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Diversité des formes d’investissement

C HAPITRE 2 P ROFESSIONNALISATION :

1/ L’enfermement de différentiation

2.1 Diversité des formes d’investissement

La situation de galère n’est pas l’unique configuration originelle des trajectoires carcérales. D’autres contextes sociaux traduisent des conceptions de la détention comme le passage probable d’un mode de vie à risque. Examinons-en deux : la bande et la « SARL ».

La bande est une alternative à la galère. Tentons, avant toutes choses, de distinguer la bande qui serait définie selon quelques critères sociologiques précis, de ses représentations couramment véhiculées, corrélées au sentiment d’insécurité. Si on définit la bande comme une structuration de jeunes en groupe hors de l’intervention d’adultes, caractérisée par une cohésion du groupe face à l’extérieur, par un ensemble de valeurs repérables, liées à l’histoire du groupe, par des normes de conduite antinomique avec le reste de la société, par la délimitation d’un territoire d’action146, il est très probable que les phénomènes de bande soient beaucoup moins courants qu’il pourrait y paraître. F. Dubet n’en a pas « trouvé » dans son enquête, et l’auteur souligne comment l’expérience de la galère s’éloigne de l’organisation de la bande. Au cours de notre enquête seule une personne a décrit son appartenance à un groupe, à un moment spécifique de sa carrière délinquante, dont la structuration se rapproche

de la définition de la bande147. Relativisons donc les données : les phénomènes de bande semblent plutôt rares148.

Si la galère n’est pas une sous-culture, la bande, elle, peut être considérée comme telle. S’y développe un ensemble d’idées ou de points de vue sur le monde social et sur la manière de s’y adapter, ainsi qu’un ensemble d’activités routinières fondées sur ces points de vue149. La bande dont Florent fait partie est assez fortement structurée : si les rites initiatiques permettent d’y rentrer, y rester nécessitera de faire régulièrement ses preuves, justifiant par là l’acquisition de sa « part du gâteau », égale à celle des autres.

Par exemple si on est à quatre, on a fait 40 000 francs, 10 000 francs chacun. Si on était à cinq qu'on avait 5 000 francs, c'était 1 000 francs chacun. Jamais quelqu'un il avait plus que l'autre. Y a toujours eu de la loyauté entre nous. Bon ça arrivait que il y en a, ils sont venus dans notre groupe, des profiteurs. Ils foutaient jamais rien, ils profitaient. Et ça c'est pas bien, si tu préfères, des trucs comme ça faut toujours montrer tes preuves. Pour que les gens, ils t'acceptent, faut leur montrer de quoi tu es capable. Par exemple, moi, j'ai traîné avec ces personnes, au début, ils m'ont pris pour un petit gneugneu qui a peur de tout. J'ai dû leur montrer de quoi j'étais capable : casser un magasin, voler une bagnole, des trucs comme ça (silence). Je voulais aller avec eux, j'ai dû leur montrer mes capacités. Ça s'est bien déroulé, mais si ça aurait mal tourné, c'est moi qui en aurait payé les conséquences, pas eux parce que ils me connaissent pas ils en ont rien à foutre. Après ils ont commencé à m'estimer ou, je faisais de plus en plus partie du groupe, j'étais implanté dedans.

(Florent, 23 ans, MA, 3ème détention, outrage en réunion, condamné, en détention

depuis 5 mois).

L’auto-organisation, la structure formelle et les mécanismes de contrôle social interne à la bande renvoient pour une part aux descriptions du gang de M. Sanchez-Jankowski, dans Islands in the Street150, dont L. Wacquant151 a synthétisé les principaux résultats. D’abord, tous les candidats ne sont pas admissibles ; c’est la bande en tant que telle qui décide combien de membres elle désire et comment les tester : cooptation fraternelle, la rémunération morale, matérielle, etc. Ensuite, les jeunes qui refusent de se plier aux membres du groupe ou qui ne lui apportent pas de ressources supplémentaires sont écartés. Enfin, les individus inaptes à la bagarre sont irrémédiablement éliminés. Florent, dans ce cadre, peut être satisfait : alors qu’il ne « connaissait rien » au « système », il fait des coups parfois ambitieux, et tout lui réussit :

147 Pour saisir les problèmes méthodologiques liés à la recherche, la « reconnaissance » et l’analyse des bandes, on peut se référer à Esterle-Hedibel, 2002.

