives du Protocole international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et du Protocole international relatif aux droits civils et politiques : les enseignements tirés des négociations de la Déclaration universelle des droits de l’homme ... 41

1.

La clause générale du Protocole international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels : l’exclusion de la morale ... 42

2.

Les clauses précises du Protocole international relatif aux droits civils et politiques : l’inclusion de la morale sans discussion ... 45

C.

La Convention relative aux droits de l’enfant : le souci de cohérence des normes internationales ... 50

Section 2. La confirmation de l’origine nationale de la moralité publique par les développements régionaux ... 52

A.

La Convention européenne des droits de l’homme et l’ingérence de moralité publique ... 56

B.

Les instruments américains relatifs à la protection des droits de la personne et la morale . 61

Conclusion du chapitre 1 ... 66

Chapitre 2. L’interprétation d’une ingérence nécessaire à la protection de la moralité publique : à la recherche de l’équilibre entre l’exercice des droits et libertés, et l’ingérence des États ... 67

Section 1. La stricte retenue dans l’interprétation de la norme morale ... 71

A.

La reconnaissance d’une large marge de manœuvre en matière de moralité publique au bénéfice des États ... 72

1.

La marge nationale d’appréciation et la Cour européenne des droits de l’homme ... 72

a.

L’origine et le concept de la marge nationale d’appréciation ... 74

b.

La trilogie jurisprudentielle initiale de la Cour européenne : la sacralisation de la posture privilégiée des autorités nationales dans l’interprétation de la norme morale ... 78

(9)

2.

La reprise des enseignements de la Cour européenne par le Comité des droits de l’homme : la reconnaissance de la place prépondérante des autorités nationales dans la détermination de la norme morale ... 85

B.

Le peu de contrôle de la norme morale et du choix des moyens ... 93

1.

La renonciation à l’analyse du but de l’ingérence ... 94

a.

La détermination de l’immoral, du blasphème et du discours haineux par la Cour européenne ... 94

b.

L’étude des fondements moraux par le Comité des droits de l’homme ... 102

2.

L’absence initiale de remise en cause du choix des modalités de protection opéré par les autorités nationales ... 104

Section 2. Le contrôle de l’ingérence de moralité publique à la lumière de la nature et de la nécessité de la norme morale ... 108

A.

De certains aspects procéduraux : l’absence de preuve et de fondement légal de la norme morale soulevée au soutien d’une ingérence ... 108

B.

La nature sociale et évolutive de la norme morale défendue ... 115

1.

La morale comme reflet des valeurs de la société qui l’invoque ... 115

a.

La modulation de la preuve au soutien d’une morale sociale et évolutive ... 115

b.

La norme morale sociale balisée par la cohérence interne ... 121

2.

L’interprétation d’une ingérence conformément à l’universalité des droits de la personne et au principe de non-discrimination ... 123

a.

Le principe de l’universalité des droits de la personne ... 124

b.

Le principe de non-discrimination ... 127

C.

La nécessité comme mécanisme de contrôle d’une ingérence de moralité publique ... 131

1.

L’existence d’un besoin social impérieux ou d’une nécessité sociale ... 133

2.

Le contrôle de la proportionnalité d’une ingérence de moralité publique ... 140

a.

La nature publique des activités visées par l’ingérence ... 143

b.

La proportionnalité de l’ingérence : le moyen doit servir le but légitime ou la confirmation du caractère évolutif de la moralité publique ... 146

3.

L’interprétation consensuelle et la modulation de la marge de manœuvre des États ... 154

La réduction de la marge de manœuvre des États en matière de moralité publique par a. l’établissement d’un consensus européen ... 157

1.

Le consensus européen et la morale ... 158

2.

Le choc des consensus interne et européen ... 162

3.

La liberté d’expression et la modulation du consensus ... 166

b.

Le consensus européen et l’opinion d’expert ... 169

c.

Le « consensus » international : une tendance internationale difficilement reconnue 171

1.

Le consensus européen fondé sur une tendance internationale en matière de morale : une méprise méthodologique ... 171

2.

L’influence d’un consensus international sur une décision du Comité des droits de l’homme ... 174

Conclusion du chapitre 2 ... 179

Conclusion de la partie 1 ... 185

Partie 2. La nécessité de protéger la moralité publique en droit de l’Organisation mondiale du commerce : la reconnaissance mitigée d’une norme de conduite propre aux Membres ... 187

Chapitre 1. La moralité publique au titre d’une exception commerciale : d’origine nationale et de nature régalienne ... 192

Section 1. Retour sur les origines et la similarité des clauses d’exception de moralité publique ... 193

A.

Survol de l’adoption de l’article XX a) du GATT ... 195

B.

Rappel de l’adoption de l’article XIV a) de l’AGCS, similaire à l’article XX a) du GATT ... 198

Section 2. La confirmation de la nature régalienne, sociale et évolutive de la norme morale à travers les premières interprétations des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel ... 202

(10)

A.

La clarification de la norme morale défendue par un Membre par le différend États-Unis – Jeux 202

B.

La confirmation des conclusions quant à la nature de la norme morale par le différend Chine – Publications et produits audiovisuels ... 208

Conclusion du chapitre 1 ... 215

Chapitre 2. L’interprétation d’une exception nécessaire à la protection de la moralité publique à l’Organisation mondiale du commerce ... 216

Section 1. L’examen de la norme morale liée à la préoccupation nationale ... 217

A.

L’émergence du contrôle de la norme morale par le différend CE – Produits dérivés du phoque ... 218

B.

Première étape : l’établissement d’une préoccupation qui émane de la société du Membre 223

1.

La reconnaissance incertaine de diverses préoccupations au sein d’une mesure de moralité publique ... 223

2.

Les moyens de preuve au soutien de l’existence d’une préoccupation issue de la société d’un Membre ... 228

C.

Deuxième étape : l’existence du lien entre la préoccupation identifiée et la morale défendue 230

1.

L’importance de la démonstration du lien entre le moyen choisi pour défendre une préoccupation et la morale à la lumière des différends Colombie – Textiles et Indonésie – Régimes de licences d’importation ... 232

a.

L’affaire Colombie – Textiles et le critère souple d’« aptitude » de la mesure à protéger la moralité publique ... 232

b.

L’affaire Indonésie – Régimes de licences d’importation : l’impossibilité de reconnaître le lien entre la mesure et la norme morale liée à une préoccupation identifiée ... 237

2.

Du national à l’international : la modulation de l’identification du lien entre la préoccupation et la morale défendue ... 243

a.

