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La présence musulmane en France avant l’an mille

Les guerres entre le royaume carolingien et l’Espagne musulmane sont incessantes. De la mort de Charlemagne (814) à l’arrivée des rois capétiens, les monarques carolingiens doivent faire face, à de maintes reprises, à des implantations ou tentatives d’implantations musul-manes plus ou moins longues sur le territoire qui deviendra la France.

Les escarmouches se poursuivent, tandis que le royaume est désormais attaqué par un nouvel envahisseur aussi dangereux, les Vikings, qui commencent à déferler sur le territoire. Leurs raids deviennent plus fréquents à partir de 830. Le royaume franc doit donc affronter deux envahisseurs dont la spécialité reste le raid de pillage ou la razzia, consistant également, pour les musulmans, à enlever la population pour la réduire en esclavage et la ramener, à défaut du paiement d’une rançon, en terre musulmane ; le phénomène restant marginal du côté des Vikings, même s’il existe.

Aux IXe et Xe siècles, les exemples de saccages, de pillages sont innombrables. Ainsi, à Marseille, razziée régulièrement, et sans que cela soit exhaustif : en 813, pour des esclaves, en 838, avec l’enlèvement des clercs et des moniales, en 842, la destruction de l’abbaye Saint-Victor ; et à nouveau vers 868, puis en 923, en 929, en 943… En 841, pour la Cerdagne et les faubourgs de Narbonne, puis en 842, pour Arles, comme vers 868.

Vaison-la-Romaine garde en mémoire le pillage des Sarrasins vers 850.

Et que dire d’Apt en 896, ou en 920, puis 929 pour l’abbaye de Novalaise ? C’est encore Oulx et la région d’Embrun, en 936, Saint-Gall, en 940, lorsque les troupes musulmanes montent jusqu’à la Suisse actuelle et pillent l’abbaye territoriale de Saint-Maurice-d’Agaune1.

Il est bien évidemment impossible dans un ouvrage comme celui-là de présenter de manière exhaustive toutes les attaques qui se sont déroulées en deux siècles. Il convient de retenir que, en moyenne, les Sarrasins lançaient une expédition tous les deux ans, sans compter les pillages qu’ils effectuaient en Italie dans les mêmes périodes. C’est dire l’insécurité totale qui régnait dans le Sud-Est de l’actuelle France pendant deux siècles !

On ne peut comparer l’ampleur dans la durée de ces raids dévastateurs avec ceux des Vikings. Non dans la cruauté et les pillages – incendies, viols et massacres sont similaires –, mais dans la constance. En effet, Charles III, roi de France, signe, en 911, le traité de Saint-Clair-sur-Epte avec le chef viking Rollon, qui accepte sa suzeraineté. Cet accord établit une paix durable, même si quelques exactions purent encore continuer quelque temps. Mais, surtout, les Vikings ont pris la décision de s’intégrer, puis de s’assimiler au peuple français, et Rollon accepte de recevoir le baptême, condition essentielle pour que les deux communautés puissent se fondre en une seule. De leur côté, les raids menés par les Hongrois, dévastateurs aussi dans la vallée du Rhône, n’ont été que sporadiques au IXe siècle, et ils sont vaincus par l’empereur germanique Otton Ier en 955.

Avec les Sarrasins, force est de constater qu’aucune négociation n’a jamais abouti à un accord durable. Les rares traités signés n’ont jamais tenu plus de quelques années et, surtout, il n’a jamais été question d’une éventuelle intégration dans un régime politique européen, culturel ou religieux. En effet, dans les chroniques arabes de l’époque, on parle des

« combattants du jihad pour la foi2 ».

C’est ainsi qu’ils décident, profitant de la moindre opportunité, de la moindre faiblesse, de tenter de nouvelles conquêtes territoriales en Camargue et en Provence. De nombreuses polémiques ont eu lieu à propos de ces installations permanentes. Certains les ont même niées, avec force et conviction, affirmant l’absence totale de preuve, allant même jusqu’à écrire qu’il fallait « rejeter catégoriquement toutes les traditions tardives qui parlent de colonies sarrasines en Gaule » (tel l’historien Lucien Musset en 19653). D’autres se sont moqué des confusions entretenues – savamment ou non – pendant des siècles autour de noms toponymiques qui comportaient le

nom de Maure, car cette étymologie peut aussi dériver d’autres mots anciens.

