• Aucun résultat trouvé

Conclusion du chapitre 1

Chapitre 2 : Cadre théorique de la thèse

2.1. Le sujet, l’identité et les positions subjectives : définitions théoriques

2.2.3. Appropriation d’une langue-culture

On a longtemps cherché s’il y avait une langue naturelle et commune à tous les hommes ; sans doute, il y en a une, celle que les enfants parlent avant de savoir parler. (Jean-Jacques Rousseau)

133 A inscrição do sujeito numa língua estrangeira será portadora de novas vozes, novos confrontos, novos questionamentos, alterando, inevitavelmente, a constituição da subjetividade, modificando o sujeito, trazendo-lhe novas identificações, sem que, evidentemente, ocorra o apagamento da discursividade da língua materna que o constitui (notre traduction).

La notion de langue-culture est loin d’être transparente ou objective. Elle donne à voir un système de communication complexe qui s’oppose au postulat du linguiste Roman Jakobson (1969 apud. Peixoto, 2013) considérant l’acte de communiquer comme la transmission d’un message complet d’un émetteur à un récepteur. Le langage représentait, selon lui, un objet contrôlé et donc, extérieur au sujet (Peixoto, 2013). Mais « la langue n’est pas un libre produit de l’homme individuel, elle appartient toujours à toute une nation ; en elle également, les générations plus récentes la reçoivent des générations qui les ont précédées » (Humboldt, 2000 : 97)135.

Parce que la sociolinguistique apporte aujourd’hui de nouveaux éléments de compréhension du rapport complexe entre le sujet parlant, ses stratégies de communication, et le contexte socio-culturel influant sur son discours, nous pouvons désormais définir la langue-culture un peu plus précisément en évoquant la puissance des valeurs culturelles qui structurent un discours et renforcent la subjectivité d’un sujet. La langue devient « une manifestation de l’identité culturelle, et tous les apprenants, par la langue qu’ils parlent, portent en eux les éléments visibles et invisibles d’une culture donnée. » (Zarate et Gohard-Radenkovic, 2003 : 57)136.

Mais si la langue ne peut pas être totalement contrôlée par celui qui l’utilise, car elle provient de l’autre et s’adresse à l’autre, comment l’intégrer ? Pour Coracini (1998, 2003, 2007), s’approprier une langue dite étrangère renvoie à l’idée d’une langue qui n’appartient pas au sujet qui la désire. Ce que nous explique Céline Alcade (2010)137 sur l’appropriation d’une langue étrangère est essentiel :

135 HUMBOLDT Wilhelm, [1828], trad. fr. éd. bilingue, Sur le caractère national des langues, Paris, Seuil, Essais, 2000

136 ZARATE, G., Gohard-Radenkovic, A., Lussier, D., Penz, H. Médiation culturelle et didactique des langues. Strasbourg : Edition du Conseil de l’Europe, 2003 Disponible sur https://arlap.hypotheses.org

La langue passe par l’expérience du sujet apprenant, se tisse peu à peu dans les contours de son être, de son histoire, de son vécu, de sa personnalité. Elle stimule son imaginaire. Elle fait jouer la pluralité de ses modes d’être au monde, dans une dynamique d’accroches arbitraires et accidentelles, qui peu à peu, à ses yeux, donne à la langue plus de densité, d’épaisseur, d’existence. Alors, il ne la voit plus comme un objet extérieur instrumentalisé, mais comme un objet assimilé, occupant une partie plus ou moins étendue de lui-même, en lui-même. (Alcade, 2010 : 13-14)

C’est ainsi que le processus d’appropriation d’une langue–culture étrangère n’est pas tout à fait inoffensif, car ce contact et cet apprentissage peuvent inscrire de profondes empreintes chez le sujet apprenant et influencer sa construction identitaire, renforcer sa subjectivité. (Peixoto, 2013). Une langue, qu’elle soit étrangère ou maternelle, n’est pas pure et entière. Elle traverse le sujet qui la parle, car elle est influencée par d’autres langues. Selon Coracini (2013 : 48)138, « toute langue est étrangère dans la mesure où elle provoque en nous une étrangeté et toute langue est maternelle dans la mesure où nous l’inscrivons en nous pour qu’elle s’y fasse un nid, un foyer, un lieu de repos et de protection ».