L’émergence d’une morale internationale par l’argument du consensus ... 244

b.

Le rôle de l’opinion publique dans la détermination de la norme morale ... 247

Section 2. La nécessité de la mesure de moralité publique ... 251

A.

L’exercice de soupesage et de mise en balance de la nécessité d’une mesure de moralité publique ... 253

1.

L’importance de l’objectif défendu par la mesure et la possible mise à l’écart de la notion de protection contre un risque ... 254

2.

La contribution effective de la mesure à la réalisation de l’objectif ... 258

3.

Le caractère plus ou moins restrictif de la mesure pour le commerce international ... 261

B.

La comparaison entre une mesure et les solutions de rechange raisonnablement disponibles 264

Section 3. Une mesure de moralité publique ne peut être appliquée ni de manière à mener à une discrimination arbitraire ou injustifiable ni à une restriction déguisée au commerce ... 270

A.

Les apports généraux des différends relatifs à l’interprétation du paragraphe introductif de l’article XX du GATT ... 270

B.

L’application discriminatoire arbitraire ou injustifiée opérée par l’exception CI et la réponse européenne : la possible défense de préoccupations concurrentes ... 273

1.

L’établissement d’un lien entre l’objectif et l’application de la mesure ... 274

2.

Les applications discriminatoires arbitraires ou injustifiables de l’exception CI de la mesure européenne corrigées par le nouveau Règlement PDP ... 280

Conclusion du chapitre 2 ... 284

Conclusion de la partie 2 ... 286

(11)

Partie 3. Du droit international des droits de la personne au droit de l’Organisation mondiale du commerce : la nécessité de protéger la moralité publique telle l’expression d’un vécu social et évolutif ... 288

Chapitre 1. La nature et la portée de l’exception de moralité publique : pour une approche unilatérale de la préoccupation et de la morale défendues ... 291

Section 1. L’approche unilatérale : définie par la doctrine et appliquée par la Cour européenne et le Comité des droits de l’homme ... 291

A.

L’approche unilatérale de la morale ... 292

B.

L’approche unilatérale et le respect de la nature régalienne, sociale et évolutive de la norme morale ... 297

Section 2. L’articulation de l’approche unilatérale à travers le test de l’exception commerciale et à la lumière des conclusions de la Cour européenne et du Comité des droits de l’homme ... 299

A.

La possible prise en compte de tous les objectifs d’une mesure ... 300

B.

L’abandon du consensus international et la prise en compte de la cohérence interne d’une mesure ... 305

C.

La preuve nationale au soutien de la moralité publique de la société du Membre ... 309

D.

Le test de moralité publique : un test de « conception » ? ... 313

Conclusion du chapitre 1 ... 316

Chapitre 2. Le passage obligé par les tests commerciaux de la nécessité et du paragraphe introductif : entre unilatéralisme, consensus et bonne foi ... 317

Section 1. La nécessité : de unilatéralisme au consensus ... 317

A.

L’analyse équilibrée des critères du test de nécessité ... 318

1.

La possibilité d’identifier le besoin de protection de la morale contre un risque au titre du critère de l’importance ... 319

2.

L’équilibre des critères du test de nécessité conformément à la nature régalienne, sociale et évolutive de la mesure ... 320

B.

L’adoption du consensus dans le cadre du test de nécessité ... 323

1.

Le consensus selon la Cour européenne et le Comité des droits de l’homme : un critère du test de nécessité ... 324

a.

Le consensus entre les Membres de l’OMC ... 325

b.

Le consensus à travers les instruments internationaux ... 328

2.

Les limites de la transposition du consensus à l’appui de la nécessité d’une mesure de moralité publique ... 331

a.

La possible prise en compte d’accords internationaux dans le cadre du règlement des différends par le consensus ... 332

b.

L’incidence des mandats des instances judiciaire et quasi judiciaire et des organes de l’ORD de l’OMC ... 336

Section 2. Le test du chapeau : la prise en compte des exceptions incluses à une mesure et la raisonnabilité du comportement des autorités ... 340

A.

La conciliation entre l’objectif poursuivi par la mesure et son application : entre recherche de consensus et justification de l’exception ... 341

B.

Le retour à une analyse de la bonne foi ou de la raisonnabilité du comportement des Membres ... 344

Conclusion du chapitre 2 ... 347

Conclusion de la partie 3 ... 349

Conclusion générale ... 351

Index ... 356

Références bibliographiques ... 358

A.

Traités internationaux ... 358

(12)

1.

Traité de l’Organisation internationale du travail ... 359

2.

Traités de l’Organisation mondiale du commerce ... 359

3.

Traités régionaux ... 359

a.

Traités africains ... 359

b.

Traités américains ... 359

c.

Traités arabes ... 359

d.

Traités européens ... 360

1.

Conseil de l’Europe ... 360

2.

Union européenne ... 360

B.

Accord plurilatéral : Canada, Union européenne et Fédération de Russie ... 360

C.

Loi nationale : Royaume-Uni ... 361

D.

Jurisprudence ... 361

1.

Comité des droits de l’homme ... 361

2.

Commission et Cour africaine des droits de l’homme ... 365

3.

Commission et Cour interaméricaine des droits de l’homme ... 366

4.

Commission et Cour européenne des droits de l’homme ... 366

5.

Cour internationale de Justice ... 369

6.

OMC ... 369

E.

Documents internationaux et régionaux ... 371

1.

Conseil de l’Europe ... 371

2.

GATT ... 371

3.

Nations Unies ... 372

a.

Assemblée générale ... 372

b.

Commission du droit international ... 373

c.

Conseil économique et social ... 373

d.

Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies ... 375

e.

Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ... 376

4.

Organisation des États américains ... 376

5.

Organisation mondiale du commerce ... 377

6.

Union européenne ... 378

F.

Documents et publications du Canada ... 378

G.

Articles de périodiques ... 378

H.

Monographies, rapports de recherche et chapitres de livres ... 389

I.

Mémoires de maîtrise et thèses de doctorat ... 397

J.

Billets de blogue ... 397

K.

