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Conclusion du Chapitre

Section 3. La reconnaissance directe par la Cour de cassation

168. La Cour de cassation a pu adopter différentes attitudes à l’égard de sa jurisprudence. Cette dernière a pu apparaître comme étant simplement un élément de persuasion, un élément à prendre en compte pour convaincre le justiciable (§ 1). De manière plus marquante, la Cour de cassation a pu avouer que la jurisprudence était changeante : la Cour de cassation reconnaît ainsi qu’elle crée du droit, qu’elle modifie le sens d’un texte voire le droit positif (§ 2). Allant plus loin, consciente de son pouvoir créateur, la Cour de cassation a pu décider de moduler la rétroactivité d’un revirement qu’elle aurait opéré (§ 3). Consciente de sa création et de la rétroactivité en découlant, la Cour de cassation tente ainsi d’apporter de la sécurité juridique. La reconnaissance de la jurisprudence comme règle de droit, ainsi que de sa rétroactivité, est alors patente.

§ 1. La reconnaissance de la jurisprudence comme élément de persuasion

169. La jurisprudence au soutien d’une motivation. S’il est arrivé à la Cour de cassation de mentionner la jurisprudence dans sa motivation, il semblerait que ce ne fût qu’à titre d’argument complémentaire, ou d’élément de persuasion et non comme fondement juridique de sa décision. Ainsi, M. Bérenger cite deux arrêts de la chambre criminelle en ce sens1. Selon le premier, datant de 1845, les juges relevaient à propos du secret médical « que la dispense de déposer » avait

1 F. BERENGER, La motivation des arrêts de la Cour de cassation. De L’utilisation d’un savoir à l’exercice d’un pouvoir, PUAM, 2003, n° 5, p. 38. Après avoir donné ces exemples, l’auteur cite Zachariae qui refuse de voir dans la

jurisprudence une source du droit (M. C. S.ZACHARIAE, Cours de droit civil français, traduit par Aubry et Rau, édt. Lagier, 1843, p. 73, n° 5, p. 38).

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toujours « été admise dans l’ancienne jurisprudence1 ». Selon le second, datant de 1820, « il a été consacré par une jurisprudence constante que le ministère public n’avait le droit d’agir d’office que lorsque ce droit lui était spécialement conféré par quelque loi2. ». Les références à la jurisprudence à l’époque étaient toutefois purement indicatives et constituaient de purs éléments de persuasion pour le cas d’espèce. Ainsi le second arrêt, celui de 1820, a également fait référence à l’intention du législateur pour fonder sa décision3. La jurisprudence apparaît dans ces décisions bien plus comme une source matérielle du droit que comme une norme.

Il en est sensiblement de même lorsque, en matière de fiançailles, la Cour de cassation explique que toute promesse de mariage est nulle, la liberté dans les mariages étant un principe d’ordre public « qui, soit avant, soit depuis la promulgation du Code civil, a toujours été consacré par la jurisprudence4 ». La Cour emploi ici le terme de consécration : il s’agit de renforcer ce qui existe, à savoir un principe d’ordre public. Il ne fait aucun doute qu’il y a ici une règle droit, mais qui semble être seulement reconnue, c’est-à-dire déclarée, par la Cour de cassation. C’est véritablement avec le changement de jurisprudence qu’apparaît son caractère créateur et non plus seulement déclaratif.

§ 2. La reconnaissance du changement de jurisprudence

170. La modification de la jurisprudence cause d’évolution du litige. Cependant, il est arrivé que la Cour de cassation érige directement la jurisprudence en source du droit. En matière procédurale, la Cour de cassation a pu retenir en 1985 que « la cour d'appel a pu estimer que la modification de la jurisprudence, survenue depuis la décision des premiers juges, et s'appliquant à des litiges similaires, constituait un élément nouveau, donc une évolution du litige au sens de l'article 55 précité5 », si bien que le plaideur pouvait formuler une demande nouvelle en appel. Précisons que l’évolution du litige « est caractérisée par la révélation d’une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige6. » Dès lors, il faut reconnaître que « la Cour de cassation a admis qu’un revirement de jurisprudence, qui est par

1 Cass. crim., 26 juill. 1845, Bull. crim. 1845, p. 402 et s. 2 Cass. civ. 1er août 1820 Bull. civ., 1820, p. 260 et s.

3 Cité par F. BERENGER, La motivation des arrêts de la Cour de cassation. De L’utilisation d’un savoir à l’exercice

d’un pouvoir, PUAM, 2003, n° 4, p. 37.

