• Aucun résultat trouvé

Nom Clarinda

Âge 37 ans

Origine Feira de Santana – Bahia

Profession au Brésil Non identifié

Région en France Paris

Profession en France Cuisinière et femme de ménage

État civil Célibataire - 1 enfant

Niveau de scolarité Niveau Secondaire incomplet

Vit en France depuis… 11 ans

La rencontre avec Clarinda est aussi le fruit d’une amitié que nous avons en commun. Depuis le départ, nous savions que prendre un rendez-vous avec cette femme n’allait pas être une tâche facile, car son emploi de temps est assez chargé. Nous n’avons pas eu d’autre option que de réaliser l’entretien sur son lieu de travail, à savoir une cuisine de restaurant. Clarinda travaille dans un restaurant Cap Verdien qui réalise des spécialités de ce pays ainsi que quelques plats

brésiliens. Durant la journée, elle travaille comme femme de ménage chez des particuliers. Dans la cuisine, elle était accompagnée d’un collègue et parfois, la responsable du restaurant se manifestait pour voir si tout allait bien.

Conditions de l’entretien

Clarinda est une femme simple et elle était très contente de participer à ce travail, car elle n’avait encore jamais participé à une interview. Elle était disposée à raconter beaucoup de choses, mais malheureusement son travail ne le lui a pas permis. À un moment de l’entretien, la propriétaire du restaurant est venue voir l’enquêtrice pour demander d’arrêter l’enregistrement car, pour elle, Clarinda n’arrivait pas à travailler et à parler en même temps. Nous avons tout de même décidé de travailler avec les quelques informations que nous avons obtenues de la part de cette femme. Clarinda est la sœur de Gustavo, dont nous reproduirons l’entretien par la suite.

Enfance

Clarinda a commencé son récit en racontant qu’elle était née à Feira de Santana (Bahia). À l’âge de onze ans, elle est partie vivre à Salvador chez une tante. Elle a six frères et sœurs et son père est tombé malade alors que les enfants étaient petits (« Les six sont restés avec ma mère et moi je suis allée habiter avec

ma tante, à Salvador »). Clarinda n’a pas dit pour quelle raison elle a été la seule à

quitter le foyer familial si jeune. Elle a parlé de la mort de son père sans manifester un quelconque sentiment (« Mon père est tombé malade très tôt il avait une trentaine d’années et avait un problème au dos. Il est mort l’année dernière,

non pas l’année dernière cette année, ça fait deux mois »). Ce doute quant à la

période du décès de son père peut indiquer une certaine indifférence à l’événement (« Je n’ai pas pu y aller. J’étais ici, ça fait deux mois qu’il est mort.

Famille et enfance

La migrante a discouru brièvement sur ses frères et sœurs et a expliqué qu’elle possédait deux frères habitant à Paris et travaillant dans le bâtiment. Clarinda est célibataire et dit qu’elle espérait pouvoir trouver son âme sœur. Cependant, elle n’a pas d’espoir que cela se fasse en France (« Pour moi c’est brésilien, j’aime les brésiliens. Je n’aime pas les français, je n’aime pas les

portugais »). Elle est revenue sur son enfance à Feira de Santana et a parlé du

quartier où se trouve la maison de sa mère, une maison dans laquelle cette dernière vit encore (« J’habite là-bas dans un quartier, c’est un petit quartier. Ma

mère y habite encore aujourd’hui et je n’aime pas trop là-bas »). Clarinda n’aime

pas cet endroit car elle l’estime très violent. Petite, la migrante jouait à des jeux de garçon, car ses parents n’avaient pas d’argent pour lui acheter des poupées (« J’ai toujours joué à des jeux de garçons, jouer aux billes, jouer avec les pneus de

voiture. Pas de poupée il n’y avait pas de poupée (rires). À l’époque les pauvres

n’avaient pas d’argent pour acheter des poupées »). Elle a dit ne pas garder de

bons souvenirs de son enfance car ses frères l’ont beaucoup frappée (« Une bonne chose de mon enfance, il n’y avait pas de bonnes choses (rires). Avec mes frères ce qui m’a beaucoup marqué c’est ils me frappaient beaucoup. Je prenais

beaucoup de coups (rires), de mon frère aîné »). Le rire est peut-être une façon de

cacher toute la souffrance physique que la brésilienne a vécu. Elle répète souvent le mot « beaucoup » pour témoigner de cette peine.

Agressions physiques et conflits

Clarinda a eu une enfance marquée par les agressions physiques. Elle a expliqué que, dans son quartier, il y avait des enfants qui utilisaient des drogues et ses parents la croyaient aussi consommatrice (« Dans la rue où j’habitais, il y avait beaucoup de garçons qui se droguaient et tout. Ils [les frères] me frappaient parce qu’ils ne voulaient pas qu’on parle avec eux. Mais, je parlais à tout le monde, je ne me suis jamais droguée. On était beaucoup frappés par nos parents à cause de ça. Et je parlais mal à mon père et il demandait mon frère de courir

montre le conflit entre Clarinda et son père et ce depuis l’enfance. Elle utilise le pronom « il » pour faire référence à son père. Cela peut être une raison pour laquelle la Clarinda ne s’est pas montrée réellement touchée par le décès de son père.