Communiqués de presse et sites internet ... 398

Annexe I. Libellés des dispositions étudiées ... 399

Annexe II. Extraits de constitutions nationales et des limitations relatives à la moralité publique (1947) ... 406

Annexe III. Analyse comparative des propositions des dispositions incluant la morale ou la moralité publique comme motif de restriction à la DUDH et au PIDCP ... 410

Annexe IV. Liste des principaux arrêts et décisions de la Cour européenne et du Comité des droits de l’homme relatifs à la moralité publique ... 423

Annexe V. Listes des rapports de l’OMC – invocation de l’exception de moralité publique ... 426

(13)

A

BRÉVIATIONS

Principales abréviations AGCS Accord général sur le commerce des services Accord OTC Accord sur les obstacles techniques au commerce Accord SPS Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires ALENA Accord de libre-échange nord-américain CADH Convention américaine des droits de l’homme CADHP Convention africaine des droits de l’homme et des peuples CCPR Comité des droits de l’homme CE Communautés européennes

CEDH Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

CIJ Cour internationale de Justice DUDH Déclaration universelle des droits de l’homme ECOSOC Conseil économique et social Exception CI Exception pour les communautés inuites ou autres communautés autochtones Exception GRM Exception pour la gestion des ressources marines FAO Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture GATT Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce HCDH Haut-Commissariat aux droits de l’homme IBDD Instruments de base et documents divers du GATT JOL Journal officiel des Communautés européennes MERCOSUR Marché commun du Sud NU Nations Unies OEA Organisation des États américains OIC Organisation internationale du commerce OIT Organisation internationale du travail OMC Organisation mondiale du commerce ONG Organisation non gouvernementale ONU Organisation des Nations Unies ORD Organe de règlement des différends PIDCP Protocole international relatif aux droits civils et politiques PIDESC Protocole international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels RTNU Recueil des traités des Nations Unies RTSN Recueil des traités de la Société des Nations UA Union africaine UE Union européenne UNESCO Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture Principales abréviations des revues citées Actualités jur dr admin Actualités juridiques, droit administratif AFDI Annuaire français de droit international AJIL American Journal of International Law Am U Int’l L Rev American University International Law Review Am U J Int’l L & Pol’y American University Journal of International Law and Policy Ann int j c Annuaire international de justice constitutionnelle Arb int’l Arbitration International An Mex Der Int’l Anuario Mexicano de Derecho Internacional BCL Review Boston College Law Review BU Int’l LJ Boston University International Law Journal Brit YB of Int’l L British Yearbook of International Law

(14)

Brook J Int’l L Brooklyn Journal of International Law Buff HRL Rev Buffalo Human Rights Law Review C de D Cahiers de droit Cal W Int’l LJ California Western International Law Journal Cambridge YB Eur Legal Stud Cambridge Yearbook of European Legal Studies Cardozo J Int’l & Comp L Cardozo Journal of International & Comparative Law Chicago J Int’l L Chicago Journal of International Law Chicago-Kent L Rev Chicago-Kent Law Review Colo J Int’l Envtl L Pol’y Colorado Journal of International Environmental Law and Policy Colum HRL Rev Columbia Human Rights Law Review Colum J Envtl L Columbia Journal of Environmental Law Colum J Transnat’l L Columbia Journal of Transnational Law Conn J Int’l J Connecticut Journal of International Law Cornell Int’l LJ Cornell International Law Journal Curr Legal Probs Current Legal Problems Denv J Int’l L & Pol’y Denver Journal of International Law & Policy Duke LJ Duke Law Journal EJIL European Journal of International Law Eur HRL Rev European Human Rights Law Review Fla J Int’l L Florida Journal of International Law Ga J Int’l & Comp L Georgia Journal of International and Comparative Law Geo Wash Int’l L Rev George Washington International Law Review Harv Envtl L Rev Harvard Environmental Law Review Harv Int’l LJ Harvard International Law Journal How LJ Howard Law Journal HRLJ Human Rights Law Journal Hum Rts Q Human Rights Quarterly ICLQ International and Comparative Law Quarterly Ind J Global Legal Stud Indiana Journal of Global Legal Studies Int’l Law International Lawyer Int’l Rev Red Cross International Review of the Red Cross Isr LR Israel Law Review JDI Journal du droit international J Animal L Journal of Animal Law J Confl & Sec L Journal of Conflict and Security Law J Int Disp Settlement Journal of International Dispute Settlement J Int’l Econ L Journal of International Economic Law J Int’l Wildlife L & Pol’y Journal of International Wildlife Law and Policy J Legal Pluralism Journal of Legal Pluralism J Small & Emerging Bus L Journal of Small & Emerging Business Law JSDLP McGill International Journal of Sustainable Development Law and Policy J World Trade Journal of World Trade LIEI Legal Issues of Economic/European Integration Leiden J Int’l L Leiden Journal of International Law LS Legal Studies Macq J Int’l & CEnvtl L Macquarie Journal of International & Comparative Environmental Law Mich J Int’l L Michigan Journal of International Law Minn J Global Trade Minnesota Journal of Global Trade NCJ Int’l L & Com Reg North Carolina Journal of International Law & Commercial Regulation

(15)

Neth QHR Netherlands Quarterly of Human Rights New Eng J Int’l & Comp L Ann New England Journal of International and Comparative Law Annual Nordic J Int’l L Nordic Journal of International Law Nova L Rev Nova Law Review NYUJ Int’l L & Pol New York University Journal of International Law & Politics NYUL Rev New York University Law Review Oxford J Legal Stud Oxford Journal of Legal Studies PL Public Lax RDUS Revue de droit de l’Université de Sherbrooke Rec des Cours Recueil des cours de la Haye RECIEL Review of European Community and International Environmental Law Rev admin Revue administrative Rev BDI Revue belge de droit international RGD Revue générale de droit RGDIP Revue générale de droit international public RHDI Revue hellénique de droit international RI Relations industrielles Rich J Global L & Bus Richmond Journal of Global Law & Business RID écon Revue internationale de droit économique RJT Revue juridique Thémis RTDH Revue trimestrielle des droits de l’homme Stan J Int’l L Stanford Journal of International Law Temp Int’l & Comp LJ Temple International & Comparative Law Journal Tex Int’l LJ Texas International Law Journal Theoretical Inq L Theoretical Inquiries in Law Tul J Int’l & Comp L Tulane Journal of International and Comparative Law UCLA J Int’l L & Foreign Aff UCLA Journal of International Law and Foreign Affairs U Chicago L Rev University of Chicago Law Review U Pa J Int’l Econ L University of Pennsylvania Journal of International Economic Law Vand J Transnat’l Vanderbilt Journal of Transnational Law Va J Int’l L Virginia Journal of International Law Widener L Symp J Widener Law Symposium Journal Yale J Int’l L Yale Journal of International Law YB Int’l Env L Yearbook of International Environmental Law

(16)

R

EMERCIEMENTS

Je suis une lectrice assidue des remerciements et autres formes de signatures que rédigent les auteurs, comme si une empreinte pouvait y être laissée afin de comprendre le chemin emprunté. Ainsi, je ne manquerai pas à ce devoir, d’autant plus que de nombreuses personnes ont contribué à la réussite de cet ambitieux projet qu’a représenté la rédaction de cette thèse de doctorat et doivent en être remerciées.

