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à l’étranger, le soutien sans faille des éditeurs à la politique culturelle de la France

Créée le 21 juillet 1883, l’Alliance française avait reçu son impulsion initiale de l’entourage de Gambetta, décédé un an auparavant. Présidée par l’ambassadeur Pierre Tissot, entouré de cinq présidents d’honneur, le général Faidherbe, l’amiral Jurien de La Gravière, le cardinal Lavigerie, fondateur de la Société des Pères blancs d’Afrique, Ferdinand de Lesseps, l’homme du canal de Suez désormais lancé à l’assaut de celui de Panama, et Sadi Carnot, futur président de la République 42, elle reçut le soutien

indirect du Syndicat des éditeurs et du Cercle de la librairie. Le secrétaire général de l’Alliance, le géographe Pierre Foncin, était un des auteurs ve- dettes et l’ami de l’éditeur Armand Colin. L’un des trois vice-présidents, l’historien et ancien ministre de l’Instruction publique, Victor Duruy, était un des piliers de la librairie Hachette et Paul Bert, autre vice-pré- sident, l’intime de Fernand Nathan, ce qui plaçait l’édition française en position de force pour aider au rayonnement de cette institution et pro- fiter de son expansion. Après avoir mis en place ses premières écoles, au Levant, à Smyrne, l’Alliance allait ouvrir des bibliothèques à San Fran- cisco, Chicago, Saint-Pétersbourg, avant que la Mission laïque du minis- tère des Affaires étrangères, créée en 1902, ne vienne l’aider dans sa tâche et contrebalancer l’influence que les organisations similaires, italienne et allemande, tentaient d’obtenir 43.

En Amérique du nord, les progrès de l’Alliance furent rapides et, de 1916 à 1938, le français fut la langue étrangère dominante des universi- tés 44. Avec plusieurs centaines de comités et une Fédération continentale

de ces groupes, l’œuvre de propagation de la langue et de la culture pou- vait considérer qu’elle remplissait une authentique mission civilisatrice 45.

Le congrès international pour l’extension de la culture et de la langue françaises, organisé à Liège, en 1905, à l’occasion de l’Exposition univer- selle, devait aller dans le même sens et bénéficier, tout spécialement, de l’encouragement des libraires Hachette et Larousse. La Grande Guerre renforça cette orientation et, en 1916, le Comité du livre, présidé par Gaston Maspero, le savant unanimement regretté, précéda de quelques

42 François Chaubet, L’Alliance française et la diplomatie de la langue (de 1883 à la fin des années

trente), hdr en histoire soutenue à l’IEP de Paris, 2003. 43 Ibid.

44 Alain Dubosclard, Histoire de la Fédération des Alliances françaises aux États-Unis, L’Harmattan, 1998.

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mois la tenue du congrès national du Livre, en mars 1917, qui vit, lui aussi, les organisations professionnelles, Cercle de la librairie et Syndicat des éditeurs, soutenir activement ces efforts 46. La Maison de la presse,

apparue au ministère des Affaires étrangères au même moment et desti- née à améliorer la propagande française, précéda de peu la constitution, en 1920, du Service des Œuvres françaises à l’étranger (SOFE), bien sou- tenu lui aussi par les éditeurs traditionnels ou les nouveaux venus, tel Bernard Grasset 47. Confirmant l’avènement d’une véritable diplomatie

culturelle prenant en compte la place de la langue, du livre, des écrivains et de la culture dans les relations entre États, les éditeurs entendaient être partie prenante de ce combat qui leur offrait des débouchés importants, d’où, une nouvelle fois, leur générosité lorsque les comités installés hors de France leur demandaient une contribution personnelle 48.

La Maison du livre, créée en 1920, fusionnait d’ailleurs les activités de la Société d’exportation des éditeurs français organisée trois ans plus tôt autour des maisons Plon, Masson, Larousse et A. Colin, et la So- ciété mutuelle des éditeurs français apparue en 1918, où l’on trouvait le Mercure de France et Flammarion 49. Présidé par Paul Gillon, patron de

la librairie Larousse, le nouvel organisme était significativement dirigé par un éditeur de premier plan qui allait accepter les fonctions de tré- sorier de l’Alliance française, en 1924, et les conserver jusqu’en 1933 50.

