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La Real academia española fut créée par le Marqués de Villena en 1713 selon le modèle de l’Accademia della Crusca (Florence) et de l’Académie française (Lara, 2011 : 319). Placée sous la protection du Roi, la devise de cette insti- tution fut jusqu’à une époque très récente « [elle] nettoie, fixe, et donne de l’éclat1» et son symbole un creuset sur le feu, dont l’une des interprétations

est celle donnée par Zamora Vicente selon lequel :

Dans le métal sont représentés les mots et dans le feu le travail de l’Académie : en les soumettant au creuset de son examen, elle les nettoie, les purifie, et leur donne de l’éclat, ne restant à faire que le travail de fixation, que l’on obtient uniquement lorsque l’on éloigne les flammes du creuset et les mots de l’examen2.

Son rôle, comme celui des autres académies de l’époque, était de purifier et de magnifier la langue : une langue qui devait incarner le pouvoir royal. Un siècle plus tard commence le processus d’indépendance des colonies espagnoles (la plupart d’entre elles entre 1810 et 1825) et en 1898 l’Espagne perd ses dernières colonies. La perte du pouvoir politique et économique laisse place à l’instauration d’une sorte de tutelle linguistique avec la création

1. « Limpia, fija y da esplendor ».

2. « En el metal se representan las voces, y, en el fuego, el trabajo de la Academia, reduciéndolas

al crisol de su examen, las limpia, purifica y da esplendor, quedando solo la operación de fijar, que únicamente se consigue apartando de las llamas el crisol y las voces del examen », Zamora Vicente,

des Académies en Amérique, processus qui commence en 1871 et s’achève au xxesiècle1. Car il ne faut pas voir ces Academias américaines comme une

mise en question de l’autorité de la Real Academia Española.

À l’origine de la création de ces institutions américaines se trouve préci- sément la RAE, préoccupée par la situation de l’espagnol dans le nouveau continent et par la perte de prestige de l’institution normative espagnole. Ainsi, en 1870, le directeur de la RAE « favorise le projet de création des académies correspondantes américaines, à travers la création d’une Com- mission dont le rapport autorise l’établissement d’Académies de la langue espagnole dans les différentes républiques2». Comme le rappelle Elkin

Saboyá Rodríguez, la RAE maintient le contrôle des nouvelles académies : Lorsqu’il y a trois académiciens correspondants dans un pays « dont l’idiome vulgaire est l’espagnol », l’[Académie] Espagnole peut y autoriser l’établisse- ment d’une Académie correspondante (art. 1). Elle devra s’appuyer dans la mesure du possible sur les Statuts et Règlements de l’[Académie] Espagnole [...]. Sa nomination dépendra de l’[Académie] espagnole, sur proposition de l’[Académie] correspondante3(art. 2).

Le Rapport de la Commission présente cet accord dans des termes de fraternité linguistique :

Les liens politiques se sont rompus pour toujours; on peut vraiment faire abstraction de la tradition historique pure : il y a eu, malheureusement, de l’hostilité jusqu’à la haine entre l’Espagne et l’Amérique qui fut espa- gnole; mais nous parlons une même langue, et bien que dans des temps funestes, qui appartiennent au passé, nous l’avons utilisée pour nous maudire,

1. 1871 : création de l’Academia Colombiana de la Lengua; 1874 : création de l’Academia Ecuatoriana de la Lengua; 1875 : création de l’Academia Mexicana de la Lengua; 1876 : création de l’Academia Salvadoreña de la Lengua; 1883 : création de l’Academia Venezolana de la Len- gua; 1885 : création de l’Academia Chilena de la Lengua; 1887 : création de l’Academia Peruana de la Lengua; 1887 : création de l’Academia Guatemalteca de la Lengua; 1923 : création de l’Academia Costarricense de la Lengua; 1924 : création de l’Academia Filipina de la Lengua Española; 1926 : création de l’Academia Panameña de la Lengua; 1926 : création de l’Academia Cubana de la Lengua; 1927 : création de l’Academia Paraguaya de la Lengua; 1927 : création de l’Academia Boliviana de la Lengua; 1927 : création de l’Academia Dominicana de la Lengua; 1928 : création de l’Academia Nicaragüense de la Lengua; 1931 : création de l’Academia Argen- tina de Letras; 1943 : création de l’Academia Nacional de Letras de Uruguay; 1948 : création de l’Academia Hondureña de la Lengua; 1955 : création de l’Academia Puertorriqueña de la Lengua Española.

2. « Impulsa el proyecto de creación de academias correspondientes hispanoamericanas, creando una

comisión cuyo informe acuerda autorizar el establecimiento de academias de la lengua en las diversas repúblicas » (www.rae.es/la-institucion/historia/siglo-xix, document consulté en mai 2015).

3. « Habiendo tres académicos correspondientes en un país “cuyo idioma vulgar sea el español”,

la Española podrá autorizar el establecimiento allí de una Academia correspondiente (art. 1). Se regirá, en lo posible, por los Estatutos y Reglamentos de la Española [...] Su nombramiento dependerá de la Española, a propuesta de la correspondiente (art. 2) », Saboyá Rodríguez, 2015 : s/p.

aujourd’hui nous devons l’employer pour notre compréhension, bénéfice et plaisir communs1.

Mais par une allusion claire à ce qui sera l’impérialisme américain, le Rapport montre que les objectifs de l’accord étaient avant tout économiques et politiques :

L’Académie va reprendre les liens violemment rompus attachés à la fraternité entre Américains et Espagnols; elle va rétablir le partenariat de gloire et d’intérêts littéraires, qui n’auraient jamais dû cesser d’exister entre nous et elle va, enfin, opposer une digue, peut-être plus puissante que les baïonnettes elles-mêmes, à l’esprit envahisseur de la race anglo-saxonne dans le monde découvert par Colomb2.

À travers cette stratégie la RAE « maintenait le contrôle du dictionnaire, de l’orthographe et de la grammaire; elle imposait ses statuts aux nou- veaux membres; et gardait le droit de confirmer tous les nouveaux membres des succursales américaines3». L’article 18 de l’actuel Reglamento de la

Academia Chilena de la Lengua (Règlement de l’Académie chilienne de la

Langue) confirme cette situation de subsidiarité : « L’élection d’un acadé- micien permanent devra être communiquée à la Real Academia Española immédiatement après son incorporation4. »

2 La Real Academia Española (RAE) et l’Asociación de

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