Mes tout premiers remerciements sont adressés à ma directrice de thèse et amie, la professeure Geneviève Dufour, sans qui ce projet n’aurait pu voir le jour. Elle a toujours fait preuve de discernement à l’égard de mes réflexions, tout en m’encourageant au développement d’une pensée autonome. Son appui constant fut des plus précieux et je lui exprime ici toute ma gratitude.

Je remercie les professeurs du Département des sciences juridiques de l’Université du Québec à Montréal, messieurs Bernard Duhaime et Peter Leuprecht, d’avoir cru, chacun à leur manière, en la réussite de cette thèse. Je suis également reconnaissante envers le professeur de ce département et directeur de la Revue québécoise de droit international, François Roch, pour son amitié et ses encouragements constants tout au long de mon parcours doctoral.

Je ne peux passer sous silence l’appui inestimable du professeur Olivier Delas de l’Université Laval qui, bien au-delà de la fin de mes études de maîtrise, a toujours su être présent. Je lui en suis sincèrement reconnaissante.

À mes étudiants de la Faculté de droit de l’Université de Montréal, du Département des sciences juridiques de l’Université du Québec à Montréal et de la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, à tous les plaideurs du Concours Charles-Rousseau et du Concours Jean-Pictet que j’ai eu l’honneur d’entraîner, à tous les membres de l’équipe éditoriale de la Revue québécoise de droit international, je ne peux que dire merci pour les discussions et les réflexions stimulantes qui ont contribué à forger ma pensée. Matériellement, il n’aurait pas été possible de compléter ce doctorat sans l’appui financier de plusieurs institutions : le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, le Fonds de recherche du Québec – Société et culture, la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, le Syndicat des chargées et chargés de cours de l’Université du Québec à Montréal et le Centre

(17)

d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal avec le professeur Frédéric Mérand à sa direction. Je réitère l’importance du financement des doctorants et remercie tous ceux et celles qui m’ont soutenue dans la recherche et l’obtention de ces fonds. À chacune de mes « assistantes », collègues et amies, Johannie Dallaire, Maëlys Gaches, Léa Lemay Langlois, Audrey Mackay et Vanessa Tanguay, je les remercie de m’avoir aidée et épaulée le moment venu. À Laurence Marquis qui m’a sauvé la vie, merci ! À mes amis qui ne gravitent ni dans le milieu universitaire ni dans le milieu juridique, je les remercie de leur patience et de leur générosité. Finalement, du fond du cœur, je remercie ma mère, Madeleine, qui m’a toujours encouragée et soutenue à chaque étape de cette thèse et pour tout ce qui l’a entourée. Un merci tout spécial à Mireille, Mathieu, Clémence et Mathilde qui ont su mettre un peu de baume et beaucoup de joie lorsque cela a été nécessaire. À Stéphane, mon complice, merci de me rendre la vie si douce.

(18)

À mon père, Louis Malette

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On voit le monde tel qu’on l’éclaire. Françoise Giroud

(20)

I

NTRODUCTION

Il n’y a pas de phénomènes moraux, rien qu’une interprétation morale des phénomènes. Friedrich Nietzsche, Par-delà le Bien et le Mal La relation entre les enjeux commerciaux et les préoccupations des citoyens1 suscite un intérêt croissant depuis plusieurs années, voire plusieurs décennies. Plus précisément, la conciliation des règles commerciales et des demandes formulées par les citoyens, notamment dans le respect de la libéralisation des échanges et de la lutte contre la pauvreté, de la croissance économique comme du développement pour l’adoption de conditions de vie dignes, semble de plus en plus probable2. L’un des mécanismes qui permettraient une conciliation entre les règles commerciales

1 Le citoyen est ici entendu dans un sens large qui outrepasse le caractère national de cette notion et non

dans ses qualités de droit de cité et de droit de suffrage.

2 La conciliation des règles commerciales et des normes de droits de la personne fait déjà l’objet d’un

nombre important de publications. Voir, à titre d’exemple, depuis l’an 2000, Philip Alston, « Resisting the Merger and Acquisition of Human Rights by Trade Law: A Reply to Petersmann » (2002) 13:4 EJIL 815 ; Susan Ariel Aaronson et Rodwan Abouharb, « Is More Trade Always Better? The WTO and Human Rights in Conflict Zones » (2013) 47:5 J World Trade 1091; Susan Ariel Aaronson, « Seeping in Slowly: How Human Rights Concerns are Penetrating the WTO » (2007) 6:3 World Trade Review 413; Susan Ariel Aaronson et Jamie M Zimmerman, Trade Imbalance: The Struggle to Weigh Human Rights Concerns in Trade Policymaking, New York, Cambridge University Press, 2008; Salman Bal, « International Free Trade Agreements and Human Rights: Reinterpreting Article XX of the GATT » (2001) 10 Minn J Global Trade 62; Shima Baradaran et Stephanie Barcley, « Fair Trade and Child Labor » (2011) 43 Colum HRL Rev 1 ; Lorand Bartels, « Article XX of GATT and the Problem of Extraterritorial Jurisdiction: The Case of Trade Measures for the Protection of Human Rights » (2002) 36:2 J World Trade 353; Christian Barry et Sanjay G Reddy, « International Trade and Labor Standards: A Proposal for Linkage » (2006) 39 Cornell Int’l LJ 545; Lorand Bartels, « Human Rights and Sustainable Development Obligations in EU Free Trade Agreements » (2013) 40:4 LIEI 297; Lorand Bartels, « Social Issues: Labour, Environment and Human Rights » dans Simon Lester, Bryan Mercurio et Lorand Bartels, dir, Bilateral and Regional Trade Agreements, vol 1, 2e éd, Cambridge, Cambridge University Press, 2015, 364 ; Sarah H Cleveland, « Human Rights Sanctions and International Trade: A Theory of Compatibility » (2002) 5:1 Journal of International Economic Law 133; Sarah H Cleveland, « Human Rights Sanctions and the World Trade Organization » dans Francesco Francioni, dir, Environment, Human Rights

and International Trade, Oxford, Hart Publishing, 2001, 199; Paola Conconi et Joost Pauwelyn, « Trading

Cultures: Appellate Body Report on China—Audiovisuals (WT/DS363/AB/R, adopted 19 January 2010) » (2011) 10:01 World Trade Review 95-118; Megan Davis, « International Trade, the World Trade Organisation and the Human Rights of Indigenous Peoples » (2006) 8 Balayi : Culture, Law and Colonialism Journal of Law 5; Joël Decaillon, dir, Droits fondamentaux de l’Homme au travail dans le commerce international.

