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Conclusion du chapitre 2

3.3. Les portraits

Lors du recueil de récits de vie, nous avons été confrontées à un corpus volumineux de vingt-huit entretiens réalisés, certains entretiens durant plusieurs heures. Notre objectif a été d’en faire une analyse complète et cohérente. Concernant la présentation globale de chacun de ces entretiens (les transcriptions), notre idée a été d’élaborer un portrait synthétique de chaque migrant d’après son récit. Le profil des brésiliens interviewés n’est pas toujours représentatif de la diversité culturelle du Brésil.

3.3.1. Le profil du migrant brésilien : la question de la représentativité

La notion de représentativité reste un problème à résoudre pour les enquêtes sociologiques de niveau macro ou quantitatives et trouver un échantillon représentatif dans un pays aussi diversifié que le Brésil constitue une gageure. Les vingt-sept régions qui composent le pays possèdent des caractéristiques propres à chacune, parmi lesquelles l’accent, les habitudes et le mode de vie. Cette richesse culturelle de chaque région est portée par chacun de ses habitants ; c’est une marque identitaire, souvent évoquées par les personnes interrogées dans le cadre de cette étude194. Notre étude illustre la diversité géographique du Brésil par l’hétérogénéité des origines régionales d’un migrant à l’autre. En effet, les interviewés sont issus de 8 états différents et, pour la plupart, de la région Sud-est du pays (qui se compose des états de Minas Gerais, São Paulo, Rio de Janeiro et Espírito Santo). 7 brésiliens sont nés ou ont vécu la majorité de leur vie au Minas Gerais (André, Natalia, Yasmin, Yvonne, Lorena, Roberta et Valesca), 7 dans l’état de São Paulo (Carlos, Soraia, Florence, Fatima, Karina, Valentina et Paula) et 4 dans l’état de Rio de Janeiro (Ricardo, Tassiana, Flavio et Alessandra).

194 Nous avons cité quelques extraits d’entretiens pour exemplifier cette marque identitaire donnée par les migrants interviewés, selon leur opinion. Annexe 3.

Pour la région Nord-est du pays, 4 interviewés viennent de l’état de Bahia (Clarinda, Lena, Gustavo et Dênis) et une seule, Daniela, de celui du Ceará. Dans la région nord du Brésil, 3 personnes interrogées viennent de l’état de Belém (Laura, Jussara et Talita). Et pour la région Centrale, une personne (Mariana) vient de l’état de Goiás, et une autre (Valéria) du District Fédéral, plus précisément de la capitale du pays, Brasília.

Il était intéressant de constater que la diversité des origines régionales s’est dessinée spontanément sans recherche particulière d’un profil de migrant. Ci-dessous, la carte du Brésil avec les états originaires des migrants interviewés. En rouge, nous avons les états représentant les lieux de naissance, mais aussi les lieux où les brésiliens interrogés ont été élevés.

Figure 2 : En rouge, les états dont les brésiliens sont originaires ou dans lesquels ils ont vécu une bonne partie de leur enfance / adolescence.

Le critère de sélection des brésiliens à interviewer était, en effet, d’habiter en France depuis au moins un an (et que cette migration ne soit pas due à un échange universitaire, sachant que l’échange est limité à un an). Nous souhaitions surtout rencontrer des sujets migrants bien établis en France.

Du Nord au Sud du pays, nous avons rencontré des migrants brésiliens représentant divers niveaux socio-économiques195 et surtout, semble-t-il, une classe moyenne désireuse d’améliorer sa qualité de vie. Pourtant, pour citer le travail de recherche sur l’Inde de Madhura Joshi (2012 : 102), « l'appellation « classe moyenne » peut être trompeuse ». Cette affirmation est valable pour le Brésil. Cette catégorisation sociale est floue et bien loin d'être homogène. « Il s'agit plutôt d'une construction politique et idéologique. Différentes couches sociales se regroupent sous cette dénomination anglaise (middle class) » (Idem. : 103).