4 Cass. civ., 30 mai 1838, GAJC, n° 31, p. 231 et s.

5 Cass. 1re civ., 15 janv. 1985, n° 83-14.058, Bull. civ., n° 21, RTD civ. 1985, p. 621 et s., R. PERROT. Il y a ici une

erreur de plume : il s’agit de l’article 555 du Code de procédure civile, et non de l’article 55.

nature rétroactif, pouvait constituer l’élément modifiant les données du litige1 » au sens des articles 555 et 564 du Code de procédure civile. Si les changements de jurisprudence n’opéraient pas un changement du droit positif, si la jurisprudence n’était pas une règle de droit, comment justifier une telle solution ? Le plaideur peut ainsi invoquer une nouvelle règle de droit, la jurisprudence, qui est rétroactive et non plus seulement déclarative, sans quoi il serait délicat de parler de « modification » du litige.

171. Existence des revirements de jurisprudence : absence de droit à une jurisprudence constante. En dehors du droit procédural, l’absence de droit à une jurisprudence constante et l’affirmation d’un « droit au revirement »2 constituent la reconnaissance directe, et la plus évidente, par la Cour de cassation, de sa capacité à poser des règles de droit. En effet, la preuve la plus parfaite que la jurisprudence est une source du droit est la prise en compte des revirements de jurisprudence, constituant une sorte d’aveu de la part des membres de la Cour de cassation de leur pouvoir créateur. Ainsi que l’affirme Mme Fabre-Magnan, « si l’état du droit est différent avant et après un arrêt, c’est bien la preuve que celui-ci a été source de droit3. »

La Cour de cassation avait timidement décidé en 1938 que le juge du fond « dispose d’un pouvoir souverain alors même qu’il revient sur les constatations de ses décisions antérieures, pour se prononcer sur l’existence d’un usage affirmé par l’une des parties et déniée par l’autre4. » Nulle référence à la jurisprudence antérieure, uniquement la constatation de décisions antérieures, isolées, individuelles. Cette retenue n’a pas perduré.

La Cour de cassation affirme en effet désormais que les plaideurs n’ont pas droit à une « jurisprudence constante5 », ni même « immuable6 ». La première formule, pour exprimer cette même idée, semble être l’absence de droit à une

1 J. HERON, Droit judiciaire privé, Montchrestien, coll. Domat droit privé, 5e éd. par T. LE BARS, 2012, note 176, p.

626.

2 Selon l’expression de C. ATIAS, D. 2000, p. 595.

3 M. FABRE MAGNAN, Introduction au droit, PUF, coll. Que sais-je ?, 2010, p. 59. 4 Cass. civ., 12 janv. 1938, D.H. 1938, p. 197.

5 Cass. 3e Civ., 2 oct. 2002, n° 01-02.073, Bull. civ., n° 200, D. 2003, p. 513 et s., C. ATIAS ; Cass. 2e civ., 8 juill.

2004, n° 03-14.717, Bull. civ. n° 361. Ironie du sort, un arrêt rendu le même jour module dans le temps son revirement : Cass. 2e Civ., 8 juillet 2004, n° 01-10.426, Bull. civ. n° 387.

6 Cass. soc., 7 janv. 2003, n° 00-46.476, RDC 2003, p. 145 et s., C. RADE ; Cass. soc. 25 fév. 2004, n° 02-41.306 ;

Cass. 2e Civ., 18 juin 2009, n° 08-14.795 ; Cass. 2e Civ., 3 juin 2010, n° 09-13.579 ; Cass. soc. 22 sept. 2010, 09-409.68, Bull civ. n° 191.

