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3 Des initiatives universitaires pour favoriser l’intégration régionale

D’après Segabinazi Dumas (2010 : 775) :

L’intégration régionale est un processus qui concerne toute la société et qui demande la participation du plus grand nombre d’acteurs possibles dans sa planification, mais surtout dans son implémentation. Les universités ont ainsi un rôle fondamental, celui de créer une conscience intégratrice, puisque c’est la masse critique propre aux universités qui apporte de la valeur et du fondement historique au processus1.

Cette vision sur l’intégration régionale et sur le rôle qu’ont à jouer les universités pour avancer vers la construction d’une identité et d’une citoyen- neté mercosuriennes — ou plus largement latino-américaine — semble être partagée par de nombreux universitaires qui cherchent à développer depuis des années des projets pour dynamiser les échanges institutionnels et professionnels au sein du MERCOSUR.

3.1 AUGM : Association d’universités du groupe Montevideo

L’AUGM a été créée en 1991 dans le même contexte régional dans lequel est né le MERCOSUR. L’initiative revient à l’ancien Président de l’Univer- sité de la République (Uruguay) Jorge Brovetto. Les deux buts principaux

1. A integração regional é um processo que envolve toda a sociedade e requer a participação do maior

número de atores possíveis em sua planificação, mas sobretudo em sua implementação. Desse modo, as universidades têm um papel fundamental que é criar uma consciência integradora, já que é a massa crítica que a conforma que dá valor e sustentação histórica ao processo (Traduction personnelle).

poursuivis à l’époque étaient de développer les échanges académiques déjà existants dans le domaine universitaire régional et d’obtenir du soutien politique pour les universités publiques dans un contexte néo-libéral enclin à la privatisation de l’enseignement supérieur. La création de l’AUGM part aussi d’une critique aux gouvernements de l’époque qui prônaient essentiel- lement un modèle d’intégration commerciale et économique. Pour certains universitaires, cette tendance intégrationniste délaissait les aspects culturels, sociaux et académiques nécessaires à une réelle intégration (Reguera, 2014). À l’heure actuelle, trente et une universités d’Argentine, de Bolivie, du Brésil, du Chili, du Paraguay et d’Uruguay font partie de l’AUGM.

Les objectifs que s’est fixés l’association sont les suivants :

— contribuer aux processus d’intégration régionale et subrégionale; — renforcer sa capacité de formation de ressources humaines, de recherche

et de transfert de connaissances;

— effectuer des activités de formation continue dans le but de contribuer au développement intégral des populations de la sous-région; — consolider des masses critiques de chercheurs dans des domaines

stratégiques;

— renforcer les structures de gestion des universités membres de l’asso- ciation;

— intensifier les interactions avec la société dans son ensemble.

L’association travaille sous forme de groupes de recherche dans des domaines très divers. Il existe deux groupes ou « noyaux disciplinaires » destinés à la recherche dans le domaine des langues et de l’éducation : le NEPI (noyau disciplinaire « Éducation pour l’intégration ») qui réunit des chercheurs venant principalement du secteur des sciences de l’éducation; et le PELSE (portugais et espagnol langues secondes et étrangères) qui réunit majoritairement des didacticiens et des linguistes.

Ces groupes de recherche se réunissent régulièrement, organisent des journées d’étude et de travail et publient différents travaux, par exemple la revue Revista digital de políticas lingüísticas qui correspond à l’un des pro- grammes de travail du NEPI et dont les axes thématiques principaux sont, entre autres, les langues en contact ou en conflit, les langues minoritaires de la région, les processus de standardisation des langues, les relations entre néo-colonialisme, marché culturel et politiques linguistiques régio- nales, les droits linguistiques, l’éducation bilingue, la dimension idéologique, représentationnelle et discursive des politiques linguistiques, etc.1

1. Des informations supplémentaires sur le NEPI sont disponibles sur : http://grupomontevideo.org/ndca/ndeducacionparalaintegracion/?page_id=2&lang=pt (consulté le 23 mars 2015).

