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La Corse réagit et la France intervient

Depuis des siècles, les Sarrasins avaient pris l’habitude de venir ponctuellement en Corse sans trop de risques. Mais les temps ont changé.

Le 15 juin 1540, dans le golfe de Girolata, sur la côte ouest, la flotte ottomane conduite par Dragut, le fidèle lieutenant de Barberousse, est attaquée par 21 galères dirigées par Gianettino Doria, le neveu du célèbre amiral. Onze galères turques sont prises avec 1 200 prisonniers, dont le chef ottoman, et 1 200 galériens enchaînés sont libérés.

Dragut, libéré contre rançon, n’a de cesse de vouloir se venger et revient razzier l’île, brûlant et pillant les villages. Mais la Corse est devenue un lieu stratégique entre l’Italie et l’Espagne. Dépendant de la République de Gênes, alliée inconditionnelle de Charles Quint en guerre avec la France, elle devient une cible pour le royaume. Ainsi, l’alliance conclue entre François Ier et Soliman le Magnifique va, en quelque sorte, se concentrer sur l’île. C’est sans compter l’aide d’un insulaire, Gian Pietro de Bastelica, dit aussi Sampiero Corso, un personnage haut en couleur et empli d’un courage qui en fera l’un des héros de la cause corse.

Il débarque à Bastia en 1553, lorsque la flotte franco-turque arrive à Portoferraio. Son histoire est complexe. D’abord soldat à Florence sous les ordres d’un Médicis, il passe du côté français en 1535 et se met au service de François Ier. Colonel en 1547, il commande les « bandes corses au service du roi ». Marié à Vanina d’Ornano, il est allié avec l’une des plus anciennes familles de l’île.

Bastia prise, la flotte turque file sur Bonifacio, tandis qu’une escadre française se rend à Calvi. Dans le même temps, des troupes filent sur Corte

et Saint-Florent. L’autorité du roi de France est reconnue à Corte, puis Ajaccio est prise dans la foulée. C’est la deuxième fois que la Corse passe sous la couronne de la France. En effet, elle l’avait déjà été lorsque la France avait pris le contrôle de Gênes, qui elle-même administrait l’île. Le siège de Bonifacio par les Turcs est plus rude, en raison d’une forte opposition des troupes génoises qui dure plus de deux semaines. Les Ottomans massacrent alors la garnison, lorsque le général français de Thermes envoie son neveu pour tenter de l’empêcher. Mal lui en prit, le corsaire Dragut prend le neveu en otage et ne le libère qu’après paiement de 20 000 écus en contrepartie de son engagement militaire.

La réaction de l’Empire ne se fait pas attendre. Avec une armée terrestre et navale conséquente, André Doria, devenu l’amiral génois le plus puissant de l’Empire, est chargé de reprendre l’île. Après de nombreux combats pendant quatre années consécutives sans succès notoire de la part de chacun, le traité de Cateau-Cambrésis, en 1559, rend la Corse aux Génois, l’île servant de monnaie d’échange, notamment contre Calais, que les Anglais viennent de reprendre. De nombreuses familles insulaires se sont engagées pour la France, et ressentent alors un fort sentiment de trahison.

Mais tout cela déclenchera des relations économiques et maritimes inattendues.

Sampiero, en remerciements de services rendus, est nommé en 1560 gouverneur d’Aix-en-Provence, puis ambassadeur extraordinaire à Istanbul.

Et son histoire ne s’arrête pas là : il cherche par tous les moyens à relancer la guerre, afin de bouter les Génois hors de son île.

Au même moment, le roi d’Espagne propose un étrange marché au roi consort de Navarre, le père du futur Henri IV : échanger la Navarre, qui irait au Saint-Empire, contre la souveraineté de la Sardaigne1. Sampiero, en accord avec Catherine de Médicis, utilise ce prétexte pour tenter une nouvelle conquête de territoire. Il cherche de nouveau l’aide des Ottomans.

