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Hongrois : de la seconde à la première place

3 Serbie : situations minoritaires

3.1 Hongrois : de la seconde à la première place

La situation démographique de la population hongroise a changé suite aux conflits balkaniques de la fin du xxesiècle, sans que l’on parvienne à évaluer

avec précision le nombre de ressortissants hongrois qui ont décidé d’émigrer. Cependant, en dépit de cet exode en période de conflit, la minorité hongroise reste aujourd’hui la minorité la plus importante sur le plan démographique en Serbie. D’après le recensement de 20113, on dénombre 253 899 Hongrois,

ce qui représente 3,53 % de la population de la Serbie, mais pas moins de 13 % de la population de la province de Voïvodine.

L’exemple hongrois (cf. Djordjević, 2010) montre comment les oscillations du poids démographique peuvent, au gré des événements politiques, valoir du jour au lendemain à une population minoritaire le premier rang sur

1. Elle mènera vers la démission d’E. Chevardnadze et l’élection de M. Saakachvili. 2. Il va de soi que les chiffres et les pourcentages qui en découlent indiquent ce qui a été déclaré par les habitants au moment du recensement, mais, comme à chaque fois quand on a à faire avec le déclaratif, ne reflètent pas totalement la situation réelle.

3. Les données chiffrées et les pourcentages, cités dans la section 3, proviennent des résul- tats de différents recensements yougoslaves, puis serbes, réunis notamment dans Nacionalna

l’échelle démographique, sans qu’elle ne demande rien, et par le seul effet d’un conflit au sein d’une configuration plurilingue. Suite à l’indépendance du Kosovo en 20081, la Serbie s’est en effet retrouvée coupée de sa principale

population minoritaire, évaluée officieusement à presque deux millions de personnes2, ce qui, dans un jeu de chaises musicales, a promu les Hongrois

à la première place. Cette promotion au rang de première minorité de Serbie, et l’intérêt que porte la majorité à cette situation, sont renforcés par le fait que les magyarophones sont géographiquement regroupés en Serbie de façon relativement homogène. Ils sont en effet concentrés au nord du pays, mais des villes et des villages hongrois se trouvent également près de la frontière roumaine, rappelant qu’un autre découpage des frontières dans un passé encore proche a précédé celui qui est en vigueur aujourd’hui. 3.2 Albanais : de minorité dominante à minorité sous haute surveillance

À la fin des années quatre-vingt, la Yougoslavie, puis la Serbie, vont être confrontées à une crise aiguë au Kosovo, qui va durer jusqu’à l’indépendance de la province, en 2008. En effet, en réponse aux « tendances séparatistes » des Kosovars souhaitant proclamer leur République — le Kosovo n’ayant que le statut de province au sein de la République de Serbie —, le statut même d’autonomie a été supprimé et le pouvoir centralisateur de Belgrade a dissous les institutions provinciales. Cette décision a eu des conséquences linguistiques également : l’albanais, langue majoritaire dans les faits, ne pou- vait pas bénéficier de l’usage prépondérant. Il était considéré comme une langue minoritaire, souvent même minorée, tandis que la principale langue, la langue première de la province du Kosovo, était le serbe, langue du peuple « constitutif », mais démographiquement minoritaire sur le territoire de la province. L’indépendance a permis un certain retournement de la substitution

linguistique au Kosovo (cf. Djordjević Léonard, 2013). En effet, après l’indé-

pendance, l’albanais a retrouvé sa place dans l’administration, les médias, et surtout à tous les niveaux du système éducatif. Cela dit, la fonction de la langue basse (sur l’échelle diglossique) revient désormais à la langue serbe, qui connaît à son tour des risques de substitution au Kosovo. On voit là un retour de bâton historique de plus, résultant de l’effet « boîte de Pandore » d’une politique nationaliste.

En perdant sa province, la Serbie a perdu aussi sa principale minorité. Elle n’a pas pour autant perdu toute la population albanaise. Elle compte

1. À ce jour, la Serbie n’a pas encore accepté ni reconnu l’indépendance du Kosovo. 2. Il est difficile de disposer de données précises pour la population albanaise, car celle-ci a massivement boycotté les derniers recensements qui ont précédé l’indépendance.

aujourd’hui officiellement, d’après le recensement de 2011, 5 809 Albanais, ce qui représente 0,08 % de la population, la réalité étant pourtant très différente. Ce chiffre ne reflète pas la situation réelle, car la majorité de la population albanaise a refusé de participer au recensement (Nacionalna

pripadnost-Ethnicity, 2011). Les Albanais peuplent essentiellement les com-

munes du sud, celles de Preševo, de Bujanovac et de Medveđa, frontalières avec le Kosovo. Tiraillés entre le Kosovo indépendant, mais aux prises avec les difficultés économiques, et la Serbie, par ailleurs affairée pour tenter d’empêcher la reconnaissance du Kosovo par la voie diplomatique, la mino- rité albanaise du sud de la Serbie se situe dans cet entre-deux, ou cette zone grise sur le plan géopolitique, qui la fragilise. Le bombardement de la Serbie n’a pas amélioré les relations interethniques, et les difficultés écono- miques du sud de la Serbie traditionnellement pauvre, ont poussé un certain nombre d’albanophones de ces trois communes à émigrer. Cependant, la surveillance ou la veille médiatique constantes dont elle fait l’objet, rend la position de la minorité albanaise très délicate, d’autant plus que les Albanais de la Serbie méridionale habitent dans une zone à risque : une zone minée par le risque de sécession, avant tout.

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