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Contexte historique, théorique et méthodologique

Chapitre 1 : Contexte socio-historique de la thèse

1.2. Processus migratoire : quelques définitions

1.2.4. La condition de l’exilé 52

Non seulement le réfugié brésilien a existé, mais il a cherché refuge et inspiration en terres françaises.

1.2.4. La condition de l’exilé52

L’exilé passe d’un ciel à l’autre, d’une langue à l’autre, et retient la mémoire des uns et des autres en les faisant dialoguer. Il ne traverse pas les frontières, il est l’être-frontière qui n’a pas de frontière (Nouss, 2015)53

L’exilé est celui qui part et qui n’arrive pas toujours à son lieu de destination ou qui ne peut pas repartir vers son lieu d’origine. C’est un migrant, c’est-à-dire, un individu en train de migrer, mais, plus précisément, un individu

52 Ceci est le titre de l’ouvrage d’Alexis Nouss, publié en 2015. Son œuvre ainsi que ses travaux font référence dans l’évolution du terme « d’exilé ». Notre discussion s’effectuera à partir de ce livre.

obligé de vivre hors de sa patrie, dans un lieu où il se sent étranger, mis à l’écart, loin du lieu où il aime vivre (Larousse). Nombreux sont les auteurs évoquant les circonstances de l’exil dans le monde. Parmi certains, nous avons choisi de citer Alexis Nouss qui, par sa façon d’écrire sur les exilés, par sa rhétorique et sa vision des migrations contemporaines, nous inspire. Dans son ouvrage, La condition de l’exilé, Nouss questionne l’exil et aussi la migration, et met en avant toutes les personnes ayant quitté leur pays d’origine sans parvenir à la destination qu’ils s’étaient choisie. À ce propos, l’auteur initie son discours en faisant référence aux épisodes dramatiques des naufrages de migrants, provoquant la mort de milliers d’entre eux. Sa problématique est, dans un premier temps, d’ordre épistémologique, mais maintient sa cohérence dans le sens que chaque expression comporte. Il dit : « Ce sont des émigrants jamais devenus immigrants (…) ils ont échoué en tant que migrants avant même d’échouer sur le sable. (…) Ne leur faisons pas l’offense de réduire leur destinée au seul statut de migrant – ce sont des exilés » (Ibid. : 11).

L’exil pour Nouss est traité comme un exil contemporain, qu’il distingue de l’exil historique où l’exilé, dans un acte héroïque et noble, ne retournait pas vers son lieu d’origine. À ce propos, nous citons Marion Sauvaire (2011)54, dont la pensée diverge légèrement sur ce point. L’exilé, expose-t-elle, se voit empêché de retourner dans son pays natal. « L’impossibilité du retour semble renforcer la quête fantasmée de l’origine, dont le souvenir s’efface avec le temps. L’exilé, enfermé dans une identité-racine, est condamné à la dis-location, il ne peut combler la distance entre le soi et l’autre, l’ici et l’ailleurs, le présent et le passé ». De plus, pour l’auteure, l’exilé n’arrive pas à exister en tant que sujet identitaire « Du fait de son ancrage territorial, l’exil ne permet pas d’envisager la remise en question de l’équivalence moderne entre l’identité, la culture et le territoire. L’expérience exilique reste tributaire d’un paradigme dualiste qui oppose

54 SAUVAIRE Marion, 2011 « De l’exil à l’errance, la diversité des sujets migrants », in : Amerika[En ligne], 5 | 2011, mis en ligne le 20 décembre 2011.

l’identité à l’altérité ». Dans cette citation, demeure l’idée que l’identité de l’exilé peine à exister, parce qu’il n’a pas de territoire. Or, le défi ultime du sujet migrant / exilé est de (re)construire sa (double) identité dans ce hors-lieu.

Le respect de l’acte audacieux qu’est l’action de partir devrait, selon Nouss (2015), être salué pour tous les exilés des temps modernes. Quitter son pays et ses racines exige courage et détermination, peu importe la façon dont ce mouvement se réalise. On peut retenir des travaux de Nouss que l’expérience exilique, vécue à des degrés divers, représente un noyau existentiel commun à toutes les réalités migratoires. Il est question d’exiliance :

Noyau existentiel commun à toutes les expériences de sujets migrants, quelles que soient les époques, les cultures et les circonstances qui les accueillent ou les suscitent, l’exiliance se décline en condition et conscience, les deux pouvant, à des degrés divers, ne pas coïncider : se sentir en exil sans l’être concrètement (conscience sans condition) ; l’être concrètement sans se sentir en exil (condition sans conscience) (Nouss, Ibid : 65).

Pour reconstruire une identité, l’auteur invite à déplacer le regard.

Abandonner, d’abord le point de vue strictement sociologico-politique, celui-ci appartenant à l’épistémè des sociétés d’accueil, lesquelles construisent un savoir sur le migrant à partir de leurs catégories constituantes, leurs pensées du territoire ou de l’appartenance nationale, afin de l’objectiver et de l’intégrer. Puis tenter de comprendre et d’adopter la perspective subjective du sujet en migration telle que la restituerait un portrait collectif brossé à partir de multiples parcours singuliers: s’exposer à l’autonomie de son vécu en se considérant, pour ce faire, en tant qu’exilé. Fonder et percevoir son identité de migrant sur son expérience d’exilé. (Nouss, Ibid.:28-29).

C’est dans cette perspective que nous intégrons la notion d’exiliance dans le parcours du sujet migrant. Reconnaître la condition d’exilé et la conscience que chacun en a selon son parcours migratoire, mais aussi selon son parcours de vie. Alexis Nouss possède un regard plus moderne sur la notion d’exilé car il parvient à se détacher des définitions socio-politiques pour s’inscrire dans une définition plus humaine. En nous appuyant sur les lectures réalisées, nous construirons le parcours du migrant.