Pour sa part les membres du PELSE œuvrent actuellement à l’uniformisa- tion des deux examens régionaux d’ELE et de PLE, le CELU et le CELPE-Bras respectivement. Ils s’intéressent également à la mise en place éventuelle d’un cadre régional commun de référence pour les langues en partant d’une analyse du CECR qui a mis en lumière les difficultés de son applicabilité aux réalités régionales. Ils travaillent également sur la création d’un programme d’échange d’assistants de langue à l’image du programme d’assistants de langues étrangères mis en place par le CIEP en France1.

3.2 UNILA : Université fédérale de l’intégration latino-américaine

L’UNILA a été créée le 12 janvier 2010 suite à une proposition de l’ancien Président du Brésil, Luiz Inácio Lula da Silva, en 2007. Son emplacement est tout aussi stratégique que symbolique puisqu’elle se trouve à Foz do Iguaçu, dans ce qu’on appelle la zone de la triple frontière entre le Brésil, l’Argentine et le Paraguay, en territoire binational (paraguayen et brésilien). Le projet initial concernait la création de l’Institut Mercosur de hautes études (IMEA) suite à un accord signé entre l’Université fédérale du Paraná et la centrale hydroélectrique d’Itaipu; cet institut deviendra la pierre angulaire de la future université.

Selon ce que l’on peut lire sur le site internet de l’UNILA2, le premier défi

de l’institution a été de créer une université sans frontières dans ce contexte géostratégique de triple frontière. Cette université est originale à plusieurs niveaux, entre autres, parce qu’elle est bilingue (portugais et espagnol) et parce que la moitié des places3est destinée à des étudiants latino-américains,

c’est également le cas pour les postes d’enseignants-chercheurs. Les forma- tions sont aussi innovantes pour la région, car l’objectif est de créer une masse critique capable d’apporter des réponses aux vulnérabilités propres à l’Amérique latine (Segabinazi Dumas, 2010). D’ailleurs, de nombreuses activités sont destinées à la réflexion sur l’intégration comme le « Forum permanent pour l’intégration de l’Amérique latine et de la Caraïbe » dans le cadre duquel plusieurs spécialistes de la région et d’Europe réalisent des conférences.

L’université propose également une licence en espagnol et portugais langues étrangères qui inclut une formation en littérature latino-américaine. La langue guarani et la LIBRAS (langue de signes brésilienne) font également

1. Des informations supplémentaires sur le PELSE sont disponibles sur : http://

grupomontevideo.org/ndca/ndlenguas/?lang=pt(consulté le 23 mars 2015).

2. www.unila.edu.br/.

partie de la maquette. Cette formation a été conçue en partant d’une prise de conscience sur la nécessité de fomenter un bilinguisme massif dans la région comme clef de voûte de l’intégration régionale.

3.3 EAPLOM/CIPLOM

La troisième initiative que nous souhaitons présenter concerne les asso- ciations de professeurs de langue. Comme l’explique Leffa (2008 : 362), les associations de professeurs jouent deux rôles principaux dans la formation des enseignants : un rôle interne qui consiste à mettre les professeurs en contact les uns avec les autres de façon à favoriser les échanges d’idées et d’expériences; et un rôle externe qui implique la défense des intérêts des associés. Il affirme également que les associations peuvent agir ensemble avec les autorités éducatives et gouvernementales pour mener à bien des projets politiques dans le secteur éducatif (ibid. p. 363).