Peu lui importe de quelle autorité il peut obtenir cette indépendance ! Il cherche aussi l’aide de la papauté, le duc de Florence, ou, pourquoi pas, une réaction insoupçonnée du roi de France2 qui profiterait de l’occasion pour revenir sur l’île. Il doit aller à Alger : se présente alors à Marseille un pirate algérois qui lui propose de l’emmener. Voici la réponse du fier Corse Sampiero : « Je refuse vos services, et il est bon que vous et vos pareils sachiez que, partout où je me trouve, on n’exerce pas impunément la piraterie sur mes semblables. » En effet, les Corses sont particulièrement

sensibilisés à l’esclavage, Sampiero plus que tout autre. N’a-t-il pas, à Constantinople, racheté Pierre-Jean d’Ornano, esclave des Turcs3, pour en faire un de ses seconds ?

À Alger, il rencontre le chef des corsaires, puis se rend à Constantinople. Mais pendant son absence, les Génois ourdissent une sinistre machination contre son épouse, Vanina, et l’amènent à trahir la cause de son mari. Vanina passe en jugement et avoue son accord avec les Génois pour les intérêts financiers de sa famille et de ses enfants. Elle est condamnée à mort, et l’histoire de l’exécution varie selon le chroniqueur.

Certains affirment qu’elle est étranglée directement des mains de son mari, Sampiero. Ce héros de la cause corse, qui n’a pas hésité à pactiser avec le diable, comme avant lui François Ier, meurt trahi par un de ses fidèles, épilogue d’une vie qui n’a été, au fond, qu’une tragédie. La France, en souvenir de son engagement, envoie deux frégates en Corse pour offrir refuge et asile à tous ceux qui ont combattu avec lui. Trois cents fidèles, dont son fils Alphonse, quittent l’île. Ce dernier deviendra le maréchal d’Ornano, au service du roi Henri IV.

De l’autre côté de la Méditerranée, d’autres Corses s’illustrent, mais dans le camp opposé. Soit pris en esclavage dans leur jeunesse, soit engagés volontairement, on les voit se battre au côté des Ottomans. Comment ne pas évoquer la destinée exceptionnelle de Pietro Paolo Tavera, né en Corse en 1518, et enlevé à 5 ans ? Il est emmené à Istanbul, puis enrôlé dans l’armée turque dans le fameux corps des janissaires. Les enfants kidnappés y étaient transformés en moines-soldats des armées musulmanes. Devenu

« Hassan », il est fait général dans l’armée turque, puis nommé beylerbey d’Alger. Mais s’opposer à Soliman le Magnifique n’est pas tâche facile, et Hassan Corso aura une fin tragique, condamné au supplice des ganches ou des crocs de fer4. Il meurt en 1556. Voilà un de ces jeunes Corses enlevés dont on connaît la vie après l’esclavage. Il n’est pas un cas isolé, car, au même moment, le corsaire Mammi, d’origine corse et enrôlé dans l’armée ottomane, accoste à Centuri en 1560 et détruit les maisons, tue et enlève des habitants5. Il termine, lui aussi, dey d’Alger.

À cette époque des carrières surprenantes voient le jour. Par exemple, Tomasino Lenche (1510-1568) ou Tomaso Lenci, grand ami de Sampiero, commence comme négociateur hors pair, il rachète les esclaves, les captifs, tant auprès d’Alger que de Tunis ou Tripoli.

Au même moment, François Ier obtient de Soliman le Magnifique, le privilège, pour les Français, contre redevance, de récolter le corail si recherché en Méditerranée (le corail sert de monnaie d’échange avec l’Orient, il est aussi utilisé en joaillerie, notamment pour la fabrication des chapelets). Tomasino Lenche obtient du bey d’Alger, en 1550, le droit de pêcher le corail au large de Bône (Algérie). Henri II puis Charles IX lui accordent le monopole. De là naît une compagnie : la Magnifique Compagnie du corail, forte de 250 pêcheurs et 50 bateaux, qui exporte aussi vers l’Orient de la laine, du blé, du cuir, de la cire, et même du raisin sec6, et importe des épices et de la soie. Tomasino obtient même des fonctions officielles pour la Couronne, reçoit à Marseille les ambassadeurs turcs qui viennent à la cour, et devient second consul de cette ville. L’histoire de la Magnifique Compagnie du corail va se poursuivre avec celle du Bastion de France, un comptoir sur les côtes africaines, avec le royaume de France7.

