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III- Vers quelle ville migrer ?

3.2 Une ville où s’établir

Les répondants de notre échantillon pour qui le projet de migration se pose en termes de carrière professionnelle ou de vie personnelle tendent eux à articuler leur projet à la ville de destination au Québec au-delà des trois années de formation professionnelle. Pour certains des répondants, la possibilité de s’insérer rapidement sur le marché du travail est un des principaux aspects considérés dans le choix de la ville de destination au Québec : « J’ai regardé la dynamique au niveau de l’établissement et au niveau de la ville et c’est vrai qu’il y avait un bon nombre de placements après le diplôme dans mon domaine. J’ai donc choisi ici » (Martine). Les propos de Jean abondent dans le même sens : « Là-bas, les perspectives d’emploi sont de 100%. Alors qu’on est en voie d’obtenir notre diplôme, les employeurs viennent déjà recruter sur les bancs d’école ». Au-delà de l’intention de s’établir au Québec à plus long terme, ces répondants démontrent a priori la volonté d’ancrer en un lieu leur projet de carrière professionnelle ou de vie personnelle, c’est-à-dire de faire coïncider le lieu d’accueil et le lieu d’installation à long terme.

Il en va de même pour d’autres jeunes étudiants Réunionnais visant le long terme, cependant que les contraintes formelles encadrant le projet de migration les obligent à considérer la ville de destination sous un tout autre aspect. Le choix du lieu d’accueil relève essentiellement de la morphologie de la ville de destination dans sa position relative. Viviane considère intéressant le cadre de la ville de destination que lui vante une amie qui réside dans une ville voisine, mais elle se laisse surtout convaincre par la proximité avec la ville de Québec : « Je l’ai contactée, elle m’a dit un peu comment c’était la région. Là, ensuite, je me suis dit que ça avait l’air pas mal intéressant, c’est petit, mais c’est quand même proche de Québec ». Si le projet de Viviane qui migre avec son conjoint est de s’installer au Québec à plus long terme, il lui semble aller de soi que cette installation se rapporte à une ville plus grande que celle où va se dérouler la formation professionnelle : « On savait qu’on allait faire nos études là-bas, mais qu’après on allait partir dans une grande ville ». Migrer dans une grande ville comme intention a priori fait partie intégrante du projet d’installation à long terme pour

certains des répondants comme Viviane. En ce sens, le choix du lieu d’accueil est déterminé sur la base de sa proximité géographique avec la ville où on envisage une installation à long terme. Quand l’intention au départ de La Réunion est de s’installer à plus long terme dans la ville de Montréal, le choix du lieu d’accueil se rapporte alors aux villes les moins éloignées de Montréal comme en témoignent les participantes suivantes : « J’ai choisi cette ville parce que je voulais vraiment me rapprocher le plus possible de Montréal » (Sandra). Michèle nous rapporte les mêmes justifications quant à son choix de lieu d’accueil : « En me renseignant sur le Québec en général, c’était plus Montréal qui m’intéressait pour travailler ensuite, et c’était vraiment la ville la plus proche de Montréal ». La proximité du lieu d’accueil avec la ville de Montréal est fondamentale, dans la mesure où elle permet de se familiariser plus aisément avec la ville où on envisage d’ancrer son projet de vie, comme le souligne Lise : « on est vraiment à une heure et demi, ce n’est pas comme si on était perdu à Rimouski et qu’il fallait descendre à Montréal un week-end quoi ! ».

Conclusion

Dans ce premier chapitre d’analyse, nous avons cerné les différentes modalités de départ des jeunes Réunionnais que nous avons rencontrés. Le tableau ci-après situe les quatre modalités de départ selon que le projet de migration s’inscrit dans un temps plus ou moins long. Nous précisons pour chacun des types de projet de migration la distribution des seize participants.