Il suffit de prendre l’exemple de la vallée de la Maurienne pour comprendre la difficulté à faire une analyse définitive. Les explications sont nombreuses et n’ont rien à voir avec les Sarrasins. De la via Marian (route ouverte par le consul Marius)4 à Maurogenos (fils de Maurus, un Romain)5 ou Malus rivus (mauvaise rivière)6, les explications ne manquent pas. De plus, le nom Maurienne est déjà utilisé en latin dès le VIe siècle. Et pourtant, de nombreux auteurs ont, en raison du nom, intégré cette vallée à la région dont le contrôle a été donné aux Sarrasins pour contenir les ambitions de Bérenger face à l’Italie ! Beaucoup d’imprécisions, qui ont conduit à un relativisme, voire à une négation d’une explication qui serait liée aux Maures. Les historiens le reconnaissent aujourd’hui : cette présence sarrasine a été plus longue qu’on ne le pensait. L’archéologie commence à le démontrer avec des découvertes surprenantes. Ainsi, en 2013, un colloque à Marseille a réuni des spécialistes autour de découvertes qui ont mis en évidence des bateaux7, des poteries, des monnaies sarrasines.

Cependant, les pièces de monnaie circulent, et leur présence ne signifie pas grand-chose, car des pièces d’or ou d’argent s’échangent bien au-delà de la sphère d’influence du pays émettant la monnaie. Cela ne permet pas, non plus, d’exagérer leur influence sur l’histoire de France, comme certains tentent désormais de le faire, n’hésitant pas, de manière sans doute volontairement provocatrice, à parler des ancêtres sarrasins. En effet, un webdocumentaire produit en 2014, entre autres8 par l’Inrap, France 3 et l’Institut du monde arabe, s’intitule Nos ancêtres sarrasins, doublé d’une exposition itinérante9. Cela démontre que le sujet est source de polémique actuellement.

La réalité est que la Provence a eu une implantation musulmane pendant près d’un siècle dans le massif des Maures. Ce lieu, Montem Maurem, la montagne des Maures, est connu sous ce nom depuis 888. Cette origine ne semble plus prêter à polémique et discussion sérieuse10. Que s’est-il passé dans ce massif durant près d’un siècle ?

Ce massif s’étend sur environ 60 kilomètres, entre les villes d’Hyères et de Fréjus. On estime que c’est vers 890 que les Sarrasins prennent pied à Saint-Tropez, dont le golfe est sans doute une base excellente et facile à protéger par la mer, d’un côté, et par les marais, du côté continent. Les

sources latines anciennes appellent l’endroit conquis par les musulmans d’Andalousie le Fraxinet. Son histoire est connue à la fois par les textes latins et musulmans.

Le massif des Maures leur permet de lancer des incursions en Provence, mais aussi, en remontant toute la vallée du Rhône, jusque dans les Alpes.

Cette base navale les aide également à contrôler la Méditerranée, en lien direct avec les ports des Baléares, de al-Andalous et des rives de l’Afrique du Nord. Ils maîtrisent la mer, et seul l’Empire byzantin peut leur opposer une réelle force maritime. Grâce à une implantation permanente, les razzias sont plus aisées. Les butins en richesse matérielle et humaine – puisque les esclaves se vendent très bien dans le monde musulman – en font une place stratégique pour les Sarrasins, à telle enseigne que cette nouvelle région prend un nom arabe, Jabal al-Qilal, et apparaît sur les nombreuses cartes du monde islamique de l’époque, dépassant même l’importance des îles Baléares.