Les associations de professeurs d’espagnol, de portugais et de guarani (langues officielles du MERCOSUR) ont depuis quelques années entrepris des actions pour accélérer le processus d’intégration régionale en prenant en considération le manque de dynamisme politique dans la matière et le besoin d’unir leurs efforts pour garder, en quelque sorte, la mainmise sur le grand marché linguistique que représente la région depuis la formation du MERCOSUR. Il faut dire que l’intérêt soudain pour la diffusion du portu- gais, et principalement de l’espagnol, dans le cadre du MERCOSUR a attiré l’attention d’institutions de diffusion de la langue espagnole comme l’Insti- tut Cervantes, qui a fait du pays lusophone l’un de ses principaux terrains d’expansion. Le Brésil est d’ailleurs le pays qui compte le plus grand nombre d’Instituts Cervantes, huit au total, répartis dans les plus grandes villes du pays. Cette présence n’a pas toujours été bien vécue par les responsables de la diffusion et de l’enseignement de l’espagnol localement — les enseignants et notamment les universitaires — qui ont parfois accusé l’Espagne, et plus particulièrement l’Institut Cervantes, de mener une politique néocolonialiste en Amérique latine1.

L’une des actions menées par les professeurs et les associations de professeurs des langues du MERCOSUR a été d’organiser des rencontres et des congrès qui leur permettent d’échanger sur la réalité des langues régio- nales d’un point de vue scientifique, mais aussi politique. Jusqu’à présent ils ont organisé trois CIPLOM, Congreso Internacional de Profesores de Lenguas

Oficiales del MERCOSUR1, et trois EAPLOM, Encuentro de Asociaciones de

Profesores de Lenguas Oficiales del MERCOSUR. Le premier CIPLOM a eu

lieu en 2010 et le thème du congrès a été « [l]angues, systèmes scolaires et intégration régionale »; le deuxième a eu lieu en 2013 et le thème choisi a été « [l]es langues dans la construction de la citoyenneté sud-américaine »; le tout dernier a eu lieu en 2016 et le thème a été « [p]olitiques de gestion du multilinguisme et intégration régionale ».

Ces rencontres ont donné lieu à des déclarations réunissant tous les points dont les associations de professeurs estimaient qu’ils devraient faire partie de l’agenda du MERCOSUR éducatif, en partant de la conviction que :

[...] le développement de l’enseignement de nos langues sud-américaines, à différents niveaux et dans des domaines divers, ainsi que le développement des recherches effectuées dans nos pays, constituent des instruments impor- tants pour le processus d’intégration régionale, car les langues tissent des liens entre les peuples au-delà des frontières des États2.

(Déclaration du IerEAPLOM, 2010)

Parmi les revendications des associations il est demandé :

— que l’enseignement de toutes les langues officielles du MERCOSUR, en tant que langues de l’intégration régionale, soit effectif dans le système éducatif de tous les pays membres et associés du MERCOSUR en prenant en considération la législation en vigueur;

— que les associations de professeurs de ces langues et les institutions éducatives supérieures responsables de la formation des profession- nels du domaine soient consultées et prennent part aux discussions dans le cadre du MERCOSUR éducatif;

— que soient créés des programmes réguliers d’échanges entre les pro- fesseurs de langue du MERCOSUR et que l’échange entre chercheurs soit développé davantage;

— que les programmes d’éducation interculturelle bilingue des zones frontalières de la région soient élargis et renforcés, à travers la partici- pation des institutions d’éducation supérieure ainsi que par les asso- ciations et institutions compétentes, de façon à fomenter la recherche, la réflexion et la formation des enseignants [...], entre autres.

1. Congrès international de professeurs des langues officielles du MERCOSUR. 2. « Considerando que o desenvolvimento tanto do ensino de nossas línguas sul-americanas em

diversos níveis e âmbitos como o das pesquisas realizadas em nossos países constituem instrumen- tos importantes do processo de integração regional porque vinculam os povos para além das frontei- ras dos Estados ». Traduction personnelle. Document disponible sur : https://drive.google.com/

file/d/0B9OGhJTClE7LNGU3YTEwODgtMDdmMS00OTI5LTgxMTctOGQ5ZWJkMmJhMTY5/view(consulté

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