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a. Les discours opératifs juridictionnels

178. Notion - Les discours opératifs juridictionnels sont produits par les juridictions, à l’exception de ceux produits par la Cour de cassation612, ou par leurs membres dans le but de résoudre ou d’aider à la résolution d’un litige.

179. Les discours « ultra-juridictionnels » - Cette catégorie englobe d’abord des discours qu’on appellera « ultra-juridictionnels », c’est-à-dire les décisions des juges du fond qui sont contenues dans des jugements ou des arrêts. Il s’agit en effet de discours indispensables à la résolution judiciaire d’un litige qui prescrivent une interprétation de la loi en fonction de la volonté de leurs auteurs613. Par ailleurs, ces discours prescriptifs ne sont pas authentiques, comme le sont ceux contenus dans les arrêts de la Haute juridiction, car ils peuvent être remis en cause par l’appel ou le pourvoi en cassation. Ces décisions des juges du

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Cette présentation correspond à l’évolution d’un litige dans un processus contentieux classique. Il est toutefois possible qu’à l’issue de la première étape, un pourvoi soit immédiatement formé lorsque, pour diverses raisons qui tiennent notamment à l’enjeu financier du litige, le jugement de première instance est insusceptible d’appel. Il se peut également en cas de cassation prononcée par la Cour de cassation, que la juridiction de renvoi résiste et que cette résistance provoque l’intervention de l’Assemblée plénière. Ajoutons par ailleurs que ce ne sont pas forcément les justiciables qui sont à l’origine de l’exercice d’un recours, comme l’illustrent les pourvois exceptionnels pour excès de pouvoir et dans l’intérêt de la loi, sur ce point cf. supra n°10.

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Même si on se limitera à cette présentation pour répertorier tous les discours de la dogmatique opérative, il faut toutefois signaler qu’à côté de ces étapes classiques, on peut observer des étapes intermédiaires (comme le référé par exemple), distinctes (comme l’invocation d’une question prioritaire de constitutionnalité) ou subséquentes (comme la saisine de la CEDH, lorsque toutes les voies de recours internes sont épuisées).

612 Les discours opératifs sont prescriptifs mais se différencient des discours authentiques car dogmatiques, ils ne créent pas du droit, mais seulement des normes applicables. Sur ce point, cf. supra n°164 et s.

613 Bien sûr, les juridictions inférieures prennent souvent en compte les précédents de la Cour de cassation lorsqu’elles se décident (cf. infra n°344), mais, conformément à la TRI, elles restent libres d’interpréter les énoncés législatifs invoqués comme elles le souhaitent.

fond sont destinées aux parties concernées ainsi qu’à leurs représentants et sont généralement accessibles au public614.

180. Les discours pré-juridictionnels - À côté de ces discours ultra-juridictionnels, il existe des discours pré-juridictionnels, qui précèdent un jugement, un arrêt de cour d’appel ou un arrêt de la Cour de cassation.

181. Les rapports et avis produits par les magistrats - Il peut d’abord s’agir de rapports réalisés par des magistrats du siège, qui dépendent de la juridiction à laquelle ils sont rattachés, ou d’avis donnés par des magistrats du parquet, indépendants à l’égard des tribunaux615.

Dans la première hypothèse, les magistrats interviennent à tous les stades de la procédure. En première instance, par exemple, devant le TGI, le juge de la mise en état peut être sollicité par le président de la chambre saisi pour réaliser un rapport, écrit ou oral616. Exposant « l'objet de la demande et les moyens des parties, il précise les questions de fait ou de droit soulevées par le litige et fait mention des éléments propres à éclairer le débat »617. Une procédure analogue est prévue en appel, un des magistrats membres de la chambre concernée peut être chargé d’instruire une affaire qui n’est pas à même d’être jugée618. Devant la Cour de cassation, le président de la formation concernée par l’affaire, désigne un conseiller-rapporteur619 chargé de rédiger un rapport accompagné d’un avis et d’un ou plusieurs projets d’arrêts. Seul le rapport est rendu accessible aux avocats généraux et aux parties, « les autres documents établis par le rapporteur étant couverts par le secret du délibéré »620.

Dans la seconde hypothèse, et en matière civile, le ministère public intervient à tous les stades de la procédure mais n’est représenté qu’au sein des juridictions de droit commun (TGI, cour d’appel et Cour de cassation). Il peut agir à titre principal, il est alors considéré

614 De nombreux jugements et arrêts sont accessibles notamment sur le site Légifrance ou peuvent être transmis sur demande au greffe de la juridiction concernée.

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Les magistrats du parquet sont libres d’agir lorsqu’ils le souhaitent. Cette possibilité se transforme parfois en contrainte. V. S. Guinchard, G. Montagnier, A. Varinard [et al.], Institutions juridictionnelles, 12e éd., Paris, Dalloz, 2013, p. 845; n°826 : « le juge en matière civile peut toujours décider la communication d’un dossier au ministère public même dans les affaires non communicables, ce qui obligera le parquet à intervenir ».