(21)

Nouvelles voies opérationnelles ? Quel rôle peut-on confier à l’OMC ?, Paris, Syndex, 2008 ; Jeroen Denkers, The WTO and Import Bans in Response to Violations of Fundamental Labour Rights, Portland, Intersentia,

2008; Michael Ewing-Chow, « First Do No Harm: Myanmar Trade Sanctions and Human Rights » (2007) 5:2 Northwestern Journal of International Human Rights 153; Thiébault Flory et Nicolas Ligneul, « Commerce international, droits de l’homme, mondialisation : les droits de l’homme et l’Organisation mondiale du Commerce » dans Commerce mondial et protection des droits de l’homme : les droits de l’homme à l’épreuve de la globalisation des échanges économiques, Bruxelles, Bruylant, 2001 ; Pengcheng Gao, « Rethinking the Relationship Between the WTO and International Human Rights » (2002) 8 Rich J Global L & Bus 397; Rachel Harris et Gillian Moon, « GATT Article XX and Human Rights: What do we know from first 20 years? » (2015) 16:2 Melbourne Journal of International Law; James Harrison et Alessa Goller, « Trade and Human Rights: What Does “Impact Assessment” Have to Offer? » (2008) 8:4 Human Rights Law Review 587; Robert Howse, « Back to Court after Shrimp/Turtle-Almost but Not Quite Yet: India’s Short Lived Challenge to Labor and Environmental Exceptions in the European Union’s Generalized System of Preferences » (2002) 18 Am U Int’l L Rev 1333 ; Robert Howse, « Human Rights in the WTO: Whose Rights, What Humanity? Comment on Petersmann » (2002) 13:3 EJIL 651; Michael J Trebilcock et Robert Howse, « Trade Policy & Labor Standards » (2004) 14 Minn J Global Trade 261; Robert Howse et Ruti Teitel, « Does Humanity Require (or Imply) a Progressive Theory of History? (and other Questions for Martti Koskenniemi) » (2013) 27:2 Temp Int’l & Comp LJ 377; Boyan Konstantinov, « Human Rights and the WTO: Ares they Really Oil and Water ? » (2009) 43:2 J World Trade 317; Andrew Lang, « Re-thinking Trade and Human Rights » (2006) 15:2 Tul J Int’l & Comp L 335; Aik Hoe Lim, « Trade and Human Right: What’s at Issue? » (2001) 35 J World Trade 275; John Morijn, Reframing Human Rights and Trade: Potential and Limits of a Human Rights Perspective of WTO Law

on Cultural and Educational Goods and Services, Portland, Intersentia, 2010; Ife J Ogbonna, « Protecting

Human Rights as Public Morals under the General Agreement on Tariffs and Trade (GATT) 1994: A Review of EC – Seal Products » (2014) 3:1 International Human Rights Law Review 97-121; Gillian Moon, « Double Agents, Discrimination, Duress and Doha: A Review of Trade and Human Rights since the China - Publications and Audiovisuals Decision » (2011) 19 African Journal of International & Comparative Law 283; Gillian Moon, « Fair in Form, But Discriminatory in Operation–WTO Law’s Discriminatory Effects on Human Rights in Developing Countries » (2011) 14:3 J Int’l Econ L 553; Yasmin Moorman, « Integration of ILO Core Rights Labor Standards into the WTO » (2001) 39 Colum J Transnat’l L 555; Anne Orford, « Beyond Harmonization: Trade, Human Rights and the Economy of Sacrifice » (2005) 18:2 Leiden J Int’l L 179; Joost Pauwelyn, « Rule-Based Trade 2.0? The Rise of Informal Rules and International Standards and How they May Outcompete WTO Treaties » (2014) 17:4 J Int’l Econ L 739-751; Joost Pauwelyn, « The Role of Public International Law in the WTO: How Far Can we Go? » (2001) 95 AJIL 535; Joost Pauwelyn, « WTO Compassion or Superiority Complex: What to Make of the WTO Waiver for Conflict Diamonds » (2002) 24 Mich J Int’l L 1177 ; Joost Pauwelyn, « How to Win a WTO Dispute Based on Non-WTO Law? Questions of Jurisdiction and Merits » (2003) 37:6 J World Trade; Joost Pauwelyn, « Squaring Free Trade in Culture with Chinese Censorship: The WTO Appellate Body Report on China-Audiovisuals » (2010) 11 Melbourne Journal of International Law 119; Ernst-Ulrich Petersmann, « The WTO Constitution and Human Rights » (2000) 3 J Int’l Econ L 19; Ernst-Ulrich Petersmann, « The “Human Rights Approach” Advocated by the UN High Commissioner for Human Rights and by the International Labor Organization: Is it Relevant for WTO Law and Policy? » (2004) 7:3 J Int’l Econ L 605; Ernst-Ulrich Petersmann, International Economic Law in the 21st Century: Constitutional Pluralism and

Multilevel Governance of Interdependent Public Goods, Portland, Hart Publishing, 2012; Ernst-Ulrich

Petersmann, « Human Rights and International Economic Law » (2013) 4:2 Trade, Law and Development 283; Stephen J Powell, « The Place of Human Rights Law in World Trade Organization Rules » (2004) 16 Fla J Int’l J 219; Débora Barreto Santana de Andrade, « Institutions économiques internationales et droits de l’homme : quelle relation ? » dans Stéphane Doumbé-Billé, dir, Justice et solidarité, Bruxelles, Bruylant, 2012, 207 ; Omphremetse Sibanda, « A Human Rights Approach to World Trade Organization Trade Policy: Another Medium for the Promotion of Human Rights in Africa » (2005) 5 African Human Right Law Journal 387; Claire Wright, « Censoring the Censors in the WTO: Reconciling the Communitarian and Human Rights Theories of International Law » (2010) 3 Journal of International Media & Entertainment Law 17.