148

Une bande n’est d’ailleurs pas non plus systématiquement orientée vers la délinquance. 149 Becker, 1985 [1963].

150 Sanchez-Jankowski, 1991. 151 Wacquant 1994, 92.

les vols réguliers « par ci, par là », de maisons ou de hangars, les agressions parfois. « Tu continues toujours quoi jusqu'à un temps où tu te retrouves ici », en prison. En opposition à la pratique de la flambe, la bande de Florent est capable d’économiser, est patiente dans ses coups, évite les délits trop risqués d’un point de vue pénal.

Moi je connais des gars dans mon quartier, ils ont pris des 20, des 10 ans pour stups. Ça en vaut pas la peine, ça en vaut pas la peine. C'est l'argent qui t'as gâché ta vie, t'as perdu ta famille, tes enfants, t'as tout perdu. Il est trop tard, t'as voulu trop d'un coup. Moi et mes amis, on pouvait rester 6 mois sans un franc dans les poches, tout stocker, et un beau jour ben se dire « ouais on fait un plan, on part là, là ». Comme quand on est parti en Corse, il faisait chaud, on s'est dit ben ça y est on va partir. On a tout vendu, on a pris notre argent, on est parti à Marseille, on a pris le bateau, on est parti en Corse, et j'ai passé trois semaines magnifiques, magnifiques.

(Florent, 23 ans, MA, 3ème détention, outrage en réunion, condamné, en détention

depuis 5 mois).

Ça n’en vaut pas la peine, Florent évalue le rapport délit/risques pénaux, et laisse entrevoir un rapport à l’enfermement proche de l’idéal-type du calcul. Ici, cette évaluation s’inscrit dans le cadre d’une activité collective au sein d’une organisation structurée.

Le récit de Séverine s’écarte très largement de la notion de bande, mais constitue dans son aboutissement, un cas extrême de cette structuration solide, mise en place avant la première détention, des activités délinquantes au sein d’un petit – ou moins petit – collectif. Seule la reconstitution de l’ensemble d’un parcours qui préfigure cette organisation spécifique va permettre d’en saisir les conditions et enjeux. L’investissement délinquant apparaît comme une carrière délinquante spécifique, au cours de laquelle une organisation du travail152, structurée est nécessaire, qui a pour but un enrichissement rapide et conséquent.

La « SARL » de Séverine

C’est par l’intermédiaire d’une association d’aide aux femmes sortant de prison que j’ai rencontré Séverine ; après un ou deux rendez-vous manqués, nous réussissons à nous rencontrer dans mon bureau, dans lequel nous réaliserons un entretien de plus de trois heures. Sexy, volontaire, expansive, bavarde, précise et excessivement à l’aise, Séverine est assez impressionnante. Elle a 32 ans au moment de l’entretien. Elle s'attachera à narrer et narrer encore les côtés « extraordinaires » de sa vie, ses sentiments et expériences « pures », en comparaison de la pauvreté existentielle de gens comme moi, désespérément « normaux ». Séverine est Française, née de parents inconnus. Orpheline, elle est