Les drogues et l’entourage

Par rapport aux drogues, Clarinda a assuré n’en avoir jamais utilisé. Aujourd’hui, deux de ses nièces qui vivent au Brésil sont des consommatrices et ont vécu des moments difficiles à cause de l’addiction (« J’ai ma nièce qui a seize ans qui consomme des drogues. Il y en a une autre qui, il y a trois ans a été violée

par un voisin. Elle est tombée enceinte »). Elle développe sur la situation de ses

nièces (« Elle avait treize ans. Du coup, j’aidais ma sœur pour lui donner des médicaments. Ma sœur est allée à la police mais rien n’a été fait le bébé est mort-né parce qu’elle a pris beaucoup de médicaments. Le mec est en prison, mais pas

à cause de ça, mais parce que c’était un voleur tueur »). Nous remarquons que la

situation de la famille de Clarinda est difficile, car ils habitent dans un quartier dangereux, où la drogue, la violence et la prostitution sont présentes dans le quotidien des gens. La situation de ses deux nièces inquiétait notre migrante. Parfois, elle envoyait un peu d’argent pour pouvoir aider sa sœur avec ses deux filles.

Contexte de l’entretien : interruption

La responsable de Clarinda est venue une première fois pour savoir ce qu’il se passait puis nous avons continué notre entretien. Clarinda a rassuré sa patronne en lui disant qu’elle n’avait pas encore beaucoup de travail (« Il y a juste des choses à manger pour l’entrée. Dès qu’il y aura beaucoup de commandes elle

va descendre »). Nous avons dû interrompre notre conversation, car Clarinda

L’école et les difficultés

Lorsque nous avons repris l’entretien, Clarinda a commencé à retracer sa période scolaire. Elle n’a pas fait beaucoup d’études car il fallait un uniforme pour aller à l’école et ses parents n’avaient pas les moyens de lui en payer un (« Ah ça été difficile à l’époque. J’ai peu étudié parce que à l’époque il fallait avoir un uniforme : chemise blanche, pantalon bleu et chaussures noires et du coup ma

mère arrivait à acheter le pantalon, mais il manquait la chemise »). Clarinda a

raconté des moments pénibles de cette période quand sa mère devait travailler pour nourrir la famille (« Et ma mère, elle n’avait pas d’argent, soit elle achetait de la nourriture, du pain pour nous, soit elle achetait les affaires d’école. Il y avait une époque qu’on ne rentrait pas et on restait dans la rue à jouer et arrivait à la maison et mentait en disant qu’on était allé à l’école. Mais, on n’avait pas

réussi à rentrer à l’école »). Nous pensons que cet empêchement d’aller à l’école

a beaucoup marqué notre interviewée, car elle se souvient de la composition exacte de l’uniforme (couleurs des pièces). De plus, nous supposons que, pour ne pas décevoir sa mère, elle mentait en disant qu’elle allait à l’école.

L’humiliation

À peine notre interview reprise, la patronne est apparue une deuxième fois et a dit que Clarinda n’arrivait pas à travailler et à parler en même temps (La patronne : « Clarinda n’arrive pas à travailler quand quelqu’un lui parle, elle ne

sait pas travailler en parlant. Nous, on sait, mais pas elle »). Nous avons trouvé le

discours de sa patronne assez humiliant, mais nous avons respecté la demande afin de ne pas créer d’ennuis à Clarinda. La migrante s’est défendue en disant que les commandes n’étaient pas encore arrivées. Nous avons donc poursuivi la conversation et elle nous a raconté sa venue en France. Elle a expliqué sa dure journée de travail (« Je fais le ménage la journée, je fais deux maisons, ça fait huit

Départ pour la France

Clarinda est arrivée en France suite à l’invitation d’une amie française qu’elle a connue au Brésil. Comme elle habitait chez ses ex-beaux parents, elle voulait avoir son coin à elle (« Je voulais acheter une maison parce que je ne

voulais plus habiter chez mon ex-belle-mère »). Ainsi, son amie française lui a

proposé de venir travailler en France, afin de mettre de l’argent de côté et retourner au Brésil pour acheter sa propre maison. Clarinda est alors venue en tant que touriste pour tenter sa vie ici. Après un an de vie dans le pays, elle s’y est plu et a décidé d’amener sa fille pour vivre avec elle. Elle a cité l’existence de sa fille seulement à ce moment de l’enregistrement. Clarinda a confessé qu’elle n’a pas de titre de séjour pour vivre légalement en France (« J’ai fait la demande de papiers et j’attends la réponse. C’est difficile parce que on n’a aucune aide, on ne

peut avoir aucune aide »). Nous supposons également que c’est pour cette raison

que Clarinda n’a pas pu aller au Brésil pour l’enterrement de son père. Elle a gardé une grande discrétion pour parler de son illégalité.

Apprentissage du français

Quant à l’apprentissage de la langue, Clarinda a éprouvé beaucoup de difficultés à apprendre, cela lui faisait mal à la tête (« Au début ça été difficile.

J’avais beaucoup des maux de tête parce que je ne comprenais rien »). Cette peur

de ne jamais réussir à parler français, elle l’associe à sa propre langue maternelle

Je me disais : putain je ne vais jamais réussir à parler le français parce que

même parler le brésilien je ne savais pas correctement. Je regardais les brésiliens parler, même avec des fautes je trouvais jolie parler. Putain je ne vais jamais

parler (rires) »). Elle a affirmé qu’elle a appris un peu plus le français grâce à son

premier patron lorsqu’elle a commencé à travailler en tant que femme de ménage dans un vidéo-club. Notre conversation a dû se terminer ainsi car sa responsable est venue lui interdire de parler davantage.