(22)

et les préoccupations citoyennes consiste en l’utilisation de la clause commerciale d’exception générale3. Par exemple, une fois la violation de l’une des obligations commerciales reconnue,

l’article XX de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) ou l’article XIV de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) permet aux États d’invoquer, notamment, la protection de la santé ou de la vie des humains ou des animaux, de l’environnement, des ressources naturelles épuisables, ou encore de la moralité publique, pour justifier l’entrave au commerce4. L’affaire CE – Amiante5 opposant le Canada à l’Union européenne (UE) est un exemple

d’un recours à l’article XX du GATT : un État souhaitant protéger la santé de ses citoyens adopte une mesure commerciale qui limite l’exposition de sa population à un produit présentant un risque sanitaire et invoque l’article XX du GATT pour justifier son entrave au commerce6.

Ce mécanisme n’est pas exclusif au droit de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ; il se retrouve également en droit international des droits de la personne. En effet, un État peut tenter de justifier une ingérence dans l’exercice des droits et libertés des citoyens dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public, ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui7. L’affaire Handyside c Royaume-Uni en est un

exemple 8 : un État adopte une mesure qui interdit la diffusion d’un livre afin de protéger les

personnes vulnérables, ici des mineurs, contre l’exposition à un ouvrage immoral. Ce faisant, il invoque le deuxième paragraphe de l’article 19 de la Convention européenne de sauvegarde des

3 HCDH, Libéralisation du commerce des services et droits de l’homme, Doc NU E/CN.4/Sub.2/2002/9; voir

également HCDH, Droits de l’homme, commerce et investissement, Doc NU E/CN.4/Sub.2/2003/9 et HCDH,

La mondialisation et ses effets sur la pleine jouissance de tous les droits de l’homme, Doc NU

E/CN.4/Sub.2/2002/54; HCDH, Les droits de l’homme et les accords commerciaux internationaux. Utilisation

des clauses d’exception générale pour la protection des droits de l’homme, Doc NU HR/PUB/05/5 (2005).

4 Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, Annexe 1A de l’Accord de Marrakech instituant

l’Organisation mondiale du commerce, 15 avril 1994, 1867 RTNU 192 (entrée en vigueur : 1er janvier 1995) ;

Accord général sur le commerce des services, Annexe 1B de l’Accord de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du commerce, 15 avril 1994, 1869 RTNU 219 (entrée en vigueur : 1er janvier 1995).

5 Communautés européennes – Mesures affectant l’amiante et les produits en contenant (Plainte du Canada)

(2001), OMC Doc WT/DS135/AB/R (Rapport de l’Organe d’appel) [CE – Amiante, Rapport de l’Organe d’appel].

6 Dans ce cas, la mesure a été reconnue justifiée en vertu de l’article XX b) qui prévoit la possibilité d’adopter

des mesures nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes.

7 Voir l’annexe 1 pour le libellé des dispositions.

(23)

droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) pour justifier la restriction de la liberté

d’expression du diffuseur au motif de la nécessité de protéger la moralité publique9.

Ainsi, tant le droit de l’OMC que le droit international des droits de la personne présentent un régime d’exceptions et de restrictions fondées sur la nécessité de protéger la moralité publique. De plus, les dispositions qui incluent l’exception de moralité publique, que ce soit en droit international des droits de la personne ou en droit de l’OMC, sont articulées de manière similaire : il s’agit d’identifier une préoccupation liée à l’objectif de protection de la morale transcrit dans une mesure qui doit être nécessaire et proportionnelle ou non discriminatoire.

Toutefois, si les organes judiciaires et quasi judiciaires du droit international des droits de la personne se sont penchés à plusieurs reprises sur cette limite à l’expression des droits et libertés10, inversement, ce type d’affaires n’a occupé que peu de place auprès des groupes

spéciaux et de l’Organe d’appel de l’OMC puisque seuls six différends ont porté sur cette exception11. Ce faisant, les groupes spéciaux et l’Organe d’appel ont tenté de clarifier

9 Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 4 novembre 1950, 213

RTNU 221, STE 5, telle qu’amendée par les Protocoles nos 1, 4, 6, 7, 11 et 12.

10 Aux fins de cette thèse, l’expression « jurisprudence » est utilisée pour désigner l’ensemble des décisions

et des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, du Comité des droits de l’homme et des rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel de l’OMC.

11

États-Unis – Mesures visant la fourniture transfrontières de services de jeux et paris (Plainte d’Antigua-et-Barbuda) (2004), OMC Doc WT/DS285/R (Rapport du Groupe spécial) [États-Unis – Jeux, Rapport du Groupe

spécial] ; États-Unis – Mesures visant la fourniture transfrontières de services de jeux et paris (Plainte

d’Antigua-et-Barbuda) (2004), OMC Doc WT/DS285/AB/R (Rapport de l’Organe d’appel) [États-Unis – Jeux,

Rapport de l’Organe d’appel] ; Chine – Mesures affectant les droits de commercialisation et les services de

distribution pour certaines publications et certains produits de divertissement audiovisuels (Plainte des États-Unis) (2009), OMC Doc WT/DS363/R (Rapport du Groupe spécial) [Chine – Publications et produits audiovisuels, Rapport du Groupe spécial] ; Chine – Mesures affectant les droits de commercialisation et les services de distribution pour certaines publications et certains produits de divertissement audiovisuels (Plainte des États-Unis) (2009), OMC Doc WT/DS363/AB/R (Rapport de l’Organe d’appel) [Chine – Publications et produits audiovisuels, Rapport de l’Organe d’appel] ; Communautés européennes – Mesures prohibant l’importation et la commercialisation de produits dérivés du phoque (Plainte du Canada) (2013), OMC Doc WT/DS400/R (Rapport du Groupe spécial) [CE – Produits dérivés du phoque, Rapport du Groupe spécial] ; Communautés européennes – Mesures prohibant l’importation et la commercialisation de produits dérivés du phoque (Plainte du Canada) (2013), OMC Doc WT/DS400/R (Rapport de l’Organe d’appel) [CE – Produits dérivés du phoque, Rapport de l’Organe d’appel] ; Colombie – Mesures visant les importations de textiles, vêtements et chaussures (Plainte du Panama) (2015), OMC Doc WT/DS461/R (Rapport du Groupe

spécial) [Colombie – Textiles, Rapport du Groupe spécial] ; Colombie – Mesures visant les importations de

textiles, vêtements et chaussures (Plainte du Panama) (2016), OMC Doc WT/DS461/AB/R (Rapport de

l’Organe d’appel) [Colombie – Textiles, Rapport de l’Organe d’appel] ; Indonésie – Importation de produits

horticoles, d’animaux et de produits d’origine animale (Plainte des États-Unis et de la Nouvelle-Zélande)

