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5 La RAE : de l’entreprise normative à la stratégie économique des entreprises et de l’État espagnol

La valeur économique de la langue espagnole n’est plus à démontrer : elle est devenue un élément clé de la stratégie économique espagnole en ce qui concerne le commerce extérieur mais, également pour ce qui relève de l’installation et de l’expansion des entreprises espagnoles à l’étranger2.

L’espace linguistique postcolonial constitue ainsi un marché « naturel » que

pueden contratar el servicio de control de calidad de la fundación para sus memorias, folletos, manuales de instrucciones o soportes publicitarios », Premier rapport annuel de la Fundéu, s/p

www.fundeu.es/wp-content/uploads/2011/03/FundeuMemoria2M5.pdf, document consulté en mai 2015.

1. Recomendaciones (recommandations), Consultas (demandes de renseignements, que l’on peut faire également par courrier postal et par téléphone), Recursos (ressources)...

2. Ce n’est sûrement pas un hasard si parmi les entreprises qui financent cette stratégie linguistique se trouvent celles qui se sont le plus développées en Amérique latine depuis la fin des années 1980 (cf. García Canal, Guillén, Sánchez Lorda et Valdés Llaneza, 2008).

l’État espagnol entend préserver, consolider et même développer, on l’a dit, là où la langue espagnole n’est pas officielle (cf. les États-Unis ou les Philippines). Une langue commune élimine les frais des transactions mais, en plus, comme le souligne J.-C. Jiménez, contribue fortement à un sentiment de proximité qui favorise les échanges :

La proximité, qui ne correspond pas nécessairement à la distance géogra- phique, mais, plutôt, à la facilité psychologique d’accès, qui dépend de facteurs multiples, parmi lesquels la variable linguistique, reconnue explicitement dans beaucoup d’études, est l’un des plus remarquables1.

Le résultat de cette « facilité psychologique d’accès » a été clairement observé :

les échanges se multiplient par 2,5 entre des pays de langue espagnole; on a aussi constaté que le commerce bilatéral s’accroît de 290 % lorsque les interlocuteurs parlent la même langue2.

Par ailleurs, la langue espagnole elle-même est un produit dont la valeur économique représente 15 % du PIB espagnol (Raphael, 2015, s/p) :

On estime en 3 500 000 les personnes employées, directement ou indirec- tement, dans le « secteur » de l’idiome espagnol (professeurs, traducteurs, imprimeurs, publicistes...); [...]3.

[...] le tourisme idiomatique4a augmenté, dans la période 2000-2007 de

137 %, ce qui veut dire que les revenus pour ce type de tourisme ont atteint en 2007 le chiffre de 462 500 000 euros. En 2007, plus de 237 000 étudiants ont consacré 176 500 000 euros à des cours d’espagnol en Espagne5.

Rien d’étonnant donc à ce que l’État espagnol en collaboration avec les entreprises et les banques investisse fortement dans le maintien de l’unité de

1. « La proximidad que no necesariamente se corresponde con la distancia geográfica, sino, más

bien, con la facilidad psicológica de acceso, que depende de múltiples factores, entre los que la variable lingüística, explícitamente reconocida en todos los estudios, es uno de los más destacados » (Juan Carlos

Jiménez, 2006 : 17).

2. « Los intercambios comerciales se multiplican por 2,5 veces entre los países de habla española;

también se ha comprobado que el comercio bilateral se incrementa un 290 % cuando los interlocutores hablan la misma lengua » (Serrano Monteavaro, 2012 : 3).

3. « Se calcula en 3.500.000 las personas empleadas, directa o indirectamente, en el “sector” del

idioma español (profesores, traductores, impresores, publicistas...) » (ibidem).

4. Le tourisme idiomatique contribue également au développement des villes qui organisent des cours d’ELE (cf. Pardo Abad, 2011).

5. « El turismo idiomático se ha incrementado, en el periodo 2000- 2007, un 137,6%, con lo que los

ingresos por este tipo de turismo han alcanzado en 2007 la cifra de 462.500.000 euros. En 2007, más de 237.600 estudiantes destinaron 176.500.000 euros a los cursos de español en España » (Serrano

la langue espagnole et par là dans le maintien de l’influence et du contrôle de l’Espagne sur ce grand marché post-colonial.

Au xviesiècle, comme le rappellent Colombat, Fournier, Puech (2010 :

146),

[...] les grammairiens ont eu le sentiment de contribuer à édifier l’un des piliers sur lesquels repose le pouvoir du Prince et, inversement, la codification de la langue nationale tend à devenir une affaire de politique intérieure de première importance.

Aujourd’hui le maintien de la norme linguistique est également une affaire de politique extérieure de première importance et la Real Académia Española est devenue un instrument clé de cette politique. Les déclarations faites par Manuel Alvar lors de son élection comme directeur de la RAE en 1988 montrent le long chemin qui a été parcouru en moins de 30 ans :

Nous ne pouvons plus continuer avec la mendicité pour obtenir des finance- ments. Pour faire un travail sérieux, nous avons besoin d’un soutien de l’État solide et constant [...] Il faudrait se rendre compte que la langue est rentable, qu’elle vaut beaucoup d’argent, qu’elle produit beaucoup de devises. Mais, comme dans une entreprise, il faut investir [...]1.

Bien entendu, les liens entre la RAE et le pouvoir économique et financier ne font pas l’unanimité et des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour dénoncer le monopole de la langue (à travers les institutions associées) dans les domaines de la recherche, de l’enseignement, de la traduction, de l’édition... ainsi que l’imposition de la norme ibérique pour l’espagnol2.

Bibliographie

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Calvet Louis-Jean, Linguistique et colonialisme, Paris, Payot, 1974.

1. « [...] No podemos seguir con la mendicidad para obtener subvenciones. Para hacer un trabajo

serio necesitamos un sólido y constante respaldo del Estado [...] Habría que tener la consciencia de que la lengua es rentable, que vale muchísimo dinero, que produce muchísimas divisas. Pero, como en una fábrica, hay que invertir » (Manuel Alvar, dans El País, 3-12-1998).

2. Cf. l’ouvrage collectif en 2 volumes édité par Silvia Senz et Montserrat Alberte El dardo

en la Academia (Senz et Alberte, 2012) ainsi que le Blog de Silvia Senz Addenda § Corrigenda

Calvet Louis-Jean, « La coopération internationale entre aires linguis- tiques », L’Avenir du français, Maurais J., Dumont P., Klinkenberg J.-M., Maurer B., Chardenet P. (éds.), Paris, Archives contemporaines, 2008, p. 79-82.

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