Pour le Conseil d’Etat v. CE, 14 juin 2004, n° 238199, Rec. CE 2004, p. 563, SCI Saint Lazare : le requérant « ne pouvait se prévaloir d’un principe de sécurité juridique énoncé à l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme pour soutenir que la légalité [d’un acte administratif] n’aurait dû être apprécié qu’au regard de la jurisprudence établie à la date où il a été prononcé ».

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« jurisprudence figée », énoncée dans un arrêt du 21 mars 20001. Il ne fait alors plus aucun doute que le juge crée des règles de droit : la déclarativité de son interprétation n’est ainsi plus en cause, la rétroactivité de sa création entre en scène. On comprend alors l’enjeu : la Cour de cassation voudrait continuer à jouir de sa liberté de création et de la rétroactivité liée naturellement à la déclarativité. Elle ne se cache pourtant que maladroitement derrière la déclarativité, puisque s’il était vraiment question de déclarativité, la notion même de revirement n’aurait aucun sens. Tandis que l’application aux faits antérieurs de l’interprétation n’est, en principe, que la conséquence de la déclarativité, avec l’affirmation du droit de revirer, la Cour de cassation tient à exercer un nouveau pouvoir, lié cette fois-ci à la rétroactivité. On comprend que, commentant l’arrêt du 21 mars 2000, M. Atias explique que le problème n’est plus celui de la création du droit par le juge, mais de l’application dans le temps de la règle de droit ainsi créée2.

§ 3. La modulation de la rétroactivité d’un revirement

172. Rétroactivité des revirements de jurisprudence. Se pose ainsi de manière très claire le problème de la rétroactivité de la jurisprudence : puisque le juge modifie sa jurisprudence, elle n’est plus uniquement déclarative, mais devient rétroactive. Un arrêt de 20013 confirme de manière éclatante que la jurisprudence est une règle de droit, et quelle est rétroactive. Etait en cause l’obligation d’information d’un médecin qui avait reçu une patiente en 1974. Or, à l’époque le médecin n’avait pas à prévenir ses patients des risques exceptionnels liés à l’opération. En 1998, un arrêt vint au contraire affirmer qu’il fallait informer des risques exceptionnels si ceux-ci étaient également graves. La Cour de cassation a appliqué cette nouvelle solution en 2001 au médecin ayant reçu la patiente en 1974, au motif que « l’interprétation jurisprudentielle d’une même norme à un moment donné ne peut être différente selon l’époque des faits considérés ». Serait- ce le retour à la déclarativité, le juge estimant que la règle de droit a toujours eu ce sens ? Ou bien, inversement, l’idée qu’il n’y a pas déclarativité, mais réécriture totale du passé et rétroactivité ? La seconde option semble la bonne.

1 Cass. 1re civ., 21 mars 2000, n° 98-11982, Bull. civ. n° 97, D. 2000, p. 593 et s., C. ATIAS. Pour une critique de la

formule de « droit acquis à une jurisprudence figée » : N. MOLFESSIS, « La Cour de cassation face à la modulation dans le temps des revirements de jurisprudence (à propos des arrêts de la première chambre civile du 11 juin 2009) », D. 2009, p. 2567 et s., spéc. p. 2569. V. égal. Cass. soc., 12 nov. 2002, n° 00-45.414.

2 C. ATIAS, D. 2000, p. 595 : « La difficulté est autre […] il s’agit de déterminer les modalités d’entrée en application

de la solution nouvellement dégagées ; peut-elle saisir les faits antérieurs ? »

3 Cass. 1re Civ., 9 oct. 2001, n° 00-14.564, Bull. civ. n° 249, D. 2001, p. 3470 et s., rapp. SARGOS, p. 3474 et s., D.

En effet, cet arrêt rappelle également qu’ « à l’époque des faits la jurisprudence admettait qu’un médecin ne commettait pas de faute s’il ne révélait pas à son patient des risques exceptionnels1. » Les obligations du médecin ne sont donc pas les mêmes « d’un état du droit jurisprudentiel à l’autre2… » L’arrêt de 2001 montre donc à la fois que les revirements existent, et que la rétroactivité de ceux-ci est fondée sur le fait que « l’interprétation jurisprudentielle d’une même norme à un moment donné ne peut être différente selon l’époque des faits considérés ». Il y a donc bel et bien rétroactivité de la création jurisprudentielle, fût-elle abritée derrière le manteau de l’interprétation et de la déclarativité.

