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La fourniture de semences à des jardiniers amateurs

1 re Partie : La pluralité des modèles économiques occultée par la réglementation

Section 2. Les systèmes accessoires de fourniture de semences

A. La fourniture de semences à des jardiniers amateurs

267. La fourniture de semences à des jardiniers amateurs, comme à toute personne

qui la reçoit à titre non commercial, se range dans une catégorie bien spécifique. Cette catégorie de personnes ne cherche pas à utiliser les semences en vue d’une exploitation commerciale ; elle cherche simplement à produire des légumes dans un jardin potager pour les déguster en famille ou en donner aux voisins.

268. Pour cultiver leur potager, les jardiniers amateurs achètent des petits sachets de

semences dans des jardineries pour quelques euros ou gardent quelques graines de potiron ou d’une tomate pour les planter l’année suivante. Il se peut aussi qu’un voisin leur offre des têtes d’ail d’une variété locale héritée de son grand-père pour démarrer le nouveau potager.

269. Dans ce cas encore, il faut distinguer plusieurs modes d’obtention des

semences : le circuit long et le circuit court. La définition de commercialisation dit : « par "commercialisation", on entend la vente, la détention en vue de la vente, l’offre de vente et toute cession, toute fourniture ou tout transfert, en vue d’une exploitation commerciale, de semences à des tiers, que ce soit contre rémunération ou non ». Cette définition semble recouvrir tout type d’échanges. Cependant, quand on compare la version en français et la version officielle anglaise de la directive, il ressort de la comparaison qu’il faut distinguer deux cas. Premièrement, la notion de commercialisation recouvre : « la vente, la détention en vue de la vente, l’offre de vente ». Toute vente à des jardiniers amateurs tombe donc sous le coup de la réglementation semence. Deuxièmement, ce n’est pas le cas des échanges de semences entre amateurs. C’est ainsi que la deuxième partie de la définition de la notion de commercialisation ne s’applique qu’à « toute cession, toute fourniture ou tout transfert, en vue d’une exploitation commerciale, de semences à des tiers, que ce soit contre rémunération ou non ». Une cession, une fourniture ou transfert à un jardinier amateur qui n’est pas faite en vue d’une exploitation commerciale ne tombe donc pas dans le cadre de cette définition et 480J.-P. BERLAN soutient dans sa thèse que la recherche s’est axée autour des hybrides pour des raisons de performances, mais surtout parce que les agriculteurs ne pouvaient pas reproduire la semence à l’identique. Ils devenaient alors une clientèle captive. J.-P. BERLAN, Recherche sur l’économie politique d’un changement technique : les mythes du maïs hybride, Faculté des Sciences économiques, Université Aix-Marseille II, 1987. 481 Projet précité :AGROBIO PÉRIGORD, L’Aquitaine cultive la biodiversité : expérimentations semences biologiques de populations en Aquitaine, Bio d’Aquitaine, 2007.

donc n’est pas dans le champ d’application de la directive. C’est pourquoi nous distinguons les ventes de semences à des jardiniers amateurs (1°) et les échanges et les dons aux jardiniers amateurs ou entre eux (2°).

1°) La vente de semences aux jardiniers amateurs

270. De nombreuses entreprises traditionnelles de la vente de semences en petits

sachets ont été rachetées par des grands groupes, à l’instar des entreprises Vilmorin ou Clause rachetées par Limagrain. Elles s’inscrivent dans la logique du circuit long professionnel. Ils produisent des semences seuls ou sous contrat avec des agriculteurs-multiplicateurs et empaquettent les semences dans des « petits emballages » conformément à la réglementation. Dans la majorité des cas, les variétés vendues aux amateurs sont les mêmes que celles vendues aux agriculteurs, sauf que l’emballage et les quantités vendues diffèrent. Il s’agit, par exemple, de variétés hybrides de carottes ou de tomates.

