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Conventions orthographiques

A. K Narain le faisait remarquer dès les premières lignes de son livre The Indo Greeks Revisited and supplemented 48 : tout semble commencer avec Theophilus Bayer, en 1738, à

III) Le roi-guerrier

III.1.4 Les Yuezh

L’empire kouchan, émanation des envahisseurs yuezhi, est un des plus puissants de tous ceux qui soumirent le nord de l’Inde. Et pourtant peu de textes indiens leur sont consacrés, guère plus de textes grecs ou romains, et l’historien doit compter sur des sources chinoises, l’épigraphie252, l’archéologie et la numismatique pour tenter de faire sortir de

l’ombre une puissance de premier ordre.

Dans sa plus grande extension, en effet, l’empire kouchan englobe l’Ouzbékistan du sud, une grande partie de l’Afghanistan, le nord du Pakistan. Sous leur règne, le commerce international se développe, car des monnaies d’or sont fondues par Vima Kadphisès, qui met ainsi un terme dans la région au bimétallisme grec bronze-argent pour un bimétallisme bronze-or, affirmation d’une puissance économique et militaire incontestée dans la région ; ces monnaies d’or permettent des échanges stables favorisés par une paix enfin acquise et durable253. Mais pour l’historien, bien que zoroastriens, les Yuezhi devenus Kouchans seront des protecteurs de toutes les religions locales, à l’image de Kanishka au premier siècle de notre ère, et notamment du bouddhisme : Vima Kadphisès fait figurer sur ses monnaies des divinités iraniennes, gréco-romaines, et le Bouddha.

Les débuts d’une histoire prestigieuse sont souvent obcurs, ainsi en fut-il pour les Yuezhi. Tous s’accordent désormais sur la provenance géographique des tribus qui constituaient ce peuple : à l’est de l’Asie centrale, en Chine actuelle, peut-être dans la Chine centrale254, plus probablement en Chine du nord255; leurs portraits monétaires nous présentent des visages aux traits non mongols, car leurs yeux sont ronds, leur nez proéminent256 , mais les fresques et les témoignages archéologiques nous présentent d’eux un autre visage, comme à Khalčajan : « … les mêmes traits mongoloïdes avec les yeux étirés et obliques, les sourcils remontant vers les tempes, le front fuyant, le crâne aplati à l'arrière, les longs cheveux raides rejetés vers l'arrière et serrés dans un bandeau, la pilosité du visage limitée à de longs favoris et à des moustaches … » 257 . 252 Voir S IMS-WILLIAMS, 1996 et 2002. 253 STAVISKIJ, 1986, p. 192-193. 254

Sur ce point, pour avoir un point de vue chinois, lire YU T., 2011, avec page 9 une mise en relation des masques archaïques de la Chine centrale et de l’art méditerranéen qui nous semble un peu hasardeuse.

255 BARATIN, 2009, p. 372. 256 FUSSMAN, 2002, p. 2. 257 B ERNARD, 1987a, p. 760.

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F. Thierry 258 reconstitue à l’aide du Shiji et du Hou Hanshu le scénario probable de la venue des Yuezhi : en cinq étapes s’étalant sur environ 50 à 60 ans, les Yuezhi, poussés par d’autres peuples nomades, s’installent dans le nord de la Bactriane. Les textes antiques divergent sur les noms des différents peuples qui sont alors établis au nord de la Bactriane ; il est également difficile d’établir avec certitude si l’organisation des Yuezhi en cinq yabghus est antérieure à leur arrivée dans la région259, ou même ce qu’étaient véritablement ces yabghus, comment ils étaient structurés les uns par rapport aux autres260. C. Rapin propose la séquence suivante pour expliquer la fin de la Bactriane grecque sous les coups des nomades : « The eastern part of the Graeco-Bactrian kingdom, around the city of Ai Khanoum, is probably the first to have been overrun by nomads, seen in the evidence of two successive events of pillaging the ruins of the royal treasury », comme le prouvent les poteries scythes trouvées sur les lieux et dont une inscription est analogue à celle trouvée dans un kourgan. « A few years later, a second wave of nomads, which corresponds to the Yuezhi of the Chinese sources (the Tochari of the later classic sources), followed the same road and put a definitive end to urban life in the Hellenistic city of Ai Khanoum. Through the Chinese sources, we know that around 130 BC Bactria was still under the control of the first Scythian nomads (the Sai […]) and that not long after this date, the Yuezhi[…] crossed the Oxus to take full control of the region…»261

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On ignore quelle fut auparavant l’attitude des souverains de Bactriane face à ces nomades, s’ils commerçaient avec eux, mais le contraire semblerait étrange : B. Staviskij en effet rappelle que dans des tombes nomades, des kourgans, les archéologues russes découvrirent des objets, en nombre trop important et sur une trop grande ère géographique pour qu’on puisse les considérer seulement comme des restes de butin, provenant du monde hellénistique, et selon lui de Bactriane262, notamment des bagues-gemmes représentant Nikè ou Héraclès ; il conclut : « … on peut penser avec quelque vraisemblance que les tribus nomades qui détruisirent l’empire gréco-bactrien et s’installèrent dans les territoires de la Sogdiane et de la Bactriane du nord étaient familières aussi bien avec la culture des peuples de la steppe qu’avec celle des populations locales sédentaires de l’Asie centrale » 263

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258

THIERRY, 2005, p. 421-539.

259

C’est la thèse de YU, 1998, p. 30, reprise PAR LOESCHNER, 2008, p. 6.

260 G RENET, 2006, p. 325-341. 261 RAPIN, 2007, p. 50. 262 STAVISKIJ,1986,p.179. 263 S TAVISKIJ,1986,p. 180.

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On ignore également comment les Grecs résistèrent, ou si la destruction de la Bactriane hellénistique se fit aisément. Aï Khanoum paraît abandonnée à partir de 145, brutalement. Les remparts ne servirent à rien face aux cavaliers des steppes, dont on trouve une représentation sur une frise de Khalčajan264. P. Bernard y voit un combat de cavaliers Yuezhi contre des cataphractaires d’une autre tribu, alors que pour G. Pugačencova, qui a fouillé le site et reconstitué les éléments de la frise, cette scène illustre la défaite de la cavalerie grecque bactrienne constituée de lourds cataphractaires contre les Yuezhi265. Quelle que soit l’interprétation choisie, celle de P. Bernard paraissant plus probable en raison des comparaisons qu’il établit avec d’autres scènes de poursuites guerrières dans l’art scythe, les attitudes, les armes, les gestes furent probablement ceux-là lors des combats ultimes devant les villes de Bactriane.