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Les dispositions en sciences sociales

Deux points sont à éclaircir : celui de savoir d’où vient le pouvoir causal des dispositions, puis celui de savoir quelle est la pertinence de l’explication dispositionnelle pour les sciences sociales. Comme nous allons le voir, en raison de notre posture instrumentaliste ces deux problèmes n’en font plus qu’un.

À quoi tient le pouvoir causal des dispositions ? Les philosophes qui nous ont fourni les arguments pour faire face aux objections logiques, comme Mumford ou Mellor168, ne peuvent être suivis sur la question de la source du pouvoir causal des dispositions parce qu’ils sont réalistes quant aux propriétés catégoriques formant la base de réduction des dispositions attribuées. Pour le dire autrement, ils considèrent que les dispositions ont un pouvoir causal parce qu’en réalité, « la distinction dispositionnel/catégorique s’applique aux prédicats désignant des propriétés, ou aux concepts, mais non aux propriétés elles-mêmes »169. C’est donc la même propriété qui est décrite soit en termes catégoriques soit en termes dispositionnels. La difficulté réside alors dans le fait que si la propriété catégorique expliquant la fragilité d’un verre est en un certain sens observable, ce n’est pas le cas des propriétés

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Mellor D.H., « In Defence of Dispositions », The Philosophical Review, 83(2), 1974, p.157-181.

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catégoriques auxquelles les prédicats dispositionnels renverraient en sciences sociales. Comme le dit R. Boudon,

« à la différence des virus, qu’on a observés après les avoir supputés, on n’a guère d’espoir de préciser les mécanismes sous-jacents […] aux effets de socialisation des sociologues. Si l’on doit un jour préciser les mécanismes sous-jacents à ces phénomènes, ce sera peut-être le fait des sciences de la vie plutôt que des sciences humaines et sociales. »170

L’explication des comportements sociaux (par exemple la pratique religieuse) qui serait donnée en termes dispositionnels (l’habitus) n’a pas de base de réduction observable, c’est-à-dire de propriétés catégoriques de types psychologique ou physique expliquant précisément le comportement.

On sait que face aux entités théoriques non observables, deux positions sont possibles : d’un côté le réalisme, qui soit postule leur existence et peut alors en tirer les conclusions souhaitées (Mumford, Mellor), soit refuse de leur accorder une quelconque existence (Boudon), de l’autre côté l’instrumentalisme, qui se contente d’en faire des abstracta, sans se prononcer sur leur statut ontologique, et fonde éventuellement leur objectivité (ou leur « semi-réalité », dirait Dennett171) sur leur seule utilité stratégique pour les prédictions ou les explications scientifiques. Si des instruments sont de mauvais outils, ils sont rejetés, comme le fut par exemple l’éther avec l’arrivée de la théorie de la relativité. C’est évidemment cette deuxième voie que nous suivons. Il convient alors de fonder non plus le pouvoir causal des dispositions, car celles-ci ne sont que des instruments et la causalité est de l’ordre du réel, mais leur pouvoir explicatif, comme ce fut le cas avec les raisons (on continuera à parler de causalité mais en limitant son application aux relations entre les éléments du modèle explicatif ). De quoi la stratégie dispositionnelle tire-t-elle son pouvoir explicatif ? Si la TSI

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Boudon R., Raison, bonnes raisons, Paris, PUF, 2003, p.12.

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tirait sa valeur scientifique du pouvoir prédictif des attributions de raisons qu’opère le sens commun, la stratégie dispositionnelle, tire son pouvoir explicatif elle du caractère indispensable de la notion d’apprentissage dans toute analyse de comportement :

« on ne voit pas comment on pourrait, sans nier l’évidence des faits, éviter de recourir à de telles notions : parler de disposition, c’est simplement prendre acte d’une prédisposition naturelle des corps humains, la seule […] qu’une anthropologie rigoureuse soit en droit de présupposer, la conditionnabilité comme capacité naturelle d’acquérir des capacités non naturelles, arbitraires. Nier l’existence de dispositions acquises, c’est, quand il s’agit d’être vivants, nier l’existence de l’apprentissage »172.