(2016), OMC Doc WT/DS477/R, WT/DS478/R [Indonésie – Régime de licences d’importation, Rapport du Groupe spécial]; Indonésie – Importation de produits horticoles, d’animaux et de produits d’origine animale

(24)

l’interprétation de l’exception de moralité publique, mais leurs rapports comportent d’importantes incertitudes quant à la nature et la portée de cette clause. Trois principales critiques sont émises contre les premiers rapports publiés par les groupes spéciaux et l’Organe d’appel12. Premièrement, plusieurs auteurs sont préoccupés par l’effet que peuvent avoir les conclusions des organes quasi juridictionnels de l’OMC ; ils jugent qu’elles ouvrent la voie à la multiplication de l’adoption de mesures protectionnistes. Ils remettent ainsi en doute l’interprétation de l’exception de moralité publique jugée trop indulgente quant à son contenu. En ce sens, toutes les mesures défendues ont été reconnues de l’ordre de la moralité publique. Il serait ainsi inadéquat de laisser aux Membres le soin de déterminer la teneur de la morale, essentiellement à la hauteur des préoccupations citoyennes, et de n’exiger aucune preuve précise et objective13.

Deuxièmement, certains auteurs ont souhaité que les organes de l’Organe de règlement des différends (ORD) de l’OMC exigent la démonstration de l’existence d’une norme objective afin de qualifier la moralité publique de manière cohérente avec les normes du droit international ou avec l’ensemble des mesures nationales adoptées par le Membre qui défend sa morale14. Ainsi, seules

les mesures reposant sur une forme de consensus international ou sur une cohérence stricte pourraient satisfaire les critères du droit de l’OMC, limitant d’autant la portée de cette exception.

(Plainte des États-Unis et de la Nouvelle-Zélande) (2016), OMC Doc WT/DS477/AB/R, WT/DS478/AB/R

[Indonésie – Régime de licences d’importation, Rapport de l’Organe d’appel]; Brésil – Certaines mesures

concernant la taxation et les impositions (Plainte de l’Union européenne et du Japon) (2017), OMC Doc

WT/DS472/R, WT/DS497/R [Brésil – Taxation, Rapport du Groupe spécial].

12 Ces critiques sont résumées par Robert Howse, Joanna Langille et Katie Sykes, « Pluralism in Practice:

Moral Legislation and the Law of the WTO After Seal Products » (2015) 15 Geo Wash Int’l L Rev 81.

13 Voir généralement Arthur E Appleton, « PIL and IEL: Will Seal Deaths Resurrect the Dream of International

Legal Coherence? » (novembre 2014) Questions of International Law, en ligne : <http://www.qil-qdi.org/pil-iel-will-seal-deaths-resurrect-dream-international-legal-coherence/>; Joost Pauwelyn, « The Public Morals Exception After Seals: How to Keep It in Check? » (27 mai 2014) International Economic Law and Policy Blog, en ligne: <http://worldtradelaw.typepad.com/ielpblog/2014/05/ the-public-morals-exception-after-seals-how-to-keep-it-in-check.html>. Voir aussi Steve Charnovitz, « The Moral Exception in Trade Policy » (1998) 38 Va J Int’l L 689 ; et Mark Wu, « Free Trade and the Protection of Public Morals: An Analysis of the Newly Emerging Public Morals Clause Doctrine » (2008) 33 Yale J Int’l L 215.

14 Christian Häberli, “Seals and the Need for More Deference to Vienna by WTO Adjudicators” (2014) Fourth

Biennial Global Conference of the Society of International Economic Law Working Paper, en ligne: <http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2463680>; Tamara Perišin, « Is the EU Seal Products Regulation a Sealed Deal? EU and WTO Challenges » (2013) 62 ICLQ 373. Selon Katarina Jakobsson, la preuve en ce sens devrait être de nature nationale : Katarina Jakobsson, The Dilemma of the Moral Exception in the

WTO, mémoire de maîtrise, Université de Stockholm, 2013 [non publié], en ligne:

<http://www.diva-portal.org/smash/get/diva2:694327/FULLTEXT01.pdf>. Voir également, Jeremy C. Marwell, « Trade and Morality: The WTO Public Morals Exception After Gambling » (2006) 81 NYUL Rev 802 à la p 824 et Mark Wu, « Free Trade and the Protection of Public Morals: An Analysis of the Newly Emerging Public Morals Clause Doctrine » (2008) 33 Yale J Int’l L 215.

(25)

Troisièmement, plusieurs auteurs ont dénoncé non pas le raisonnement, mais le jargon bureaucratique des rapports qui illustre l’incapacité des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel à donner des orientations aux Membres quant à l’interprétation que doivent recevoir les dispositions du droit de l’OMC. Les rapports ne permettraient pas de faire ressortir des lignes directrices claires pour les Membres qui souhaiteraient adopter une mesure de moralité publique conforme au droit de l’OMC15. Vu ces critiques dénonçant le protectionnisme potentiel des mesures de moralité publique, les incompréhensions interprétatives, ainsi que les incertitudes relatives à la preuve, sachant de plus que de plus en plus de Membres invoquent le besoin de protéger la morale de leurs citoyens au moment d’adhérer à l’OMC16 ou adoptent des mesures commerciales qui limitent l’importation de produits en raison de la nécessité de protéger la morale17, il devient important d’établir ce en quoi consiste cette exception et comment celle-ci s’interprète.

Plusieurs auteurs ont proposé différentes approches de la moralité publique afin d’en déterminer la nature et la portée : originelle, unilatérale, universelle, nationale, pluraliste ou en

15 Alexia Herwig, « Lost in Complexity? The Panel’s Report in EU-Measures Prohibiting the Importation and

Marketing of Seal Products » (2014) 5:1 European Journal of Risk Regulation 97; Gregory Shaffer et David Pabian, « The WTO EC—Seal Products Decision: Animal Welfare, Indigenous Communities and Trade » (25 juin 2015) AJIL Unbound, en ligne : <https://www.asil.org/blogs/editors »-introduction-trade-animal-welfare-and-indigenous-communities-symposium-wto-ec—seal>.