173. La modulation de la rétroactivité des revirements. La rétroactivité de la jurisprudence semble aujourd’hui marquée par deux phénomènes : premièrement, conformément aux exigences de la Cour européenne des droits de l’homme3, la Cour de cassation s’emploie à justifier son changement de jurisprudence lorsqu’il a lieu4 ; secondement, il lui arrive de ne pas appliquer la nouvelle solution, de pratiquer la modulation dans le temps des effets de cette solution5. C’est ici la manifestation ultime que la Cour de cassation crée du droit et qu’elle en a conscience6, au point de vouloir limiter l’effet dans le temps de la

1 Arrêt préc., Cass. 1re Civ., 9 oct. 2001.

2 N. MOLFESSIS, « Les revirements de jurisprudence », La Cour de cassation et l’élaboration du droit, dir. N.

MOLFESSIS, Economica, coll. Etudes juridiques, 2004, p. 154, n° 33.

3 CEDH, 18 janv. 2001, Chapman c. Royaume-Uni, n° 27238/95, § 70, RTD civ. 2001, p. 448 et s., J.-P.

MARGUENAUD : « sans être formellement tenue de suivre l’un quelconque de ses arrêts antérieurs, […] il est dans l’intérêt de la sécurité juridique, de la prévisibilité et de l’égalité devant la loi qu’elle ne s’écarte pas sans motif valable des précédents ». CEDH, 14 janvier 2010, Atanasovski c. ex-République yougoslave de Macédoine, n° 36815/03, § 38. L’arrêt n’impose pas de motivation formelle, mais le meilleur moyen de montrer qu’il y avait un motif valable est de l’inclure dans la motivation, en particulier à l’attention des parties.

4 Cass. com., 8 févr. 2011, n° 10-11.896, Bull. civ., n° 20, D. 2011, p. 1314 et s., N. MOLFESSIS,J. KLEIN ; D. 2011, p.

1321 et s., F. MARMOZ ; RTD civ. 2011, p. 493 et s., P. DEUMIER.: « Vu l'article L. 225-42 du code de commerce ; Attendu que l'action en nullité d'une convention visée à l'article L. 225-38 du même code et conclue sans autorisation du conseil d'administration se prescrit par trois ans à compter de la date de la convention ; que, toutefois, si elle a été dissimulée, le point de départ du délai de la prescription est reporté au jour où elle a été révélée ; que s'il y a eu volonté de dissimulation, la révélation de la convention s'apprécie à l'égard de la personne qui exerce l'action ; que les conséquences ainsi tirées du texte susvisé, qui s'écartent de celles retenues depuis un arrêt du 24 février 1976, sont conformes à l'exigence de sécurité juridique au regard de l'évolution du droit des sociétés ». L’arrêt dont la solution est écartée est Cass. com., 24 févr. 1976, n° 74-13.185, Bull. civ., n° 69.

5 Cass. 2e civ., 8 juill. 2004, n° 01-10.426, Bull. civ., n° 387, D. 2004, p. 2956 et s., C. BIGOT ; D. 2005, p. 247 et s., P.

MORVAN ; RTD Civ. 2005 p. 176 et s., Ph. THERY ; Cass. Ass. plén., 21 déc. 2006, n° 00-20.493, Bull. Ass. plén. n° 15,

D. 2007. p. 835 et s., P. MORVAN ; RTD civ. 2007, p. 72 et s., P. DEUMIER ; RTD civ. 2007 p. 168 et s., Ph. THERY ; JCP 2007, II, 10040, E. DREYER ; JCP 2007, II, 10111, X. LAGARDE ; Cass. com. 13 nov. 2007, n° 05-13.248, Bull. civ., n° 243 ; JCP 2008, II 10009, D. CHOLET ; Def. 2008, art. 38783-3, p. 1223 et s., D. GIBIRILA ;Cass. soc. 26 mai 2010, n° 09-60.400, Bull. civ., n° 114, Dr. soc. 2010, p. 826 et s., F. PETIT ; Cass. com., 26 oct. 2010, n° 09-68.928, Bull. civ., n° 159, Rev. des sociétés 2011, p. 359 et s., N. MORELLI ;Cass. 1re civ., 5 juill. 2012, n° 11-18.132, Bull. civ., n° 157,

Rapport annuel 2012, p. 462 et s. ; Cass. 1re civ., 26 sept. 2012, n° 10-28.032, Bull. civ., n° 181.