Jamais, autant qu’en ces circonstances, l’unité de vue entre le pouvoir et les éditeurs n’avait été si grande en matière de politique de lecture pu- blique. C’est cette unité, ou ce partage d’une commune idéologie, qui explique le soutien du Syndicat des éditeurs à la politique définie, sous le Front populaire, par le Quai d’Orsay, et visant à la création d’un Co- mité d’expansion du livre français chargé de distribuer gratuitement des livres dans cinquante-cinq pays 51. Si Bernard Grasset et le Syndicat des

éditeurs s’inquiétaient de la volonté de Jean Zay, ministre de l’Éducation nationale, de procéder à une réforme en profondeur du droit d’auteur 52,

46 Hélène Deleuze, Les politiques du livre du Quai d’Orsay pendant l’entre-deux-guerres, maîtrise puis

DEA d’histoire, Université de Versailles – Saint-Quentin-en-Yvelines, 1994 et 1995.

47 Ibid.

48 François Roche, La culture dans les relations internationales, École française de Rome, 2002. 49 François Chaubet, op. cit.

50 Ibid.

51 Ibid. et Pascal Ory, La belle illusion : culture et politique sous le signe du Front populaire, 1935-1938, Plon, 1994, p. 220-226.

52 Jean Bothorel, Bernard Grasset : vie et passions d’un éditeur, Grasset, 1989 et Histoire de l’édition fran-

çaise, dir. Roger Chartier et Henri-Jean Martin., Promodis – Éditions du Cercle de la librairie, 1983-

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ils ne pouvaient éprouver les mêmes appréhensions vis-à-vis de l’Asso- ciation pour le développement de la lecture publique présidée par Julien Cain, puisqu’elle œuvrait pour l’achat massif de livres aux éditeurs. L’ob- tention d’une subvention de deux millions de francs – un million d’euros actuels – pour l’équipement des grandes bibliothèques, se traduisit par une aide immédiate très importante aux éditeurs de littérature générale et de littérature enfantine 53.

Dans un monde où d’autres propagandes s’organisent, mussolinienne et nazie d’un côté, soviétique de l’autre, mais aussi anglaise avec l’appa- rition du British Council en 1934, le Syndicat des éditeurs ne pouvait manquer de participer aux combats pour le développement de la lecture publique en France et pour la diffusion de la culture nationale à l’étran- ger. Seule la réforme du domaine public en matière de droits d’auteur aurait pu léser ses intérêts, mais elle fut abandonnée et la Caisse nationale des lettres, créée au même moment, allait se révéler, après la guerre, un instrument précieux et même, souvent, déterminant pour permettre aux éditeurs de bénéficier des crédits publics. Il n’était donc nullement ques- tion d’opposer, même à l’époque du Front populaire, syndicat des édi- teurs et réseau des bibliothèques publiques et Julien Cain, administrateur de la Bibliothèque nationale, entretenait d’excellentes relations avec le Cercle de la librairie. Celui-ci participa avec enthousiasme à l’exposition universelle des Arts et des Techniques de 1937 et, dix ans plus tard, il obtint de Julien Cain, réintégré dans ses fonctions à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, l’organisation, dans les locaux de la Bibliothèque na- tionale, rue de Richelieu, de la grande exposition intitulée « Cent ans d’édition française 54 ». Présentée dans la galerie Mazarine, en complé-

ment d’une autre exposition, consacrée à l’évolution des arts graphiques, mais installée, elle, dans l’hôtel du Cercle boulevard Saint-Germain 55,

elle manifestait la commune volonté des pouvoirs publics, alors rassem- blés dans une politique unissant gaullistes, socialistes, communistes et républicains populaires, et les éditeurs de relancer de toute urgence la politique de lecture publique initiée par Jean Zay.

53 Pascal Ory, op. cit., p. 229.

54 Marie-Annonciade Bady, « Remédier à la décadence du livre », in Le Cercle de la librairie, 1847-

1997 : 150 ans d’actions pour le livre et ses métiers, Éditions du Cercle de la librairie, 1997.

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