La Provence ne dépend plus du pouvoir carolingien « français » mais, depuis 883, des rois de Provence. À la suite du traité de Verdun en 843, l’empire de Charlemagne éclate entre ses trois petits-fils : à l’ouest, la Gaule, pour Charles le Chauve, à l’est, la Germanie, pour Louis le Germanique, et, au centre, avec le titre impérial, une bande intermédiaire, la Lotharingie, ce qui revient finalement à la séparation initiale entre les Germains et les Gaulois d’origine, ou la France et l’Allemagne. Le Traité de Verdun sera la cause des multiples affrontements entre les royaumes européens, en raison, notamment, de la création de la Lotharingie qui allait, pendant des siècles, être disputée par la France et l’Allemagne. À partir de cette date, l’Europe chrétienne et unifiée de Charlemagne n’existe plus.

Dans le sud du territoire, Boson (gendre de Louis II d’Italie, fils de Lothaire) devient roi de Provence. Cette séparation des territoires explique l’indifférence des souverains français qui ne contrent pas cette conquête de l’islam, laissant la responsabilité aux rois d’Italie. Depuis l’implantation dans le massif des Maures, les razzias se développent sur trois axes : les villes côtières (Antibes, Fréjus, Vence, Toulon…), la vallée du Rhône jusqu’aux Alpes (les musulmans arrivent à bloquer des cols alpins et rançonner les lieux de passages) et la mer (elle est un danger pour la navigation du monde européen et byzantin). De nombreux évêchés restent vacants, démontrant ainsi l’impossibilité qu’ont ces diocèses chrétiens à vivre leur religion.

En 931, les Byzantins négocient avec Hugues, le roi d’Italie, et mettent à sa disposition des navires pour contrecarrer les bateaux musulmans. Cette manœuvre montre à elle seule l’importance de l’implantation navale des Maures. En 942, nouvelle bataille. Les musulmans battus négocient et sont envoyés ponctuellement bloquer des voies de passages dans les Alpes pour gêner le roi des Lombards, Bérenger, qui se veut roi d’Italie. Ce pacte ponctuel explique la présence sarrasine dans les Alpes, en Savoie et en Suisse. Mais les raids dans les Alpes amènent trop de désolation. Le roi d’Italie et l’empereur germanique réagissent. Vers 940, des traités sont signés avec le calife de Cordoue, afin de laisser libre la circulation des bateaux. En 950, des discussions ont lieu avec le califat. Des ambassadeurs sont échangés pendant plusieurs années pour essayer de mettre fin au soutien de l’Andalousie à cette base militaire permanente, sans succès à moyen terme11.

En 972, un événement va tout changer. Les Sarrasins, accentuent leurs pillages. Une nouvelle razzia a lieu et, dans la nuit du 21 au 22 juillet, ils enlèvent Maïeul, quatrième abbé de l’important ordre de Cluny, près d’Orcières12, revenant de Rome. Cette fois, les Sarrasins se sont attaqué à un personnage de premier plan. Même s’ils le libèrent après que l’ordre de Cluny a payé la rançon, les chroniques rappellent que « spolié de tous ses biens, [il] fut enchaîné et affligé par la faim et la soif. Divinement relâché […], il sortit indemne de leurs [les musulmans] mains, et son injuste capture fut l’occasion de leur expulsion et de leur perpétuelle perdition13 ».

Le Moyen Âge, toujours avide d’histoire fantastique, raconte même qu’un présage annonce les Sarrasins. Une rage inouïe de loups précéda la très cruelle attaque des Sarrasins. Un chevalier Foulquier, le propre père de saint Maïeul, arrache les pieds du loup : « Celui-là tué, les autres fuient la région par la rage des loups, je comprends l’annonce de la cruauté des Sarrasins… » L’enlèvement et le rançonnage de l’abbé de Cluny est ressenti comme un affront au monde chrétien. L’abbaye de Cluny, de règle bénédictine, rayonne sur l’Europe entière. Fondée en 909, sur le même modèle que celle d’Aurillac, elle est placée sous l’autorité immédiate du pape. La puissante abbaye, pouvant battre monnaie, est un centre culturel de premier ordre, avec sa bibliothèque, son école. Elle rassemblait des dizaines d’abbayes dans toute l’Europe.