Le désir de s’approprier une langue étrangère vient remettre en question tous les questionnements et toute la personnalité du sujet. La rencontre avec cette nouvelle langue-culture permet de nouer des liens importants, mais aussi crée une rupture importante avec la langue maternelle. Cette dernière change dès lors qu’un sujet s’inscrit dans une autre langue-culture. Elle n’est pas la même, car le rapport du sujet avec sa propre langue change. Il ne la voit plus comme importante et utile. Il est concentré sur l’apprentissage de nouvelle langue, sur son appropriation, sur une plénitude impossible d’accès. Le sujet souhaite découvrir cette nouvelle langue, l’explorer, la faire sienne. Il devient un autre ; il habite la langue-culture de l’autre pour parler comme l’autre (sans accent - marque identitaire du sujet), connaître tous les degrés d’interprétation, les subtilités et les variations de cette nouvelle langue-culture.

!"#!!"#!$%&'#()*+('&,-.-&!"#!$%&#'()*+!$,#--./-.(#0(/&!1(&2*(30()*+4!*&!-#.5/*.3!3*67+50(8!!9! 1:+&5/&0.+!$+3!5#$.+3!-.#2'#0()*+3!#50*+13!;!$%&'()*+,*+$-./*)0+12(3*).(/%+4-56+7-6%)80+

Pour Françoise Hatchuel (2006)139, s’approprier une langue étrangère ne se limite pas à intégrer un nouvel outil de communication, car chaque langue possède en elle un univers complexe et une ouverture sur un monde totalement nouveau140. S’approprier une nouvelle langue, c’est s’autoriser à vivre une autre vie. « S’ouvrir à un autre monde, mais toujours au risque (qui est aussi un désir) de trahir sa propre langue, voire soi-même. Trahison nécessaire – car qu’est-ce qu’apprendre sinon changer ? – mais dont le psychisme devra s’accommoder » (Ibid. : 495).

À propos de la question de l’appropriation de la langue, Derrida (1996)141 développe une réflexion sur l’impossibilité d’un sujet de présenter la langue maternelle comme « sa langue ». « Parce que le maître ne possède pas en propre, naturellement, ce qu’il appelle pourtant sa langue ; parce que quoi qu’il veuille ou fasse, il ne peut entretenir avec elle des rapports de propriété ou d’identité naturels » (Ibid. :45). Et l’auteur poursuit : « ma langue, la seule que je m’entende parler et m’entende à parler, c’est la langue de l’autre » (Idem. : 47). Étant donné que la langue est celle qui vient de l’autre, la langue, qu’elle soit maternelle ou étrangère, reste à tout sujet étrangère, car

Elle se constitue d’autres langues, d’autres cultures : il n’y a pas de langue pure il n’y a pas de langue complète, entière, une, si ce n’est une promesse toujours retardée, une promesse qui est une dette impossible à acquitter, qui est l'espoir dans une rationalité, dans une

139 HATCHUEL Françoise, « Une autre langue : l'ailleurs comme protection de l'espace intérieur ? », Ela. Études de linguistique appliquée, 2006/4 n° 144, p. 493-512.

140 Cette ouverture est culturelle et linguistique, Hacthuel évoque la question des « faux amis ».! « La langue est un ailleurs, la même réalité peut se désigner autrement, le même mot ou un mot! proche peut désigner une autre réalité, selon le chemin qu’il aura parcouru, comme le savent tous! les étudiant-e-s en langue confronté-e-s aux « faux amis ». Pourquoi la librairie vend-elle les livres! en français quand la library (pour nous bibliothèque) les prête en anglais ? » Ceci est un exemple! concret parmi tant d’autres qui évoque cette complexité propre à chaque langue.

141 DERRIDA Jacques, 1996, Le monolinguisme de l’autre ou La prothèse d'origine, Paris,! Galilée.

totalité jamais atteinte, un lieu de sécurité inaccessible et celui de la certitude, loin du doute et du conflit142

De ce fait, il n’y a pas de langue propre au sujet, ni maternelle, ni étrangère. La langue est toujours celle qui advient de l’autre et elle est toujours traversée par d’autres langues (Peixoto, 2013), ce qui implique une « con-fusion ». Pour Derrida (1996), de même qu’il n’existe pas une langue, une

monolangue parlée par le sujet, il n’y a plus de langue maternelle, ni de langue

étrangère. Il y a des langues qui parlent au sujet, qui parlent du sujet.

Ceci, lorsque les langues sont intégrées et viennent se nourrir mutuellement. Car le besoin de rupture avec la langue natale évoqué précédemment pour favoriser l’apprentissage est, dans un premier temps, indispensable.

142 Ela se constitui de outras línguas, de outras culturas: não há língua pura e não há língua completa, inteira, una, a não ser na promessa sempre adiada, promessa que é dívida impossível de ser quitada, que é esperança numa racionalidade, numa totalidade jamais alcançada, lugar inacessível da segurança e a da certeza, longe da dúvida e do conflito (CORACINI, 2013 : 48-49) (notre traduction).