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Persistance des doutes Pourtant, des auteurs parmi les plus autorisés demeurent réservés 8 et certains refusent de reconnaître ouvertement à la

A. L’apparition de la rétroactivité jurisprudentielle

36. Persistance des doutes Pourtant, des auteurs parmi les plus autorisés demeurent réservés 8 et certains refusent de reconnaître ouvertement à la

p. 428, qui estime que cette idée « ne s’appuie sur aucune vraisemblance psychologique » ; G. RIPERT, Les forces

créatrices du droit, LGDJ, 2e éd., 1955, p. 382-383 : « La règle de droit ne peut émaner d’une volonté tacite du Pouvoir

et il serait bien téméraire d’avoir recours à l’idée d’une patientia principis quand l’acte du pouvoir judiciaire a pour effet de modifier le sens d’une loi » ; J. MAURY, « Observations sur la jurisprudence en tant que source de droit », Le droit

privé français au milieu du XXe siècle. Etudes offertes à Georges Ripert, p. 38-39 ; S. BELAÏD, Essai sur le pouvoir

créateur et normatif du juge, thèse dactyl., 1970, p. 50 à 52. Plus nuancé : M. van de KERCHOVE, « Jurisprudence et rationalité juridique », APD, t. 30, Sirey, 1985, p. 221.

1 O. DUPEYROUX, « La jurisprudence, source abusive de droit », Mélanges offerts à J. Maury, Dalloz & Sirey, 1960,

p. 349 et s. ; O. DUPEYROUX, « La doctrine française et le problème de la jurisprudence source de droit », Mélanges

dédiés à G. Marty, Université des Sciences sociales de Toulouse, 1978, p. 463 et s.

2 O. DUPEYROUX, « La jurisprudence, source abusive de droit », Mélanges offerts à J. Maury, Dalloz & Sirey, 1960,

p. 359.

3 O. DUPEYROUX, art. préc., p. 349 et s.

4 Ph. MALAURIE, « La jurisprudence combattue par la loi », Mélanges offerts à R. Savatier, Dalloz, 1965, p. 603 et s. 5 Ph. MALAURIE, « La jurisprudence combattue par la loi, la loi combattue par la jurisprudence », Def. 2005, art.

38203, p. 1205 et s. Adde. Ph. MALAURIE, « La révolution des sources », Def. 2006, art. 38465, p. 1552 et s.

6 L. BOYER, « Le délai de l’article 29 de la Convention de Varsovie. Un combat douteux de la Cour de cassation », Mélanges offerts à Pierre Hébraud, Université des sciences sociales de Toulouse, 1981, n° 21, p. 108. Adde. C.

PUIGELIER, « La maxime "nul n’est censé ignorer la loi" », La loi. Bilan et perspectives, dir. C. PUIGELIER, Economica, coll. Etudes juridiques, 2005, n° 54, p. 382 : « la maxime "Nul n’est censé ignorer la loi" ne signifie-t-elle pas : "Nul n’est censé ignorer la jurisprudence ?". »

7 Cf. F. MODERNE, « Les revirements prospectifs dans les contentieux administratif et judiciaire : une problématique

commune », Le dialogue des juges. Mélanges en l’honneur du président B. Genevois, Dalloz, 2009, p. 815-816 et les auteurs cités.

