• Aucun résultat trouvé

1 re Partie : La pluralité des modèles économiques occultée par la réglementation

Section 1. L’autoproduction de semences

B. Les deux catégories de variétés autoproduites

205. Alors qu’il est reconnu que « la pratique du réensemencement va de pair avec

une meilleure connaissance des variétés [et] une autonomie par rapport aux propositions commerciales »359, les politiques agricoles française et communautaire vont à son encontre depuis les années 60. Ces politiques ont fortement encouragé les agriculteurs, par le biais de

356 La presse agricole donne plusieurs exemples. L’un d’eux, cet article sur quatre agriculteurs qui font leur semence avec leur matériel : V. THÈCLE, "Produire des semences fermières de qualité", La France Agricole, 23 août 2002, p. 29.

357Ibid.

358En ce sens, la Circulaire STB n°2336 du 2 septembre 1971. Une circulaire de 1971 de l’Office national des Céréales définit le triage-à-façon comme étant « l’opération qui consiste pour un agriculteur, à remettre, moyennant rémunération, à une tierce personne, une certaine quantité de céréales pour qu’elle les trie, et une fois le triage effectué, à rapporter la totalité des produits résultant du triage - céréales triées et déchets du triage ». Cette circulaire a depuis été invalidée par : Arrêt du Conseil d’Etat du 30 mai 1994, Caisse de gestion des licences végétales (C.G.L.V.) et la Société d’intérêt collectif agricole des sélectionneurs obtenteurs de variétés végétales (S.I.C.A.S.O.V.) contre ONIC, n° 95711, publié aux Tables du Recueil Lebon.

Comme l’a constaté le Conseil d’Etat dans son arrêt, l’Office National Interprofessionnel des Céréales (ONIC) « ne tenait d’aucune disposition législative ou réglementaire le pouvoir de réglementer l’activité du triage à façon des céréales ». Dès lors, les actes contestés sont entachés d’incompétence, et le refus de droit à la demande des sociétés requérantes « tendant au retrait de ces actes, est elle-même entachée d’excès de pouvoir et doit être annulée ». Ainsi, la circulaire n°23 336 adoptée le 2 septembre 1971 et reconduite pendant les campagnes suivantes et qui tendait à organiser et contrôler les opérations de triage-à-façon, était entachée d’excès de pouvoir. L’ONIC régissait des situations pour lesquelles il n’avait pas compétence.

359 M.-A. HERMITTE, "Bioéthique et brevets dans le droit du commerce international : la construction d’un nouveau contrat social", in op. cit..

campagnes d’information360 ou de formations (Chambres d’agricultures ou écoles), à abandonner leurs variétés locales, moins productives mais libres de tout droit de propriété intellectuelle. Ils ont adopté la modernité et les variétés commercialisées, très appréciées, car plus faciles à utiliser et peu chères, sans compter le gain de temps non négligeable qui découlait de l’achat de semences prêtes à l’emploi. Pourtant, ce choix a été accompagné de l’abandon d’une liberté. Personne n’a jamais expliqué alors qu’en abandonnant leurs variétés locales, les agriculteurs abandonnaient aussi leur liberté de reproduire des semences sans contraintes. L’attachement de tout agriculteur, des plus gros aux plus petits, à leur « droit de reproduire » une semence est très fort, tout comme leur souhait de pouvoir acheter des variétés commerciales. Bien que ces positions soient paradoxales, elles n’appellent qu’une simple clarification : identifier les situations où un agriculteur peut reproduire une semence librement ou à certaines conditions et celles où il ne le peut pas, afin que chaque agriculteur fasse ses choix selon ses propres besoins et ses envies.

206. Curieusement, il n’est jamais indiqué sur un lot de semences si la variété

concernée est protégée par un droit d’obtention végétale (DOV), alors que les marques sont toujours clairement identifiées par le signe « ® »361. Ainsi, une grande majorité d’agriculteurs ne sauraient dire si une variété qu’ils utilisent est protégée par un DOV communautaire ou par un DOV français, ou si elle appartient au domaine public362. Or, les conditions du droit de reproduire une semence varient selon qu’il s’agit d’une variété protégée (1°) et ou d’une variété du domaine public (2°).