Si les dispositions sont les produits de l’apprentissage, il paraît impossible de nier leur existence, au moins à titre d’abstracta. Mais cela ne suffit pas encore à leur donner une pertinence pour la recherche scientifique. Dire que l’apprentissage est un fait indubitable induit que les capacités sont des faits assurés, mais les dispositions sont plus que de simples capacités : elles ont une nature propensionnelle qui explique, pour les théories dispositionnalistes, qu’elles soient des causes de l’action. Comme nous l’avons vu précédemment avec E. Bourdieu, c’est la science, et avant tout la psychologie, qui nous conforte dans cette hypothèse : les capacités acquises ont une nature propensionnelle. On peut donc conclure que les dispositions ont un pouvoir explicatif. La confrontation avec l’explication rationaliste révèle aussi qu’elles n’ont pas plus d’inconvénients que cette dernière.

Il peut paraître surprenant voire choquant de proposer en même temps une explication en termes de raisons et de dispositions. Traditionnellement, on oppose ces deux approches, notamment en France, à travers les figures tutélaires de R. Boudon et de P. Bourdieu. Nous allons voir cependant que cette opposition mérite d’être réévaluée. Précisons d’abord que le

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« modèle rationnel général »173 proposé par Boudon n’exclut pas de s’intéresser aux « dispositions ». En effet, le sociologue

« doit tirer toutes les conséquences du fait que les acteurs sociaux sont socialement situés, c’est-à-dire qu’ils tiennent des rôles sociaux, qu’ils appartiennent à certains milieux sociaux et à certaines sociétés, qu’ils disposent de certaines ressources (notamment cognitives), et qu’en raison des processus de socialisation auxquels ils ont été exposés, ils ont intériorisé un certain nombre de savoirs et de représentations. Pour ces raisons, ils sont sujets à ce que j’ai appelé des effets de situation (effets de position et de disposition). »174

La rationalité de l’individu n’est donc pas absolue, comme c’est le cas dans la théorie du choix rationnel, mais relative à la position qu’il occupe dans le monde et à ses dispositions. Ces dernières peuvent être de types éthique ou affectif, mais surtout cognitif (c’est le point qui intéresse l’auteur dans son étude sur l’idéologie), c’est-à-dire liées à la connaissance et à la compréhension du monde. Ainsi, « dans l’interprétation de tout phénomène, nous mobilisons une expérience et un savoir antérieurement acquis (lesquels peuvent d’ailleurs aussi bien faciliter qu’inhiber la compréhension du phénomène). »175 Voilà qui est pour Boudon une évidence. Mais d’après lui, l’analyse ne peut en rester à ce stade :

« On sait bien que la famille et l’école munissent l’individu de valeurs et de manières d’être […]. Mais constater et baptiser ces différences ce n’est pas les expliquer. La notion de socialisation est un sténogramme : elle repère l’existence de corrélations par exemple entre des données caractéristiques de l’éducation reçue par

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Boudon R., op. cit.

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Boudon R., L’idéologie, p.137.

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un ensemble d’individus et leur comportement, mais elle est muette sur la nature des mécanismes sous-jacents à ces corrélations. »176