élevée en foyer. A neuf ans et demi, un des éducateurs du foyer la viole à plusieurs reprises. Adoptée à 11 ans, Séverine a eu beaucoup de conflits avec sa famille d'accueil, même si elle reconnaît que c'est grâce à eux qu'elle a, « quand même », « appris les bonnes manières » et obtenu un BTS d’optique. Dès l'âge de 15 ans, elle fugue régulièrement, boit, fume, traîne les bars. Elle rencontre un homme qui lui fait « changer de vie », mais qui meurt dans un accident de voiture. Je me suis raccrochée au boulot, mais à partir de ce moment-là, il y a eu une cassure. Ça a été un peu la dégringolade. Bon, j’ai toujours été bonne vivante, j’aime les plaisirs de la vie, et tout ce que ça engendre. Les drogues légales et illégales (cocaïne et héroïne) l’aident dans son travail de deuil. Mais ses revenus légaux – elle travaille dans un salon d’optique – sont insuffisants pour assurer sa consommation, et elle doit mener une double vie : le soir, elle travaille en tant qu’ « hôtesse » dans des bars de nuit. Un jour, parce que l’occasion se présente, elle décide alors de se mettre à son propre compte et entame une carrière de prostituée de luxe. Elle travaille avec des commerciaux qui doivent décrocher de « gros contrats », a une clientèle de gens « avec de très bonnes situations », ne « tapine jamais » dans la rue. Mais cette « grande expérience », riche d’enseignements et très lucrative, a une fin. Sa consommation de came – « uniquement de la qualité, sans jamais utiliser la seringue d’un autre » – augmentant, elle va une première fois en Hollande chercher de l’héroïne. Commence une véritable carrière dans le trafic qui ne prendra fin qu’au moment de l’incarcération. En octobre 1995, elle est mise en détention préventive, pour ILS, trafic international, puis elle est condamnée à cinq ans de prison ferme. Sortie le 20 mars 1999 en libération conditionnelle, avec une obligation de soins jusqu’en août 1999. N’ayant pas abordé tous les thèmes qui devaient, a priori, m’intéresser, nous devions nous revoir, mais jamais je ne réussis à réaliser un second entretien : lorsque parfois elle répondait au téléphone portable, c’était pour m’annoncer, d’une voix brumeuse, qu’elle « faisait un break » d’avec son « travail » légal. J’appris plus tard qu’elle a connu une deuxième courte détention : en décembre 1999, (comparution immédiate), pour « aide à entrée et circulation d’étrangers en France », elle avait été condamnée à 2 mois de prison ferme.

Le récit de Séverine mérite que l’on s’y attarde. La « SARL » de Séverine fournit une bonne illustration, de l’intérieur, d’un ensemble de pratiques relevant du crime organisé. Le crime organisé peut être défini comme un ensemble d’activités illégales d’approvisionnement en biens et services partiellement ou totalement prohibés et dans le recyclage illicite du profit de ces trafics. Les principaux marchés d’échange sont des personnes, des organes, des animaux ou encore des produits bruts ou manufacturés. En France, le principal champ d’activité reste le trafic de stupéfiants153. Le parcours de Séverine constitue une spécificité dans le sens où il permet de mieux comprendre une évolution rapide d’une carrière délinquante dont la forme

est relativement indépendante, dans un premier temps, d’un processus de désignation. Les extraits retenus permettent donc de mieux appréhender cette spécificité, de saisir les différentes étapes de sa carrière, de la première importation de stupéfiants jusqu’à l’arrestation.

Je suis montée en Hollande, je suis montée à Rotterdam, seule, en train, sans rien connaître, j’y avais jamais mis les pieds… J’ai rien dit à personne. J’ai pris le billet, j’ai pris les sous, j’ai pris le train, je suis partie. J’avais juste un numéro de téléphone, on m’avait quand même donné un numéro de téléphone. Je suis arrivée là-haut. Quand t’arrives, tu te débarrasses des rabatteurs (…) J’ai passé le téléphone que j’avais, mon coup de fil, donc le mec il me connaissait pas, je le connaissais pas non plus, je venais de la part d’untel. De quelqu’un. Heureusement pour moi, je venais de la part d’une personne qui était très respectée là-haut, qui était très connue, ça m’a fait mon ticket d’entrée. Ça marche que par relations, de toutes façons, ce milieu-là. (…) Dans l’appart’, on a commencé à discuter. D’entrée, il m’a dit « écoute, moi, je travaille pas avec les toxicos. Exceptionnellement, je vais te vendre quelque chose, parce que tu viens de la part d’untel, mais pour moi les toxicos, c’est des gens qui balancent, c’est des gens pas fiables » et tout. « OK ». Il me fait « tu veux combien ? », ben je dis « je veux tant », alors déjà il était écroulé, parce qu’il pensait que je voulais acheter un kilo (elle rit), il me dit déjà d’entrée « t’as de la chance de venir de la part d’untel parce que moi, je vends pas si peu ». Parce que moi, carrément, je vais chez un mec qui vend au kil’, je lui demandais 20 grammes, tu vois (elle rit). Je lui dis « écoute. Aujourd’hui, je t’achète 20 grammes, je reviens dans deux jours, je te rachète 40 ». (…) Même pas deux jours après, j’étais revenue, je lui dis « je suis là, je viens t’acheter les 40, comme je t’ai dit », il me dit « tu m’avais dit deux jours », j’ai dit « ben je suis là ». A V… (grande ville de la moitié sud de la France), en deux heures, j’ai vendu ce que j’avais à vendre, plus ma conso pour moi, j’ai réinvesti, je suis remontée aussi sec. Et je remontais tous les deux jours. Et au bout de dix jours, il a halluciné, j’achetais mes premiers 100 grammes. Il était fou, il avait jamais vu ça. Il me dit « putain, t’es bien la première, en plus qui touche [qui consomme de l’héroïne], j’ai jamais vu ça ». Il me dit « en dix jours, t’achètes tes premiers 100 grammes, OK, je veux bien bosser avec toi ». Voilà, ça s’est fait comme ça. Bon, il a fallu que je fasse mes preuves, j’ai fait mes preuves, et ça a été ce truc-là quoi. Il m’a tout fait. Il m’a fait les tests du genre me laisser dans l’appartement avec du fric. Ou de la came, carrément sur la table. Jamais touché.

