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Conventions orthographiques

A. K Narain le faisait remarquer dès les premières lignes de son livre The Indo Greeks Revisited and supplemented 48 : tout semble commencer avec Theophilus Bayer, en 1738, à

II) Les sources

II.2.3 Les sources chinoises

Trois sources chinoises concernent la Bactriane, puis les anciens territoires indo- grecs. Ce sont des textes historiques, mais les territoires d’Asie centrale anciennement

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grecque n’y sont mentionnés que dans les limites d’un projet historiographique particulier à la Chine201.

(a) Le Shiji est l’œuvre de Sima Qian (140-87 av. J.C.). Au chapitre 123 sont compilées des informations émanant des rapports d’ambassades, chinoises et étrangères. L’auteur utilise le rapport que Zang Qian a rédigé à son retour, en 125, à la demande de l’empereur des Hans de l’Ouest. Zang Qian est le plus précis des contributeurs à cette partie du Shiji, et les informations qu’il fournit sont nombreuses, bien que parfois difficiles à interpréter en raison d’une onomastique chinoise sujette à traductions diverses.

(b) Le Hanshu est l’histoire des Hans de l’Ouest, c’est une histoire officielle, commencée par Ban Biao (3-54), poursuivie par son fils Ban Gu (32-95), et terminée par sa fille Ban Zhao (48-116). L’œuvre couvre les événements s’étant produits de 210 à 23 av. J.C. et les deux ouvrages Shiji et Hanshu se recoupent sur certains points, se complètent sur d’autres202

. Nous y retrouvons Zang Qian, au chapitre CCVIa. Ce sont des documents diplomatiques : en effet, les Chinois dont les frontières étaient menacées par les nomades, avaient décidé de proposer une alliance de revers aux Yuezhi ; de 59 à 16 av. J.C., un service administratif spécial est organisé, « Le Protectorat Général », qui collationne les renseignements figurant désormais dans le Hanshu. A partir de 126 de notre ère, les contacts diplomatiques sont rompus. Le Hanshu, constitué de notices ethnographiques, climatiques, routières et parfois politiques, présente ainsi trois paragraphes concernant le Daxi (c’est-à-dire la Bactriane) et les régions limitrophes203.

(c) Deux autres textes sont parfois cités par les historiens, mais il est nécessaire de n’y faire référence qu’avec précaution : le Hou Hanshu et Le Rapport du voyage en Occident à l'époque des Grands Tang de Xuanzang.

201

On trouve de bons développements historiographiques, et des traductions, dans les ouvrages suivants : WATSON, 1962, p. 231-246 ; HULSEWÉ, 1979, p. 3 à 12 notamment ; THIERRY, 2005, p. 421-539.

202 « The Shih-chi is framed as a general history of China, starting from remote antiquity and continuing until

the lifetime of the compiler, i.e., c. 90 B.C. The Han-Shu is the history of China during the Former, or western, Han dynasty ; and in principle it covers the period from the foundation, in 202 B.C. (including the earlier career of the founder, from c. 210), to the fall of Wang Mang in A.D. 23. However, for the period from 210 to c. 90, i.e., the period which the two histories overlap, the two works do not present different or indifferent accounts ; with some important exceptions the texts are identical » :HULSEWÉ, 1979, p.11.

203 Voici, par exemple, dans la traduction de B. W

ATSON, le paragraphe sur le Daxia dans le chapitre 123 : « Daxia

(bactria) is situated over 2,000 li southwest of Dayuan, south of the Gui River. Its people cultivate the land and have cities and houses. Their customs are like those of Dayuan. It has no great ruler but only a number of petty chiefs ruling the various cities. The people are poor in the use of arms and afraid of battle, but they are clever at commerce. After the Great Yuezhi moved west and attacked and conquered Daxia, the entire country came under their sway. The population of the country is large, numbering some 1,000,000 or more persons. The capital is called the city of Lanshi (Bactra) and has a market where all sorts of goods are bought and sold».

