• Aucun résultat trouvé

Conventions orthographiques

A. K Narain le faisait remarquer dès les premières lignes de son livre The Indo Greeks Revisited and supplemented 48 : tout semble commencer avec Theophilus Bayer, en 1738, à

IV) Gouverner le royaume

IV.1.1 La vie de cour

La vie de cour d’un roi grec d’Asie, l’existence même d’une cour royale, nous sont inconnues. Alors que la vie de cour macédonienne (pour nous en tenir à ce seul domaine) nous est connue par des textes de Polybe et de Diodore, dans le domaine asiatique seuls quelques indices de cette réalité politique essentielle dans le monde hellénistique484 sont observables. Il paraît invraisemblable, d’ailleurs, que les souverains grecs n’aient pas eu de cour autour d’eux485

: succédant aux Achéménides et aux Séleucides qui régnaient sur une cour vaste et progressivement hiérarchisée, ils étaient en outre voisins des cours indiennes dont des représentations nous ont été transmises par les plaques d’ivoire découvertes à Begram.

Cette ville, située dans la plaine afghane de la Kapisa, à 60 km au nord de Kaboul, fut fortifiée par Alexandre le Grand qui en fit son Alexandrie du Caucase486. Les fouilles menées à Begram par des archéologues différents, J. et R. Hackin, J. Meunié, R. Ghirshman,

484

Afin de ne pas surcharger cette étude, nous renvoyons à l’abondante bibliographie de SAVALLI-LESTRADE, COGITORE, 2000, p. 313-360.

485 Ajoutons, brièvement, car la documentation historique est abondante, que la vie royale hellénistique et les

aspects formels qui la caractérisent (palais, diadème, sceptre, rituel et culte, jusqu’aux vêtements et aux coiffures) ont laissé une trace durable sur l’empire romain et sur l’empire byzantin, puis à travers eux sur les royautés européennes médiévales. Pour une analyse historique et sociologique de la cour royale, voir KRUEDENER,1973 : l’auteur développe une pertinente analyse de la cour royale en tant que centre politique, administratif, symbolique et représentatif voir théâtral du pouvoir.

486 B

154

permirent à J. et R. Hackin de mettre au jour en 1937 un trésor composite et spectaculaire constitué d’éléments de mobilier en ivoire, de verreries, de médaillons modèles d’orfèvrerie, de laques chinois487. Parmi les ivoires, une dizaine de plaques représentent des décors que l’on s’accorde désormais à considérer comme des scènes de palais488

. Scènes de banquets, scènes intimes entre femmes, ces fines plaques de 7 à 8 cm de haut et de 13 à 20 cm de large, sont des scènes de joie et de lascivité dans un riche décor, vécues par des femmes couvertes de bijoux et aux cheveux artistiquement ouvragés. Les difficultés de datation du site, non résolues, obligent à envisager une large fourchette temporelle, du Ier siècle avant notre ère au IVème, de même que l’origine indienne des ivoires interdit de les présenter pour des illustrations de la vie de cour des rois grecs. Mais nous tenons peut-être ici une évocation, idéale sans doute mais dans des proportions inconnues, de la vie de cour telle qu’elle se déroulait aux frontières mêmes des royaumes grecs, et à laquelle peut-être, mais le saurons- nous un jour, les derniers souverains indo-grecs régnant dans le Pakistan actuel se seraient convertis.

Ces rois grecs ne répugnèrent sans doute ni aux arts ni aux raffinements. On devine ainsi le luxe dont ils s’entouraient aux richesses de ce même trésor de Begram : qu’il s’agisse d’un trésor caché par peur d’ennemis ou d’envahisseurs (hypothèse de J. Hackin), d’un entrepôt de type commercial (hypothèse de S. Mehendale) ou d’un dépôt votif fait par des nomades (hypothèse de P. Veyne)489 on ne peut qu’être ébloui par la richesse et la qualité des objets. Qui d’autre qu’un roi, si ce n’est un sanctuaire (en ce cas les objets pourraient être des cadeaux royaux), pouvait accéder à la possession de tels objets ? Les verres retiennent particulièrement l’attention : très probablement d’origine romaine mais manufacturés à Alexandrie,490 ils témoignent tout d’abord de la persistance des rapports entre l’Égypte, restée centre de diffusion et de rayonnement culturel pour les milieux hellénisés d’Orient. Mais la complexité et la variété des techniques employées491 font de ces pièces des objets d’exception

487 Pour une description du contexte historique des fouilles Hackin, voir : O

LIVIER-UTARD,2003, p. 107-125.

488

Présentées ainsi dans l’ancien guide du Musée de Kaboul DUPREE, DUPREE HATCH, MOTAMEDI, 1974, p. 41 et par CAMBON, JARRIGE, 2007, p. 244-246.

489

CAMBON, JARRIGE, 2007, p. 90. Nous relayons ici les trois hypothèses que P. Cambon résume dans sa présentation du trésor de Begram, et plus spécifiquement des ivoires ; pour une bibliographie détaillée de ces ivoires, voirCAMBON,JARRIGE,2007, p. 210-211. Il n’existe pas d’indice archéologique permettant de trancher la question de façon décisive ; cependant, compte tenu de la profusion de trésors monétaires découverts dans la région, il paraît logique de privilégier les hypothèses formulées par J. Hackin, celle de P. Veyne pouvant aussi se justifier tant le trésor est composé d’objets de provenances et de natures différentes.

490 C

AMBON,JARRIGE,2007,p. 94 : l’auteur s’appuie sur les résultats des analyses du Centre de Recherche sur les

Archéomatériaux (Centre Ernest Babelon).

491

DELACOUR,1993, p. 53-71 : l’auteur s’attache, après avoir évoqué les circonstances de la découverte des verres, à ceux qui sont aillés, gravés, en relief, et aux différentes techniques mises à contribution.

155

dès leur origine : vases à décor de résille, flacons ichthyomorphes, pâte du type millefiori sont cependant éclipsés par les gobelets peints, conservés à Paris ou à Kaboul. L’un d’entre eux, conservé à Kaboul, décrit une chasse (sans doute aux léopards) 492 : cette scène ne pouvait avoir valeur d’évocation que pour quelques membres de l’aristocratie heureux de retrouver dans un objet de prix la marque des privilèges de leur caste493.