(Séverine, 32 ans, bureau, 1 détention (+1 après entretien), ILS, 5 ans, libre)

A ce rythme-là, Séverine devient bientôt, elle aussi, une grossiste, et l’argent qu’elle brasse la fait littéralement changer de statut social.

Comme je travaillais bien, je lui achetais un kilo, il m’avançait un deuxième. Toujours. Au début, il me le faisait à 7 briques 5, le kilo, après, il me l’a fait à 5 briques, et à chaque fois, il me ré-avançait, donc à chaque fois, je repartais, il m’avançait des fois jusqu’à 10 briques de matos, il avait vachement confiance en moi. Donc voilà, j’ai fait mon business comme ça, très vite, très rapidement… Et là, j’ai connu d’autres sentiments qui sont forts. Là, j’ai connu… Comment t’expliquer ? Ce qu’était le pouvoir. Le sentiment d’avoir du pouvoir, et beaucoup. Parce que quand t’as du fric, t’as un certain pouvoir, quand t’as le fric et la came, t’as un double pouvoir sur les gens.

Sur les clients ?

Pas que sur les clients. Sur tout. Les boîtes qui me refusaient quelques mois auparavant l’entrée parce qu’ils savaient que j’étais camée, que j’étais pute, ou n’importe quoi, là, ils me dépliaient le tapis rouge, parce que j’arrivais dans une boîte, je claquais (elle claque dans ses doigts) une brique dans la soirée… sans problème tu vois, sans problème. (…) Sur un kil’, je pouvais faire 60 briques, facile. Sachant que je pouvais passer un à deux kil’ par semaine tranquille, t’imagines.

(Séverine, 32 ans, bureau, 1 détention (+1 après entretien), ILS, 5 ans, libre)

La délégation d’activités est une étape typique de nombreuses carrières professionnelles. Comme l’a bien décrit Hughes, au fur et à mesure qu’une personne avance dans une carrière, la place qu’elle occupe dans la division du travail peut changer. Elle peut déléguer, ou se voir déléguer, diverses activités constitutives ; elle peut également déléguer l’activité essentielle comme elle peut y échapper d’une autre manière154. Séverine va structurer ses activités délinquantes, et se poser en « tête de réseau » :

