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Nom Daniela

Âge 37 ans

Origine Sobral – Ceará

Profession au Brésil Dentiste – Orthodontiste

Lieu de résidence Paris

Profession en France Assistante dentaire

État civil Mariée - 2 enfants

Niveau de scolarité Niveau Universitaire (licence)

Vit en France depuis… 7 ans

L’entretien avec Daniela s’est déroulé dans son appartement en banlieue parisienne. Elle vit avec son mari et ses deux enfants dans un quartier bourgeois. Le contact s’est fait par téléphone car nous avions une amie en commun. Daniela nous a reçue chez elle, alors que son mari s’apprêtait à sortir avec son fils aîné. Son fils cadet étant avec la nourrice, nous étions seules dans l’appartement. Daniela est une femme très expressive et qui a raconté certains passages de sa vie avec beaucoup de détails.

Origines et importance de l’école

Daniela a commencé à parler de son lieu de naissance et de son déménagement à l’âge de six ans (« Je suis allée habiter à Fortaleza à l’âge de six ans, à cause des études. J’avais déjà une sœur aînée. Ma mère voulait qu’elle

commence dans une bonne école en pensant au baccalauréat »). Nous allons

observer que, durant le récit, l’environnement de l’école est très important pour la jeune femme. Issue d’une famille de trois sœurs, elle a essentiellement évoqué son parcours scolaire et universitaire.

Devenir médecin : un rêve inachevé

Elle a débuté son discours par son désir, jamais assouvi, d’entrer en faculté de médecine (« J’ai étudié en école privée. J’ai toujours été studieuse, toujours eu de bonnes notes. Je voulais faire la faculté de médecine j’ai essayé deux fois et je

n’ai même pas réussi la classification »). Ne pas réussir à intégrer la faculté de

médecine est une défaite que Daniela a longtemps gardée pour elle. Elle a essayé alors d’intégrer la faculté d’odontologie (qui, au Brésil, ne fait pas partie de la faculté de médecine) en se disant fatiguée d’essayer en vain (« Du coup pour le troisième examen, j’ai mis odontologie et je ne l’ai dit à personne. J’étais fatiguée d’étudier et ne pas réussir. Je voulais réussir en tout. J’arrivais dans la vie, tout

ce que je faisais je voulais y arriver … J’étais fatiguée d’être vaincue »). Daniela

a dit être frustrée et déçue de ne jamais avoir pu réaliser son rêve de devenir médecin, même si elle essaie de se consoler avec son métier de dentiste (« Je suis heureuse en odontologie, mais je pense que je serais plus heureuse si j’avais fait

médecine … Pourquoi n’ai-je pas essayé ?! »).

Devenir médecin en France : une autre déception

Elle a raconté brièvement ses démarches, restées vaines, pour entrer en faculté de médecine une fois en France. Elle a raconté qu’elle avait tenté d’y réaliser son rêve, mais que le parcours était aussi difficile qu’au Brésil, voire plus puisque, en France, elle avait fait seulement deux tentatives pour intégrer la faculté (« Je suis allée à la faculté de médecine pendant une année. La première année, en vérité, est une préparation au concours. Je n’ai pas été reçue. J’ai recommencé ensuite, sans obtenir de place d’élection et du coup alors les portes

se sont fermées »). La jeune femme a alors songé à préparer un concours destiné

aux étrangers dans le domaine de la santé. Au delà du nombre de places très limité et des concurrents plus expérimentés, Daniela a rappelé le problème de la langue

Même si je parle très bien le français, ce n’est pas la même chose. Je n’écris

pas comme une française »). Elle reconnaît que sa façon d’écrire ne peut pas être

comparée à celle d’un natif et cette situation a dû la pénaliser pendant les examens.

Période scolaire et langues étrangères

Elle est revenue sur ses années scolaires au Brésil en racontant qu’elle était une bonne élève (« J’ai toujours été très studieuse. J’aimais ça. J’ai toujours été sage, calme. J’ai toujours été organisée, j’aimais étudier. J’ai toujours été la

petite chouchou des professeurs »). Daniela s’est comparée à sa sœur cadette qui

était tout le contraire d’elle (« Elle était paresseuse avait de mauvaises notes,

toujours de mauvaises notes. Elle détestait être comparée à moi »).À l’école,

Daniela avait des cours d’anglais, mais elle les estimait de faible niveau. Pour pratiquer davantage, elle échangeait des lettres avec des anglophones. Elle aimait étudier l’anglais, même si son père ne pouvait pas lui offrir un cours privé de langues.

La double vie de son père

À ce moment de l’entretien, Daniela a révélé que, si son père ne pouvait pas financer un cours d’anglais, c’est parce qu’il menait une double vie. Il avait une autre famille et une autre femme tout en étant marié avec la mère de Daniela

J’ai toujours voulu faire des choses, mais mon père n’avait jamais d’argent.