6 P. DEUMIER RTD civ. 2007, p. 72 : « Libre à chacun de voir dans cette tendance un mouvement illégal,

inconstitutionnel, illégitime, abusif ou autre refus de reconnaissance, il n'en restera pas moins que la jurisprudence est désormais admise dans la très sélective catégorie des sources de droit, du moins pour les principaux intéressés que sont nos juges. » Pour le Conseil d’Etat : CE, ass., 16 juill. 2007, n° 291545, Sté Tropic travaux signalisation, JCP 2007, II, 10160, B. SEILLER ; GAJA, n° 115, p. 904 et s. et CE, sect., 6 juin 2008, Conseil départemental de l’ordre des

chirurgiens-dentistes de Paris. Sur ces arrêts et sur la jurisprudence administrative en la matière, cf. S. FERRARI, La

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règle qu’elle pose. C’est un petit peu comme si elle produisait elle-même et directement sa propre loi de validation : la jurisprudence passée est condamnable, donc il convient d’opérer un revirement, mais les conséquences de ce revirement sont telles qu’il faut, malgré tout, valider les situations passées et n’appliquer le revirement que pour l’avenir.

Quant à l’existence de la rétroactivité qui découle de la création jurisprudentielle, elle ne fait aucun doute lorsque la Cour de cassation refuse de moduler : si elle envisage de moduler, c’est bien qu’il y a une rétroactivité, mais en refusant, celle-ci joue1. Pour faire bref, l’état du droit positif relatif à la modulation semble actuellement être celui-ci : le revirement est pleinement rétroactif tant que la partie qui s’en prévaut n’est pas privée du droit d’accès au juge2. Tel est, en effet, le seul motif pour lequel la Cour de cassation semble aujourd’hui accepter de moduler dans le temps les effets de ses arrêts : le revirement n’est paralysé que s’il aboutit à priver une partie du droit au juge3. Nous y reviendrons par la suite4.

174. La seule jurisprudence est-elle celle de la Cour de cassation ? La jurisprudence est donc une source du droit, autrement dit, le juge crée effectivement, parfois, des règles de droit. Il faut constater toutefois que seule la jurisprudence de la Cour de cassation semble être prise en compte en tant que telle, que ce soit par les juges du fond5, par la Cour de cassation elle-même1, par le Conseil constitutionnel2, ou par la Cour européenne des droits de l’homme3.

1 Pour des arrêts refusant de moduler : Cass. soc., 17 déc. 2004, n° 03-40.008, Bull. civ., n° 346, RTD civ. 2005, p. 159

et s., P.-Y. GAUTIER ; RTD civ. 2005, p. 625 et s., Ph. THERY ; RDC 2005, p. 871 et s., A. DEBET ; Cass. 1re civ., 11 juin 2009, n° 07-14.932 et 08-16.914 (deux arrêts); D. 2009, p. 2058 et s., spéc. p. 2064, C. CRETON ; D. 2009, p. 2567 et s., N. MOLFESSIS ; CCC 2009, comm. n° 240, L. LEVENEUR ;Cass. 1re civ., 24 sept. 2009, n° 08-10.517, Bull. civ. n° 177,

JCP 2009, n° 45, 401, C. BLERY ; RDC 2010, p. 144 et s., P. PUIG ; Cass. 2e civ., 19 nov. 2009, n° 08-21.230 ; Cass. 2e Civ., 3 février 2011, n° 09-16.364, Rev. dr. travail, 2011, p. 446 et s., S. MILLEVILLE ; Cass., 2e civ., 17 nov. 2011, n° 10-25.538 ; Cass. 2e civ., 12 juill. 2012, n° 11-20.587, JCP 2012, 1134, F. MEURIS ; Cass. 1re civ., 14 nov. 2012, n° 11-

24.359.