360En ce sens, par exemple, GNIS, Analyse du poste « semences » pour les cultures de céréales dans la région Picardie, GNIS, 1983, GNIS, Céréales : semences de ferme ou semences certifiées? L’opération « Vérité sur les semences de ferme » menée en Ille-et-Vilaine vous permet de juger à partir d’éléments chiffrés, GNIS n°81-8, août 1981, GNIS, Comment réussir vos semis, GNIS, juillet 1979, GNIS, Faire soi-même ses semences de céréales, est-ce réellement plus économique que d’acheter des semences certifiées? Résultats de l’analyse du poste « semences » dans la gestion d’une exploitaion céréalière du bassin Parisien, GNIS n°79.12, août 1979, GNIS, Ils développent leurs ventes de semences certifiées, voici comment... GNIS n°79-10, juillet 1979.

361 Si une entreprise décide de commercialiser une variété sous une marque, il ne peut le faire que si la dénomination générique de la variété utilisée au Catalogue officiel est indiquée. Souvent, une marque est utilisée pour identifier une gamme de variétés, telle que la gamme Yieldgard®.

362 Lors de chaque entretien avec un agriculteur, qu’il soit adhérent de la FNSEA, la Coordination rurale, le MODEF ou la Confédération paysanne, ou non affilié, nous avons posé la question. Si les agriculteurs étaient certains qu’ils utilisaient une variété nouvelle et protégée, ils étaient cependant dans l’incapacité de dire si elle était protégée par un DOV français ou DOV communautaire. Or, le droit de reproduire est très différent selon qu’il s’agit d’appliquer le régime français ou communautaire.

1°) L’autoproduction de semences de variétés protégées : « la semence de ferme »

207. L’autoproduction de variétés protégées est la reproduction d’une variété

achetée : on parle de « semence de ferme ». L’agriculteur n’a pas sélectionné la variété, il ne fait que reproduire une variété développée par un obtenteur, comme un étudiant photocopie un livre. Cette reproduction de semence est destinée à son exploitation agricole, exploitation qui lui procure ses revenus. Dans ce cas, il faut distinguer le droit de reproduire une semence d’une variété protégée au regard du droit communautaire (a), d’une variété protégée en droit français (b), car pour ajouter à la complexité, les droits et obligations des agriculteurs varient sensiblement d’un cas à l’autre.

a) « L’exception agricole » en droit communautaire

208. On l’a dit précédemment : l’exception agricole est le droit accordé à l’agriculteur

de reproduire une variété protégée pour ses propres besoins sur sa propre exploitation (article 14.1, Règlement 2100/94)363. Toutefois, ce droit n’est accordé qu’à certaines conditions spécifiées par les règlements n°2100/94 et n°1768/95364. Elle n’est de surcroît valable que pour 20 espèces énumérées à l’article 14.2 du Règlement 2100/94365.

209. En faveur de l’agriculteur, l’article 14.3 du règlement 2100/94 précise que le

droit de reproduire n’est subordonné à aucune restriction quantitative. Cela vaut dans la mesure des besoins de l’exploitation. Aussi, le produit de la récolte peut être préparé en vue de la mise en culture, par l’agriculteur lui-même ou par un prestataire de services (« trieur-à- façon »)366.

210. En faveur de l’obtenteur, parce que l’agriculteur reproduit la semence d’une

variété protégée, il s’engage à payer au titulaire du DOV une « rémunération équitable », sauf

363 Pour une analyse claire de l’exception agricole, lire T. BOUVET, La protection juridique de l’innovation végétale, op. cit., p. 374, J. GENNATAS, Les semences de ferme dans le cadre de la protection communautaire

des obtentions végétales, Enforcement of Plant Variety Rights, Bruxelles, 4-5 octobre 2005.

364 Règlement 1768/95/CE de la Commission du 24 juillet 1995 établissant les modalités d’application de la dérogation prévue à l’article 14 paragraphe 3 du règlement n° 2100/94/CE du Conseil instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales, JOCE L 173/14, 25.07.1995.

365Voir annexe n°29.

366Cependant, les Etats membres peuvent établir des restrictions sur le plan de l’organisation et la préparation dudit produit de la récolte, notamment en vue de garantir que le produit soumis à préparation est identique à celui qui résulte de la préparation.

s’il est un « petit agriculteur »367. Les modalités de cette rémunération sont fixées par l’article 5 du règlement d’application n° 1768/95 : soit le niveau de « rémunération équitable » à payer au titulaire fait l’objet d’un contrat entre le titulaire et l’agriculteur concernés, soit il fait l’objet d’accords collectifs entre organisations de titulaires et d’agriculteurs368. Dans ce dernier cas, ces accords doivent être notifiés par écrit à la Commission, et publiés dans la « Gazette officielle », par l’Office Communautaire des variétés végétales369.