Durée prévue et principal objet du projet individuel

Temps court Temps long

Formation professionnelle (5) Carrière professionnelle (5) Voyage d’études (3) Vie personnelle (3)

En s’engageant dans un projet de mobilité étudiante au Québec, le récit des jeunes étudiants Réunionnais laisse transparaître des intentions différentes selon la représentation qu’ils ont de leurs propres expériences, de leurs aspirations personnelles et du contexte économique et social de La Réunion. Leur projet de mobilité étudiante au Québec révèle quatre modalités de départ, dont la temporalité donne à voir deux types de projet de migration. Pour certains des jeunes, le projet de migration au Québec correspond à la possibilité de poursuivre une formation professionnelle de niveau supérieur. Pour d’autres jeunes, le projet prend la forme d’un voyage d’études dans le sens de découvertes culturelles et d’enrichissement personnel, expériences qu’on souhaite réaliser au cours de sa « jeunesse » avant « l’entrée dans la vie d’adulte ». Ces deux modalités de départ forment un premier type de projet de migration appréhendé dans le court terme et procèdent d’un retour vers La Réunion envisagé explicitement a priori à la fin du temps de formation ou de voyage. La représentation d’un monde de mobilités caractérise particulièrement le récit des jeunes Réunionnais engagés dans ce type de projet de migration pour qui la construction du projet de vie à La Réunion nécessite d’inscrire dans leur parcours des temps de migration.

Pour d’autres jeunes, le projet de migration au Québec se décline en deux autres modalités de départ formant un deuxième type de projet de migration qui s’inscrit dans un temps long. Celui-ci vise la construction d’un projet de vie au Québec où la carrière professionnelle (au sens de la stabilité d’emploi ou d’ascension sociale) ou encore soustraire sa vie personnelle de la pression sociale exercée par la famille et le réseau de voisinage sont des motifs centraux. Le Québec représente pour ces jeunes un espace où il est possible a priori d’ancrer un projet de vie acculé à une impasse dans l’environnement d’origine.

Le choix du lieu d’accueil pour toute la durée de la formation professionnelle de trois ans au départ de La Réunion est déterminé en fonction du type de projet de migration. Dans le cadre d’un projet de migration à court terme, ce sont les caractéristiques propres à l’établissement d’enseignement ou les attraits de la ville comme destination touristique qui importent dans le choix du lieu où on compte s’installer le temps de son projet d’études. Quand le projet de migration reflète la volonté de s’établir au Québec à plus long terme, la morphologie de la ville de destination tant au niveau de la structure même de la ville que de sa position

géographique par rapport à une grande ville où on envisage de s’installer à long terme au Québec est le critère qui détermine le choix du lieu d’accueil. Avant même l’expérience de migration comme telle, certains des jeunes Réunionnais de notre échantillon projettent déjà une migration secondaire vers une plus grande ville ou de manière plus explicite vers la ville de Montréal. Tel est le cas pour trois des participants. Deux participantes ont choisi la ville de Trois-Rivières et une participante la ville de Sherbrooke en ayant comme intention de migrer à Montréal pour s’y installer à plus long terme.

Chapitre 7.

De la ville imaginée à la ville représentée

Le projet de migration des participants à notre étude dans ses différentes modalités suppose un choix de ville d’accueil où doit se dérouler la formation professionnelle collégiale au Québec. Selon les intentions au-delà du projet d’études, les jeunes étudiants font le choix d’une ville d’accueil plutôt que d’une autre d’après ce qu’ils en découvrent en cherchant de l’information, et d’après ce qu’ils en imaginent, ainsi que nous l’avons exposée dans la dernière section du chapitre précédent. Ce chapitre expose l’analyse des données recueillies sur la représentation que les jeunes de notre échantillon ont de la ville d’accueil, qui varie selon leur expérience vécue. La manière dont ils conçoivent et s’approprient leur nouvel environnement (première section du chapitre) témoignent d’une manière de vivre l’espace de la ville d’accueil dans ses aspects morphologique (section II du chapitre) et relationnel (section III du chapitre).