On retrouve l’objection d’analyticité abordée plus haut mais dans sa version méthodologique et non plus logique: les explications dispositionnelles, comme celles qui utilisent la notion de socialisation, ne font que décrire leur manifestation, elles n’expliquent rien parce qu’elles ne précisent pas les « mécanismes sous-jacents » qui eux, ont un réel pouvoir causal. Ce faisant, elles sont des énoncés tautologiques. Pour qu’elles puissent avoir une valeur scientifique, il faudrait qu’elles précisent leur base de réduction, ou, pour Mumford et Mellor, la propriété catégorique dénotée par le prédicat dispositionnel. Rappelons que ces auteurs postulent que de telles propriétés existent bien. On trouve donc chez eux une réponse à Boudon. Malheureusement celle-ci n’est pas pour nous satisfaisante, en premier lieu parce que ni les sciences sociales ni surtout les sciences cognitives (qui sont les seules à pouvoir fournir des bases de réduction solides) n’ont encore de connaissance suffisante sur de tels mécanismes, et deuxièmement parce que, étant donné ce défaut de connaissance, accorder une existence à ces dispositions c’est la postuler, et par conséquent adopter une attitude réaliste scientifiquement intenable. La solution est à trouver ailleurs.

Boudon tire de son objection la leçon suivante : une fois repérées les valeurs et les représentations qui ont été intériorisées par l’individu au cours de son existence (et principalement l’enfance), il reste à expliquer pourquoi il y croit encore, et donc montrer en quoi elles font ou non sens pour lui. Il reprend pour illustration l’étude de Weber sur la conversion de certains Romains au christianisme177. Ce dernier constate que les paysans rejettent en majorité cette nouvelle foi alors que les centurions, pourtant élevés par les mêmes paysans dans le culte du polythéisme, se convertissent massivement. Il y a là un phénomène dont les théories de la socialisation et les explications en termes de disposition, d’ethos de classe, de tradition ou d’habitus ne peuvent rendre compte. Seule l’analyse de ce qui fait sens

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Boudon R., Raison, bonnes raisons, p.11.

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pour les centurions, autrement dit l’étude de leurs raisons, permet de comprendre pourquoi, malgré les coûts que cela entraîne, ils préfèrent se convertir.

Boudon oppose donc deux arguments178 aux théories de la socialisation qui entendent expliquer les comportements des individus par le recours aux dispositions acquises : d’abord elles n’expliquent pas pourquoi les individus devenus adultes continuent de partager ces croyances et pourquoi parfois ils les rejettent ; ensuite elles ne disent rien sur les mécanismes produisant le comportement à partir des dispositions. Ce sont là deux arguments qui ne nous convainquent pas entièrement, nous allons montrer pourquoi.

Tout d’abord, s’il est vrai que les théories dispositionnalistes échouent le plus souvent à expliquer le changement (c’est l’objection classique faite à la sociologie de P. Bourdieu, face à laquelle il n’est cependant pas complètement désarmé), en revanche, en l’absence d’un tel changement de comportement, il n’est pas nécessaire d’expliquer pourquoi un individu croit à ses représentations pour comprendre pourquoi elles produisent son comportement. Ce serait nécessaire dans une conception boudonnienne des représentations, qui assimile celles-ci à des connaissances objectivables, aisément révocables, modifiables. Mais les théories dispositionnalistes ne partagent pas cette conception des dispositions : elles ne sont pas, comme pour Boudon, « intériorisées par l’acteur social à la manière dont l’élève intériorise le théorème de Pythagore »179. Les connaissances des théories dispositionnalistes ne sont pas passives comme l’est le théorème de Pythagore. Les dispositions ne sont pas qu’un « pouvoir de », une pure possibilité, une « capacité » au sens de Ryle180. On pourrait en effet distinguer sur cette base les « dispositions faibles »181 que sont les capacités et les dispositions fortes que sont les tendances :

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Le troisième argument est celui d’ordre logique (la vertu dormitive) analysé plus haut.

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Boudon R., L’idéologie, p. 137.

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Ryle G., La notion d’esprit, Paris, Payot, 1978.