211. Lorsqu’un accord n’est pas applicable, la rémunération à verser est de 50% des

montants dus pour la production sous licence de matériel de multiplication, avec toutefois des modulations possibles370. Lorsque aucun contrat n’a été conclu, le niveau de la rémunération est « sensiblement inférieur au montant perçu pour la production sous licence de matériel de multiplication de la catégorie la plus basse de la même variété susceptible de bénéficier de l’homologation officielle, dans la même région »371.

Ces modalités de paiement offrent plusieurs alternatives, mais en raison du refus de certains agriculteurs de payer cette redevance, ou parce qu’ils ne connaissent pas ces modalités372, les obtenteurs ont du mal à percevoir leur dû. Pour venir à leur soutien, l’article 8 du règlement 1768/95 impose à l’agriculteur une obligation d’information : soit le détail des informations à fournir par l’agriculteur au titulaire fait l’objet d’un contrat entre le titulaire et l’agriculteur concernés, soit, lorsque aucun contrat de ce type n’a été conclu ou n’est applicable, l’agriculteur est tenu de communiquer au titulaire, à la demande de celui-ci, une déclaration relative aux informations utiles pour le titulaire373. A notre connaissance, aucun

367 Art. 14.3 règlement 2100/94 : les petits agriculteurs sont « les agriculteurs qui ne cultivent pas d’espèces végétales sur une surface supérieure à celle qui serait nécessaire pour produire 92 tonnes de céréales ».

En ce qui concerne les petits agriculteurs qui sont exemptés de paiement de redevances aux titulaires, et en cas de litiges, ce sont les agriculteurs eux-mêmes qui doivent fournir la preuve que les conditions requises de petits agriculteurs sont remplies. (art. 7.5 du règlement 1768/95).

368Ces accords peuvent être conclus avec ou sans la participation d’organisations de transformateurs, établies dans la communauté, au niveau communautaire, national, ou régional, les niveaux convenus servent de lignes directrices pour la détermination de la rémunération à verser dans la région et pour l’espèce en cause.

369A ce jour, cet Office n’a publié que deux accords, l’un effectif en Allemagne, l’autre en Suède. 370Voir art. 5.5 et 5.6 du règlement 1768/95.

371Art. 5.2 du règlement 1768/95.

372Dans la majorité des cas, un agriculteur ne sait pas dire s’il utilise une variété protégée ou non, et si elle est protégée, s’il s’agit d’un COV communautaire ou français.

373Dans la pratique, les titulaires ont beaucoup de difficultés pour obtenir les informations nécessaires. Comme l’explique M.-.A. HERMITTE, « les titulaires de droits doivent être rémunérés au prorata du taux d’utilisation de chacune de leurs variétés ; il faut donc qu’ils aient une idée de leurs ventes. Par hypothèse, les vendeurs connaissent les acheteurs d’une campagne de semis ; mais si l’année suivante, l’acheteur a disparu, il a pu aussi bien aller chez un concurrent, que changer d’espèce cultivée ou réensemencer son exploitation avec la récolte, seule hypothèse dans laquelle il doit une rémunération. Les vendeurs dépendent donc, pour recouvrer leur droit, des informations qui leur sont fournies, le règlement prévoyant que les agriculteurs et les trieurs de semences sont obligés de répondre à leurs questions ». M.-A. HERMITTE, "Bioéthique et brevets dans le droit du commerce international", op. cit.