De nombreux autres corses s’illustrent pour la défense de leur île et de leurs compatriotes. André Gaspari suit les traces de Tomasino Lenche dans le rachat de captifs. Dans les années 1570, pour le compte de Philippe II (roi d’Espagne, puis du Portugal), il réussit à racheter le neveu du pape Pie V, mais aussi 600 prisonniers portugais, dont le duc de Bragance. Autre illustration, Pietro Franceschi, de Centuri ! À sa mort, en 1686, est gravée l’épitaphe suivante : « […] intrépide capitaine de navire. Sous l’étendard du Sérénissime Grand-Duc d’Étrurie, il équipa des navires à ses frais contre les Turcs et, au grand mépris de sa vie, leur prit un grand nombre de vaisseaux dont l’un, surtout, qui transportait aux Barbaresques assiégeant la ville principale de Candie des miliciens d’élite […]. Fait trois fois prisonnier, il garda toujours sa liberté d’esprit et se racheta […]8. »

Grâce à ces trépidantes histoires, on saisit mieux l’extrême sensibilité des Corses vis-à-vis de la question musulmane. Pourquoi un tel rayonnement de l’île de Beauté à compter du XVIe siècle ? Est-ce lié à l’intervention de la France, qui lui aurait donné un rôle central dans la géopolitique européenne ? À une évolution du monde maritime, qui donne des possibilités exceptionnelles à de jeunes marins courageux ? À un foisonnement économique accentué par le commerce entre ces deux mondes en raison de l’alliance de la France avec les Ottomans ? Toujours est-il que, indéniablement, le commerce des navigateurs du cap Corse se développe, en liaison entre ces deux rives de la Méditerranée. Du rachat de captifs à un commerce plus traditionnel, il n’y a qu’un pas !

Si l’esclavage est pratiqué d’une manière industrielle par les pirates musulmans, les chrétiens n’hésitent pas, de même, à faire des prison-niers musulmans pour les échanger contre des captifs ou les rançonner, ou les envoyer aux galères. Le statut d’un galérien est-il très différent de celui d’un esclave ? Une galère de 45 mètres utilise 450 rameurs. Au Moyen Âge, les galériens français étaient des hommes libres et payés pour la circonstance. La situation change au XVIIe siècle, et les nations européennes se mettent, elles aussi, à racheter des esclaves aux Ottomans pour leurs propres galères, qui accueillent alors des esclaves musulmans, grecs, à côté de simples condamnés de droit commun, chrétiens ou non, voire des protestants qui refusent d’abjurer leur foi, même si ceux-ci sont, en principe, destinés à être relâchés une fois leur peine effectuée. Néanmoins, un galérien sur deux ne revient pas.

Il n’y aura jamais d’utilisation d’esclave privé, officiellement, sur le royaume de France9 – royaume où « le sol rend libre » – ni de marchés aux esclaves en France, hormis à Fréjus10, au XVIe siècle. Mais l’esclavage dans les pays musulmans ou dans les galères turques restera gravé dans la mémoire collective comme aime à le rappeler Molière dans Les Fourberies de Scapin, « Mais que diable allait-il faire dans cette galère ! », ou lorsque le vrai Cyrano de Bergerac écrit en 1654 : « Que diable aller faire aussi dans la galère d’un Turc11. » La situation sera différente en Italie ou en Espagne, où des cas d’esclaves privés sont recensés12. L’histoire conserve le souvenir, cependant, de Vincentello d’Istria (1380-1434), vice-roi de Corse, représentant du roi d’Aragon, allant à la cour de Barcelone accompagné de deux esclaves sans doute musulmans.

L’histoire se souvient plus des galères turques que les galères françaises.

Sans entrer dans une polémique stérile sur le seul nombre de captifs concernés, il convient de noter que, entre les XVIe et XVIIIe siècles, plus d’un million d’habitants européens13 seront réduits à l’esclavage par les Barbaresques14. Mais c’est un tabou de l’histoire officielle.

