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LE RÉGIME DE TRAVAIL IMMIGRANT EN AGENCE DE PLACEMENT TEMPORAIRE

2. LA DÉQUALIFICATION PROFESSIONNELLE 1 L’immigration au Canada ou la régression professionnelle

2.5. Le cumul des obstacles ou « le parcours du combattant »

2.5.1. Le statut de résident ou de citoyen, sinon rien

Pour les participants, l’insertion en emploi ressemble alors à un véritable parcours d’obstacles qui ne se résume d’ailleurs pas à la difficulté de faire reconnaître ses diplômes par les ordres professionnels ou les employeurs. Ainsi, Christian qui est ingénieur en génie électrique et bénéficie d’une expérience professionnelle de près de 15 ans dans son domaine, nous dit que selon les employeurs, il y a toujours quelque chose dans son profil, qui justifie le fait de ne pas l’embaucher. Dans ses démarches, Christian est régulièrement renvoyé à différents éléments qui composent sa situation. Premièrement, il s’agit de son statut d’immigration de demandeur d’asile et ensuite de réfugié accepté qui l’empêche d’accéder à certains postes : « Il faudrait pour certains postes être résident permanent ou Canadien », explique-t-il.

« Pour la NAF Canada112, l’entreprise qui s’occupe de tous les équipements en télécommunication aéronautique. Pour eux, je comprends ça, parce que c’est une entreprise stratégique sur le plan sécuritaire du pays, car elle gère tous les trafics aériens, alors on ne peut pas engager quelqu’un dont on n’est pas sûr qu’il peut rester, ou qu’on peut gérer. Bon, moi je comprends cet aspect là. Mais il y a beaucoup d’autres entreprises où ça ne se justifie pas tellement. Pour aller installer des équipements électriques chez les particuliers ou sur des édifices, par exemple, pourquoi ils demandent des Canadiens ? Je ne comprends pas pourquoi, mais ce critère là était affiché sur les offres d’emploi ». (Christian)

112 Le nom de l’entreprise dont parle le participant n’a pas pu être vérifié. On s’en tient donc aux explications données par Christian pour comprendre le contexte.

Or, depuis son arrivée en 2011 en tant que demandeur d’asile, Christian a obtenu le statut de réfugié l’année suivante, a fait la demande de résidence permanente dans la foulée, mais ne l’avait pas encore obtenue au moment de l’entretien 4 ans plus tard. Il sent le délai de traitement de sa demande de résidence comme une entrave à l’évolution de sa situation en emploi. D’autant plus qu’il doit renouveler son permis de travail chaque année.

« Là je suis toujours sous un permis de travail que je dois renouveler tous les ans. Là par exemple, mon permis de travail a expiré, j’ai fait la demande de renouvellement 2 mois avant l’expiration, mais la date est passée et je n’ai pas encore de réponse. Bon, j’aurais dû normalement envoyer ma demande de renouvellement trois mois avant. Ce qui fait que je ne peux pas trouver un travail en ce moment ». (Christian)

2.5.2. La non reconnaissance du diplôme d’ingénieur (congolais)

D’autre part, Christian multiplie les démarches pour faire reconnaître ses diplômes. Il obtient au bout d’un an une Évaluation comparative des études effectuées hors du Québec, mais qui « ne m’a jamais servi dans ma situation, ni avec les employeurs, ni avec l’ordre des ingénieurs », dit-il. En effet, lorsqu’il formule sa demande d’inscription à l’ordre des ingénieurs, on refuse dans un premier temps, de traiter sa demande « pour un problème terminologique ». Sur son diplôme apparaît le titre d’Ingénieur en télécommunication, alors que l’ordre lui réclame un titre d’Ingénieur civil. « À l’Ordre, la dame m’a dit qu’ils ne tenaient pas compte de l’Évaluation comparative, que “Ça c’est juste pour l’immigration, ça ne change rien pour nous” … ». Après avoir obtenu une demande d’attestation auprès de son institut de formation au Congo, l’ordre des ingénieurs du Québec accepte enfin de traiter sa demande, pour lui signaler qu’il devrait repasser onze examens afin d’obtenir le grade d’ingénieur.

« Mais tu ne peux pas faire plus de deux examens par session. Donc, imagine un peu le temps que ça va me prendre de refaire tout mon diplôme… Au moins trois ans. Et comment je vais financer ça ? Donc, j’ai abandonné, car j’ai besoin de travailler dès maintenant ! » (Christian)

2.5.3. Le permis de conduire québécois… probatoire

Par ailleurs, Christian se confronte à un autre problème inattendu de reconnaissance d’une compétence pour travailler comme technicien dans l’installation de matériel électrique. Alors

qu’une entreprise semblait prête à embaucher Christian comme technicien malgré son statut d’immigration, c’est le permis de conduire québécois qui lui fait défaut.

« Mon permis de conduire du Congo était retenu à l’Immigration, parce que parmi les pièces d’identité que j’avais présentées à la frontière, j’avais mon permis de conduire. Donc quand je suis allé faire un échange, pour obtenir le permis québécois, on m’a demandé l’original, mais je ne l’avais pas car il était à l’immigration. Je ne pouvais pas avoir accès à cet original là, donc ils m’ont demandé de faire les cours au complet à la SAAQ pour passer mon permis. Bon, une fois terminés ces cours, ils m’ont donné un permis probatoire de deux ans ». (Christian)

Le permis de conduire québécois en poche, Christian peut enfin postuler à nouveau pour le poste de technicien qui lui avait été refusé auparavant.

« J’ai fait une application chez Bell où ils cherchaient des techniciens d’installation et ils demandaient un niveau secondaire 5. J’ai passé une interview au téléphone, qui s’est bien passée. On m’a retenu. Ils m’ont appelé pour aller faire des tests. J’ai eu des bons résultats aux tests. Pour la dernière étape, ils allaient m’embaucher et il fallait que je présente les documents officiels, diplômes du secondaire, permis de conduire, carte d’assurance sociale, etc. » (Christian)

Mais se rendant compte que le permis de conduire de Christian est probatoire, le responsable des ressources humaines met fin au processus d’embauche, expliquant la trop faible quantité de points – au nombre de quatre – octroyée sur le permis et qui ne permettraient pas d’aller au delà de deux infractions au code de la route, insinuant l’idée selon laquelle les infractions font partie du travail de technicien et menaçant donc la pérennité de l’emploi de Christian. Ce dernier qui déclare avoir été particulièrement abattu par ce revirement de situation de dernière minute, conclut que « c’est vraiment un parcours du combattant qu’on nous fait subir ».

2.6. Des conditions variables de reprise d’étude et de mobilité

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