contrat n’a été conclu en France à ce jour et la situation semble être la même dans les autres Etats membres. Le titulaire est donc obligé de demander aux agriculteurs les informations utiles pour faire valoir son droit374. Comme l’explique M.-A. HERMITTE, « la gageure est d’arriver à trouver un système d’information dont le rapport coûts - bénéfices ne soit pas trop mauvais »375. Mais ce droit à l’information a cependant des limites, comme l’ont démontré les récents arrêts de la Cour de Justice de la Communauté européenne (CJCE). En l’espèce, une entreprise allemande STV, qui gère les redevances pour les obtenteurs comme la SICASOV376 en France), avait envoyé des lettres de demandes de renseignements portant sur plus de 500 variétés adressées à des agriculteurs sans prendre la précaution de démontrer qu’ils avaient concrètement cultivé une variété déterminée, ni même cherché à savoir si elle disposait d’indices qui le laissaient croire. Dans l’affaire Schulin du 10 avril 2003377, la CJCE établit que le titulaire ne peut être autorisé à demander des informations à un agriculteur que s’il dispose d’un indice378 de nature à laisser penser que ce dernier a exercé son « privilège de l’agriculteur »379. Sans doute, la CJCE a-t-elle ici tenté de montrer qu’un principe selon lequel tout agriculteur doit fournir sur demande des titulaires toute information pertinente serait disproportionnée à l’impératif de sauvegarde des intérêts légitimes réciproques de l’obtenteur et de l’agriculteur. L’obligation d’information n’existe qu’à l’égard de ceux qui sont susceptibles d’avoir exercé ce privilège. La Cour indique que le fait d’avoir acheté des semences au titulaire doit être considéré comme un tel indice380. Cet arrêt vise in fine à protéger les droits exclusifs des obtenteurs sans pour autant laisser les obligations qui en 374En vertu de l’art. 8.5 du règlement 1768/95 « une demande non adressée directement à l’agriculteur concerné est considérée comme conforme aux dispositions communautaires si elle est envoyée à des agriculteurs par l’intermédiaire d’organisations d’agriculteurs ou de coopératives, pour les agriculteurs membres de ces organisations ou coopératives, ou de prestataires d’opérations de triage à façon qui ont réalisé des opérations de triage à façon pour les agriculteurs concernés […]. L’article poursuit : « et selon les modalités de l’article 8(5)deuxième tiret du règlement d’application. Pour les demandes formulées par l’intermédiaire d’organisations, de coopératives et de prestataires d’opérations de triage à façon, il n’est pas nécessaire d’indiquer chaque agriculteur. Les organisations, coopératives, prestataires d’opérations de triage à façon et fournisseurs peuvent être autorisés par les agriculteurs concernés à transmettre les informations requises au titulaire ».

375M.-A. HERMITTE, "La construction du droit des ressources génétiques - exclusivisme et échanges au fil du temps", in Les ressources génétiques végétales et le droit dans les rapports Nord-Sud, M.-A. HERMITTE et P. KAHN, Bruylant, Bruxelles, 2004, p. 76.

376La SICASOV est l’équivalent de la SACEM (artistes) pour gérer les droits des obtenteurs.

377CJCE, Christian Schulin / Saatgut-Treuhandverwaltungsgesellschaft mbH, Affaire C-305/00, conclusions de l’avocat général M. Dàmaso Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 21 mars 2002 et arrêt rendu le 10 avril 2003, non encore publié au Recueil.

378Point 63 de l’arrêt Schulin.

379Comme le rappelle M.-A. HERMITTE, « la Cour rappelle que le privilège du fermier est une exception au droit de l’obtenteur (pt.47), qui ne concerne pas toutes les espèces ni tous les agriculteurs. Le droit à l’information est donc limité à ces espèces et aux agriculteurs concernés ; toute extension " irait au-delà de ce qui est nécessaire afin de sauvegarder les intérêts légitimes réciproques de l’obtenteur et de l’agriculteur " (pt.57 et 62) ». M.-A. HERMITTE, "La construction du droit des ressources génétiques op. cit., p. 76.

380L’arrêt du 11 mars 2004 dans l’affaire préjudicielle Jäger (affaire C-182/01) a confirmé, entre autre, l’arrêt Schulin.

découlent dépasser leur champ initial et aller jusqu’à imposer aux agriculteurs non utilisateurs de variétés protégées des obligations dépourvues de contrepartie.

212. Pour aider à la difficile tâche de collecte d’informations et d’indices, la CJCE a

plus récemment exigé des trieurs-à-façon de fournir au titulaire des informations utiles. Selon l’arrêt Brangewitz du 14 octobre 2004381, les informations utiles sont non seulement celles concernant les agriculteurs pour lesquels le titulaire dispose d’indices de ce que le prestataire a effectué ou prévoit d’effectuer lesdites opérations, mais également tous les autres agriculteurs pour lesquels le prestataire a effectué ou prévoit d’effectuer des opérations de triage à façon du produit de la récolte obtenue. Toutefois, en pratique, il est difficile de savoir si une variété est protégée ou non. Au niveau communautaire, une base de données en ligne permet de vérifier si une variété est protégée par un DOV communautaire et jusqu’à quand382. Aucune base de données publique semblable n’existe pour les DOV français ; pourtant la tenue d’un registre et la publication d’un bulletin sont prévues par le Code de propriété intellectuelle383.