Je me suis fait un petit réseau de vendeurs (elle rit), j’ai monté ma SARL quoi (elle rit). Avec des commerciaux. J’en avais 5. Alors là, pareil ça a été tout un trip à ce niveau-là. Moi, je pars aussi du principe que quand t’aides quelqu’un et qu’il se sent reconnaissant vis-à-vis de toi, il va pas te niquer par derrière. Donc moi, j’ai fait comme ça : j’allais zoner, je rencontrais un petit mec qui galérait, je lui posais les conditions, « voilà, je t’aide, 10 grammes ». Ça, les dealers ne le font pas, mais moi, c’était ma manière de faire. Bon je me suis fait niquer deux-trois fois, mais qu’est-ce que j’en avais à foutre, dix grammes pour moi, j’en avais rien à foutre, tu vois, malgré que ça vaut 10 000 balles sur le marché, je m’en tapais. Par contre, j’en ai recruté 5, et des bons. (…) Si il me prenait 5 par exemple, je lui ré-avançais 5. Tout de suite, il y avait un climat de confiance qui s’installait tu vois. Et petit à petit, il grossissait, et c’était plus 10, il m’achetait au « 100 grammes », au « 200 grammes », au « 300 grammes », tu vois. C’est-à-dire, j’ai aidé à faire démarrer 5 mecs, moi qui me rapportaient énormément, et eux, ça les a sorti de la merde (elle rit, silence). Ouais, j’ai monté ma boîte. Mais bon, j’étais une vicieuse parce que je me méfiais, faut se méfier vachement dans ce milieu-là, t’as pas d’amis t’es vachement seule, tu fais gaffe aux flics, tu fais gaffe aux clients, tu fais gaffe à plein de choses. Les gens savaient pas où j’habitais, j’avais un appartement en ville avec, comme si je vivais dedans, mais je vivais pas là, j’avais une maison, c’est des trucs comme ça. Jamais ma véritable identité, toujours des pseudos, je passais les frontières, j’avais 5 jeux, j’avais des faux permis de conduire, des fausses cartes d’identité, et tout ce que ça engendre, toute une vie clandestine. C’est un choix de vie, quand tu fais ça, tu peux pas te permettre pleins de trucs, mais bon, c’est un choix de vie…

(Séverine, 32 ans, bureau, 1 détention (+1 après entretien), ILS, 5 ans, libre)

La carrière délinquante de Séverine ne s’arrête pas là. En situation de quasi-monopole dans une grande ville du sud-ouest, elle entreprend d’étendre son marché sur d’autres villes.

Passons sur ces développements, on aura compris « l’esprit » dans lequel Séverine envisage le deal, symboliquement et pratiquement à mille lieues, par exemple, des deals de débrouillardise. Selon Séverine, son arrestation est due à la conjonction de deux facteurs : la reprise d’un Plan Vigipirate qui a rendu les passages aux frontières beaucoup plus délicats, et l’existence d’un « indic » qui l’aurait « balancée ». D’un point de vue théorique, cet indicateur présumé, infiltré depuis longtemps dans le réseau de Séverine, vient nuancer l’idée d’un développement de la carrière délinquante complètement autonome du processus de désignation.

Je me suis fait coincer à la frontière. Dans mon histoire, il y a un Monsieur X, je saurais jamais qui c’est. Mon réseau, il s’est fait infiltrer, tout bêtement, par une taupe, par un indic des flics ou par ce qu’on appelle les brigades d’investigation, qui sont des mecs qui connaissent très très bien le milieu. Ces mecs-là, on les recrute dans la rue. Parce que les trafiquants, on arrive à de tels niveaux, on a de tels moyens technologiques, sachant que par exemple, j’avais un scanner chez moi, j’étais toujours sur la fréquence des flics, je savais toujours où ils étaient, j’avais mes infiltrations au niveau de la douane, je savais où ils se postaient. Nous les truands, on arrive à des technologies tellement balèzes, et puis comme on a les moyens de se les payer, arrive un moment, où c’est vrai, on nique les flics, donc eux, ils ont recours à d’autres méthodes parce que sinon, ils arriveraient pas à nous coincer.

(Séverine, 32 ans, bureau, 1 détention (+1 après entretien), ILS, 5 ans, libre)

C’est dans ce cadre biographique que nous avons pu mieux comprendre, en fonction de notre conceptualisation idéale-typique, le rapport à l’incarcération de Séverine, qui mêle les situations idéales typiques de break sanitaire, d’un arrêt d’un développement des délits, trop dangereux – la concurrence était rude, et Séverine craignait pour sa vie –, d’un passage obligé