16 Par exemple, l’adhésion de Membres qui se réclament de l’Islam et de la charia a entraîné, lors des

négociations, des discussions au sujet des interdictions d’importation des produits du porc et de l’alcool, deux produits qui seraient en soi contraires à la moralité publique des citoyens de ces États. L’adhésion de l’Arabie saoudite à l’OMC en décembre 2005 lors de la Conférence ministérielle de Hong Kong en est un exemple. Bien avant son adhésion, l’Arabie saoudite avait banni l’importation de ces produits. Lors de son adhésion, elle a déclaré ces produits immoraux au sens de l’article XX a) du GATT. La Jordanie et le Sultanat d’Oman ont fait de même respectivement en 1999 et en 2000. Voir OMC, Rapport du Groupe de travail sur

l’accession de la Jordanie, OMC Doc WT/ACC/JOR/33 (1999) ; OMC, Rapport du Groupe de travail sur l’accession du Sultanat d’Oman, OMC Doc WT/ACC/OMN/26 (2000) ; OMC, Rapport du Groupe de travail sur l’accession de l’Arabie saoudite, OMC Doc WT/ACC/SAU/61 (2005). Voir Raj Bhala, Modern GATT Law: A Treatise on the Law and Political Economy of the General Agreement on Tariffs and Trade and other World Trade Organisation Agreements. Vol. 2: [Exceptions and remedies], Londres, Sweet & Maxwell, 2013 aux

pp 33-35 ; Raj Bhala, « Saudi Arabia, the WTO and American Trade Policy » (2004) 38 Int’l Law 741.

17 Par exemple, les produits de l’alcool (ex. Brunei, Indonésie, Qatar), du jeu (ex. Brunei, Fidji, Israël,

Panama) ou de la pornographie (ex. Canada, Corée, Gambie, Honduras, Maroc, Mozambique) sont interdits d’importation sur la base de la nécessité de protéger la moralité publique. Voir Mark Wu, « Free Trade and the Protection of Public Morals: An Analysis of the Newly Emerging Public Morals Clause Doctrine » (2008) 33 Yale J Int’l L 215 aux pp 250-51. L’auteur présente une liste non exhaustive des mesures adoptées par certains Membres de l’OMC.

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fonction des types de mesures18. Certains d’entre eux ont proposé de s’inspirer de l’interprétation

de la moralité publique réalisée par la Cour européenne des droits de l’homme, sans toutefois mener à terme cette analyse. Ces derniers proposent généralement une étude limitée de la jurisprudence européenne comme de sa transposition au droit de l’OMC. Par exemple, quelques-uns soulignent l’importance de la doctrine de la marge nationale d’appréciation ou de l’interprétation consensuelle lors de l’étude d’une ingérence dans l’exercice ou la jouissance des droits et libertés de la personne qui pourraient inspirer l’interprétation de la moralité publique par les organes de l’ORD de l’OMC. Plus encore, ceux-ci ne considèrent pas les contributions du Comité des droits de l’homme19.

18 Voir notamment les propositions typologiques : Steve Charnovitz, « The Moral Exception in Trade Policy »

(1998) 38 Va J Int’l L 689 ; Jeremy C Marwell, « Trade and Morality: The WTO Public Morals Exception After Gambling » (2006) 81 NYUL Rev 802 ; Mark Wu, « Free Trade and the Protection of Public Morals: An Analysis of the Newly Emerging Public Morals Clause Doctrine » (2008) 33 Yale J Int’l L 215 ; Robert Howse et Joanna Langille, « Permitting Pluralism: The Seal Products Dispute and Why the WTO Should Accept Trade Restrictions Justified by Noninstrumental Moral Values » (2012) 37 Yale J Int’l L 367 ; Robert Howse, Joanna Langille et Katie Sykes, « Pluralism in Practice: Moral Legislation and the Law of the WTO After Seal Products » (2015) 15 Geo Wash Int’l L Rev 81.

19 Voir notamment Wibren van der Burg, « The WTO and Public Morals: Inspiration from the ECHR » dans

Anton Vedder, dir, The WTO and Concerns Regarding Animals and Nature, Nijmegen, Wolf Legal Publishers, 2003, 101 aux pp 105-09. Cet auteur a proposé une brève étude de l’origine de la clause de moralité publique incluse à la CEDH. Il a étudié les droits nationaux européens non pas pour trouver l’origine de la clause de moralité publique, mais bien pour déterminer le contenu de ce concept. Voir aussi Jenny S Martinez, « Towards an International Judicial System » (2003-2004) 56 Stan L Rev 429 à la p 519 ; Yuval Shany, «Toward a General Margin of Appreciation Doctrine in International Law? » (2006) 16 EJIL 907 à la p 929. Ces deux dernières auteures soulignent le potentiel de la doctrine de la marge nationale d’appréciation d’outrepasser la frontière du droit européen, particulièrement en matière de droit de l’OMC. Voir de plus Emilie Conway, « De quelques apports de la doctrine de la “marge d’appréciation” à l’interprétation de l’exception de moralité publique en droit de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) » (2013) 54 : 4 Les Cahiers de droit 731. Elle propose quelques pistes pour interpréter l’exception de moralité publique conformément à l’interprétation consensuelle développée par la Cour européenne. Voir également Julia Möllenhoff, Framing the “Public Morality” Exception after EC—Seal

Products with Insights from the ECtHR and the GATT National Security Exception, juillet 2015, CTEI Working

Papers, Graduate Institute Geneva, en ligne:

<http://repository.graduateinstitute.ch/record/293785/files/CTEI-2015-07_Mollenhoff_EC-Seals-ECtHR.pdf>. Cette dernière offre une des études les plus abouties sur le potentiel de transposition des méthodes d’interprétation de la moralité publique développée par la Cour européenne dans le droit de l’OMC. Toutefois, l’étude est succincte, particulièrement quant à l’étude de la moralité publique par la Cour, et, par conséquent, incomplète. Les auteures Ségolène Barbou des Places et Nathalie Deffains, « Morale et marge nationale d’appréciation dans la jurisprudence des Cours européennes » dans Ségolène Barbou des Places, Remy Hernu et Philippe Maddalon, dir, Morale(s) et droits européens, Paris, Pedone, 2015, 49 offrent une étude comparées des arrêts et des décisions en matière de moralité publique rendus par la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour de justice de l’Union européenne. Certaines études abordent l’origine ou la nature des clauses limitatives, ou encore des autres motifs de limitation, sans toutefois s’attarder précisément à la notion et à l’origine de la moralité publique en soi. L’étude de Céline Husson-

Références

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