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La loi du 1er août 1905, l’instauration d’un régime répressif

1 re Partie : La pluralité des modèles économiques occultée par la réglementation

Section 1. D’un régime juridique répressif à un régime préventif

A. La loi du 1er août 1905, l’instauration d’un régime répressif

292. A la fin du 19e siècle, face aux fraudes diverses et variées, plusieurs lois particulières avaient été promulguées pour réglementer plusieurs catégories de produits (engrais, vins, beurre et margarines)512. Cette approche au cas par cas ressembla vite à un « manteau d’Arlequin » selon le ministre de l’Agriculture de l’époque513. Le besoin d’un texte de portée plus générale s’est fait durablement sentir et explique pourquoi une loi particulière pour les semences fut écartée. Le législateur opta pour une « loi générale permettant de

510« La technologie agricole faisait des progrès pour perfectionner les procédés de nos industries et améliorer la qualité de leurs produits, l’esprit inventif des fraudeurs était en éveil et découvrait parallèlement le moyen de réaliser de nouveaux bénéfices par des voies illicites [...] les semences étaient altérées de mille façons sans que le praticien pût s’y reconnaître ». DGCCRF, La loi du 1er août 1905 : cent ans de protection des consommateurs, La documentation Française, 2007, p. 25.

511Loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes dans les ventes des marchandises et des falsifications des denrées alimentaires et des produits agricoles, modifié par la loi 93-949 du 26 juillet 1993, JORF du 5 août 1905, p. 4813, JORF.

512DGCCRF, La loi du 1er août 1905 : cent ans de protection des consommateurs, La documentation Française, 2007, p. 11.

frapper tous les fraudeurs indistinctement et laissant à des règlements d’administration publique le soin des détails pour chaque espèce514... »515.

293. A l’origine, selon F. COCHOY et R. CANU, « la loi de 1905 a beaucoup moins

visé à défendre les acheteurs qu’à garantir aux producteurs et vendeurs les conditions d’une concurrence loyale et d’un « commerce honnête », poursuivant en cela des objectifs purement économiques conformes au dogme libéral »516. La loi permet à une personne lésée de poursuivre un vendeur devant un tribunal. Par exemple, un agriculteur qui achète des semences qui ne germent pas pourrait poursuivre le vendeur devant un tribunal. Ce vendeur pourra être condamné à des amendes et des peines d’emprisonnement pour la falsification de produits agricoles ou naturels (article 3.1°), par exemple517. Il s’agit bien d’un régime répressif puisque la loi sanctionne les faits reprochés après leur accomplissement518. L’avantage de ce régime répressif est de faire prévaloir la liberté et de permettre l’exercice immédiat des libertés, qu’aucune formalité préalable ne vient retarder. Cette liberté a des limites que la loi fixe et qui peuvent entraîner sanction si elles ne sont pas respectées519. Ainsi, selon J. RIVERO, toute personne est en mesure « d’organiser son activité en toute connaissance de cause, sans avoir à craindre les surprises que réserve l’arbitraire. Cette sécurité est le fondement de sa liberté. Et s’il décide de passer la limite, c’est en homme libre qu’il choisit de s’exposer à la répression »520.

294. Cette loi générale est avant tout conçue comme « une loi-cadre s’appuyant sur

des règlements d’administration publique [RAP] censés les détailler »521. Ainsi, alors que le

514Ce n’est espèce au sens que nous l’entendons ici, mais ‘produit’.

515DGCCRF, La loi du 1er août 1905 : cent ans de protection des consommateurs, op. cit., 2007, p. 25.

516F. COCHOY et R. CANU, "De l’occultation à l’édification des consommateurs", in La loi du 1er août 1905 :

cent ans de protection des consommateurs, DGCCRF, La documentation Française, 2007, p. 275.

517 Ou encore, à l’encontre de personnes qui « exposeront, mettront en vente ou vendront […] des produits agricoles ou naturels qu’ils sauront être falsifiés ou corrompus ou toxiques » (art. 3.2°)

518Un parlementaire du nom de Vaillant se plaint, car il souhaitait une "loi de prévention alors que la loi est une loi de répression". DGCCRF, La loi du 1er août 1905 : cent ans de protection des consommateurs, op. cit., 2007, p. 36.

519FERAL expliquera que « les réactions sont vives contre un texte "dangereux pour le commerce et qui menace d’entraver les transactions honnêtes" » (Réactions des députés hostiles à la loi et soutenus par un lobby industriel, Sirey, 1906, loi annotée p. 154). Mais la répression est la contrepartie d’une liberté qui "consiste à punir les abus de la liberté sans contrarier celle-ci" (Barthélemy, préface au Manuel élémentaire pour la répression des fraudes, Paris, Lemercier, 1909) ». F. FÉRAL, "Cent ans d’action publique, du service de l’économie agrarienne à la protection des consommateurs", in La loi du 1er août 1905 : cent ans de protection

des consommateurs, DGCCRF, La documentation Française, 2007, p. 102.

520J. RIVERO et H. MOUTHOUH, Libertés publiques Tome 1, PUF Droit, 2003, p. 176.

521A. STANZIANI explique qu’« il s’agit là d’une nouveauté du point de vue de la production des sources de droit et qui aura un succès grandissant au cours des décennies suivantes jusqu’à nos jours (c’est la solution la plus répandue en matière de droit européen). Cette solution est censée permettre l’adoption, puis des modifications rapides d’aspects tels que la définition des produits et la standardisation des expertises qui, au cours des années précédentes, avaient souffert précisément de leur difficulté à évoluer en réponse aux techniques

mot semence n’est jamais mentionné, ni dans la version de 1905, ni dans la version actuelle de ces dispositions codifiées à l’article L. 213-1 et suivantes du Code de la consommation522, des RAP sont adoptés par décrets en vertu de l’article 11 de la loi du 1er août 1905. Ils préciseront les modalités d’application de la loi de 1905 aux semences qui, dans un premier temps, respecteront le principe de liberté.

B. Des décrets spécifiques aux semences dans un cadre répressif (1922 –

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