2 Cass. 1re Civ., 11 juin 2009, n° 07-14.932 et 08-16.914, Bull. civ. n° 124, CCC 2009, comm. 240, L. LEVENEUR ; D.

2009, p. 2567 et s., N. MOLFESSIS ; D. 2009. chron. p. 2058 et s., spéc. p. 2064, C. CRETON ; RTD civ. 2009, p. 495 et s., P. DEUMIER ; JCP 2009, n° 38, 237, X. LAGARDE.

3 V. pour un arrêt motivant tant le revirement que son application rétroactive : Cass. 2e Civ., 3 févr. 2011, n° 09-

16.364, Rev. dr. travail, 2011, p. 446 et s., S. MILLEVILLE : « Mais attendu que la sécurité juridique invoquée ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée, l'évolution de celle-ci relevant de l'office du juge dans l'application du droit dès lors que l'obligation de sécurité trouvant sa source non pas dans une loi postérieure au dommage mais dans le contrat de travail, le revirement allégué n'a pas eu pour effet de modifier l'état du droit existant, ni de priver la partie concernée du droit au procès équitable ». C’est nous qui soulignons.

4 Cf. infra, n° 377 et s.

5 Ce qui transparaît des études sociologiques : cf. E. SERVERIN, De la jurisprudence en droit privé. Théorie d’une pratique, PUL, coll. « Critique du droit », 1985, p. 245, et M. SALUDEN, Le phénomène de la jurisprudence : Etude

sociologique, thèse dactyl., 1983, not. p. 101-102. Comp. G. CANIVET, « Activisme judiciaire et prudence interprétative », APD, t. 50, Dalloz, 2007, n° 14, p. 14 : « En se gardant bien d’invoquer leur propre jurisprudence ou celle de la Cour de cassation, les juges du fond ont appris à ne pas violer l’article 5. Et ils se sont persuadés que, de même que la lune ne brille que d’une lumière empruntée au soleil, la jurisprudence ne brille que d’une autorité empruntée à la loi. » (c’est nous qui soulignons). Ainsi les différentes Cours d’appel ne semblent pas poser de règle de droit comme la Cour de cassation. Adde. X. HENRY, « La jurisprudence accessible – Mégacode civil : théorie d’une

En revanche, dans les domaines où la Cour de cassation n’est pas intervenue, une jurisprudence des juges du fond peut exister, ce qui justifie notamment l’existence du pourvoi dans l’intérêt de la loi4, et il devrait être possible en rapprochant les décisions d’en dégager une règle. Tout cela ne prouve cependant pas que les Cours d’appel s’estiment tenues par leurs propres solutions. Peut-être est-ce une des raisons expliquant que personne ou presque ne s’émeuve du revirement de telle ou telle juridiction du fond, à laquelle il faudrait ajouter l’impact plus régional de ces jurisprudences, moins attentatoires dès lors à la sécurité juridique qu’un revirement de la Cour de cassation dont la compétence territoriale est nationale. On peut douter d’ailleurs de l’existence de véritables jurisprudences régionales, dès lors que l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a vocation à intervenir « notamment s'il existe des solutions divergentes soit entre les juges du fond5 ». Il lui appartient donc de mettre fin à ces divergences, empêchant ainsi toute constitution de jurisprudences locales. Il faudrait toutefois que la Cour de cassation soit saisie : l’ineffectivité du droit pourrait ainsi amener à considérer qu’il existe effectivement des jurisprudences de Cour d’appel. La particularité d’un tel phénomène et son caractère marginal incitent à le laisser de côté. Seule la jurisprudence de la Cour de cassation retiendra donc notre attention.

pratique », RRJ 1999, n° 38, p. 664 : les décisions des juges du fond « sont, dans la plupart des cas, rendues avec le premier objectif de trancher le litige conformément au droit en vigueur, sans encourir la cassation ; la participation

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