Au Brésil, ils exerçaient divers métiers comme par exemple, journaliste, dentiste, employé de magasin ou étudiant et avaient divers niveaux de scolarité, avec une maîtrise variable de la langue portugaise et de la langue française. Le contenu des récits témoigne de ces parcours scolaires et professionnels et la forme du récit, le langage, rend compte, lors des entretiens, de la précision du verbe ou au contraire de fautes de grammaire (mauvaise conjugaison des verbes, par exemple) situées au-delà d’une communication informelle.

Concernant la représentation hommes/femmes parmi les personnes interrogées, cette étude met en évidence une majorité de brésiliennes migrantes ayant souhaité participer196. Il s’agit d’un résultat en corrélation avec des études antérieures sur les migrations entre le Brésil et la France.

195 Nous choisissons de classer les brésiliens interviewés selon un cadre socio-économique moyen ou faible, à partir des informations du récit. Annexe 4.

196 Nous avons sélectionné quelques extraits qui évoquent la place de la femme brésilienne en contexte migratoire. Annexe 5.

Pour cette étude, les personnes interrogées devaient habiter en France depuis un certain temps, s’être installées professionnellement ou affectivement et avoir effectué des démarches pour légaliser leur séjour. En ce qui concerne dernier critère, un certain nombre de personnes interrogées n’a pas souhaité clarifier la question des papiers. Le plus important reste le vécu de chacun et la manière dont il est raconté.

3.3.2. Les portraits des migrants brésiliens

Nous ne connaissons de nous-mêmes que celui que les circonstances nous ont donné à connaître (j’ignorais bien des choses de moi) (Paul Valéry, 1960)

Nous ne nous connaissons jamais assez. Il suffit que nous commencions à parler de nous-mêmes pour découvrir un événement oublié ou un souvenir endormi. Et nous ignorons aussi de quoi nous sommes capables. Le fait de parler, de raconter une histoire est comparable à l’activité d’un sportif qui s’entraîne pour une compétition. Il faut de la discipline, de la rigueur et beaucoup d’entraînement. Lorsque le sujet parle de lui, le discours n’est souvent ni maîtrisé ni contrôlé. Il est fluide et laisse échapper les traces de son inconscient et de son désir intime.

Ce que nous essayons d’identifier, ce sont ces traces qui échappent au discours. Nous avons recueilli trente-cinq entretiens, mais nous n’en utiliserons que vingt-huit pour notre analyse. Certains entretiens de la pré-enquête ne sont pas exploitables (mauvaise qualité des enregistrements ou manque d’informations nécessaires.) Chaque récit est une histoire singulière, unique et pleine de sens. Elaborer son récit de vie, c’est essayer de « condenser [sa propre] singularité »

(Lahire, 2002)197 et les portraits que nous présenterons sont une façon de « cerner le personnage » (Idem.).

Nous avons décidé de tracer le portrait de chaque migrant brésilien interviewé dans le désir de familiariser le lecteur avec chacun des sujets, sujets dont nous analyserons le discours par la suite. Faire ces portraits permet de mieux connaître les personnes interrogées et d’entrer un peu dans leur intimité. Le portrait résume l’entretien et en évite la lecture intégrale ou en propose une traduction synthétique si les lecteurs ne maîtrisent pas le portugais. Les entretiens intégraux se trouvent dans le Volume 2 de ce travail. Ne sont traduits en français que les passages utilisés pour les analyses de discours.

Il nous a paru plus adapté de ne pas attribuer aux personnes interviewées un numéro ou une simple lettre de l’alphabet pour les identifier198. Nous avons choisi de les présenter par le biais d’un nom fictif afin de ne pas déshumaniser leur histoire. Finalement, grâce au portrait, synthèse de cette histoire, il sera possible de se familiariser avec le parcours de chacun et d’appréhender plus intimement la subjectivité de leur récit de vie.

197LAHIRE Bernard, 2002, Portraits sociologiques. Dispositions et variations individuelles, Paris, Nathan.

198 Les autres personnes apparaissant dans le discours, elles seront identifiées par une lettre de l’alphabet car leur rôle dans le récit reste secondaire.