271. Il n’y a eu aucune sélection particulière de variétés pour les jardiniers amateurs,

bien que les méthodes de culture de l’agriculture conventionnelle et celles des jardiniers amateurs ne soient pas les mêmes. Un jardinier amateur ne recherche pas nécessairement que toutes ses tomates soient d’une rondeur parfaite ou ses concombres parfaitement droits, alors que cela est nécessaire pour satisfaire les critères de l’industrie agro-alimentaire. Le renouveau d’intérêt des jardiniers amateurs pour des variétés locales ou anciennes témoigne de leur recherche diversifiée pour des variétés originales dans leur potager. Pour répondre à cette attente, des entreprises semencières comme Graines de Baumaux ou La Ferme Sainte Marthe proposent des variétés dites anciennes dans leurs catalogues commerciaux, et ce, selon une réglementation spéciale mise en place par le pouvoir réglementaire français. Des acteurs atypiques, tels que les parcs régionaux ou les conservatoires répondent aussi à cette demande. Ce n’est pas pour autant que ces ventes sont légales.

272. Un autre acteur de la fourniture de semences, au centre d’une polémique, est

l’association Kokopelli. C’était à l’origine une entreprise qui s’est transformée en association pour tenter de se protéger contre les rappels à la réglementation et les menaces de procès pour ventes illicites de semences de variétés non inscrites au Catalogue. L’association Kokopelli vend encore aujourd’hui de nombreuses variétés non inscrites au Catalogue, à des amateurs, mais aussi à des agriculteurs, sans se conformer à aucune forme de réglementation en matière de production, contrôle ou de commercialisation. Cette position clairement affirmée par son Président, Dominique Guillet, vise à dénoncer les exigences trop astreignantes de la

réglementation, qui sont disproportionnées pour les très petites quantités vendues à des amateurs. Cette association a été condamnée devant deux juridictions : la première affaire, arrivée jusque devant la chambre criminelle de la Cour de cassation a été portée par le GNIS et la Fédération Nationale des Producteurs de Semences Potagères (FNPSP) et la deuxième est en appel et concerne une entreprise concurrente, Graines de Baumaux. Les deux affaires portent sur la vente illégale de semences de variétés non inscrites au Catalogue482. A ce stade, il suffit d’en retenir que la question de la vente de variétés anciennes, locales, de niches, en petites quantités est devenue médiatique483, car l’application d’un régime d’AMM aux semences de variétés anciennes vendues en petite quantité est inconcevable semble inconcevable.

2°) L’échange entre amateurs ou le don à des amateurs

273. Si la vente, la détention en vue de la vente, l’offre de vente à des jardiniers

amateurs tombent sous le coup de la réglementation des AMM, le don et l’échange ne sont pas concernés. Qu’il s’agisse d’un agriculteur, d’un conservatoire, d’un voisin ou d’un autre jardinier amateur, il est possible de céder, de fournir et de transférer des semences gratuitement car ce transfert n’est pas en vue d’une exploitation commerciale. Le jardinier amateur, par définition, utilisera la semence dans son jardin potager pour lui-même et pas pour la commercialisation de sa récolte.

274. C’est d’autant plus vrai pour les échanges entre amateurs puisque aucune des

deux parties ne vise une exploitation commerciale de la semence. La définition de commercialisation ne s’applique pas à cette situation, mais un flou existe autour des dons de semences aux associations qui gèrent les jardins-ouvriers associés à des projets de réinsertion de personnes en difficulté. Selon Jean Wohrer du GNIS, de tels dons devraient tomber sous le coup de la réglementation parce que la notion de commercialisation comprendrait tout échange484. Pourtant, si la semence n’est pas donnée en vue d’une exploitation commerciale quelconque, il est difficilement imaginable qu’un juge suive une telle extension de la notion 482Ces deux affaires seront développées infra n°791.

483 La presse générale publie un nombre d’articles sans cesse plus important à ce sujet au cours de ces cinq dernières années. Quelques références : AFP, "Kokopelli, le petit poucet des semences, défenseur de la biodiversité", AFP, 25 janvier 2007, AFP, "Prince Charles slams ‘crazy’ EU laws on seeds", AFP, 4 avril 2007, L. NOUALHAT, "Graines de discorde : Le commerce de semences de plantes potagères est soumis à une réglementation stricte en France. Une législation notamment régie par des impératifs de rentabilité, au grand dam des défenseurs de la biodiversité", Libération ,

http://www.liberation.fr/transversales/grandsangles/210769.FR.php, lundi 16 octobre 2006. 484Entretien avec Jean Wohrer du GNIS, le 23 avril 2003.

de commercialisation. A l’inverse, ce serait envisageable pour des professionnels non- agriculteurs.

B. La fourniture de semences aux professionnels non-agriculteurs

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