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Le Hou Hanshu fut composé à date plus tardive, entre 424 et 445, par Fan Ye (398- 445). On peut y lire, au chapitre 10 une notice sur les Parthes, au chapitre 11 et 12 une notice sur l’empire romain, au chapitre 13 une longue notice sur les Kouchans, aux chapitres 14, 15, 16 et 17 des informations sur l’empire kouchan et la Sogdiane. Bien que difficilement crédible et peu sûr204, le Hou Hanshu a provoqué de nombreuses hypothèses en raison d’une allusion faite à la région du Gaofu, et à un souverain : Qiujiuque. Tous les historiens s’accordent à reconnaître en Qiujiuque Kudjula Kadphisès, fondateur de l’empire des Kouchans, issu de l’invasion Yuezhi.

L’identification de Gaofu pose problème, puisque ce terme a été interprété comme désignant un territoire ou une principauté. De façon connexe, identifier le Gaofu permet également de clarifier la question de la présence des nomades Yuezhi dans la région, et celle des dates supposées de leur invasion. F. Grenet, usant de la toponymie et de la linguistique, localise cinq Yabghus yuezhi dont le Gaofu du Han Hanshu ne serait qu’un élément ; ces unités territoriales, dont nous ne savons rien de sûr quant à l’organisation politique, et en particulier comment elles étaient fédérées, auraient été réunies par Kudjula Kadphisès vers le milieu du premier siècle pour former l’empire kouchan. Des documents chinois, récemment découverts et traduits, attestent de la venue d’ambassadeurs yuezhis à la cour de l’empereur de Chine, et nous permettent d’envisager un pouvoir yuezhi dans cette région d’Asie centrale au Ier siècle avant notre ère, rendant par là-même crédible l’hypothèse d’une invasion vers les années 70 av.J.C.205

Enfin, Le Rapport du voyage en Occident à l'époque des Grands Tang de Xuanzang fut écrit par un moine bouddhiste du septième siècle qui vécut de 602 à 664. Son évocation n’apporte directement rien à notre étude, si ce n’est une description des lieux, des climats, des fleuves de cette région par laquelle il passa. Nous n’avons pas de plus précise description de la Bactriane que la sienne, bien qu’elle soit tardive : elle nécessite un effort d’imagination, et si les Grecs n’ont, bien entendu, pas couvert les plaines de monastères et les collines de stupas, la géographie était la même.

Les Chinois n’ont donc qu’indirectement traité la région, les peuples qui y vivaient, et l’on ne trouve nulle mention des Grecs dans leurs travaux. Faut-il en être déçu ? Nous savons

204 F. Thierry émet des doutes sur la fiabilité d’un texte tardif fruit de compilations diverses ; on peut également

consulter la critique du Hou Hanshu dans l’ouvrage de CURTIS,STEWART, 2007, p. 96-99.

205

Sur la localisation des Yabghus et les documents chinois, GRENET, 2006 [2007], p. 325-341 ; sur la question du Gaofu et la date d’une invasion yuezhi, WIDEMANN, 2009, p. 401-403 : les arguments de F. WIDEMANN réfutant

les dates proposées jadis par O. BOPEARACHCHI tombent désormais puisque l’archéologie atteste de la présence dans la région de la Bactriane, au premier siècle, d’un fort pouvoir yuezhi, voir sur ce point GRENET, 2006, p. 338.

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grâce à eux que l’apogée du pouvoir grec était belle et bien dépassé au Ier

siècle av. J.C., au point qu’un rappel (s’ils en avaient eu connaissance) ne leur en paraissait pas nécessaire. Enfin, comme l’écrit C. Baratin, « ces textes chinois nous offrent une ressource, précieuse quoique indirecte : une histoire suivie et dynamique des vastes mouvements de population en Asie centrale et en Bactriane qui ont entraîné à partir du IIème siècle avant notre ère une entière recomposition des constellations ethniques et politiques aux confins orientaux de l’empire parthe » 206.