616 V. Civ. 2ème, 23 oct. 1974, n°73-14.702, Bull. civ. II, n°274.

617 V. Art. 785 du CPC. Le juge de la mise en l'état peut également assister seul aux plaidoiries des avocats qui seront rapportées au tribunal pour l'aider dans son délibéré dès lors que les avocats ne s'y opposent pas, v. art. 786 du CPC. Une procédure similaire est également prévue devant le tribunal de commerce auprès duquel un juge est choisi pour instruire et présenter l’affaire au président de la formation, v. art. 861-3 à 871 du CPC.

618 V. art. 938 à 946 du CPC.

619 V. not. Art. 1012, 1013 et 1017 du CPC.

comme une partie dans le procès. Il peut également agir en qualité de partie jointe : « il n’est l’adversaire ni du demandeur ni du défendeur et il se contentera de présenter au tribunal son opinion (…) mais il est évident que le tribunal reste libre de sa décision »621.

Les rapports et les avis sont communiqués aux parties mais se destinent avant tout aux juridictions devant lesquels ils sont produits. Ils ne sont rendus publics que dans l’hypothèse où ils précèdent une décision considérée comme importante622. Il faut préciser que si la solution préconisée par l’avocat général est explicitée, le ou les projets d’arrêts réalisés par les rapporteurs sont couverts par le secret du délibéré623. En toutes hypothèses, ces écritures ne sont que des discours internes « où se trouvent tous les chemins interprétatifs que le juge a ou non suivis »624, il s’agit de travaux préparatoires à la décision qui ne lient pas les juridictions concernées.

182. Les avis de la Cour de cassation - À côté des rapports ou avis produits par des magistrats devant la juridiction amenée à statuer, il a également été institué une procédure facultative de saisine de la Cour de cassation pour avis. Ce mécanisme, déjà expérimenté devant le Conseil d’État625, a été créé en 1991 en matière civile626. Il permet aux juridictions inférieures de saisir la Cour de cassation afin de lui soumettre une question de pur droit nouvelle et sérieuse, posée par le litige627. Les réponses délivrées par la Haute juridiction sont formulées dans des avis destinés aux juridictions concernées, communiqués aux parties et

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S. Guinchard, G. Montagnier, A. Varinard [et al.], op. cit, n°836-1, p. 854.

622 Les arrêts d’Assemblée plénière sont souvent accompagnés, sur le site de la Cour de cassation, des avis et rapports les ayant précédés : v. par ex. le rapport et l’avis publiés suite à l’arrêt Ass. plén., 29 juin 2007, n°06-18.141, Bull. Ass. plén., n°7, à propos de la responsabilité des associations sportives.

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En ce sens, le rapport du conseiller rapporteur ressemble a priori à un discours scientifique qui expose l’état du droit positif en lien avec la question posée. En revanche, puisque le rapport est accompagné d’un avis et d’un projet d’arrêt, il est dogmatique au sens de notre définition puisqu’il est évaluatif.

624 D. Salas, « L’arrêt Perruche, un scandale qui n’a pas eu lieu », Justices, Hors-Série, 2001, p. 19.

625 V. art. 12 de la loi n°87-1127 du 31 déc. 1987 portant réforme du contentieux administratif, JORF, 1er janv. 1988, p. 7, devenu l’art. L. 113-1 du CJA : « Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'État, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'État ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai ».

626 Loi n°91-491 du 15 mai 1991 modifiant le code de l'organisation judiciaire et instituant la saisine pour avis de la Cour de cassation, JORF, 18 mai 1991, p. 6790, créant les articles L. 151-1 et s. du COJ : « Avant de statuer sur une demande soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, les juridictions de l'ordre judiciaire peuvent, par une décision non susceptible de recours, solliciter l'avis de la Cour de cassation qui se prononce dans le délai de trois mois de sa saisine. Il est sursis à toute décision sur le fond de l'affaire jusqu'à l'avis de la Cour de cassation ou, à défaut, jusqu'à l'expiration du délai ci-dessus mentionné. Toutefois, les mesures d'urgence ou conservatoires nécessaires peuvent être prises. L'avis rendu ne lie pas la juridiction qui a formulé la demande. Il est communiqué aux parties ».

627 Les conditions de recevabilité de la saisine ont progressivement été précisées par la Cour de cassation et sont clairement exposées in Rép. pr. civ., *Cour de cassation, par J. Boré et L. Boré, n°202 à 208.

sont accessibles au public628. Bien que ces avis ne lient pas en théorie les juges du fond629, ils participent en tout état de cause à la résolution du litige.

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