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Influences de la langue et de la culture françaises au Brésil du XXème siècle à nos jours

Contexte historique, théorique et méthodologique

Chapitre 1 : Contexte socio-historique de la thèse

1.1. France / Brésil : bilan d’une histoire (é) mouvante

1.1.3. Influences de la langue et de la culture françaises au Brésil du XXème siècle à nos jours

Au XXème siècle, les idées françaises importées par les brésiliens étaient porteuses d'une autre dimension, particulièrement centrées sur les constructions et l’urbanisme tels le projet de l’Avenida Central (Avenue Centrale) à Rio de Janeiro qui imite les boulevards parisiens, ou les terrasses de cafés, les noms de magasins (Elle et Lui, La folie, Victor Hugo36) et la façon de s’habiller, calquée sur les habitudes vestimentaires des parisiens. Même le Théâtre Municipal de Rio de Janeiro se voulait similaire à l’Opéra Garnier. Les pièces théâtrales devaient être construites suivant les schémas de la comédie française. Pendant plusieurs années, la ville de Rio de Janeiro fut la capitale du Brésil, jusqu’à la construction de Brasília, en 1960. Or, le Christ Rédempteur, symbole de la ville, fut construit avec le concours d’un sculpteur français d’origine Polonaise, Paul Landowski, qui réalisa les bras et le visage de la sculpture. Landowski construisit un modèle de quatre mètres du Christ tel qu'il l’envisageait.

Au-delà des apports architecturaux, on peut encore relever d'autres symboles marquants de l'influence française au Brésil, comme par exemple la présence, encore vivante et toujours d’actualité de la doctrine spirite, développée par le Français Allan Kardec.

Les mouvements littéraires français furent le pilier de l’histoire artistique et littéraire du Brésil dans les années 20 et 30. Malgré cette influence si intense, Oswald de Andrade s'affranchit de la tradition, devint le meneur des mouvements d’avant-garde et lança la semaine de l’Art Moderne (1922) à São Paulo. Pour une fois, les attentions portées à la culture et à l’art se tournèrent vers une autre ville brésilienne. Viotti da Costa (2000)37 nous montre dans son article que les raisons pour lesquelles Rio de Janeiro fut plus influencée que sa voisine par les idée!

36 Les noms cités des magasins existent toujours à Rio de Janeiro et se trouvent à: http://www.riodesignbarra.com.br. Consulté le 12/04/2015.

37 VIOTTI DA COSTA Emilia, 2000, « Alguns aspectos da influência francesa em Sao Paulo na segunda metade do século XIX » in Revista de História 142-143, p. 277-308.

françaises s’expliquent également par une stratégie géographique. En outre, São Paulo, n’avait pas de port pour accueillir les navires européens, ce qui occasionna longtemps un certain retard de la diffusion des influences étrangères. Ce mouvement artistique eut pour objectif la libération de l'idéal esthétique du XIXème siècle qui était encore à la mode au Brésil. Cette rupture avec l’Europe et ses idées « anciennes » fit fureur au Brésil qui vivait des moments politiques difficiles. Les participants de cette semaine artistique recherchaient la modernité, notamment à travers une valorisation nationaliste des arts et la recherche d’une identité propre au pays38.

Tout comme les français marquèrent l’histoire brésilienne, certains brésiliens participèrent à l’essor du progrès technique et marquèrent l’histoire de la France (Roman de Oliveira, 2007). Le franco-brésilien Alberto Santos Dumont fut l’un de ces personnages qui contribuèrent aux grandes innovations scientifiques et techniques de l'histoire de l’aviation de France. Il résida en France durant une partie importante de sa vie, y construisit des ballons dirigeables et participa à des compétitions de navigation aérienne. Il existe à Paris une rue qui porte son nom.