8 Cf. B. OPPETIT, « L’affirmation d’un droit jurisprudentiel », Droit et modernité, PUF, coll. Doctrine juridique, 1998,

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jurisprudence la qualité de source du droit1. La jurisprudence est peut-être une autorité, mais le juge ne saurait poser des règles de droit. Il n’y aurait pas rétroactivité, mais tout simplement déclarativité2. Ne croyons pas qu’il s’agisse là d’une vision surannée des sources du droit. Deux auteurs ont récemment pu affirmer leur attachement à l’idée que la jurisprudence serait principalement déclarative3, et les conseillers de la Cour de cassation ne semblent pas partager la même vision de la jurisprudence entre eux4. Un auteur, refusant au juge la possibilité de créer des règles de droit, soutient alors qu’ « envisager la rétroactivité [de la jurisprudence comme celle de la loi] est extrêmement ingénieux mais est dépourvu de valeur scientifique5. » La question mérite d’être examinée, car elle ne saurait être restreinte à une pure dissertation théorique. Si nous sommes face à une situation de déclarativité, le problème est celui de la révélation de la règle, qui doit intervenir au plus vite. Confronté au mécanisme de la rétroactivité, le souci est bien plus d’empêcher celle-ci de remettre en cause des prévisions. Pour ne pas être surpris par la déclarativité, il suffit de « vivre avec son temps6 ». En revanche, ce conseil s’avère inefficace concernant la rétroactivité qui suppose une nouveauté, laquelle n’est par définition pas dans l’air du temps. Les remèdes à apporter à l’insécurité juridique produite par le phénomène jurisprudentiel diffèrent selon que l’on considère que la jurisprudence est déclarative ou rétroactive. Nous tenterons de démontrer que la jurisprudence est réellement rétroactive, en montrant que le juge peut créer des règles de droit. A cet effet la théorie de Hart nous sera particulièrement utile7.

1 Not. J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, Introduction au droit, , Sirey, 14e éd., 2012, n° 172, p. 175 et s. ; J. CARBONNIER, Droit civil, Introduction, PUF, coll. Thémis droit privé, 27e éd., 2002, n° 142 et s., p.267 et s. ; G. CORNU, Droit civil, Introduction au droit, Montchrestien, coll. Domat droit privé, 13e éd., 2007, n° 73, p. 47 puis n° 437 et s., p. 227 et s.,

avec cependant un correctif de taille, n° 442, p. 231-232.

2 Les auteurs parlent également de rétroactivité naturelle. V. par ex. J. CARBONNIER, Droit civil, Introduction, PUF,

coll. Thémis droit privé, 27e éd., 2002, n° 144, p. 274 : l’auteur emploie le terme rétroactif mais précise qu’il s’agit

d’une rétroactivité naturelle avant d’ajouter : « Si la jurisprudence peut légitimement disposer pour le passé, c’est qu’elle n’est pas réellement créatrice. » Comp. J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, op. cit., loc. cit.

Pour une liste des auteurs pro et contra, cf. L. BACH, Rép. civ. Dalloz, v° Jurisprudence, n° 45 et 46, M. Bach y voyant lui-même une autorité de fait, n° 225.

3 R. LIBCHABER, L’ordre juridique et le discours du droit. Essai sur les limites de la connaissance du droit, LGDJ,

Lextenso éditions, 2013, n° 269, p. 360 ; F. ZENATI-CASTAING, « Pour un droit des revirements de jurisprudence », Le

droit, entre autonomie et ouverture. Mélanges en l’honneur de Jean-Louis Bergel, Bruylant, 2013, n° 8, p. 513 et s.

L’auteur ménage l’exception des revirements : « c’est dans les revirements, que la jurisprudence devient rétroactive. »

Op. cit., n° 8, p. 516. Adde. F. ZENATI, La jurisprudence, Dalloz, Coll. Méthodes du droit, 1991, p. 154-155.

4 C. PAUL-LOUBIERE, « L’autorité de la chose jugée, gage de la sécurité juridique », D. 2009, p. 1061 : « par sa

nouvelle jurisprudence marquant une évolution, un complément ou un revirement, le juge ne fait que révéler, sous un jour nouveau, l’état du droit qui préexistait, si ce droit positif, bien sûr, est resté inchangé. » Comp. A. LEGOUX, BICC, 1er mars 2007, n° 656, p. 46, : « Enfin, il faut remarquer que c’est notamment avec des décisions de cette nature [id est

les revirements] que la Cour crée de nouvelles normes ou se trouve en demeure d’adapter sa jurisprudence à une législation nouvelle. Le revirement concourt à l’évolution du droit au même titre que les autres sources. »

5 H. LE BERRE, Les revirements de jurisprudence en droit administratif de l’an VIII à 1998 (Conseil d’Etat et Tribunal des conflits), LGDJ, Bibl. de droit public, t. 207, 1999, n° 67, p. 72. Pour la négation du caractère normatif de la

jurisprudence, op. cit., n° 69 et s., p. 73 et s.

6 F. ZENATI, La jurisprudence, Dalloz, Coll. Méthodes du droit, 1991, p. 154.

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