213. En France, les distributeurs de semences n’indiquent pas à leurs clients si une

variété est protégée, et encore moins la distinction entre leurs COV français ou communautaire ; or cette distinction est importante puisque l’exception agricole qui s’y rattache est différente selon le cas. Lors de tous nos entretiens effectués avec des agriculteurs, nous posions la question de savoir s’ils pouvaient préciser si les variétés qu’ils utilisaient étaient protégées, et si oui, si le COV était français ou communautaire. Alors que beaucoup parvenaient à répondre à la première question, aucun n’a su répondre à la deuxième. Or, il faudrait qu’ils le sachent, car le droit des agriculteurs n’est pas du tout le même selon qu’il s’agit d’un COV français ou communautaire.

381 CJCE, Saatgut-Treuhandverwaltungsgesellschaft mbH contre Brangewitz GmbH, Affaire C-336/02, conclusions de l’avocat général M. Damaso Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 17 février 2004 et arrêt rendu le 14 octobre 2004.

382La base de données est accessible à partir du site internet de l’Office Communautaire des Variétés Végétales (OCVV) : http://www.cpvo.europa.eu.

383 Il s’agit du Registre national des certificats d’obtention végétale prévu par l’article R623-27 du Code de propriété intellectuelle. Le Bulletin officiel du comité de la protection des obtentions végétales, prévu pa : l’article R623-28 du C. prop.intell. indique que « la délivrance du certificat d’obtention végétale est publiée au Bulletin officiel du comité de la protection des obtentions végétales dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de délivrance faite au propriétaire du certificat d’obtention végétale ».

L’accès au registre se fait au Comité de Protection des obtentions végétales (CPOV) et le Bulletin n’est disponible ni à la bibliothèque de l’Institut national de Propriété Intellectuelle (INPI), ni à la Bibliothèque Nationale de France (BNF).

b) L’absence d’ « exception agricole » en droit français

214. Alors que l’interdiction de reproduire des semences par un agriculteur n’est

apparue qu’en 1991 dans la nouvelle convention UPOV, la France avait dès 1970 réservé le droit de reproduction au seul obtenteur. L’article 3 de la loi n°70-489 énonce explicitement que « Toute obtention végétale […] confère à son titulaire un droit exclusif à produire ». Ce « droit exclusif à produire » se trouve amputé des cinq mots clés présents dans la version de la Convention UPOV de 1961, à savoir la production « à des fins d’écoulement commercial ». En retirant cette précision, le législateur français fermait discrètement la porte au droit de reproduire des variétés protégées par un COV384. Détail passé inaperçu à l’époque, puisque peu de COV avaient encore été conférés pendant les années 1970, les agriculteurs ont vécu dans l’illusion qu’ils pouvaient continuer à produire leurs propres semences, y compris en reproduisant celles qu’ils achetaient de plus en plus régulièrement dans le commerce. Or, avec l’accroissement du nombre de variétés protégées et l’augmentation du coût des semences pendant les années 1980, la surprise fut brutale pour les agriculteurs lorsque les obtenteurs cherchèrent à faire valoir leurs droits sur la production et la commercialisation de leurs variétés. Poursuivis, certains paysans se trouvèrent inquiétés pour fraude et menacés de pénalités considérables385. Un certain nombre des agriculteurs refusèrent de payer les pénalités, convaincus de pouvoir reproduire des semences au nom de l’existence en France d’ « une tradition selon laquelle un cultivateur a la faculté d’utiliser une partie de sa récolte en vue du réensemencement de ses propres champs »386. La fin des années 1980 a ainsi connu nombre de procès pour déterminer si les agriculteurs avaient un droit de reproduire des variétés de semences protégées par un COV387. Plusieurs procédures furent entamées, dont les 384Sachant que la France a été l’instigatrice des négociations pour la conclusion d’un traité international sur le droit des obtenteurs, et que pratiquement chaque mot et virgule ont fait l’objet d’un débat ardu, il est difficile de croire que lors de l’adoption de la loi de 1970, les mots « à des fins d’écoulement commercial » aient été non

Documents relatifs