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« Attribuer une capacité, c’est signaler simplement l’existence d’une certaine possibilité, au sens d’une non impossibilité, sans se prononcer aucunement sur les chances qu’a cette possibilité de s’actualiser. […] Au contraire une tendance, même indéterministe, est définie par le fait qu’on peut en tirer certaines conséquences et qu’on peut, en particulier, s’en servir pour prévoir le comportement futur de celui qui la possède. Une tendance est une disposition qui produit, nécessairement, des effets ou, au moins, une certaine proportion d’effets sur le long terme. Une capacité est une disposition telle que le fait que quelqu’un la possède ne peut faire aucune différence dans le comportement de ce dernier, même sur le long terme. »182

Les dispositions telles que Boudon les comprend sont-elles à identifier à ces capacités ? On pourrait le supposer, car chercher à comprendre pourquoi les croyances font sens pour l’individu, c’est supposer que celui-ci peut les modifier ou les abandonner facilement (comme le centurion romain) ; c’est donc limiter fortement leur autonomie et leur caractère de propension. Cependant, selon les propres mots de l’auteur, ces savoirs acquis peuvent « faciliter » ou « inhiber » tel comportement. Nous voyons donc que la différence entre les dispositions du modèle rationnel général de Boudon et celles des théories dispositionnalistes n’est pas aussi tranchée que la distinction proposée par Ryle. Il s’agit bien plus d’une différence de degré que de nature. On peut du reste aboutir à cette conclusion simplement en rejetant la validité de la distinction entre tendances et capacités et plus particulièrement la conception de savoirs acquis n’ayant aucune dimension tendancielle ou propensionnelle, vers laquelle tend, mais sans s’y réduire, la définition boudonnienne. Si l’idée de « capacité » ainsi définie est intenable, l’opposition entre les deux modèles explicatifs se réduit nécessairement à une simple différence de degré.

Cependant, pour les théories dispositionnalistes, cela n’a aucun sens que l’individu réfléchisse aux bonnes raisons qu’il aurait de croire ce qu’il croit, puisque cette réflexion même est conditionnée par ces représentations. C’est l’argument classique : les dispositions étant inconscientes, et d’autant plus fortes qu’elles sont inconscientes, l’individu ne peut les

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remettre en question à la manière dont il pourrait critiquer le théorème de Pythagore. Les dispositions sont des représentations d’un autre ordre parce qu’elles sont des propensions d’un degré d’autonomie beaucoup plus fort : « Il est tout à fait illusoire de croire que la violence symbolique peut être vaincue par les seules armes de la conscience et de la volonté : les conditions de son efficacité sont durablement inscrites dans les corps sous la forme de dispositions »183.

Le premier argument du refus de toute analyse dispositionnelle (elle n’explique pas pourquoi les individus continuent à croire à ce qu’ils croient) ne tient donc pas. Il est fondé sur une autre conception de ce que sont des dispositions, beaucoup trop faible. Par définition les dispositions ne sont pas des savoirs aisément interrogeables ou modifiables, notamment parce que les modifier présuppose d’y faire appel, ce qui rend toute modification délicate. Notons cependant que dans le cas du changement de croyance pointé par M. Weber, l’explication par les raisons semble effectivement incontournable. Mais ceci ne suffit pas cependant à discréditer toute explication par les dispositions lorsqu’il n’y a pas de changement.

Le deuxième argument de Boudon est donné dans un passage de l’Idéologie184, où il raille la méthodologie dispositionnelle : les mécanismes auxquels font référence les dispositions sont parfaitement inobservables, et l’on n’en voit que les effets supposés ; or ceux-ci constituent aussi la preuve de leur existence, ce qui devient circulaire. Notons d’abord que l’accusation de circularité ne tient pas: il n’y a pas de cercle vicieux, parce qu’il n’y a tout simplement pas de raisonnement, mais seulement le déploiement d’une définition. En effet, c’est par définition que les dispositions sont inobservables, inconscientes et pourtant produisent des effets. Rien n’empêche de proposer une telle définition des dispositions. Ce qu’il faut en revanche montrer, c’est soit qu’elles existent bien sous cette forme (réalisme), soit qu’elles sont de bons outils scientifiques (instrumentalisme).

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Bourdieu P., Méditations pascaliennes, Paris, Seuil, 1997, p.215.

