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CONSIDÉRATIONS MÉTHODOLOGIQUES, APPROCHE ÉPISTÉMOLOGIQUE ET OBJET DE

Encadré 1.1 : Présentation du Centre des travailleuses et travailleurs immigrants (CTI)

5. L’INTÉGRATION AU CENTRE DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS IMMIGRANTS ET LA COLLECTE DES

5.5. Les dimensions éthiques de la recherche

J’atteste d’emblée que les règles élémentaires de préservation de l’anonymat des participants à la recherche ont été respectées en attribuant systématiquement des noms d’emprunts aux travailleuses et travailleurs, aux intervenants du CTI et à la majorité des personnes-ressources interrogées33. De plus, nombre d’informations qui auraient pu permettre d’identifier les personnes n’ont pas été divulguées, sans que cela ne retire d’éléments importants à la compréhension de l’objet d’étude. En outre, des noms fictifs ont été donnés aux entreprises dont les participants étaient issus au moment de l’enquête.

Par ailleurs, il est important de noter que la nature des activités du CTI demande une attention particulière du chercheur à l’éthique de la recherche, alors qu’il compte utiliser un grand nombre d’informations collectées dans le cadre d’une immersion ethnographique. En effet, à

33 Seules deux personnes-ressources ont souhaité garder leurs vrais noms, étant interrogées au titre d’expertes de la situation à l’étude et n’ayant aucun lien avec les activités du CTI ni avec les participants.

travers leurs objectifs de défense des intérêts des travailleuses et travailleurs immigrants, les membres du CTI sont amenés à soutenir des personnes en situation de forte vulnérabilité socioéconomique, dont certains sont sans-papiers ou connaissent des conflits ouverts avec leur employeur et nécessitant donc une discrétion particulière dans la manipulation des informations les concernant. De même, le CTI est aussi engagé dans des actions collectives qui demandent une certaine confidentialité, afin de ne pas compromettre l’issue des luttes ou de ne pas exposer les travailleurs impliqués aux représailles éventuelles de leurs employeurs.

Dans ce contexte, le fait d’avoir réalisé une participation observante au CTI – impliquant une participation active aux diverses activités, le partage de ses objectifs politiques et un engagement humain auprès de ses membres –, m’aura particulièrement sensibilisé à la protection des travailleuses et travailleurs et aux enjeux liés à la confidentialité de certaines informations en lien avec les mobilisations. En ce sens, la dynamique et l’organisation du travail au CTI est propice à l’élaboration collective des questions éthiques qui concernent au premier chef les actions menées. En effet, rappelons que dans cet espace où des travailleuses et travailleurs immigrants, organisatrices et organisateurs communautaires, étudiantes et étudiants en stage, chercheures et chercheurs en sciences sociales, militantes et militants bénévoles ou syndicalistes se rassemblent autour d’actions collectives, le CTI constitue une sorte de laboratoire communautaire où des formes nouvelles de mobilisation collective sont expérimentées pour répondre aux difficultés liées à la défense de travailleurs précaires. Dans ce contexte, les chercheurs ont la possibilité de s’immerger dans la construction des pratiques sociales tout en établissant un pont étroit entre les acteurs sociaux et la production de connaissances en sciences sociales. Or, vu le caractère collectif du processus de production du savoir, la réflexion sur l’utilisation et la restitution des données peut impliquer les membres du CTI. Ainsi, afin de m’assurer que les informations livrées dans cette thèse ne représentent pas un risque pour la protection des travailleurs, ni pour l’issue des actions collectives, les informations les plus sensibles ont été validées par des membres de l’ATTAP et de l’ATTET, travailleurs ou organisateurs communautaires.

En outre, étant donné la collaboration et le partage des informations qui président au fonctionnement de ce que j’ai appelé le laboratoire communautaire, les chercheurs participant

à la réflexion collective concernant les projets en cours, sont régulièrement amenés à soumettre certaines idées ou analyses au jugement des autres membres du CTI, validant ainsi certaines connaissances dans le courant des activités. Par exemple, si j’ai pu développer un regard critique sur les pratiques du Centre, apparaissant dans le chapitre V sur la mobilisation des travailleurs d’agence, ces critiques ont pu être partagées en amont, avec les autres membres du centre, afin de participer à l’amélioration des pratiques, participant ainsi à une démarche collaborative de la recherche.

Enfin, concernant la réalisation des entretiens de recherche, tous les répondants ont été dument informés de leurs droits reliés à leur participation à une recherche académique en sciences sociales34, aboutissant à la signature d’un formulaire de consentement, lorsque cela était possible, ce qui fut le cas pour approximativement la moitié des participants. En effet, le fait de faire signer un formulaire n’était pas souhaitable pour certains participants, à cause du risque que cela ait pu générer une suspicion inutile et contreproductive, du point de vue de la dynamique collective que je partageais avec eux et de l’avancée de la recherche. D’ailleurs, faire signer un formulaire de consentement correspond à une conception de la recherche où l’on s’adresse à des individus isolés les uns des autres et où le pouvoir du chercheur n’est aucunement balisé, assurant ainsi un engagement légal d’une personne enquêteuse à l’égard d’une personne répondante. Force est de constater que cette conception ne s’accorde pas avec la dynamique collective et collaborative qui a caractérisé mon immersion de terrain au CTI. Dans le cas de cette recherche, où le recrutement des répondants s’est réalisé principalement à travers le partage d’un projet commun avec eux, il existe une forme de réciprocité de contrôle entre les participants, qui me connaissaient depuis plusieurs mois au moment de réaliser les entretiens, évitant ainsi des dérives éventuelles. Cette observation ne doit pas faire oublier que mon attention à la dimension éthique de la recherche a été systématique avec les participants, même lorsque la signature d’un formulaire de consentement était jugée peu souhaitable. J’ai ainsi abordé avec chacun des répondants les enjeux de leur participation, liés à la confidentialité, aux avantages et aux inconvénients éventuels, à leur droit de retrait qu’ils

34 Le protocole de cette recherche est approuvé par le Comité plurifacultaire d’éthique de la recherche (CPER) de l’Université de Montréal, sous le certificat d’approbation éthique N° CPER-12-106-D(3).

pourraient décider en tout temps sur simple avis verbal et sur les conditions de la diffusion des résultats. D’ailleurs, des stratégies de confidentialité ou de (non)-divulgation de certaines informations ont été pensées avec des participants qui étaient en conflit avec leurs employeurs au moment de l’entrevue ou qui étaient contraints par certaines décisions de justice.

5.6. Les limites de la participation observante et la distanciation avec le

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