Pour en finir avec l’histoire de la Corse et de l’islam, il convient de noter que c’est par le traité de Versailles, le 5 mai 1768, que Gênes cède la Corse à la France. Afin de compenser la perte de Minorque passant sous pavillon anglais en 1763, la Corse redonne ainsi, cinq ans plus tard, à la France une île de Méditerranée. Une autre page d’histoire se tourne avec ce rattachement, qui dure depuis 250 ans, un an avant qu’un jeune enfant corse

ne vienne au monde, Napoléon Bonaparte, le 15 août 1769. Les raids musulmans se sont-ils calmés ? Le souvenir de jeunes femmes enlevées reste vivace dans l’esprit corse. Il suffit de penser encore à cette belle jeune femme, Marthe France-schini, dite Davia. Ses parents, issus d’une bonne famille de Balagne, sont enlevés, puis vendus sur le marché de Tunis.

Libérés, ils sont à nouveau enlevés vers le Maroc, cette fois. Elle est achetée par le sultan du Maroc qui, tellement séduit, la prend dans son harem, puis en fait sa sultane. Elle, « l’impératrice du Maroc », meurt en 1799, et dans son village de Corbara, est encore montrée sa maison, a casa di i Turchi, la maison de la Turque.

1. Jacques-Auguste de Thou, Histoire Universelle, vol. 3, 1734.

2. Ibid., p. 468.

3. J.-M. Jacobi, Histoire générale de la Corse, Bellizard, Barthèsn Dufour et Lowell, 1835, p. 384.

4. « Les turcs accrochent ceux qu’ils veulent faire mourir, nus, mains dans le dos, en les faisant tomber dessus où ils s’enferrent par l’une ou l’autre partie du corps et les laissent mourir ainsi. » Pierre Dan (père), Histoire de la Barbarie, 1649, p. 414.

5. Thierry Ottaviani, La Corse des écrivains, Éditions Alexandrine, 2013.

6. Christian Costa, Mémoire vive, n° 49, centre de documentation historique sur l’Algérie, 2011.

7. Voir chapitre 23.

8. Michel Vergé-Franceschi, op. cit.

9. Les colonies auront un statut particulier qui autorisera l’esclavage, défendu, par exemple, par Voltaire.

10. Les Musulmans dans l’ histoire de l’Europe, Albin Michel, 2011 p. 38.

11. Dans le Pédant joué, de Cyrano de Bergerac (1619-1655).

12. Lucien Bély (dir.), Dictionnaire de l’ancien régime, Esclavage méditerranéen, PUF, 1996.

13. Robert C. Davis, Esclaves chrétiens, Maîtres musulmans, l’esclavage blanc en Méditerranée (1500-1800), Éditions Jacqueline Chambon, Actes Sud, 2006.

14. À partir du XVIIe siècle, le terme Barbaresque est utilisé pour les musulmans d’Alger, de Tunis ou de Tripoli.

Chapitre 21

Louis XIII

La France est désormais en paix avec la Sublime Porte. Aussi, quoi de plus naturel que de vouloir profiter des routes commerciales qu’elle contrôle. Louis XIII, dit le Juste, (1601-1643) va tenter de poursuivre cette politique d’équilibre de la même manière que François Ier, pris en tenaille entre son rôle de fils aîné de l’Église, de roi très-chrétien, et les intérêts du pays, de la raison d’État face aux autres puissances européennes. Toutefois, la défense des chrétiens d’Orient justifie les positions prises par la France, qui se considère toujours protecteur du catholicisme dans les Terres saintes.

Sacré roi à 8 ans et demi, à la mort de son père Henri IV, en 1610, il est finalement assez méconnu du grand public, hormis quelques apparitions dans des films de cape et d’épée, comme Le Capitan avec Jean Marais, ou les multiples versions des Trois Mousquetaires, et rarement à son avantage.

Il doit prendre le pouvoir face à une mère, Marie de Médicis, qui veut le conserver coûte que coûte depuis qu’elle est devenue régente. Mais, le 24 avril 1617, après avoir fait exécuter l’aventurier italien Concino Concini, qui dirigeait le pays avec l’aide de sa mère, il prend les rênes du royaume.

Ce n’est qu’en 1620 qu’il détient définitivement le pouvoir, après avoir affronté une armée levée par sa propre mère. En raison de toutes ces difficultés, il sera particulièrement intransigeant sur le rôle de l’État, sur la limitation du pouvoir des grands du royaume – la haute noblesse –, mais aussi envers les protestants, qui continuaient à vouloir un État dans l’État, disposant encore de places fortes accordées par l’édit de Nantes.