Mon père avait une autre famille en étant marié à ma mère. Au final, il donnait beaucoup plus de l’autre côté et moins à nous. Cette histoire a duré jusqu’à la

mort de mon père »). Cette histoire est aussi la raison pour laquelle Daniela a dû

quitter sa ville natale. Elle s’est plainte de cette situation de ne jamais avoir eu d’argent (« Depuis petite, je n’entends que ça : ‘je n’ai pas d’argent’. Il m’a envoyée dans le meilleur collège de Fortaleza, il payait l’école, il me donnait à manger et il trouvait que c’était suffisant. Alors, de la natation, je n’en ai jamais

fait, je n’ai jamais pratiqué de sport »). Elle m’a fait comprendre que sa relation

avec son père était assez compliquée.

Vie professionnelle et relations amoureuses

Lorsque Daniela a terminé sa licence en odontologie, elle a passé un concours et a commencé à travailler dans la police civile comme experte judiciaire. Pendant cette période, elle était souvent seule à la maison sans

beaucoup de compagnie. Alors, elle se connectait sur des sites de rencontres afin de trouver des amis et/ou un compagnon. Elle a fait connaissance d’un Allemand avec qui elle a eu une relation, mais cela n’a pas duré. Elle a ensuite rencontré O., un français, qui est devenu son mari (« C’est lui qui a vu mon profil et il m’a

envoyé un message très direct en anglais. Il sait très bien parler anglais »). Elle

avoue ne pas avoir tout de suite aimé la France, ni la langue française ; son centre d’intérêt était l’Allemagne (« Le français, en vérité, je n’aimais pas la France, encore moins les Français. Je disais que c’était un pays ennuyeux et que les gens

se prenaient par le centre du monde. Ce qui m’intéressait, c’était l’Allemagne »).

En effet, Daniela a essayé d’interagir avec la langue allemande en se faisant des amis en ligne. Mais finalement, son ami virtuel d’origine française a commencé à l’intéresser davantage.

Apprentissage du français

Après quelques mois de conversations via internet, O. est venu au Brésil pour rencontrer Daniela et ils ont donné suite à leur relation qui est devenue sérieuse. Avant de rendre visite à O. en France, la jeune femme a pris des cours de français (« J’ai eu de janvier à septembre pour apprendre un peu le français pour

ne pas arriver trop perdue dans la langue »). Elle a séjourné quelques jours en

France et ils se sont fiancés.

Abandon de la vie professionnelle par amour

Avant de repartir définitivement pour la France, Daniela a dû prendre des mesures concernant son travail, car elle devait annoncer sa démission à son employeur. Elle ne souhaitait partir qu’avec la certitude qu’elle épouserait O. Daniela voulait être sûre du sérieux de la relation avant de s’investir car cela signifiait qu’elle abandonnait un bon travail au Brésil (« J’avais un concours et du coup je lui ai dit : ‘je suis en train de laisser mon concours. Regarde la responsabilité ! Je suis en train de quitter l’emploi de mes rêves, je mets tous mes

espoirs en toi dans notre mariage dans ton pays »). Daniela partage ses prises de

Incertitudes professionnelles en France

Au moment de l’entretien, Daniela travaillait en tant qu’assistante dentaire. Elle a confessé que cela n’était pas le travail de ses rêves et nous avons ressenti une certaine frustration quant à sa vie professionnelle (« Si j’étais encore au Brésil, certainement j’aurais déjà fait la faculté de droit. Certainement j’aurais abandonné l’odontologie. Ici je travaille encore, ce n’est pas le travail de mes

rêves, mais c’est mieux que rien. Pour l’instant ça me convient »). Elle a dit

vouloir travailler dans la photographie ou dans la préparation de fêtes d’anniversaires.

Allemagne

Daniela a eu l’occasion de connaître l’Allemagne. Elle y est allée une fois mariée à O.. La jeune femme a dit avoir revu un des anciens copains avec qui elle discutait (« J’ai dans ma liste Facebook un ex-petit ami qui s’est marié aussi et j’ai aussi son épouse dans ma liste. Il est marié et a une fille et son épouse est

hongroise »). Expliquer à son interlocutrice que son ex petit ami s’est marié et a

une fille est important pour Daniela, afin de montrer que celle-ci ne démontre pas un signe de tromperie ou trahison envers son mari, comme a fait son propre père envers sa mère. Elle a tout de même tenu à raconter dans quelles circonstances elle avait rencontré cet Allemand au Brésil (« On s’est rencontré et je l’ai fait sortir. Je suis allée le chercher à l’hôtel, amené à l’aéroport, j’ai été son guide. Il

est allé rencontrer ma famille, ma mère, mes sœurs et tout »).