C’est un coup de tonnerre dans le monde chrétien. Il faut faire fondre des objets de cultes et d’orfèvrerie du trésor de Cluny pour payer la

rançon14. La somme de 1 000 livres d’argent est citée15. Cet enlèvement n’est pas sans conséquence sur l’appréciation que l’Église de Rome portera quelques années plus tard lors du lancement des croisades. En effet, le pape Urbain II, qui prêchera la Ire croisade, était un moine de l’abbaye de Cluny, élevé dans le culte de saint Maïeul.

Guillaume, comte de Provence, décide de lancer une campagne militaire, au nom de Maïeul, pour venger cet affront. Il veut, sans doute, également, montrer son éclat et sa puissance et s’affirmer comme le futur souverain de la Provence. Il reconquiert totalement le massif des Maures. Il rassemble les chevaliers de Provence, du bas Dauphiné et de Nice. Diverses batailles ont lieu dans les Alpes, à Embrun, à Gap…, toutes victorieuses pour les Provençaux. La sixième bataille, celle du Tourtour se serait déroulée en 973 et marque la fin de l’avancée sans obstacle des musulmans.

En Arles, ils sont expulsés par un soulèvement populaire en 974. Ensuite, les versions divergent sur le déroulement des faits, avec ou non la prise de La Garde-Freynet. Toujours est-il que l’année 990 voit la fin de la domination musulmane en Provence, près d’un siècle après qu’ils ont pris le contrôle de cette région. Guillaume, comte de Provence, devient alors Guillaume le Libérateur.

Comment se fait-il que ces événements soient oubliés ? La Provence ne dépendait plus des rois de « France », mais d’un roi de Provence et d’un roi d’Italie. Les exploits d’un roi de Provence n’ont pas vocation à être rappelés dans le futur royaume de France et son histoire ou son roman national. La Provence ne sera rattachée à la France qu’en 1481, à la suite de la mort des rois René d’Anjou et Charles V, qui lui succède un an. C’est alors que Louis XI, roi de France, unit la France à la Provence, « comme un principal à un autre principal ». Toujours est-il que la mémoire est sélective, et les maisons souveraines ont toujours su gérer à leur profit l’histoire, qui n’est pas seulement écrite par les vainqueurs, mais aussi par les maisons royales qui survivent au temps.

***

Que sont devenues les populations musulmanes installées sur le territoire ? Ont-elles disparu ou se sont-elles assimilées ? Ce sujet a été peu étudié. Certains historiens ont même considéré que c’était un non-sujet, voire un « folklore16 », puisqu’il n’y avait plus de musulmans en France.

D’autres ont répété les légendes des campagnes sans vérification, discréditant leurs analyses pourtant intéressantes à étudier. Certains jeunes historiens commencent à poser des questions17.

Les faits sont les suivants. Lors de Poitiers, les musulmans étaient venus avec femmes et enfants. La Septimanie, dont la capitale est Narbonne, resta sous domination musulmane près de quarante ans. Dans le massif des Maures, la domination dure presque un siècle. Dans les Alpes, des accords sont passés pour qu’ils contrôlent certains cols et voies de passage. Ce ne sont donc pas seulement des guerriers seuls, mais des hommes qui se sont installés, ont fondé des familles. Et ils seraient tous partis ? Au même moment ? C’est ce que l’histoire officielle a longtemps affirmé.

La vérité, comme souvent, se situe entre les deux versions. Les militaires ont sans doute, pour beaucoup, quitté le territoire, afin de continuer le combat ailleurs, mais il est tout à fait plausible que certains, ceux qui étaient en famille, et, parmi eux, des familles devenues « mixtes », sont restés en France. Les présomptions de preuve sont là. On peut s’interroger sur le nombre important de lieux portant le nom des Sarrasins ou des Maures, et ne pas écarter d’un revers de main cette argumentation comme le font beaucoup. Que certains de ces noms soient des confusions, des évolutions du latin – on l’a vu pour la Maurienne – est une évidence.