En dehors des échanges culturels qui sont le fruit d'initiatives individuelles de la population, nous devons prêter attention aux échanges promus par le Ministère des Affaires Étrangères. En 1885, fut créée la première Alliance Française à Rio de Janeiro (Santiago, 2009). Sa mission était d'encourager la diffusion de la langue et de la culture française. Comme le français était une langue obligatoire dans les collèges brésiliens à l’époque, le psychologue Georges

38 Parmi plusieurs participants, nous citons Tarsila do Amaral, femme, brésilienne et artiste qui a su s’imposer dans une époque de ruptures avec les traditions. « Tarsila do Amaral est peut-être celle qui exprima le mieux cette transformation subite de langage, de thématique et de conscience. (…) Tarsila do Amaral réussit à intégrer les cercles internationaux de l’avant-garde établis à Paris grâce à de nombreuses stratégies, notamment son inscription en tant qu’élève dans les ateliers déjà célèbres d’Albert Gleizes, d’André Lhote et de Fernand Léger ». (SIMIONI Ana Paula Cavalcanti, 2013 « Modernismo brasileiro: entre a consagração e a contestação », in : Perspective [Online], 2, p.4.

Dumasa pris l’initiative de la construction d’un lycée français à Rio de Janeiro en 1915 et à São Paulo en 1923.

En 1934, grâce à la participation et aux efforts d'intellectuels français comme Claude Lévi-Strauss, Roger Bastide et Fernand Braudel, l’Université de São Paulo fut fondée. « Initialement, ces hommes de science voyaient dans le Brésil un champ privilégié d’études. Mais, progressivement, ils se laissèrent prendre par leur objet qui les transforma, les « brésilianisa » » (Carelli, 1993 : 193). Grâce à ce nouveau regard, l’image que les français avaient du Brésil évolua, notamment à la suite de la publication du livre Tristes Tropiques de Claude Lévi-Strauss, 1955.

La France continua d'impressionner les Brésiliens par les manifestations et les luttes pour les droits de l’Homme. Le mouvement de mai 68 à Paris inspira les révoltes des étudiants contre la dictature au Brésil. Ces mouvements étudiants furent à l'origine des échanges et influences universitaires comme l'explique Roman de Oliveira (2007 : 19) :

Les échanges universitaires et institutionnels commencèrent alors à se multiplier et, en 1975, on assista à la signature d’accords comme le CNRS-CNPQ, puis, en 1978, le CAPES-COFECUB, l'un de plus anciens accords bilatéraux dans ce domaine. Depuis lors, des milliers d’académiciens brésiliens et français sont réciproquement invités chaque année, comme ce fut le cas de l’ex-Président du Brésil (de 1995 à 2002) Fernando Henrique Cardoso qui fut Directeur associé d'études à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales de Paris et professeur invité au Collège de France et à l'Université de Paris-Nanterre.

2005 fut l’année de la création, par les gouvernements français et brésilien, d'un événement destiné à marquer et renforcer les liens déjà existants. Ils lancèrent l’année du Brésil en France, avec pour objectif la promotion de la diversité culturelle. Roman de Oliveira (Ibid.: 21) résume bien ce que l’événement représente : « Les saisons culturelles ont pour objectif de promouvoir et de renforcer les liens entre les pays, non seulement dans le domaine culturel, mais aussi dans les domaines scientifique, technologique et économique ». En 2009,

eût lieu l’année de la France au Brésil39. Cette rencontre, placée sous le signe des accords économiques alors en projet, avait également pour but de contribuer au renforcement des liens entre les deux sociétés. Une semaine de découvertes de la langue et de la culture française fut proposée à tous les brésiliens.

Nous pouvons constater que les rapports franco-brésiliens ne datent pas d’aujourd’hui. En effet, ils n'ont cessé de s'intensifier à mesure que la dimension économique reprend une place de premier ordre. Selon la Chambre de commerce France-Brésil et d'après les données de 2008, le Brésil est le premier partenaire de la France en Amérique Latine. La France est le 8ème fournisseur du Brésil et devient son 13ème client. La population d’étudiants brésiliens en France compte environ 3379 étudiants pour l’année 200940. Ces étudiants brésiliens sont les premiers bénéficiaires de l'enseignement de la langue française au Brésil. La communauté francophone s'appuie notamment sur le réseau de l'Alliance Française, avec 40 associations présentes dans presque tous les états brésiliens. En outre, les grandes villes comme São Paulo, Rio de Janeiro, Brasília et Natal comptent des lycées français, de la petite section à la Terminale (Santiago, 2009). L’apprentissage de la langue française peut s'effectuer également dans des centres de langues privés ou des cours de langues étrangères proposés par les Universités. Peu de recherches ont été réalisées sur les migrations brésiliennes et le flux migratoire France-Brésil. Nous connaissons quelques travaux de recherche de brésiliens installés aux États-Unis, en Guyane Française, au Portugal et dans d’autres pays de l’Europe, mais très peu sur les brésiliens qui séjournent en France. Les articles d’Almeida (2013), Sales (1994), Roman de Oliveira (2007), nous seront essentiels pour leurs informations concernant les brésiliens installés en France.