L’arrivée en France

Daniela a raconté son arrivée en France et la préparation du mariage. Elle tenait à se marier pour être rassurée ; pour pouvoir quitter son travail et le Brésil

Je ne vais pas quitter mon emploi, ma famille, mon pays pour venir ici vivre

une expérience avec toi comme la plupart font. Alors, il va falloir se marier, parce

La maison « brésilienne »

Elle a ensuite donné des détails sur son lieu de vie. Elle avait fait appel à une architecte d’intérieur brésilienne pour décorer son appartement. Elle voulait avoir une maison comme ses sœurs au Brésil (« Quand j’arrive au Brésil, toutes les maisons sont belles. Chez ma sœur, les maisons de mes copines, sont entièrement décorées tout a été planifié. Et j’arrive ici, chez des amis, et il n’y a rien, ce sont les meubles que tu achètes chez Ikea. Il n’y a pas de glamour

(rires) »). Son mari n’était pas complètement d’accord, mais Daniela a persisté

dans ses désirs et a finalement réussi à obtenir un appartement avec la décoration qu’elle avait choisie, malgré quelques modifications (« Mon mari a dit : ‘ça ne se fait pas en France’ et j’ai dit : ‘ça m’est égal, je le veux et tu n’es pas marié à une Française, tu es marié à une brésilienne et ça sera comme je veux. Ça été une

bataille pour réussir à tout mettre en oeuvre »). Daniela a critiqué certaines

habitudes françaises (« Les anniversaires je n’arrive pas à préparer un anniversaire juste avec des bonbons. Pour moi, l’anniversaire des français c’est un anniversaire de pauvre. Un français ne sait pas organiser une maison, il y a

des cartons au quatre coins de la maison »).

La place du portugais

Daniela parle portugais avec ses enfants et avec son mari. Elle a expliqué que le portugais est la langue de la maison et la langue pour communiquer avec sa famille. C’est aussi la langue de l’intime (« Le portugais je le parle tous les jours à la maison. Je rêve en portugais, je prie en portugais, et je n’arrive pas à prier

en français »). La jeune femme a révélé qu’elle a initié son fils aîné à la foi

catholique en portugais. Le français représente pour elle la langue du quotidien et du travail.

Être étrangère

Pour cette migrante, le sentiment d’être étrangère est très fort lorsqu’elle se trouve dans une petite ville de province (« Là-bas, je me sens réellement

quel autre français (« Quand je suis parmi beaucoup de français (rires), je ne me sens pas française, je me sens brésilienne. Mais, quand je suis à Paris je suis la

plus française du monde (rires) »). Cependant, la France est aujourd’hui, sa

maison (« Je me sens chez moi en France. Notre maison est l’endroit où il y a nos enfants et notre mari alors ma maison est ici, mon pays est ici. Je suis déjà

habituée au style de vie »). Daniela a donné quelques exemples pour illustrer sa

personnalité française au Brésil et sa personnalité brésilienne en France (« Quand

je vais au Brésil, je pense que je suis plus polie (rires) »). Elle a fait aussi une

comparaison de la France et du Brésil (« La France est un pays pour moi que j’adore y habiter un pays organisé. Au Brésil, en termes de vie, tu ne peux pas

vivre, il n’y a pas de transport, il n’y a pas de santé. Tout fonctionne mal »). Tout

au long de son récit, Daniela a critiqué à la fois la culture française et à la fois la culture brésilienne en essayant de valoriser les point positifs et en critiquant lourdement les points négatifs.

Le désir d’avoir une fille…

Nous étions sur le point de finir l’entretien quand Daniela a souhaité revenir sur un point sensible: la relation avec son père. Elle a précisé qu’elle n’avait jamais imaginé être mère d’un garçon, mais plutôt d’une fille (« Je voulais avoir une fille qui soit mon amie comme je suis amie avec ma mère et du coup j’ai eu un garçon. J’ai été frustrée, parce que je n’avais jamais imaginé être mère d’un garçon. Dans ma tête, j’avais la certitude que j’allais être mère d’une fille

mais j’ai eu un garçon »). Selon Daniela, c’est Dieu qui lui a envoyé des garçons

pour qu’elle apprenne à aimer les garçons, car son rapport au père et donc aux hommes était compliqué (« Mon rêve d’être mère d’une fille s’est écroulé. Je pense que c’est Dieu qui m’a envoyé deux garçons pour pouvoir aimer des

garçons, parce que je me croyais incapable d’aimer un garçon »).

Un mari pas comme son père

De plus, elle a expliqué qu’elle avait toujours prié pour trouver un mari qui ne soit pas comme son propre père (« Quand je suis entrée dans une église pour la première fois, j’ai demandé que Dieu me donne un mari qui ne soit pas comme

mon père, qui a trahi ma mère, qui vivait dans le mensonge »). Daniela prend bien soin de ses enfants et veille à les parfumer et à bien les habiller, puisqu’elle n’a pas de fille à bichonner (« Mais je dis si j’ai deux garçons, les miens (rires) je les parfume, je les coiffe bien. Je n’ai personne à bichonner, alors je bichonne mes garcons. Une fois, G. m’a demandé : ‘pourquoi faut-il se parfumer maman ?’ Pour sentir bon, parce qu’une femme n’aime pas les hommes qui sentent mauvais. Et j’ai dit : ‘il faut que tu sois parfumé, G., une femme aime un garçon

parfumé »). Ce désir de Daniela pour la fille qu’elle n’a pas eu se transforme en

désir pour son fils aimé, en opposition au père détesté (« Si j’avais cinq ans je voudrais être ta petite copine. Et toi, tu voudrais être mon petit copain ? Il m’a

regardée et il a commencé à rigoler »).