Mais il ne faut pas s’arrêter à cette facilité intellectuelle. Ainsi pour Aimé Vingtrinier18, qui est allé « de chaumière en chaumière, des marécages des Dombes aux flancs escarpés du Jura […] au fond de nos vallées […] [voir]

ces familles au teint brun, aux coutumes bizarres, au nom sans contredit oriental, et qui se disent elles-mêmes d’origine arabe… », retrouver les traces des Sarrasins dans les traditions locales, dans les toponymies, sont des signes particulièrement troublants.

De plus, même s’il convient de se méfier des traditions orales et des légendes révélées plusieurs siècles après, on ne peut ignorer certains faits locaux. La ville de Maurs dans le Cantal est un exemple troublant, « la ville des Maures » disaient certains anciens, même si l’histoire officielle n’en parle jamais. Comment expliquer que près de 10 % des patronymes relevés au XVIIIe soient des noms aussi utilisés de l’autre côté de la Méditerranée, tels Boutaric (de la descendance de Taric ou Tarik le conquérant de Gibraltar), Gimel ou d’autres19 ? Et dans le Lyonnais, à Caluire, la butte des Sarrasins, la voie des Sarrasins, la ferme des Sarrasins ? Plus au nord de Lyon, la grotte des Sarrasins, la balme des Sarrasins, la chambre des

Sarrasins, les crèches des Sarrasins, les forts des Sarrasins, la maison des Sarrasins20. La France regorge de milliers de noms ainsi désignés. Et l’érudit lyonnais Vingtrinier de citer des noms locaux souvent francisés ensuite, comme Babolah, Kaffon, Ciza. Les recherches à venir pourront sans doute apporter un éclairage utile. En effet, il y a encore quelques décennies, la quasi-totalité des historiens niaient la réalité de l’implantation durable dans le massif des Maures, jusqu’à ce que soient trouvées des traces archéologiques incontestables au cours de ces deux dernières décennies.

Que s’est-il réellement passé ? On peut en déduire que ces quelques familles sarrasines, arabes ou maghrébines se sont tout simplement assimilées au fil du temps. Nombreuses sont celles qui ont francisé leurs noms, comme c’était l’habitude pour toute famille étrangère vivant en France jusqu’au début du XXe siècle. Elles ont abandonné la foi musulmane, sont devenues chrétiennes et se sont liées par le mariage avec des familles locales. Il a fallu plus ou moins de temps pour arriver à cette assimilation.

Ce qui n’empêche nullement de noter encore la présence de communautés musulmanes constituées à Montpellier en 1121, puisque, à l’époque, il est mentionné que le poste de bailli de la ville ne peut être tenu par un Juif ou un Sarrasin. Des fragments de trois tombes musulmanes du XIIe siècle ont été également trouvés dans l’Hérault.

Il convient également de ne pas éluder les quelques cas d’esclavages dans le sud de la France. En effet, dans ces régions en confrontation directe avec l’islam, qui furent « razziées » pour envoyer des esclaves de l’autre côté de la Méditerranée, il apparaît que la notion de l’esclavage, qui avait quasiment disparu, est réapparue localement.

Quelques mentions apparaissent autour de Narbonne, Montpellier. Mais, en tout cas, sans commune mesure avec l’Espagne, où la pratique reste courante pendant quelques siècles. On connaît les cas de Jordi, Tartare de 24 ans qui s’enfuit de Catalogne et réussit à s’installer libre à Toulouse, puis Carcassonne en 145121, ou d’Antoine Simon, esclave noir de Barcelone, qui gagne sa liberté à Pamiers, et accède au statut de bourgeois de la ville en 144622.

Quelle que soit l’origine géographique exacte du Sarrasin, la France a pratiqué l’assimilation pendant ces périodes. Rapidement ou plus lentement ? L’histoire montre que le pays a accueilli sur son sol une population musulmane, des familles entières, et non quelques soldats perdus, comme cela a longtemps été cru. Ce creuset français a donc

fonctionné dès cette époque, comme il le fera pendant des siècles avec toutes les populations de culture ou de religion étrangère.

1. Fréderic-Jacques-Louis Rilliet de Constant Histoire du Valais, avant et sous l’ ère chrétienne jusqu’ à nos jours, Lausanne, 1845.

2. Philippe Sénac, op. cit.

2. Philippe Sénac, op. cit.