!"

Quelques informations concernant cet événement in : http://www.institutfrancais.com/fr/saisons/france-au-bresil. Consulté le 07/09/2015.

40 Pour plus d’informations concernant les l’étudiants en France, selon Campus France :https://ressources.campusfrance.org/publi_institu/agence_cf/dossiers/fr/dossier_12_fr.pdf . Consulté le 07/09/2015.

Selon Almeida (2013), le flux migratoire brésilien explose dans les années 1980 avec la crise économique qui perturbe le pays. Comme toute crise, des problèmes d’emploi et des conditions de vie difficiles conduisent les brésiliens à émigrer. À cette époque, les trois pays qui reçoivent le plus de brésiliens sont les États-Unis, le Japon et le Portugal. La culture américaine a toujours eu une forte influence sur le mode de vie des brésiliens. Le « rêve américain » semble être touché du doigt avec la crise du Brésil et les États-Unis constituent la destination principale des brésiliens. Pour le Japon, il existe un mouvement de reflux offert par la population japonaise au Brésil comme main d’œuvre. En effet, les descendants de japonais installés au Brésil souhaitaient offrir une rétribution avec une main d’œuvre envoyée au Japon, proportionnelle à l’immigration japonaise du XXème siècle. Le Portugal est également une destination recherchée par les brésiliens car liée à l’histoire coloniale, l’absence de barrière linguistique incitant les brésiliens à tenter leur vie sur un autre continent.

Le choix de la France comme lieu de migration est, selon Almeida (2013) dû à l’événement du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Avec un contrôle des frontières renforcé, la migration illégale vers ce pays est devenue plus compliquée. D’autres pays tels que l’Italie, Le Royaume-Uni et l’Espagne ont attiré l’attention des brésiliens, malgré la difficulté des politiques d’accès (demande de visa, adaptation linguistique). C’est ainsi que « le flux Brésil-France après 1980 démontre comment la « migration internationale » se voit composée d’une mosaïque de modalités migratoires étant donné l’existence de la mobilité de travailleurs hautement qualifiés, de la migration professionnelle, de la circulation étudiante et des déplacements motivés par l’affectivité, des flux de réfugiés, entre autres41 » (p.186).

41O fluxo Brasil-França após 1980 é uma evidência de como o tipo “migração internacional” vem sendo composto por um mosaico de modalidades migratórias, dada a presença da mobilidade de trabalhadores altamente qualificados, da migração laboral, da circulação estudantil, dos deslocamentos motivados pela afetividade, dos fluxos de refugiados, entre outros ». (notre traduction)

De nos jours, la façon de migrer a changé ; la décision de partir, l’endroit choisi, la façon de s’y installer ont changé. L’existence de liens historiques et culturels joue un rôle important dans le choix du pays de destination, selon Almeida (2012)42 mais, par l’intensification du processus de mondialisation, nous sommes amenés à découvrir une nouvelle façon de migrer. Ce travail de recherche permet d’observer le fait que le désir de partir des migrants brésiliens est, avant tout, lié à un rapport historique ou culturel. Partir est devenu un besoin inconscient.

Parce que la société actuelle cherche à déterminer une typologie des mouvements migratoires, quelques définitions récentes s’imposent : l’individu qui part est un émigré, celui qui arrive est un immigré, celui qui part pour des problèmes politiques, un réfugié et un exilé et celui qui quitte un pays pour aller dans un autre, un migrant. Tous les phénomènes sociaux ont des frontières mouvantes, d’où la difficulté de proposer des définitions statiques. Il semble donc important d’éclairer ces termes avec plus de précision afin de situer notre sujet migrant brésilien.