De la centaine de places octroyées, il ne leur laisse, dans un premier temps, que La Rochelle et Montauban, puis met définitivement fin à cette

singularité française qui tolérait des enclaves religieuses et politiques dans le royaume. En fin tacticien, il se sert systématiquement des provocations ou soulèvements protestants pour justifier ses décisions. Cependant, il maintient la liberté de culte dans toute la France, à l’exception de la capitale. Dans le même temps, en Europe, la religion catholique est interdite dans toute la Hollande ; en Angle-terre, les prêtres catholiques sont bannis ou condamnés à mort en cas de récidive, et les luthériens (allemands) persécutent à la fois les calvinistes et les catholiques.

Louis XIII sait s’entourer de ministres de qualité, à commencer, bien sûr, par Richelieu, redoutable cardinal. Louis XIII le qualifie à sa mort de

« plus grand serviteur que la France ait eu ». Cette éminence grise, qui pourrait être qualifiée de Premier ministre, aura ce grand geste de léguer à sa mort toute sa fortune au roi, une fortune colossale amassée au cours de son long rôle politique. Il est le seul cas connu d’homme d’État qui reverse à son pays tout l’argent accumulé durant sa carrière. Richelieu est désormais reconnu comme étant l’un des grands hommes de notre histoire, l’un « des cerveaux politiques le plus puissant », écrit Pierre Gaxotte1,

« peut-être le plus grand des Français » selon Louis Madelin2, « un génie tel qu’il ne s’en produit qu’un ou deux dans l’histoire d’une nation » écrit l’historien franco-britannique Belloc3. Et cet homme ne se voit que comme grand serviteur de l’État, et non comme prêtre cherchant à influencer moralement son roi. Voilà ce que Richelieu dit alors du rôle du ministre :

« À la cour, le ministre ne doit penser à s’augmenter et faire sa fortune que dans le bien de l’accroissement de l’État4. »

Quelle est la politique de ce « prophète de l’unité » ? Son programme est clair et précis, comme il l’écrit dans son testament politique : « À l’extérieur, abaisser la maison de Habsbourg qui encerclait la France ; pour cela, obtenir l’ordre à l’intérieur, en forçant tous les sujets à l’obéissance, particulièrement les grands et les protestants. » Mais il sait avoir une grande indépendance d’esprit quand il est question de traiter avec les Turcs musulmans. Homme réellement œcuménique, sauf quand il s’agit de l’indépendance politique de son pays, il va mettre en œuvre une politique d’accueil insoupçonnée vis-à-vis des musulmans chassés d’Espagne.

Il est jeune évêque de Luçon, en 1610, lorsque le roi d’Espagne donne 30 jours aux Maures pour sortir de la péninsule. Plus de 150 000 expulsés passent par la France. Il écrit alors : « Il est impossible de représenter la pitié que faisait ce pauvre peuple, dépouillé de tous ses biens, banni du pays

de sa naissance […]. » La France, « l’asile des affligés », va alors en recueillir des milliers qui s’établissent dans la région de la Garonne et de la Dordogne5. Sans naïveté, c’est sa manière à lui de souligner les défauts du pouvoir espagnol. Mais il est certainement sincère, car on le voit aussi critiquer la même maison impériale qui a « en Amérique exterminé les Indiens6 ».

L’autre immense qualité de Richelieu est aussi de savoir s’entourer d’hommes de grandes compétences : le père Joseph est de ceux-là. François le Clerc du Tremblay (1577-1638) devient le diplomate du roi et éminence grise du Cardinal. Souhaitant d’abord une croisade contre les Turcs, dans l’idée de rassembler toute la chrétienté contre un ennemi commun plutôt que de se diviser en querelles européennes –, il n’hésite pas à écrire un long poème en latin de 4 600 vers pour le pape, La Turciade – le père Joseph

L’autre immense qualité de Richelieu est aussi de savoir s’entourer d’hommes de grandes compétences : le père Joseph est de ceux-là. François le Clerc du Tremblay (1577-1638) devient le diplomate du roi et éminence grise du Cardinal. Souhaitant d’abord une croisade contre les Turcs, dans l’idée de rassembler toute la chrétienté contre un ennemi commun plutôt que de se diviser en querelles européennes –, il n’hésite pas à écrire un long poème en latin de 4 600 vers pour le pape, La Turciade – le père Joseph