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Le deuxième argument de Boudon (l’absence de mécanismes expliquant d’où vient le pouvoir causal) est typiquement réaliste. Ces dispositions soi-disant causalement efficaces sont de simples conjectures. Nous ne pouvons qu’être parfaitement d’accord avec ce constat. Mais nous n’en tirons pas du tout les mêmes conclusions. En effet, deux remarques peuvent lui être faites, sous forme de questions : d’abord, en quoi postuler l’existence de raisons est moins conjectural que de postuler l’existence de dispositions ? Ensuite, cela retire-t-il quelque pouvoir explicatif que ce soit aux dispositions ? Répondons à la première. Par quel heureux miracle ontologique l’existence des raisons serait-elle mieux établie que celle des dispositions ? Ni les raisons ni les dispositions ne sont accessibles à l’observateur. Boudon insiste sur le fait que l’individu peut dire les raisons qui motivent ou ont motivé son comportement. Certes, quand il y a trace de telles raisons avant l’action, on peut effectivement accorder un grand intérêt à cette explication. Mais que faire des cas (peut-être les plus fréquents) où les raisons sont données par l’individu après l’action ? Rien n’empêche alors de douter de la validité de la reconstruction proposée par l’acteur. Il arrive même que, de l’aveu même de celui-ci, le comportement ait été manifesté sans raisons, simplement par habitude. Comme le précise Bourdieu, « il suffit de penser à la décision instantanée du joueur de tennis qui monte au filet à contretemps pour comprendre qu’elle n’a rien de commun avec la construction savante que l’entraîneur, après analyse, élabore pour en rendre compte et en dégager des leçons communicables. »185 Quelle est effectivement, dans ce cas, la pertinence d’une reconstruction rationnelle ?

Boudon qualifie souvent les dispositions de forces obscures ou imaginaires, et surtout de « boîtes noires », c’est-à-dire de processus supposés dont on ne connaît pas les mécanismes. Une question se pose alors immédiatement : en quoi les raisons fonctionnent-elles selon des mécanismes parfaitement clairs et observables ? Chacun a éprouvé d’avoir des raisons, des croyances, des désirs. Mais chacun sait aussi qu’il y a des comportements que nous avons apparemment mécaniquement, qui sont l’application inconsciente d’un savoir-faire acquis, comme l’écriture ou la conduite d’un véhicule. Il n’est alors pas plus incohérent de vouloir expliquer tout comportement par des dispositions que de vouloir expliquer toute

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action par des raisons. Expliquer par des raisons un comportement dont nous avons l’intuition qu’il a été fait de manière automatique, comme de ralentir parce que la voiture devant nous ralentit, n’est pas moins curieux que de vouloir expliquer un comportement sciemment planifié par la simple actualisation d’une disposition. Que je puisse après coup donner une bonne raison de ralentir est une chose, mais ce n’est pas là une preuve que ce qui s’est passé au moment exact où j’ai ralenti soit explicable en termes de raisons. De la même manière, le fait que dans certains aspects de la réalisation de mon action planifiée s’actualisent certaines dispositions ne signifie pas que l’action en elle-même (comprise comme un tout) en soit l’effet.

Ce sur quoi nous souhaitons insister est qu’il s’agit de deux stratégies explicatives : retrouver la part de savoir et de savoir-faire de type dispositionnel dans tout comportement, ou retrouver la part de rationalité dans tout comportement. Faut-il choisir entre les deux ? Non, rien n’y oblige hormis des considérations pratiques pour la recherche (de temps ou de données disponibles). Pour le moment, il n’y a aucune raison de sacrifier une hypothèse au profit de l’autre. Raisons et dispositions étant inobservables bien que toutes fort utiles dans certaines prédictions, elles sont pour nous des abstracta et peuvent avoir leur efficacité l’une autant que l’autre. Plus encore, il n’y a aucune raison de considérer que ces hypothèses sont